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PRÉSENTATION DU TERRAIN D’ÉTUDE

IV.3. CARACTERISTIQUES SOCIOCULTURELLES, CONTEXTE HISTORIQUE ET POLITIQUE ET POLITIQUE

IV.2.1. Composition ethnolinguistique

IV.2.2.1. Période précoloniale et coloniale

Disons-le, avant l’arrivée de « l’homme blanc59», l’actuelle République du Congo est occupée par les peuples autochtones (Pygmées) et les Bantous venus du Nigeria et ayant migré entre 2000 avant et 500 ans après Jésus-Christ. Ces peuples sont organisés en royaumes (Téké, Loango, Kongo) et en chefferies (Mbosi), la vie au sein de ces organisations est sous-tendue par « l’autorégulation sociale, dont dépendait la stabilité du système face aux chocs éventuels, en l’occurrence ceux provoqués par la guerre, le surpeuplement et les catastrophes naturelles. Cette vie essentiellement paysanne, était alors organisée dans des villages, moins « pour produire que pour survivre » (Boungou et al., 1989) ; (Coquéry-Vidrovitch, 2011).

Ces peuples exercent diverses activités entre autres, la fonderie, le commerce du cuivre et de l’or, la fabrication des vêtements en raffia, la poterie. Pour vivre, ils pratiquent également l’agriculture sur brûlis, la cueillette et la chasse. En ce qui concerne les systèmes de croyances, ils se caractérisent par le culte des ancêtres, des morts, le totémisme/animisme, le fétichisme (N’kissi), la sorcellerie (N’kindoki) auxquels s’ajoute le christianisme introduit par les Portugais au XVe siècle.

Cette période est marquée par la traite des noirs africains par les arabo-Musulmans au XVe siècle, qui s’est intensifiée avec la traite négrière du XVIe jusqu’à la fin du XVIIIe siècle (voir Photo 5).

Coquery-Vidrovitch estime que : « le commerce atlantique se greffa et se déploya sur l’héritage de nombreux réseaux de traite antérieurs qui traversaient le Sahara et se

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poursuivaient du centre du continent jusqu’aux côtes asiatiques ». (Coquery-Vidrovitch cité par Charon et al., 2018).

Photo 5 : Caravane d'esclaves au Congo-Brazzaville

Ce qui est intéressant à comprendre, c’est le rôle de la colonisation dans la propagation du VIH-Sida. En effet, la construction du chemin de fer Congo-océan (CFCO) nécessitait une importante main d’œuvre. Pour ce faire, les colons avaient déporté des populations (127 000 personnes) du Gabon, de l’Oubangui-Chari, du Tchad, etc., dans le cadre de ce chantier. Il s’est avéré qu’entre 18 000 à 23 000 d’entre eux sont morts dans des conditions non-élucidées.

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André Gide, qui avait visité ce chantier en 1926, estimait qu’ils étaient morts de famine et misère. « Les mandjia60 épuisés préfèrent tous actuellement même la mort au portage. Les villages se désagrègent, les familles s’égaillent, chacun va vivre dans la brousse comme un fauve traqué. C’est par centaines que les mandjia sont morts de faim et misère ». (André Gide cité par Coquery-Vidrovich, 2001).

Plus d’un demi-siècle après, les analyses phylogénétiques attribuent ces morts au VIH/sida, comme indiqué plus haut.

Enfin, la colonisation, ce sont aussi les sociétés concessionnaires, ces compagnies avalisées par le gouvernement de la métropole pour pratiquer le commerce et l’agriculture sur le sol congolais. Un décret et le cahier des charges types préparés par la commission furent approuvés […] et complétés par une circulaire ministérielle accordait à ces sociétés tout droit de jouissance et d’exploitation du territoire concédé pour une période de trente ans, excepté le secteur des mines » (Coquery-Vidrovich, 2001).

Nous citons comme sociétés concessionnaires : la compagnie française du Haut-Congo, la société de la Sangha équatoriale, la compagnie forestière Sangha-Oubangui, etc.

Après 75 ans de colonisation, le Congo a acquis son indépendance en août 1960. Le pays a connu plusieurs dénominations au cours de son histoire : Congo-Français, Territoire du Moyen-Congo, République du Congo, République populaire du Congo et République du Congo de 1992 à nos jours.

Comme événements marquants de l’histoire du pays, nous avons : en 1910, Brazzaville est la capitale de l’Afrique équatoriale française (AEF) qui comprend entre autres territoires : le Gabon, le Moyen-Congo (Congo-Brazzaville), l’Oubangui-Chari (Centrafrique) et le Tchad ; en 1940, c’est à Brazzaville que le général de Gaulle avait lancé l’appel à la résistance contre l’occupation de la France par l’Allemagne nazie ; en 1944, sous la direction du général de Gaulle, il s’est tenu à Brazzaville la conférence qui avait posé les bases de l’administration coloniale française (conférence de Brazzaville).

60Les Mandjia sont une population d'Afrique centrale, surtout présente au centre de la République centrafricaine où ils représentent le troisième groupe du pays. Quelques communautés vivent également au Cameroun et au Tchad

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IV.2.2.2. Accession à la souveraineté nationale et plus d’un demi-siècle d’instabilité politique

La situation du Congo en tant qu’État indépendant commence avec l’adoption le 23 juillet 1956, de la loi-cadre qui accorde d’importants pouvoirs aux territoires.

