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ÉTAT DE LA QUESTION SUR LES COUPLES DISCORDANTS ET RÉFÉRENCES THÉORIQUES

III. 1. ÉTAT DE LA QUESTION SUR LES COUPLES DISCORDANTS

III.1.3. Les facteurs associés à la transmission du VIH dans un couple discordant

Nous distinguons trois groupes de facteurs associés à la transmission du VIH/sida dans un couple discordant :

III.1.3.1. Les facteurs biomédicaux

En plus de la résistance naturelle, il y a la charge virale. La lecture de la figure 18 montre que pour une charge ARN-VIH inférieure à 400 copie/ml, le risque de transmission du VIH est nul alors qu’il varie entre 20 % à 30 % pour une charge supérieure à 50 000 copie/ml (Allen et al., 1992).

Figure 18 : Risque de transmission du VIH en rapport avec la charge virale

Source : Allen et al. (1992)

0 5 10 15 20 25 <400 400-3500 3500-10000 10000-50000 >50000

pa

rt

en

air

es

con

ta

minés

en

%

105

III.1.3.2. Les facteurs socioculturels, économiques et psychologiques

Pour les caractéristiques socioculturelles et économiques, il s’agit de : l’ethnie, la religion, l’âge, le nombre de partenaires, le niveau de vie qui seront développés dans la troisième partie de ce travail.

III.1.4. L’efficacité des antirétroviraux dans la prévention de la transmission du VIH chez les couples sérodifférents.

La découverte des antirétroviraux constitue une véritable révolution dans le domaine de la prévention contre le VIH/sida. Les débats sur l’efficacité des ARV dans la prévention du VIH débutent en 2008, à partir d’une publication des experts Suisse du VIH.

III.1.4.1. Déclaration des chercheurs Suisse du VIH en 2008

Sur la demande de la commission fédérale Suisse (CFS) pour les problèmes liés au sida, les experts ont publié un article qui stipule que : « une personne séropositive ne souffrant d’aucune autre MST et suivant un traitement antirétroviral (TAR) avec une virémie entièrement supprimée (condition désignée par « TAR efficace » ci-après) ne transmet pas le VIH par voie sexuelle, c’est-à-dire qu’elle ne transmet pas le virus par le biais de contacts sexuels. Cette affirmation reste valable à condition que : (i) la personne séropositive applique le traitement antirétroviral à la lettre et soit suivie par un médecin traitant ; (ii) la charge virale (CV) se situe en dessous du seuil de détection depuis au moins six mois (Autrement dit : la virémie doit être supprimée depuis au moins six mois) ; (iii) la personne séropositive ne soit atteinte d’aucune autre infection sexuellement transmissible (IST). Lorsque le TAR est efficace, aucun virus libre n’est détectable ni dans le sang ni dans les sécrétions génitales. Toutes les données épidémiologiques et biologiques indiquent que l’application conséquente d’un TAR permet d’exclure tout risque important de transmission. En cas de suppression totale de la charge virale, le risque résiduel de transmettre le VIH lors de rapports sexuels sans préservatif est nettement inférieur

à 1 /100 000. Si le risque résiduel ne peut être exclu du point de vue scientifique, la CFS et les organisations concernées estiment néanmoins qu’il est négligeable » (P. Vernazza et al., 2008).

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Les experts suisses du VIH/sida se sont appuyés sur un certain nombre de travaux entre autres :

Les études de Castilla et al., menées à Madrid en 2005 sur 393 couples hétérosexuels ayant vécu au moins six mois ensemble ; il ressort que les partenaires des personnes séropositives sous TAR ne courent pas de risque de contamination alors que, chez les partenaires de ceux qui ne suivent pas de traitement, il y a eu 8,6 % de séroconversions (Castilla et al., 2005). Des travaux de Melo et son équipe, on retient que : sur 93 couples sérodifférents dont 41 partenaires sont séropositifs, six cas de contaminations sont observés, liés tous aux personnes ne suivant pas de traitement et ayant une charge virale dans le sang avoisinant 1 000 copies/ml. (Melo et al. cités par Loutfy , 2013) (voir tableau 16).

Les études sur les homosexuels ont révélé que la prise de traitement antirétroviral a fait baisser l’incidence du VIH dans les couples homosexuels (HSH) de 0,12 % à 0,048 % entre 1996 et 1999 (Porco T. C., Martin J. N., Page-Shafer K. A. et al., 2004).

Il en est de même pour Connor et al. (1994), qui ont observé une réduction du risque de transmission du VIH de la mère à l’enfant de 0,30 % à 1 %, lorsque le traitement est régulier (Connor et al., 1994).

Certains auteurs proposent une prophylaxie pré-exposition pour des personnes ayant des relations sexuelles occasionnelles non protégées. C’est le cas par exemple de Vernazza, qui recommande 1 comprimé de ténofovir avant un rapport sexuel non protégé en période pré-ovulatoire (Marc, 2014).

