• Aucun résultat trouvé

3. Les méthodes alternatives aux anthelminthiques de synthèse

3.2 Améliorer la résistance de l’hôte

L’amélioration de la résistance de l’hôte est une stratégie pouvant reposer soit sur la sélection d’animaux résistants aux nématodes GIs, soit sur la vaccination, soit sur l’amélioration de la ration alimentaire de l’hôte.

3.2.1 La sélection d’animaux génétiquement résistants

La sélection d’animaux résistants aux nématodes GIs est une approche envisagée depuis longtemps pour réduire l’emploi d’AHs des synthèse (Albers et al., 1987; Windon, 1996; Baker et al., 1998; Pomroy, 2006), car une telle sélection permettrait en théorie une réduction des infestations chez l’hôte et une diminution progressive de la contamination des pâturages (Windon, 1996; Baker et al., 1998).

La variabilité génétique de la résistance aux nématodes GIs a été signalée soit entre races, soit entre individus d’une même race (Urquhart et al., 1996; Baker et al., 1998; Jackson et Miller, 2006; Bishop et Morris, 2007). Ainsi, des études, menées en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique et en Europe, ont permis d’identifier des races ovines résistantes, telles que le Red Massai au Kenya (Lahlou Kassi et al., 1994) et le Rhön en Allemagne (Gauly et Erhardt, 2001). Par ailleurs, des lignées d’animaux plus résistants aux infestations ont aussi été sélectionnées chez les ovins (Albers et

al., 1987; Woolaston et Baker, 1996). Des études similaires sur la résistance génétique inter-race (Baker et al., 1998; Vagenas et al., 2002) et intra-race (Patterson et al., 1996b; Patterson et al., 1996a) ont été réalisées chez les caprins.

Le critère d’identification le plus fréquemment utilisé pour évaluer la résistance d’un hôte est l'excrétion fécale des œufs de nématodes (Douch et al., 1996; Gray, 1997; Baker et al., 1998; Gruner et al., 2001; Pomroy, 2006). Toutefois, d’autres marqueurs phénotypiques de l’hôte, tels le degré d’anémie (hématocrite), l’évolution pondérale ou des paramètres immunologiques (niveau d’anticorps), ont parfois été retenus pour la sélection (Douch et al., 1996; Baker et al., 1998). De nombreuses études ont été et sont encore menées dans le but d’identifier les marqueurs moléculaires et génétiques de cette résistance (Douch et al., 1996; Gray, 1997; Bishop et Morris, 2007; Ingham et al., 2008).

La sélection d’animaux résistants peut également présenter certaines limites telles le risque d’une augmentation de la sensibilité des hôtes à d’autres pathogènes (Gruner et al., 1998) ou un effet défavorable sur la productivité (Stear et Murray, 1994; Gray, 1997). De plus, ces sélections d’animaux résistants restent des programmes à long-terme qui doivent prendre en compte les conditions locales d’élevage, la disponibilité des races présentes et les objectifs de l’élevage (Windon, 1996; Pomroy, 2006).

3.2.2 La vaccination

Le principe de la vaccination consiste à mettre en contact préventivement l’hôte avec de très faibles doses d’antigènes parasitaires de manière à stimuler ses défenses immunitaires et ainsi, à le protéger contre toute attaque future par ces mêmes agents pathogènes (Waller et Thamsborg, 2004; Jackson et Miller, 2006; Ketzis et al., 2006). L’idée d’une vaccination contre les nématodes GIS n’est pas nouvelle puisque les premières études datent des années 1960s par l’utilisation de L3s irradiées d’H.contortus et de T.colubriformis (Mulligan et al., 1989). Par la suite, les études se sont intéressées aux antigènes isolés des nématodes GIs (Newton, 1995).

Quatre catégories d’antigène parasitaire ont été identifiées et examinées pour leur propriétés immunogènes: 1) des homogénats totaux de vers adultes (Schallig et al., 1997 ), 2) des produits d’excrétion-sécrétion (Takáts et al., 1995; Schallig et al., 1997 ), 3) des antigènes dits « cachés » (protéines des cellules digestives) (Newton, 1995; Andrews et al., 1997; Knox et Smith, 2001; Muleke et al., 2007), ou 4) des antigènes purifiés de surface des L3s (Newton, 1995; Jacobs et al., 1999).

En raison de sa fréquence et de son pouvoir pathogène, H.contortus a fait l’objet de la plupart des études qui ont permis l’identification d’antigènes potentiels pour l’élaboration de vaccins. A ce jour, les essais de vaccin ayant donné les résultats les plus probants ont été réalisés avec l’antigène caché H11, qui est une glycoprotéine membranaire (110KDa) des microvillosités intestinales d’H.contortus (Smith et al., 1994 ; Andrews et al., 1997; Karanu et al., 1997; Munn, 1997; Knox et Smith, 2001).

