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CHAPITRE 1 : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE

3. MÉTHODES D’ÉVALUATION IN VITRO DE LA CAPACITÉ ANTIOXYDANTE

3.2. MÉTHODES COMPÉTITIVES

3.2.2. Disparition du substrat

3.2.2.2. Méthode utilisant la fluorescéine (ORAC FL )

S’inspirant de la méthode ORACβ-PE, Ou et al. (2001) développèrent une méthode de détermination de l’activité antioxydante basée sur les propriétés de fluorescence de sels disodiques de fluorescéine (FL)10. Cette sonde fluorescente (Fig. 23) émet vers 515 nm suite à une excitation vers 490 nm, mais perd ses propriétés spectrales une fois oxydée par des peroxyradicaux générés par l’AAPH en milieu aqueux tamponné (pH 7.4) ; cette chute de fluorescence étant enregistrée en fonction du temps dans un spectrofluorimètre à cuve (1 cm). Lorsqu’un antioxydant est ajouté, une réduction des peroxyradicaux a lieu, les rendant indisponibles pour oxyder la fluorescéine, ce qui se traduit par un ralentissement dose-dépendant de la chute de fluorescence. De manière analogue à la méthode ORACβ-PE,

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l’information est extraite par l’intermédiaire d’un calcul de l’aire sous la courbe et le Trolox est utilisé comme antioxydant de référence.

Fig. 23. Structure chimique du sel disodique de fluorescéine.

Globalement, le remplacement de la

β

-phycoérythrine par la fluorescéine permet de pallier certains problèmes de photodécoloration, d’interactions non-spécifiques avec des composés phénoliques, de coût et de reproductibilité. En effet, Ou et al. (2001) ont démontré qu’en absence d’AAPH, la fluorescence de la

β

-phycoérythrine n’était pas stable lorsqu’elle était seule ou en mélange avec certains composés phénoliques. D’autre part, d’après ces auteurs, 75 % du coût de la méthode ORACβ-PE sont imputables à la protéine fluorescente qui, en outre, présente une grande variabilité d’un lot à l’autre. La méthode ORACFL a par la suite été adaptée à une mesure à haut débit en lecteur de microplaques (Huang et al., 2002).

En terme d’application à l’évaluation de l’activité antioxydante d’extraits végétaux, la méthode ORACFL a été utilisée sur des composés issus d’extraits torréfiés de cafés verts de type Arabica et Robusta (del Castillo et al., 2005), sur des plantes amazoniennes utilisées dans la médecine traditionnelle (Silva et al., 2007 ; Souza et al., 2008), sur des jus de fruits commerciaux (Seeram et al., 2008). Récemment, le fruit de Euterpe oleraceae, communément appelé acai, a suscité un intérêt exceptionnel, en raison de sa valeur H-ORACFL qui est la plus élevée parmi les aliments et les extraits végétaux jusqu'à présent analysés par cette méthode (Schauss et al., 2006). Soulignons également le travail de Ou et al. (2002) qui ont analysé avec les méthodes ORACFL et FRAP pour ferric reducing antioxidant

power, 927 échantillons végétaux (111 de choux blanc, 59 de carottes, 51 de haricots verts,

57 de choux-fleurs, 33 d’oignons blancs, 48 d’oignons rouges, 130 de brocolis, 169 de tomates, 25 de betteraves, 88 de pois, 88 d’épinards, 18 de poivrons rouges, et 50 de poivrons verts) collectés sur divers marchés à différentes saisons de récolte. Tout d’abord, cette étude montre clairement la dépendance de la valeur ORAC à la variété, la localisation géographique ainsi que la saison de récolte. D’autre part, il est apparu qu’il n’existait pas de corrélation entre les résultats fournis par les méthodes FRAP et ORACFL, ce que les auteurs expliquent en

COONa

O O

partie par des différences de mécanismes d’action antioxydante (transfert d’électron pour la méthode FRAP vs. transfert d’atome hydrogène pour la méthode ORACFL).

Concernant les inconvénients, notons que la méthode ORACFL telle que développée par Ou et

al. (2001) permet seulement d’analyser les composés hydrophiles. Pour pallier ce désavantage, Huang et al. (2002) utilisèrent à la fois (i) des

β

-cyclodextrines aléatoirement méthylées et (ii) de l’acétone en faible proportion pour solubiliser les antioxydants lipophiles dans le tampon phosphate. De fait, il existe actuellement deux protocoles ORACFL, un pour tester les antioxydants hydrophiles (H-ORACFL, H pour hydrophile) et un autre pour tester des composés lipophiles (L-ORACFL, L pour lipophile). Dans le cas particulier du plasma sanguin, Prior et al. (2003) montrèrent que, puisqu’une extraction à l’hexane des composés lipophiles du plasma, avant analyse avec la méthode H-ORACFL n’altérait pas la valeur H-ORACFL, les deux valeurs (H-ORACFL et L-ORACFL) pouvaient être additionnées et conduire à la valeur totale T-ORACFL prenant en compte l’ensemble des propriétés antioxydantes du plasma. Cependant, si ce raisonnement semble justifié d’un point de vue analytique, il est grandement discutable au regard des mécanismes complexes de l’activité antioxydante. Ainsi, le fait que les antioxydants lipophiles et hydrophiles ne soient pas analysés dans un même test suppose que leurs propriétés antioxydantes mesurées séparément dans des milieux différents peuvent être additionnées. Or, comme nous l’avons déjà montré, les antioxydants de polarités différentes peuvent agir par l’intermédiaire de mécanismes d’action synergique ou antagoniste. D’un point de vue opératoire, notons que cette démarche peut s’avérer particulièrement laborieuse. Se pose également la question de l’utilisation d’un émulsifiant destiné à solubiliser l’antioxydant, puisque dans les milieux hétérogènes comme les émulsions, l’émulsifiant sert à solubiliser le substrat lipidique (et non l’antioxydant). Plus fondamentale encore est la critique selon laquelle l’antioxydant est présent en très large excès (0.5-5 µM) par rapport au substrat oxydable (63 nM), ce qui est irréaliste. En effet, ce test ne mesure pas une activité antioxydante au sens classique du terme, puisque selon la définition communément acceptée, un antioxydant est « une substance qui, en faible concentration par

rapport au substrat, inhibe ou prévient l’oxydation de ce dernier » (Halliwell et Gutteridge, 1995). Malgré ces critiques, la méthode ORACFL est l’une des plus utilisées actuellement, à la fois (i) pour étudier la relation structure-activité de composés purs, (ii) pour tester le pouvoir antioxydant de différents extraits végétaux, et enfin (iii) pour analyser l’influence de certains régimes alimentaires sur les propriétés antioxydantes du plasma.