Le tableau N° 16 est une compilation de quelques études qui mettent en évidence le risque de contamination dans les couples où le partenaire séropositif est sous traitement.

Tableau 16 : Présentation de quelques études avec des cas de séroconversions

Auteurs (Années) Emplacement de l'Étude Participants Transmission s/s TAR

Melo (2008) Brésil 93 0

Reynolds (2011) Ouganda 250 0

Donnell (2010)

Botswana, Kenya, Rwanda, Afrique du sud, Tanzanie,

Ouganda, Zambie

3381 analysées

sur 3408 1

Apondi (2010) Ouganda 62 1

Cohen (2011)

Botswana, Kenya, Malawi, Afrique du Sud Zimbabwe, Bésil, Inde, Tailande, É-U

1763 analysées

sur 1775 2

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Le Dr Thomas propose l’abandon du préservatif dans les couples discordants monogames sous deux conditions : bonne observance du traitement par le/la partenaire infecté (e), éviter de contracter une autre IST (Réjean, 2014).

Certes le risque zéro n’existe pas, mais une bonne observance41 du traitement réduit la transmission du VIH d’un/d’une partenaire infecté (e) au non infecté (e). Ce point de vue est partagé par Perez. « les patients recevant les médicaments ont dans l’immense majorité des cas une quantité de virus dans l’organisme très faible (charge virale indétectable), ce qui réduit le risque de transmission, notamment lors des rapports sexuels42 » (Chakraborty et al., 2002).

III.1.4.2. La controverse autour de la déclaration des chercheurs Suisses

L’avis des experts suisses du VIH/SIDA a suscité des réactions au sein de la communauté scientifique. Bien que ne remettant pas en cause l’efficacité des antirétroviraux, nombre de spécialistes du VIH/Sida s’étaient opposés à ces résultats.

Pour ces praticiens, le fait que le virus soit indétectable dans le sang ne signifie pas qu’il est totalement éliminé dans l’organisme. Il peut s’intégrer dans des lymphocytes T CD4 qui vont devenir dominant, ainsi caché, le VIH est protégé des traitements puisqu’il ne se réplique plus, mais pourra se disséminer en cas de réactivation de la cellule (Rouers, 2017, p. 19).

Allant dans la même direction, Bélec (2007) estime que, « malgré un traitement antirétroviral puissant et efficace, le VIH reste détectable chez certains hommes dans la fraction cellulaire du sperme sous forme d’ADN proviral rendant possible une transmission sexuelle. Par ailleurs, des charges virales génitales de VIH-1 ont été retrouvées de façon significative chez les femmes traitées, dont la concentration plasmatique du VIH a cependant été rendue indétectable par antirétroviraux. Il est ainsi probable que les thérapies antirétrovirales actuelles diminuent la transmission sexuelle du VIH en diminuant l’infectivité des individus contaminés, mais ne la supprime pas totalement » (Bélec, 2007).

41 Une bonne observance signifie un suivi régulier du traitement ARV

42 Renaud Persiaux, revue transversal B. Hirschel (Paris), numéro spéciale ANRS-transcriptase/ automne 2010 N° 144.

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Sturmer pour sa part, a enregistré un cas de contamination homosexuelle, quoique le patient soit sous trithérapie, et une charge virale sanguine indétectable (< 50 copie /ml) (Sturmer cité par Caroline Marc, 2008).

En France, Lambert-Nicot (2012) retrouve 6,6 % de charge virale séminales positives après préparation du sperme (seuil de détection 100-200 copies /ml) chez 304 patients suivis entre 2002 et 2011, ayant une charge virale plasmique indétectable (seuil de détection 20-40 copies /ml) sous HARRT.

Aux États-Unis, dans le cadre de la prophylaxie pré-exposition chez les homosexuelles, Grant a enregistré 100 contaminations dont 36 dans le groupe emtracitabine-ténofovir et 64 dans le groupe placebo (l’intervalle de confiance étant de 95 %, les bornes inférieure et supérieure respectivement de 15 et 63 et une p-value de 0,5 % 15-63 p=0.005).

En Angleterre, sur 439 recueils spermatiques en vue d’une insémination intra utérine chez les patients sous traitement et ayant une charge virale sanguine indétectable, 9,7 % étaient positifs à la fois en pré- et post-lavage (limite de détection ARN de 25 copies pour 106

spermatozoïdes) (Vernazza et al., 2000).

Dans l’étude de Wang et al cité par Pialoux (2010), sur 1 927 femmes VIH négatives, mariées et vivant avec un partenaire séropositif, 84 cas de séroconversions ont été observé soit (4,3 %), ce qui représente un taux de séroconversion annuel de 1,71 pour 100 personnes/années. Aucune différence significative enregistrée entre les femmes et les hommes (respectivement 1,66 pour 100 personnes/années et 1,75 pour 100 personnes/années) (Pialoux, 2010).

