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5. Les effets des tannins chez les ruminants non-parasités

5.2 Effets des tannins condensés

5.2.1 Effets bénéfiques des tannins condensés

Chez les ruminants, l’ingestion de quantités faibles à modérées (<45g TCs/Kg MS, dans le cas des légumineuses) de TCs a été associée à des effets bénéfiques sur les paramètres zootechniques, sur la physiologie digestive et sur la santé (Barry et Mc Nabb, 1999).

Amélioration des paramètres zootechniques

Croissance et gain de poids :

La consommation de plantes contenant des TCs en quantité modérée influe sur la croissance des jeunes animaux (Leathwick et Athkinson, 1996; Waghorn et Mc Nabb, 2003; Ramírez-Restrepo et al., 2005; Rochfort et al., 2008). Ainsi, un gain de poids moyen de 8% a été observé chez des agneaux recevant du lotier corniculé (Lotus corniculatus ; 2-4% TCs de la MS)(Aerts et al., 1999). De même, chez des bovins, la consommation de feuilles de saule (Salix sp.; 2,7% TCs de la MS) a permis de meilleurs gains de poids, lors du pâturage sur prairie pauvre pendant l’été, par rapport aux animaux ne consommant pas de TCs (Moore et al., 2003).

Production et qualité du lait :

Chez les ruminants, l’ingestion de TCs influence le niveau de production et la qualité du lait (Aerts et al., 1999; Min et al., 2003; Molle et al., 2003; Waghorn et Mc Nabb, 2003; Rochfort et al., 2008).

Lors d’une période de consommation de lotier corniculé (L.corniculatus), la production laitière a ainsi augmenté de 60% chez les bovins et de 21% chez les ovins (Min et al., 2003). De même, chez des brebis en lactation, une étude récente a montré que la distribution de foin ou d’ensilage de sulla (Hedysarium coronarium) a été associée à une augmentation de la production de lait (Leto et al., 2002), sans que celle-ci soit associée à une augmentation de l’ingestion.

Les TCs affecteraient aussi la composition du lait. Ainsi, il a été observé une augmentation du taux protéique de 10% chez des vaches et de 12% chez brebis ingérant des TCs, ainsi que le taux de lactose (14% chez les brebis), par rapport aux animaux témoins (Aerts et al., 1999; Min et al., 2003; Rochfort et al., 2008). Leto et al. (2002) ont également remarqué une modification de la composition du lait et des caractéristiques des fromages de brebis consommant du sulla.

Production de laine :

Comme la production de lait, l’effet de l’ingestion de TCs sur la production de laine est directement lié à leur teneur dans la ration (Aerts et al., 1999; Min et al., 2003). Ainsi, un apport modéré de TCs, de l’ordre de 2 à 4% de la ration, a été associé à une augmentation de la production. Par exemple, la consommation de lotier corniculé a induit une augmentation de 11% de la production de laine chez des ovins (Luque et al., 2000), qui serait due à une absorption accrue d’acides aminés, en particulier de cystéine, indispensable pour la synthèse de la laine (Mc Nabb et al., 1993).

Les performances reproductives :

Peu d’études ont considéré les effets potentiels des TCs sur la reproduction. Néanmoins, quelques unes ont montré que la consommation d’une légumineuse fourragère riche en TCs induisait de meilleures performances reproductives chez les brebis, mesurées par une augmentation du taux d’ovulation (Min et al., 2001; Rochfort et al., 2008). Luque et al. (2000) ont observé une augmentation du taux d’ovulation des brebis pâturant du lotier corniculé. De même, une corrélation positive entre le nombre de jours de pâture sur du lotier corniculé (2 à 3% TCs) et le taux d’ovulation des brebis a été notée (Ramírez-Restrepo et Barry, 2005).

Absence d’effet sur l’ingestion volontaire d’aliments

La mastication des plantes entraîne la rupture des parois cellulaires, libérant ainsi les TCs contenus dans les vacuoles, dans la bouche de l’animal. Cette libération des TCs entraîne des effets sur l’ingestion volontaire d’aliments et peut modifier les fonctions ruminales et post-ruminales. Toutefois, pour les légumineuses tempérées, lorsque la teneur en TCs est faible à modérée (< 4.5% de la MS), la prise d’aliment n’est pas modifiée (Waghorn et al., 1987; Terrill et al., 1992a).

Concernant les plantes tropicales, des études récentes ont montré que la distribution de feuillage, contenant des teneurs en TCs inférieures à 3% de la MS, n’a pas eu d’incidence sur l’ingestion volontaire de la ration chez des caprins (Alonso-Diaz et al., 2008c), des ovins (Alonso-Diaz et al., 2008 in press) ou des bovins (Sandoval- Castro et al., 2005).

Effets sur la digestion des aliments

Les TCs affectent les différentes étapes de la digestion. En fait, leurs effets sur les paramètres zootechniques découlent des effets sur les transformations successives des aliments au niveau ruminal et post-ruminal.

Chez les ruminants, le compartiment ruminal se caractérise par un pH de 6 à 7. A ces valeurs, les complexes formés TCs-protéines sont stables (Aerts et al., 1999). Butter et al. (1999) ont proposé un schéma de la complexation et la dissociation des TCs avec les protéines alimentaires chez les ruminants selon le pH (Figure 11).

