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tendance de l’école à la standardisation et à l’homogénéité des programmes et des pratiques creuse sans cesse des écarts entre culture de l’école et culture locale. La culture d’une communauté se heurte en quelque sorte à celle véhiculée par l’école.

À cet égard, dans un contexte où le curriculum scolaire est décidé au niveau provincial et non local, Corbiere (2000) a noté trois impacts d’un curriculum standardisé, le premier étant l’interruption de la transmission des savoirs autochtones par les aînés. Le second se manifeste par un appauvrissement des notions liées à l’histoire locale dans la perspective autochtone. Le troisième implique une spiritualité et une vision du monde qui diffère et pour laquelle il y a peu de place dans un monde scolaire de plus en plus laïcisé. C’est cet écart épistémologique qui, selon certains, semble nuire à l’apprentissage des Autochtones en salle de classe formelle. D’après Battiste (2002a), il s’agit ni plus ni moins d’un impérialisme cognitif de la part de la société dominante. Michell et al. (2008) considèrent que, pour les Autochtones, le curriculum est importé et que les unités et contenus relèvent essentiellement d’une pensée occidentale.

Bien qu’on puisse identifier des valeurs et des visions du monde qui leur sont communes, notamment concernant les principes éducatifs, la culture de chacune des Nations est fortement teintée du milieu où elles vivent. Dans le rapport de la Commission royale sur les Peuples autochtones (1996), on signale que ces liens avec le territoire constituent les fondements de leurs sociétés. Les aires de biodiversité où elles se sont établies depuis des millénaires ont forgé une identité propre à chacune, en plus d’influencer la langue ainsi que les savoirs à transmettre.Cette diversité, on le verra plus loin, constitue un défi pour le monde scolaire. Castagno, McKinley et Brayboy (2008) ont réalisé une importante recension des écrits au sujet du concept d’école culturellement signifiante pour les jeunes autochtones aux États-Unis. Ils mettent en lumière qu’on fait en général reposer la genèse du problème du fossé culturel sur les Autochtones eux- mêmes plutôt que sur le système scolaire ou sur le personnel enseignant. Selon la théorie d’Ogbu et Simons (1998), les Autochtones correspondent au groupe minoritaire involontaire. Ces minorités involontaires que sont les Autochtones tout comme les descendants d’esclaves noirs américains n’ont pas choisi leur statut. Ce groupe voit souvent le curriculum scolaire comme une tentative pour leur imposer la culture dominante, un sentiment en partie justifié par les précédentes tentatives d’assimilation.

Historiquement, l’école formelle a fait peu de cas de la culture autochtone. Basée sur une épistémologie qui était étrangère à ceux qui occupaient depuis toujours ce territoire, l’école s’est imposée comme unique voie pour apprendre. Le choc des cultures et un rapport à l’apprentissage culturellement fort différent du monde occidentalisé sont considérés par Hilberg et Tharp (2002), Kanu (2002), de même que Swanson (2001),

comme ayant un impact négatif sur l’estime de soi. L’École A donc un impact sur la vision identitaire des élèves autochtones, l’identité autochtone étant intimement liée au lieu et à la communauté (Corbiere, 2000).

Dans sa recherche réalisée en 2007, Kanu est arrivé aux mêmes conclusions que plusieurs auteurs, incluant Lipka (2002), Vogt, Jordan et Tharp (1987) et Zurawsky (2005). Elle a démontré que les résultats académiques étaient meilleurs lorsque le curriculum et les processus d’enseignement–apprentissage étaient compatibles avec la culture et les concepts de socialisation propres aux élèves (Kanu, 2007).

À cet égard, les provinces canadiennes qui obtiennent le plus fort taux de réussite scolaire chez les Autochtones (en réserves et hors réserves) sont celles qui intègrent la perspective autochtone par le biais d’ententes de rehaussement culturel Richards (2014) notamment, en reconnaissant les particularités et les savoirs propres à chaque communauté. C’est d’ailleurs le cas de la Colombie-Britannique dont les résultats de graduation après six ans dans les écoles publiques étaient pour l’année 2016-2107 relativement de 66 % pour les élèves autochtones et de 88 % pour les élèves allochtones. En ce qui concerne les écarts de réussite entre les garçons et les filles, les résultats étaient sensiblement les mêmes au sein des deux populations (Gouvernement de la Colombie- Britannique, 2017). Cette province a d’ailleurs inscrit les savoirs autochtones dans le nouveau curriculum entré en vigueur à l’automne 2016, (Gouvernement de la Colombie- Britannique, s.d).

Ailleurs, en Norvège notamment, les Sami, peuple autochtone nomade du nord du pays, bénéficient d’un statut et de droits particuliers quant à l’éducation au regard de leur culture. Les Sami constituent actuellement le peuple autochtone le plus scolarisé à travers le monde (Eiheim, 1995; Stordahl, 2008, dans Jakobsen, 2011). Il y avait en 2009 un écart positif avec la population en général quant à l’obtention du diplôme d’études secondaires (Statistics Norway, 2010).

Dans le curriculum scolaire québécois, contrairement à plusieurs autres provinces où les savoirs et la perspective autochtone sont intégrés au sein du curriculum, c’est à travers des savoirs très spécifiques des disciplines scolaires que le sujet des Autochtones est abordé. Notamment, par le biais des cours d’histoire et d’éducation à la citoyenneté du primaire et du secondaire, du cours de géographie qui traite entre autres du territoire autochtone (particulièrement du territoire Cri) et le cours d’éthique et culture religieuse (Gouvernement du Québec ,2000, 2004, 2007). À ce sujet, Bories-Sawala (2014, 2016), qui a étudié le programme d’histoire et d’éducation à la citoyenneté du secondaire précise que :

Malgré l’objectif intégrateur proclamé, dans les cours d’histoire et au-delà (dans les médias, par exemple), qu’il s’agisse du Canada ou du Québec, le « Nous » implicite est toujours et seulement du côté des Euro-Canadiens, les Autochtones sont « l’autre » qu’il s’agit d’expliquer. (p. 4)

Le constat précédent bien qu’ayant été réalisé au secondaire s’avère approprié pour le primaire. Au Québec, la perspective autochtone et la dimension culturelle qui s’y rattache sont absentes du curriculum, sauf pour les disciplines mentionnées

précédemment. Cette perspective n’est d’ailleurs pas présente dans l’ensemble du contenu proposé pour ces disciplines. Elle se résume en géographie histoire et éducation à la citoyenneté à une période de temps très spécifique. La perspective et la dimension culturelle autochtone ainsi que les savoirs sont notamment absents du curriculum québécois de sciences et technologies, comme elles le sont dans les langues premières et secondes.

Par ailleurs, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, à l’époque, le ministère de l’Éducation du loisir et du Sport du Québec (MELS), a collaboré en 2013 à la diffusion d’un matériel pédagogique : le guide Mikinak (Conseil en Éducation des Premières Nations, s.d.). Ce matériel était, selon le ministère, « distribué dans les écoles primaires du Québec et des Premières Nations afin d’aider les enseignants non autochtones à mieux comprendre et tenir compte de la réalité des élèves des Premières Nations » (Gouvernement du Québec, 2013). Toutefois une formation n’accompagnait pas ce document.

2.6 Facteurs liés à la place de la dimension culturelle autochtone dans