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5. Les effets des tannins chez les ruminants non-parasités

5.2 Effets des tannins condensés

5.2.3 Palier aux effets néfastes des tannins condensés

Pour palier aux effets néfastes des TCs, des phénomènes adaptatifs ont été observés chez les ruminants consommant des plantes riches en TCs. Par ailleurs, des procédés d’inactivations des TCs, soit par l’administration de polyéthylène glycol (PEG, inhibiteur de tannins) soit par des traitements chimiques des sources de TCs, ont été mis au point.

Adaptations des ruminants à la consommation de tannins condensés Les ruminants sont parfois classés en fonction de leur comportement alimentaire (Mc Arthur et al., 1991; Morand-Fehr, 2005):

~ Les « brouteurs » sont inféodés strictement à l’herbe (les ovins et les bovins). ~ Les « cueilleurs » se nourrissent de plantes arbustives (les cervidés).

~ Les « mixtes » se nourrissent d’herbe mais sont aussi capables d’exploiter le parcours arbustif (les caprins).

Dans un environnement arbustif, les chèvres et les moutons n’exploitent pas les mêmes espèces végétales puisque les moutons exploitent le niveau herbacé en priorité alors que les chèvres préfèrent le niveau arbustif (Pfister et al., 1988), comme l’ont récemment illustré Rogosic et al. (2006) en système d’exploitation du maquis méditerranéen.

Ces trois catégories de comportements alimentaires correspondent à des niveaux différents d’ingestion de tannins, et en particulier de TCs (Mc Arthur et al., 1991). Les ruminants brouteurs consomment essentiellement des plantes herbacées pauvres en TCs. A l’inverse, les ruminants cueilleurs consomment, en proportion, beaucoup plus de plantes ligneuses riches en TCs.

Les ruminants cueilleurs seraient donc plus aptes à consommer des plantes à tannins grâce à des adaptations physiologiques et anatomiques, alors que les brouteurs auraient dévellopé des adaptations comportementales pour éviter ces

mêmes plantes (Mc Arthur et al., 1991; Provenza et al., 2003). Ainsi, Silanikove et al. (1996) ont montré que les chévres étaient capables de consommer des feuilles de pistachier, ayant une teneur en TCs de 20,5% de la MS, sans présenter des signes d’intoxication.

Les adaptations comportementales :

Les ruminants brouteurs peuvent développer des comportements d’évitement des plantes à tannins suite à des expériences individuelles ou à des interactions sociales d’apprentissage au sein du groupe (Mc Arthur et al., 1991). Une première consommation de plantes à tannins, en particulier celles riches en THs, ayant entraîné un malaise chez l’animal, le conduira à réduire sa consommation ultérieure. De même, les jeunes ruminants vont apprendre à éviter les plantes toxiques au contact de leur mère et des aînés du groupe (Morand-Fehr, 2005).

Les adaptations anatomiques et physiologiques :

Les ruminants décrits comme « cueilleurs » ont des caractéristiques anatomiques et physiologiques qui leur permettraient de s’adapter à une plus grande consommation de TCs.

Les glandes salivaires et la salive :

Anatomiquement, les ruminants cueilleurs ont des glandes salivaires plus développées que les brouteurs. Elles sont aussi à l’origine de sécrétions salivaires plus importantes (Hofman, 1989).

De plus, des mécanismes de détoxification ont aussi été identifiés chez les animaux ingérant régulièrement des TCs. Chez les ruminants, la première ligne de défense contre les tannins serait la sécrétion de protéines salivaires particulières, participant au leur piégeage (Mc Arthur et al., 1991; Zimmer et Cordesse, 1996; Makkar, 2003). Dans la salive de cervidés, un groupe de protéines a notamment été identifié, caractérisé par une composition riche en proline et hydroxyproline : ce sont les PRPs (Juntheikki, 1996). Ces PRPs ont la capacité de fixer, complexer et précipiter les tannins (Juntheikki, 1996; Clauss et al., 2003; Makkar, 2003; Haslam, 2007). Ces protéines auraient une structure spécifique qui leur permettrait d’avoir une affinité élevée pour les tannins habituellement ingérés par l’animal (Zimmer et Cordesse, 1996).

Les PRPs ont été d’abord identifiées dans la salive de cervidés et ensuite détectées dans celle de caprins, mais pas chez les bovins et les ovins (Austin et al., 1989; Dominigue et al., 1991; Juntheikki, 1996). Toutefois, chez les ovins et les bovins, il a été montré que la consommation d’une ration riche en tannins a induit la production d’autres classes de protéines (les ‘PRP-like proteins’), affines pour l’acide tannique et capables de complexer des tannins (Makkar, 2003).

