• Aucun résultat trouvé

3. Les méthodes alternatives aux anthelminthiques de synthèse

3.3 Eliminer les nématodes gastro-intestinaux

Afin de limiter l’émergence de nouveaux cas de résistances aux AHs, la maîtrise des nématodes GIs pourrait combiner des traitements ‘classiques’ par les AHs de synthèse, utilisés de façon raisonnée, à des traitements ‘alternatifs’. Ces méthodes alternatives reposent sur l’administration de nouvelles substances à propriétés AHs telles que les aiguilles d’oxyde de cuivre ou l’exploitation de plantes à propriétés AHs.

3.3.1 L’utilisation de l’oxyde de cuivre

Des études sur l’administration d’oxyde de cuivre, sous forme d’aiguilles à diffusion lente, ont montré des résultats divergents selon les espèces de nématodes GIs et les espèces d’hôtes.

L’efficacité de l’oxyde de cuivre sur H.contortus a été largement prouvée chez les ovins (Bang et al., 1990; Burke et al., 2004; Waller et al., 2004; Burke et al., 2005; Burke et Miller, 2006a et 2006b) et les caprins (Chartier et al., 2000a; Burke et Miller, 2006b; Burke et al., 2007b; Martinez Ortiz De Montellano et al., 2007) lors d’infestations expérimentales et naturelles. Néanmoins, l’activité sur d’autres espèces abomasales, telles T. circumcincta chez les petits ruminants (Chartier et al., 2000a) ou O.ostertagi chez les bovins (Dimander et al., 2003), est bien moindre. De même,

l’absence d’effet sur les espèces intestinales a été établie dans les deux espèces de petits ruminants (Bang et al., 1990; Chartier et al., 2000a; Waller et Thamsborg, 2004).

L’oxyde de cuivre est efficace sur le stade infestant (utilisation préventive) et sur le stade adulte (utilisation curative) d’H.contortus. Il limiterait l’installation des L3s et affecterait la reproduction des vers adultes (Waller et al., 2004). Au vu des résultats actuels, il semble que l’oxyde de cuivre agit sur les nématodes selon un mécanisme d’action direct, bien que celui ci reste mal connu (Hale et al., 2007).

Cette méthode présente donc surtout un intérêt dans les régions où H.contortus est majoritairement présent ou dans les élevages où existe une souche d’H. contortus résistante aux AHs de synthèse (Burke et al., 2007a).

Cependant, l’utilisation des particules d’oxyde de cuivre est limitée par son spectre d’action étroit. Dans le cas de parasitisme multispécifique, les aiguilles de cuivre ne peuvent être la seule méthode de lutte (Hale et al., 2007). Dans les régions où sévissent également des espèces intestinales, la maîtrise du parasitisme GI pourrait reposer sur l’association d’oxyde de cuivre avec une complémentation alimentaire (Martinez Ortiz De Montellano et al., 2007) ou en combinaison avec l’administration de spores de D.flagrans (Burke et al., 2005).

Une autre limite à l’administration d’oxyde de cuivre concerne le risque d’intoxication de l’hôte, notamment chez les ovins (Jackson et Miller, 2006). Il a été montré que l’administration de 4g d’oxyde de cuivre à des agneaux était associée à des concentrations en cuivre dans le foie et la viande proches des concentrations toxiques pour l’animal (Waller et al., 2004).

3.3.2 L’exploitation de plantes à propriétés anthelminthiques

L’utilisation de plantes pour traiter les maladies était une pratique courante et très répandue dans le monde avant l’apparition des molécules de synthèse (années 1950). Sur la plupart des continents et particulièrement dans les pays en voie de développement, la médecine traditionnelle basée sur un savoir empirique d’utilisation des plantes (ethnomédecine) reste très répandue (Hounzangbe-Adote, 2004; Githiori et al., 2005; Githiori et al., 2006; Waller, 2006). De plus, l’intérêt grandissant des pays développés pour une agriculture sans résidus chimiques dans les produits de consommation se traduit par un nouvel intérêt pour les composés naturels bioactifs. Au cours de la dernière décennie, une attention croissante pour l’ethnomédecine

vétérinaire s’est manifestée, notamment pour les plantes à propriétés AHs (Waller, 2006).