« Cette loi octroyait de larges responsabilités à un gouvernement dirigé par le chef du parti dominant à l’assemblée, exerçant la fonction de vice-président du territoire, tandis que la présidence était encore, à l’époque, assurée par le gouverneur-général » (Bazenguissa-Ganga, 1997).

Ce processus s’est accéléré, avec la création de la Communauté franco-africaine des États autonomes associés à la République française, et aboutit au référendum du 26 septembre 1958, qui ouvre la voie aux indépendances des colonies. Ainsi, en 1959, l’abbé Fulbert Youlou est élu premier président de la République du Congo, le 15 août 1960 le pays accède à la souveraineté nationale. L’histoire du Congo, c’est aussi l’instabilité politique de ces soixante dernières années, marquée par les mouvements insurrectionnels et coups d’État qui ont porté successivement au pouvoir, Alphonse Massamba-Débat (1963), Marien Ngouabi (1968), Jacques Joachim Yhombi Opango (1977), Dénis Sassou Nguesso (1979).

La conférence de Labaule (1989), la chute de l’empire soviétique, éléments déclencheurs de la démocratie et du multipartisme dans les pays subsahariens et le Congo

Les bouleversements politiques survenus au niveau international dans les années 1990 ayant entraîné l’écroulement de l’empire soviétique, la chute du mur de Berlin, et le sommet France-Afrique de la baule en 1989, constituent des éléments déclencheurs des changements politiques dans la plupart des pays subsahariens.

Au niveau national, la situation est marquée par la tenue en 1991 de la conférence nationale souveraine, la restauration du multipartisme et de la démocratie, après 27 ans de parti unique. Ainsi, en 1992, des élections sont organisées et Pascal Lissouba est élu président. Malheureusement, une année après, le pays a sombré dans un cycle de violences interminable, instrumentalisé par l’élite politique et intellectuelle en mal de positionnement

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L’Ethnocentrisme au cœur des guerres civiles au Congo

L’Histoire du Congo, c’est le cycle des violences qui ont marqué ces soixante dernières années. En 1959, éclate la première guerre civile entre les partisans de Jacques Opangault et Fulbert Youlou ; en 1993 et 1994, les affrontements interethniques entre le Nibolek61 de Pascal Lissouba et les Tchèques62 de Bernard Kolela ; en 1997, le conflit armé entre les Cobras de Sassou et les ‘’Kokoye’’ et ‘’Aubevillois’’ de Pascal Lissouba. Ajoutons à ces guerres, les troubles sociopolitiques dans le département du Pool en 1998 et 2016.

De tous ces conflits, c’est la guerre de 1997 qui est la plus meurtrière et dévastatrice de l’histoire du Congo. En 5 mois, cette guerre a occasionné d’importantes pertes en vies humaines (3 000 morts) et dégâts matériels entre autres : la destruction des infrastructures socio-économiques, sanitaires et autres ayant pour corollaire, la famine, la malnutrition, la résurgence des pathologies jadis contrôlées (tuberculose, choléra) et l’émergence du VIH/sida, première cause de mortalité chez les adultes.

Plusieurs études parmi lesquelles celle de l’Unicef, a montré que la guerre est un terrain favorable à la propagation de l’infection par le VIH/sida. En plus de détruire les infrastructures sanitaires qui permettent de traiter les malades du sida et informer la population sur les moyens de prévention, les conflits armés créent une situation de paupérisation poussant ainsi certaines jeunes filles et femmes à la prostitution. Nous n’oublions pas d’évoquer ici les viols de masse utilisés dans certains conflits comme arme de guerre. Au Rwanda par exemple, beaucoup de femmes contaminées par le VIH, l’ont été à la suite des viols brutaux et répétés pendant le génocide de 1994.

« Le Rwanda n’est qu’un pays parmi d’autres où les viols en masse, les conflits et les déplacements forcés ont des conséquences multiples et complexes sur la pandémie du VIH. Parmi les nations affichant des taux élevés de prévalence, la moitié environ a été affectée, entre 2002 et 2005, par un conflit majeur. C’est le cas de 8 des 15 pays recensant les plus grands nombres d’habitants séropositifs, de 7 des 15 pays où l’on dénombre les populations les plus importantes d’enfants de moins de 15 ans qui vivent avec le VIH/sida, et de six des

61 Les habitants des départements du Niari, Bouenza, Lékoumou, partisans de Pascal Lissouba et membres de l’Upads.

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quinze pays comptant le plus d’orphelins du sida de moins de 17 ans » (Croix rouge et croissant rouge, 2008).

Corroborant ces propos, une femme rwandaise qui participait à une réunion d’un groupe de soutien, a partagé son expérience de vie avec le VIH/sida en déclarant, je cite : « L’infection par le VIH que nous subissons aujourd’hui est une conséquence du génocide de 1994 ». Dans la section suivante, nous allons examiner le contexte économique, la situation de l’éducation et le système de santé.