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CHAPITRE 1 : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE

1. DÉVELOPPEMENT, VALIDATION ET APPLICATION DE LA MÉTHODE CAT

1.1. MÉTHODOLOGIE ET OPTIMISATION DES CONDITIONS OPÉRATOIRES 118

1.1.6. Oxydation artificielle de l’huile de tung en émulsion

Si le mode d’induction de l’oxydation est un élément crucial dans le développement d’une procédure in vitro fiable, l’analyste ne dispose malheureusement d’aucun inducteur artificiel capable de mimer un processus oxydatif naturel. Ceci est dû au fait que l’oxydation naturelle emprunte de multiples voies réactionnelles comme par exemple l’oxydation enzymatique médiée par les lipoxygénases, la photo-oxydation impliquant l’oxygène singulet, l’autoxydation par l’oxygène moléculaire ou la dégradation des hydroperoxydes par des métaux de transition. Dans ce contexte, la recherche d’inducteurs artificiels d’oxydation (azo-initiateur, métal de transition, …) qui tiennent compte de ce phénomène multidimensionnel de manière exhaustive est illusoire. Tenant compte de ces limites, nous avons sélectionné parmi les différents inducteurs d’oxydation, l’initiateur azo hydrophile 2,2’-azobis(2-amidinopropane) dihydrochlorhydrique (AAPH) (Fig. 39).

Fig. 39. Structure chimique du 2,2’-azobis(2-amidinopropane) dihydrochlorhydrique (AAPH).

Ainsi, malgré son caractère artificiel, cet initiateur azo est facile d’emploi et génère par décomposition spontanée à 37°C des radicaux libres R centrés sur le carbone (réaction 37).

R-N=N-R37 →°C

2 R + N2 (37)

En milieu aérobie, les radicaux libres R réagissent immédiatement avec l’oxygène triplet (réaction 38) pour former des peroxyradicaux ROOcentrés sur l’oxygène (peroxyradicaux

initiateurs),

2 R + 2 3O2 → 2 ROO

lesquels vont ensuite se stabiliser en arrachant un atome hydrogène à un acide gras polyinsaturé de l’huile de tung (réaction 39). Cette réaction va générer un radical libre L centré sur le carbone et dérivé du lipide.

ROO + LH → ROOH + L (39)

L va réagir avec l’oxygène triplet pour donner naissance à un peroxyradical lipidique LOO (peroxyradical lipidique propagateur) (réaction 40),

L + 3O2→ LOO (40)

lequel va en retour propager le processus oxydatif (réaction 41).

LOO + LH → L’•

+ LOOH (41)

Comme il a pu être observé en spectrophotométrie d’absorption, l’addition d’AAPH engendre une diminution graduelle de l’absorbance à 273 nm de manière dose-dépendante (données non présentées). La concentration d’AAPH a été fixée à 1 mM, ce qui correspond à un compromis satisfaisant entre le temps d’analyse et le ratio molaire substrat oxydable/initiateur azo. Cependant, il est à noter qu’une diminution drastique de la durée d’analyse peut être obtenue lorsque l’on se place dans les mêmes conditions de concentrations en AAPH que celles utilisées dans la méthodologie ORAC (13 mM). Dans notre cas, l’oxydation induite par 1 mM d’AAPH, d’une dispersion d’huile de tung purifiée (115 µM) dans l’eau et émulsifiée par 17 µM de Brij 35 a été suivie par spectrophotométrie UV entre 230 et 320 nm durant 5 h (Fig. 40).

Il est apparu que la chute d’absorbance à 273 nm s’accompagnait d’une augmentation de l’absorbance dans la région de 234 nm. Ce résultat, précédemment reporté par Brauer et Steadman (1944) ainsi que Holman et al. (1945), peut être attribué à la dégradation oxydative du triène conjugué en diènes conjugués. De ce fait, la mesure de l’apparition des diènes conjugués pourrait sembler de prime abord équivalente à la mesure de la disparition du triène conjugué. Or, comme on peut l’observer sur la Fig. 40, la chute d’absorbance à 273 nm est trois fois plus importante que l’augmentation de l’absorbance à 234 nm. Cette dernière se situe, en outre, dans un domaine spectral beaucoup moins accessible, la majorité des microplaques en matières plastiques adaptées à la mesure dans le domaine ultraviolet ayant un seuil de transmitance à 230 nm. De ce fait, la formation des diènes conjugués apparaît sous la forme d’un épaulement, ce qui limite la précision de sa mesure. Enfin, comme nous l’avons

préalablement abordé, les diènes conjugués sont des intermédiaires réactionnels qui peuvent évoluer vers des stades d’oxydation plus avancés. Il semble donc plus avantageux de mesurer la dégradation irréversible d’un système conjugué plutôt qu’une accumulation temporaire de l’un des produits d’oxydation.

Fig. 40. Évolution du spectre UV de 115 µM d’huile de tung émulsifiée dans le PBS (pH 7,2) par 17 µM de Brij 35 lors de l’oxydation accélérée induite par 1 mM d’AAPH à 37°C. Les flèches rouges représentent les points isobestiques. Aucune correction de l’absorbance de la microplaque ou du milieu n’a été réalisée.