L’objectif de la phytothérapie est de traiter les animaux parasités avec des plantes entières ou des préparations médicinales présentant des propriétés AHs. En médecine vétérinaire, deux modes d’utilisation des ressources naturelles sont envisagées : sous la forme de remède médicinal ou de nutricament. Le remède médicinal est une préparation à base de plantes. Il est en fait un mélange complexe de composés actifs qui peut être utilisé dans une action curative à court terme. Le nutricament est défini comme une plante consommée par les animaux dont l’intérêt tient d’avantage à sa propriété bénéfique pour la santé qu’à sa valeur nutritive stricto sensu (Waller et al., 2001). Leur incorporation dans la ration pourrait être à but la préventif à long terme, ou dans une action curative. Ainsi, des études sur l’effet AH de plantes ont permis de confirmer l’intérêt de remèdes à base d’ail, d’aloès, ou d’armoise, mais aussi d’identifier des nutricaments potentiels tels que la papaye, la chicorée, le sulla ou le sainfoin (Tableau 4) (Marley et al., 2003; Paolini et al., 2004; Stepek et al., 2004; Hounzangbe-Adote et al., 2005; Githiori et al., 2006; Marley et al., 2006; Chagas et al., 2008).

Les principaux avantages de l’exploitation de plantes à propriétés AHs sont la disponibilité des ressources, l’absence actuelle de résistances aux composés actifs de ces plantes chez les vers et enfin, un faible coût par rapport aux AHs de synthèse, notamment dans les pays en développement.

Cependant, l’utilisation des plantes bioactives rencontre des limites. La première concerne le manque d’informations scientifiques sur leurs composés actifs, leur mode d’action et les facteurs influençant leur efficacité. Il faut également déterminer leur toxicité potentielle chez l’animal et la posologie adéquate pour avoir un effet bénéfique sans toxicité, avant leur utilisation (Waller et al., 2001; Waller, 2004; Githiori et al., 2005; Githiori et al., 2006; Hördegen et al., 2006). Toutefois, par leur mode d’utilisation, les nutricaments sont souvent considérés comme peu ou non toxiques. Deuxièmement, l’usage de la phytothérapie contre les nématodes GIs nécessite aussi de standardiser les traitements phytothérapiques en fonction de la plante, de la situation géographique et climatique ainsi que des pratiques d’élevage (Rochfort et al., 2008). Enfin, une dernière limite concerne un risque écologique potentiel puisque la surexploitation des plantes pour leurs propriétés médicinales pourrait avoir une incidence écologique importante avec des risques de disparition des espèces végétales exploitées (Hounzangbe-Adote, 2004).

Les molécules actives de ces plantes sont souvent mal identifiées, même si un rôle majeur des métabolites secondaires des plantes soit souvent évoqué. Lorsqu’elles ont été identifiées, les molécules suspectées appartiennent à des classes biochimiques différentes, comme des protéinases (Stepek et al., 2004), des alcaloïdes (Githiori et al., 2006), des saponines (Deepak et al., 2002), ou des tannins condensés (Paolini et al., 2003b) (Tableau 4).

Tableau 4. Exemples de molécules suspectées de propriétés anthelminthiques et des plantes associées. Deepak et al., 2002 - Tribulus terrestris (Croix-de-Malte) Saponines Glucosides Paolini et al., 2003b Tzamaloukas et al., 2005 Hoste et al., 2005 Ovins Caprins Onobrychis viciifolia (Sainfoin) Tannins condensés Niezen et al., 1995 Athanasiadou et al., 2005 Ovins Hedysarium coronarium (Sulla) Tannins condensés Terrill et al., 2007 Ovins Caprins Lespedeza cuneata (Sericea lespedeza) Tannins condensés Githiori et al., 2006 Bovins Terminalia glaucescens (Badamier glauque) Anthraquinones Githiori et al., 2006 Ovins Calotropsis procera (Pommier de Sodome) Triterpènes Alkaloïdes Marley et al., 2003, 2006 Ovins Chicorium intybus (Chicorée) Sesquiterpènes Lactones Chagas et al., 2008 Ovins Azadirachta indica (Margousier) Alcaloïdes Hounzangbe-Adote 2004, 2005 Stepek et al., 2004 Ovins Caprins Carica papaya (Papaye) Cysteine-proteinase Références : Hôtes :

Nom des plantes : Molécules actives

suspectées :

Ainsi, de nombreuses études ont montré que l’emploi des plantes bioctives, et en particulier celles contenant des tannins condensés, représente une alternative à l’emploi des AHs de synthèse (Niezen et al., 1995; Kahn et Diaz-Hernandez, 2000; Githiori et al., 2006; Hoste et al., 2006; Ketzis et al., 2006). Cette application particulière des plantes riches en tannins condensés sera développée dans les chapitres suivants.