Figure 11. Schéma représentant les équilibres de la complexation/dissociation des tannins condensés (TCs) avec les protéines alimentaires selon Butter et al. (1999). T C s lib r e s P r o t é in e s V é g é t a le s M a s t ic a t io n C o m p le x e s I n s o lu b le s [ T C s - P r o t é in e s ] R u m e n p H ~ n e u tr e T C s l ib r e s + P r o t é in e s lib r e s P o s t - R u m e n p H < 5 . 6 p H > 7 .0 +

Effets au niveau ruminal :

L’effet bénéfique des TCs dans le rumen est lié à la protection des protéines vis- à-vis des dégradations ruminales. La complexation des TCs avec les protéines alimentaires ou leur fixation aux enzymes bactériennes réduisent globalement la protéolyse ruminale (Zimmer et Cordesse, 1996; Jean-Blain, 1998; Aerts et al., 1999; Min et al., 2003). Ces phénomènes ont notamment été décrits chez des ruminants consommant des légumineuses fourragères (Theodorou et al., 1999). L’une des conséquences principales est la réduction de production de méthane et d’ammoniaque (Mc Nabb et al., 1993; Theodorou et al., 1999; Hess et al., 2006a; Hess et al., 2006b; Animut et al., 2007 in Press).

Effets post-ruminaux :

La protection des protéines alimentaires dans le rumen induit une augmentation du flux de protéines assimilables au niveau de l’intestin et par conséquent, une l’absorption accrue en acides aminés (Mc Nabb et al., 1993; Barry et Mc Nabb, 1999; Theodorou et al., 1999; Makkar, 2003; Min et al., 2003; Waghorn, 2008 in press). Selon Butter et al. (1999), le pH acide de l’abomasum induit une dissociation des complexes TCs-protéines et la libération des protéines et des acides aminés permettant ainsi leur digestion et leur absorption au niveau intestinal (Zimmer et Cordesse, 1996; Butter et al., 1999; Mc Sweeney et al., 2001; Mc Sweeney et al., 2008 in press; Waghorn, 2008 in press). Une augmentation de 50% du flux d’azote post-ruminal a été mesurée chez des ovins consommant du lotier corniculé par rapport aux animaux témoins (Waghorn et al., 1987).

Effets sur la santé des animaux

La consommation modérée de plantes riches en TCs a été associée à des effets bénéfiques sur la santé des ruminants (Waghorn et Mc Nabb, 2003). Ces effets ont surtout été évalués à partir de données sur les légumineuses fourragères (Min et al., 2003; Ramírez-Restrepo et Barry, 2005).

Prévention de la météorisation spumeuse :

La consommation de plantes riches en TCs a généralement été associée à une prévention de la météorisation spumeuse (Ramírez-Restrepo et Barry, 2005; Rochfort et al., 2008; Waghorn, 2008 in press). Chez les ruminants, ce phénomène résulte d’une accumulation de gaz, issus de fermentations ruminales exacerbées, séquestré dans une mousse stable formée à partir des protéines solubles de la ration (Aerts et al., 1999; Waghorn et Mc Nabb, 2003; Rochfort et al., 2008). Ce désordre sanitaire est rencontré chez les ruminants consommant des légumineuses très nutritives et très riches en protéines, tels le trèfle (Trifolium repens) ou la luzerne (Medicago sativa). A l’inverse, la consommation de fourrages contenant des TCs (de l’ordre de 0,5% de la MS) est suffisante pour éviter la météorisation (Aerts et al., 1999; Butter et al., 1999; Min et al., 2003; Rochfort et al., 2008).

La complexation des TCs avec les protéines alimentaires limiterait les fermentations dans le rumen et diminuerait le risque de météorisation (Zimmer et Cordesse, 1996; Waghorn et Mc Nabb, 2003). De plus, les TCs inhiberaient la croissance et la multiplication des micro-organismes du rumen par leur fixation aux

constituants des parois cellulaires, bloquant ainsi le transport moléculaire vital pour le micro-organisme, ou par l’agrégation des cellules entre elles ce qui bloqueraient leur division (Pell et al., 1999; Mc Sweeney et al., 2008 in press).

Prévention des épisodes de diarrhées :

La consommation de fourrages riches en TCs induit une augmentation de la matière sèche de la matière fécale, et par conséquent contriburait à la prévention d’épisodes diarrhéiques (Min et al., 2001; Waghorn et Mc Nabb, 2003). En raison de ces matières fécales plus consistantes, les souillures de l’arrière train des ovins sont réduites, limitant ainsi l’apparition de myiases cutanées (Larsen et al., 1994; Leathwick et Athkinson, 1996; Waghorn et Mc Nabb, 2003).

Effets sur le parasitisme gastro-intestinal :

Le troisième effet bénéfique des TCs sur la santé des ruminants concerne l’effet des TCs sur les nématodes GIs (Min et Hart, 2002; Waghorn et Mc Nabb, 2003; Hoste et al., 2006), qui sera plus largement commenté dans le Chapitre 6.