III.1.4.3. Les résultats prometteurs de l’essai HPTN052

En dépit, des critiques à l’encontre des chercheurs Suisses, les résultats de l’essai HPTN052 attendus en 2011 ont confirmé les travaux de ces derniers. Rappelons ici que l’essai initié par Myron Cohen en 2005, avait pour but d’évaluer l’impact du traitement antirétroviral sur la transmission du VIH chez les couples sérodiscordants. Cet essai a débouché sur les résultats suivants : « Au total, 39 personnes initialement séronégatives ont été contaminées par le VIH durant l’essai, ce qui représente une incidence de 1,2 personnes pour 100 par année, l’intervalle de confiance (IC) à 95 % calculé sur cette valeur étant de 0,9 à 1,7

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pers/100 année43. Dans le groupe « traitement immédiat » il y en a eu 4 soit 1,3 pers/100 année (IC : 0,1 à 0,6) et dans le groupe « traitement différé », 35 soit 2,2 pers/100 année (IC : 1,6 à 3,1). Des analyses génétiques ont été effectuées afin de vérifier si les virus acquis par ces personnes provenaient de leur partenaire, afin de réduire l’analyse finale aux seuls cas de transmission ayant eu lieu au sein des couples de l’étude, dans la mesure où ces contaminations dues à des partenaires dont le statut est inconnu dans l’étude ne peuvent pas être qualifiées selon les critères d’évaluation du protocole. Cette analyse a mis en évidence 11 transmissions de virus hors partenaires ou incertaines, 3 dans le groupe “traitement immédiat”, 8 dans l’autre groupe. Ainsi, 28 personnes ont été contaminées par leur partenaire dans l’étude. Elles représentent donc une incidence de 0,9 pers/100 année (IC : 0,6 à 1,3) et sont réparties en 1 transmission dans le groupe “traitement immédiat” soit une incidence de 0,1 pers/100 année (IC : 0,0 à 0,4) et 27 transmissions dans le groupe “traitement différé”, donc une incidence de 1,7 pers/100 année (IC : 1,1 à 2,5).

Ce sont ces valeurs qui ont été traduites dans l’annonce de mai 2011 comme une réduction de la transmission de 96 % dans le groupe “traitement immédiat ». De ces 28 cas de transmission, la plupart (82 %) ont eu lieu dans les couples des sites africains et les deux tiers (67 %) sont des contaminations de la femme à l’homme tandis que le cas unique de transmission dans le groupe “traitement immédiat” est dû à un homme. Les contaminations dans le groupe “traitement différé” étaient régulièrement réparties dans la durée et le premier facteur qui y est associé est la charge virale élevée à l’entrée de l’essai tandis que la déclaration d’une utilisation à 100 % du préservatif à l’entrée apparaît comme un facteur de risque réduit de transmission » .(Cohen et al., 2011) .

Au regard de ces résultats, Michel Sidibé44 déclare : « cette percée scientifique change considérablement la donne et assurera l’avancement de la révolution de la prévention. Elle place le traitement anti-VIH au rang des nouvelles options de prévention prioritaire. Nous

43 En épidémiologie, l'incidence est exprimée en nombre de nouveaux cas par personne-temps. La population

à l'étude doit être « à risque », c'est-à-dire que ses membres doivent pouvoir contracter la maladie à l'étude.

La notion de personne-temps représente la durée totale de suivi des individus à risque dans la population

à l'étude : par exemple, si 100 personnes à risque ont été étudiées pendant 2 ans, la durée totale du suivi

est de 100 × 2 = 200 personnes-années. Dans ce même exemple, s'il y a eu 5 nouveaux cas de la maladie

à l'étude, le taux d'incidence sera de 5 cas pour 200 personnes-années, ou, plus simplement, de 2,5 cas pour 100 personnes-années (ou encore 0,025 cas par personne-année). Dans le cas d’espèce 39× 2=78 environ 100 personne-années. Le taux d’incident est de 1 à 2 cas pour 100 personnes-années

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devons maintenant nous assurer que les couples ont la possibilité de choisir le traitement de prévention et qu’ils y ont accès ».(Sidibé, 2011)

Cependant, Jean-François Delfraissy45 s’est montré réservé. « Nous avons la preuve du concept. Mais il faut vérifier que hors des conditions d’un essai clinique, c’est-à-dire dans la vraie vie, nous obtiendrons les mêmes résultats. C’est ce que l’ANRS va faire dans une autre étude. Par ailleurs, ces travaux, qui ont été menés uniquement dans le cadre de la transmission hétérosexuelle, ne doivent pas occulter les autres stratégies de prévention, qui sont l’usage du préservatif et la réduction du nombre de partenaires ».(Delfraissy, 2011).

III.1.4. 4. Des critiques à la consécration

La conférence de Paris sur le sida est venue mettre un terme à ce débat confirmant ainsi la thèse des chercheurs Suisses avec l’adoption de la résolution U=U, c’est-à-dire (Undetectable=Untransmittable). Autrement dit, les personnes séropositives sous traitements antirétroviraux ayant une charge virale indétectable ne transmettent pas le VIH aux partenaires négatifs (ves) (IAS, 2017).