Dégradation des complexes ‘protéine-tannin’ par des bactéries du rumen :

Chez les ruminants domestiques ou sauvages, certains micro-organismes du tractus digestif pourraient jouer un rôle important dans la dégradation des complexes protéines-tannins (Mc Arthur et al., 1991; Brooker et al., 1994; Zimmer et Cordesse, 1996; Brooker et al., 2000; Goel et al., 2007). Singh et al. (2001) ont montré que certains micro-organismes, présents dans le fluide ruminal de bovins n’ayant jamais consommé de tannins, ont la propriété de dégrader in vitro l’acide tannique. De même, des entérobactéries, telles que Streptococcus caprinus, Streptococcus bovis, Eubacterium oxidoreducens ou Selenomonas ruminantium, capables de dégrader les complexes protéines-tannins, ont été identifiées chez des caprins (Skene et Brooker, 1995; Brooker et al., 2000; Mc Sweeney et al., 2001; Min et al., 2003). Récemment, Goel et al. (2007) ont isolé, dans les matières fécales de chèvres n’ayant jamais ingéré des tannins, des souches de streptocoques résistants à l’acide tannique.

Cette capacité de certains micro-organismes à survivre dans un environnement riche en tannins et de dégrader les complexes protéines-tannins s’expliquerait par la présence d’un équipement enzymatique particulier (tannases). Cependant, les mécanismes mis en jeu restent encore mal connus (Zimmer et Cordesse, 1996; Brooker et al., 2000; Mc Sweeney et al., 2001; Makkar, 2003).

Inactivation des tannins condensés

Distribution de PEG aux animaux consommant des tannins condensés :

Le polyéthylène glycol (PEG) est un polymère qui a la propriété de fixer les tannins et ainsi, de les inactiver (Rogosic et al., 2008). La distribution de PEG aux ruminants consommant des plantes riches en TCs permettrait donc théoriquement de limiter leurs effets néfastes, en les neutralisant (Mueller-Harvey, 2006; Waghorn, 2008 in press).

De nombreuses études in vitro ont confirmé que le PEG inactivait les TCs et réduisait leur effets sur la digestibilité ruminale mesurée par la production de gaz

(Cabral Filho et al., 2005; Rubanza et al., 2005; Alipour et Rouzbehan, 2007; Mlambo et al., 2007).

Toutefois, les études in vivo sur l’addition du PEG à la ration ont montré des résultats plus controversés (Perevolotsky et al., 2006; Rogosic et al., 2008). En général, l’administration de PEG a induit une restauration voire une augmentation des niveaux d’ingestion de plantes riches en TCs (Gilboa et al., 2000; Decandia et al., 2007 in press; Rogosic et al., 2008; Waghorn, 2008 in press). Cependant, Decandia et al. (2000) n’ont observé aucun effet de l’incorporation de PEG à la ration de chèvres exploitant le parcours arbustif méditerranéen.

De plus, l’administration de PEG aux animaux consommant des TCs a été associée à des restaurations de la digestibilité apparente comparable à celle des animaux témoins (Salawu et al., 1997; Aharoni et al., 1998). Cet effet s’expliquerait par une levée de l’inhibition des dégradations bactériennes par excés de TCs dans le rumen (Guimarães-Beelen et al., 2006).

Enfin, de meilleures performances zootechniques ont été signalées lors de l’ingestion de PEG simultanément aux TCs (Decandia et al., 2000; Gilboa et al., 2000; Waghorn, 2008 in press). Ainsi, une augmentation de la production de lait ou de gain de poids a été observée chez des ruminants consommant des plantes riches en TCs et recevant du PEG (Gilboa et al., 2000; Landau et al., 2002; Atti et al., 2003; Waghorn, 2008 in press).

Cet effet du PEG semble étroitement lié à la quantité de TCs ingérée par les ruminants (Ben Salem et al., 2005). Chez des ovins recevant du quebracho, Villalba et Provenza (2001) ont constaté une auto-régulation de la consommation de PEG en fonction de la teneur en TCs dans la ration.

Inactivation des tannins condensés par des traitements chimiques :

La deuxième possibilité pour inactiver les TCs de la ration est de traiter les plantes avec de l’hydroxyde de calcium, qui fixe et précipite les TCs, ou avec de l’acide chlorhydrique, qui les détruit (Wina et al., 2005; Mueller-Harvey, 2006; Rogosic et al., 2008).

Dans une étude récente, le traitement des feuilles d’ Acacia villosa avec de l’hydroxyde de calcium ou avec de l’acide chlorhydrique a induit une réduction de la teneur en TCs, respectivement, de 52% et 34%, une réduction de la production de gaz, respectivement de 50% et 21% ainsi qu’une augmentation du gain de poids des chèvres pour les deux traitements (Wina et al., 2005).

6. Les effets des tannins condensés sur les nématodes gastro-