Malgré des résultats prometteurs, la stratégie d’une vaccination contre les nématodes GIs rencontre encore plusieurs limites. En effet, des différences d’efficacité des vaccins ont été observées en fonction de l’âge ou du statut des animaux (Jasmer et Mc Guire, 1991). En particulier, les défaillances de réponse immunitaire des jeunes animaux et des mères autour de la période de mise bas complique l’utilisation d’un vaccin (Waller et Thamsborg, 2004). De plus, si les études sur H.contortus sont abondantes, il y a encore peu de données sur la vaccination contre les autres espèces de trichostrongles telles que T.colubriformis et T.circumcincta (Emery et al., 1999). Enfin, malgré le développement de procédés biotechnologiques (Newton, 1995; Emery et al., 1999; Jackson et Miller, 2006), il demeure des freins à la production et à la commercialisation des antigènes immunisant contre les nématodes GIs (Waller et Thamsborg, 2004).

3.2.3 L’amélioration de la ration de l’hôte

Comme évoqué dans le Chapitre 1, les strongyloses GIs provoquent de sévères perturbations de la physiologie digestive et induisent une augmentation des besoins alimentaires de l’hôte, pour palier aux fortes perturbations des métabolismes protéique et énergétique (Fox, 1997; Coop et Kyriazakis, 2001; Hoste et al., 2005b; Knox et al., 2006).

En partant de ce constat, il a été suggéré a contrario qu’une amélioration de la ration alimentaire permettant de couvrir les besoins supplémentaires associés à la présence des nématodes, contribuerait à améliorer la réponse de l’hôte au parasitisme en particulier lorsque les corrections touchent la principale ressource limitante de la ration (Coop et Kyriazakis, 1999). De manière générale, il a été montré que le métabolisme protéique est bien plus affecté par le parasitisme GI que le métabolisme énergétique (Bown et al., 1991; Coop et Kyriazakis, 1999). En conséquence, les études ont surtout porté sur l’intérêt d’une supplémentation protéique.

L a notion d’immunonutrition a été suggérée car l’amélioration de la ration conduit à une meilleure résilience par une réduction des conséquences des infestations subcliniques et à une résistance améliorée (Ketzis et al., 2006; Kyriazakis et Houdijk, 2006; Hoste et al., 2008).

Apport protéique dans la ration

Comme évoqué dans le Chapitre 1.3.3, les animaux infestés par des nématodes GIs ont des priorités métaboliques différentes selon leur statut physiologique et parasitaire (Tableau 2) (Coop et Kyriazakis, 1999 et 2001). Toutefois, que ce soit en phase d’acquisition ou d’expression de l’immunité, la priorité est donnée au maintien de l’homéostasie (la réparation et le remplacement des tissus lésés par les vers).

Lors de la phase d’acquisition de l’immunité chez le jeune :

Chez les jeunes animaux, la priorité est donnée à l’acquisition de l’immunité lors d’une première infestation (Coop et Kyriazakis, 1999 et 2001; Paolini, 2004; Hoste et al., 2005b; Kyriazakis et Houdijk, 2006). Une supplémentation protéique a été associée à l’amplification de la réponse immunitaire et à une réduction des pertes de production lors d’une première infestation (Van Houtert et al., 1995; Kahn et Diaz- Hernandez, 2000; Valderrábano et al., 2002; Kyriazakis et Houdijk, 2006). Ainsi, des chevreaux supplémentés en protéines ont présenté un gain de poids supérieur à celui des chevreaux non-supplémentés (Torres-Acosta et al., 2004; Martinez Ortiz De Montellano et al., 2007).

Lors de la phase d’expression de l’immunité :

La supplémentation protéique améliore de manière générale la résistance et la résilience chez les animaux en production vis-à-vis des nématodes GIs (Hoste et al., 2005b; Ketzis et al., 2006; Knox et al., 2006; Kyriazakis et Houdijk, 2006). De multiples études ont montré que de tels effets chez les ovins (Coop et Kyriazakis, 1999; Houdijk et al., 2005) et chez les caprins (Etter et al., 1999; Chartier et al., 2000b; Etter et al., 2000b).

L’amélioration de la ration en protéines conduirait surtout à atténuer les effets du ‘periparturient rise’ en compensant le relâchement de l’immunité chez les femelles gestantes (Hoste et al., 2005b; Houdijk et al., 2005; Knox et al., 2006; Kyriazakis et

Houdijk, 2006), ce qui a des conséquences non-négligeables sur la dynamique des infestations.

Apport énergétique dans la ration

Dans certaines situations d’élevage, les facteurs limitants ne sont pas les protéines mais les apports énergétiques, qui sont reconnus comme des facteurs importants régulant la réponse immunitaire de l’hôte (Lord, 2002).

Il a ainsi été montré qu’une supplémentation en énergie dans la ration, par ajout de maïs ou d’orge, permettait d’améliorer la résistance d’ovins infestés par T.circumcincta (Valderrábano et al., 2002). Récemment, Torres-Acosta et al. (2004) ont observé, en condition d’infestation naturelle, une meilleure résistance et un gain de poids supérieur chez des jeunes chèvres exploitant la végétation locale, riche en protéine mais limitée en énergie, et recevant une supplémentation en maïs par rapport aux témoins.