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Bien que ses fondements soient ancestraux, la pédagogie autochtone n’a été que récemment nommée et reconnue, dans la foulée du mouvement actuel d’affirmation identitaire et d’autodétermination autochtone à travers le monde. Plusieurs chercheurs et penseurs autochtones remettent en question l’eurocentrisme et le paradigme eurocentrique d’éducation qui a eu cours jusqu’à présent (Orr et Friesen, 1999). L’eurocentrisme se présente comme une théorie postulant la supériorité des visions du monde et des savoirs du monde occidental par rapport au reste du globe (Battiste et Youngblood Henderson, 2000). Parmi les auteurs qui ont contribué à théoriser la pédagogie autochtone, l’on retrouve notamment : Biermann et Townsend-Cross (2008) ainsi que Nakata (2002) qui ont posé les balises des principes éducatifs de la culture aborigène de l’Australie. De même, pour le contexte nord-américain, des auteurs comme Battiste (2002a), Battiste et Youngblood Henderson (2000), Cajete (1994), Kawagley (1995) de même que Little Bear (2009). Il existe des différences fondamentales au sujet

des savoirs à transmettre, ceux qui sont propres à chaque communauté ou nation autochtone à travers le monde. Toutefois, des points communs les unissent en ce qui concerne les principes pédagogiques. Les fondements de la pédagogie autochtone reposent sur l’une des origines les plus profondes de la psychologie humaine à savoir le lien qui nous lie à la nature et qui, chez les autochtones, relève du lien spirituel Battiste (2002a). Cajete (1994) nomme ce lien la participation mystique.

La pédagogie autochtone peut se situer sur un continuum de différentes pensées éducatrices, comme étant biocentrique par opposition à une pensée occidentale qui serait davantage anthropocentrique (Knapp, 1996). L’aspect fortement biocentrique peut se situer dans la typologie de Sauvé (2005) comme étant relié au courant ethnographique, un courant qui valorise la dimension culturelle de la relation avec un environnement donné. La pédagogie autochtone est également identifiée comme étant holistique plutôt que linéaire et subjective plutôt qu’objective (Battiste, 2002a; Biermann et Townsend- Cross, 2008; Yunkaporta, 2009).

Pour Nakata (2007), la pédagogie autochtone se distingue de la pédagogie occidentale au niveau de la conception de l’apprenant, de ce qui peut être appris et de ce qui constitue le savoir. Selon Little Bear (2009), le savoir dans un contexte autochtone est multiple. Il fait référence à divers processus qui incluent d’autres façons d’apprendre, soit par les rêves, les visions, dans un enseignement qui sollicite les perceptions sensorielles. En effet, les principes traditionnels d’apprentissage autochtone reposent sur un « esprit d’apprentissage » (Tunison, 2007, p. 11) qui a comme caractéristique de tisser

des liens avec les mondes animés et non-animés, dans un parcours qui se poursuit la vie durant, s’appuyant sur la relation avec la communauté et les aînés. Dans ce contexte, les unités d’apprentissage sont constituées de la famille, de la communauté et des pairs. Contrairement à la vision occidentalisée de l’école, il n’y a pas nécessairement de lieu unique pour réaliser les apprentissages ni de dépendance envers un seul individu à la fois (l’enseignant) pour dire que l’on apprend. Cette pédagogie valorise la capacité à apprendre de manière indépendante avec un minimum d’intervention et d’instruction (Battiste, 2002a), et ce, dans un cadre où le territoire devient source d’enseignements. La pédagogie autochtone s’insère donc fortement dans son cadre local et, selon Little Bear (2009), l’importance de ce lieu de vie devient un aspect essentiel de tout curriculum. Cajete (1994), quant à lui, parle de la géopsyché des populations, pour exprimer l’importance de cette notion du territoire local pour les Autochtones. Il précise également qu’une des premières orientations de l’éducation autochtone consiste : à ce que chaque personne soit son propre enseignant. C’est une démarche que Battiste (2002a) qualifie d’endogène plutôt qu’exogène, une démarche qui émerge de l’individu avec ses capacités et ses aptitudes.

Biermann et Townsend-Cross (2008) ont dégagé pour la pédagogie autochtone une série de principes dont : l’identité, l’appartenance, l’inclusion, la réciprocité, l’attention bienveillante et le respect. L’identité se traduit dans un processus d’apprentissage sur soi qui se développe la vie durant. Cette identité se forge à la lumière des référents culturels. Le concept d’appartenance inclut un concept élargi d’appartenance à une communauté de gens, de lieux, d’espaces et de temps. Cette appartenance est liée

au monde physique, mais également au monde métaphysique. L’inclusion se manifeste par la reconnaissance et la considération de chaque identité et des expériences et perspectives qui sont propres à l’individu. La réciprocité s’exprime quant à elle dans une dynamique d’égalité qui relève à la fois des droits, mais aussi des responsabilités d’un échange égalitaire ou il n’existe pas de hiérarchisation dans la relation éducative. L’attention bienveillante se vit dans le partage des expériences et du savoir et dans la patience requise auprès de l’individu en apprentissage. Le respect se développe dans un contexte d’acceptation et de reconnaissance de l’autre. Tous ces principes se vivent dans une structure non hiérarchisée, basée sur l’approche relationnelle comme facteur important dans le cadre d’une communauté d’apprentissage. Cette communauté prend vie via le mentorat par les pairs ou les aînés dans un cadre où les efforts collectifs encouragent la responsabilité individuelle pour le succès du groupe. Toute la démarche éducative s’inscrit de plus dans une pratique réflexive, où l’on invite l’apprenant à porter un regard à postériori sur l’expérience vécue. Les approches préconisées pour la pédagogie autochtone comprennent la contextualisation des savoirs enseignés, l’approche coopérative et l’approche inductive, qui valorisent les expériences-terrain plutôt qu’exclusivement théoriques, de même que l’utilisation de périodes réflexives et métacognitives (Munns et al. 2006; Reyhner, 1992, dans Kanu, 2011b).