Afin de vérifier que les autres acides gras insaturés présents en quantité notable (acides oléique et linoléique, Tableau 2) n’induisaient pas d’absorption parasite, le suivi spectrophotométrique de l’oxydation d’émulsion de trioléine et de trilinoléine a été réalisé dans les mêmes conditions. Comme le montre la Fig. 41, aucune évolution notable de l’absorbance à 273 nm n’a pu être observée, signifiant ainsi que les produits d’oxydation de ces TAGs n’interféraient pas dans la fenêtre spectrale des triènes conjugués. Ainsi, parmi les acides gras susceptibles de s’oxyder et présents en quantité notable, seuls les acides éléostéariques contribueraient au signal à 273 nm.

Fig. 41. Évolution du spectre UV de 115 µM de trilinoléine (a) ou de trioléine (b) émulsifiées dans le PBS (pH 7,2) par 17 µM de Brij 35 lors de l’oxydation accélérée induite par 1 mM d’AAPH à 37°C. Aucune correction de l’absorbance de la microplaque et du milieu n’a été réalisée.

Les Figs. 40 et 41 montrent d’autre part que l’oxydation complète de l’huile de tung, tout comme l’oxydation de la trioléine et de la trilinoléine, ne permet pas d’atteindre une valeur d’absorbance nulle. Cette absorbance résiduelle provient probablement de la diffraction de la lumière sur les gouttelettes d’huile émulsifiée. En effet, un milieu émulsifié n’est pas totalement transparent aux photons. Pour s’affranchir de cette absorbance résiduelle, la soustraction du spectre de l’huile de tung par un témoin contenant le même milieu réactionnel, à l’exception de l’huile, pourrait être envisagée. Cependant, l’analyse de substances

0,8 0,6 0,4 0,2 273 nm 234 nm 234 nm 273 nm 0 1 230 250 270 290 310 A b s o rb a n c e 0 0,2 0,4 0,6 0 60 120 180

Temps d’incubation (min)

A b s o rb a n c e 0 0,2 0,4 0,6 0 60 120 180 Longueur d’onde (nm) Émulsion de trioléine (D) Émulsion de trioléine (B) Émulsion de trilinoléine (A)

Émulsion de trilinoléine (C) 0,6 0,4 0 1 0,2 0,8 230 250 270 290 310

antioxydantes susceptibles d’absorber, même faiblement, à ces longueurs d’onde, nécessiterait l’emploi d’un témoin par échantillon. Cependant, puisque cette absorbance résiduelle est la même pour tous les échantillons testés, celle-ci ne semble pas induire en erreur. De ce fait, nous n’avons pas eu recours à un tel témoin qui aurait divisé de moitié le débit de la méthode.

En complément de l’étude par spectrophotométrie d’absorption, l’oxydation de l’huile de tung a été examinée par spectrofluorimétrie, toute chose étant égale par ailleurs. Ainsi, le suivi fluorimétrique (λex : 273 nm) de l’oxydation d’une émulsion d’huile de tung a montré une légère décroissance de l’émission à 400 nm accompagnée d’une augmentation beaucoup plus importante de l’émission à 335 nm (Fig. 42). Ce phénomène est difficile à interpréter, notamment du fait que cette dernière émission peut avoir de multiples causes. En effet, comme nous l’avons préalablement montré, la fluorescence propre à la microplaque (Fluotrac Greiner, λem = 332 nm) pourrait expliquer la longueur d’onde d’émission à 335 nm, mais semble, en revanche, incapable de rendre compte de son accroissement drastique. Cette apparition de fluorescence, par son allure, suggère plutôt la formation de produits d’oxydation. Cependant, si la formation d’adduits fluorescents (λex : 340-390/λem : 430 490 nm) entre les groupements amines libres et les aldéhydes réactifs est bien documentée, peu de données relatives à des produits fluoresçant à 335 nm sont disponibles. Plusieurs hypothèses peuvent tout de même être formulées, la première étant que l’huile de tung oxydée génère des fluorophores.

En marge des produits d’oxydation de l’huile de tung, une telle fluorescence suggère également l’implication des tocophérols. En effet, ces antioxydants endogènes préalablement identifiés comme étant de la forme β, fluorescent à 330 nm suite à une excitation à 290 nm (Taylor, 1976). Or, dans le cas d’une oxydation de l’huile de tung, une consommation des tocophérols suppose une extinction de fluorescence et non son apparition, ce qui infirme l’implication directe des tocophérols. D’autre part, d’après Taylor (1976), le principal produit d’oxydation des tocophérols, le tocophérylquinone, est un composé non fluorescent. Bien évidemment l’implication des tocophérols pourrait être aisément confrontée à l’expérience, en éliminant les tocophérols de l’huile de tung, par purification des TAGs sur une colonne d’alumine. Cependant, dans tous les cas, la mesure de produits d’oxydation ne renseigne que temporairement sur l’oxydation puisque ces produits peuvent se transformer en d’autres produits qui ne seront pas forcément détectables. Ainsi, bien que la fluorimétrie constitue une méthode plus spécifique que la spectrophotométrie d’absorption, cette dernière semble être la seule, dans ce système de test, à fournir une information sur la disparition du triène conjugué.

Pour cette raison, nous avons sélectionné la spectrophotométrie d’absorption pour évaluer l’étendue de l’oxydation de l’huile de tung en absence ou en présence de différentes concentrations de composés potentiellement antioxydants.

Fig. 42. Évolution du spectre d’émission d’huile de tung émulsionnée dans le PBS (pH 7,2) par 17 µM de Brij 35 lors de l’oxydation accélérée induite par 1 mM d’AAPH à 37°C. Aucune correction de l’absorbance de la microplaque ou du milieu n’a été réalisée.

1.2. MESURE DE LA CAPACITÉ ANTIOXYDANTE DE COMPOSÉS PHÉNOLIQUES