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5.2 L ES TESTS UTILISATEURS

5.2.3 Outils en ligne

Les outils en ligne d’aide à la conception se développent rapidement depuis quelque temps, que ce soient des outils d’aide au prototypage ou des outils d’évaluation de l’interface. Nous avons évoqué plus haut le terme de online usability study et la distinction entre outils de test en ligne modérés (l’expérimentateur observe les participants et communique avec eux) et non modérés (collecte automatique de données comportementales). Cette dernière catégorie sera l’objet de notre recherche.

Un point essentiel des outils en ligne réside dans le type de données collectées. Contrairement aux autres méthodes utilisées dans la conception centrée sur l’utilisateur, les outils en ligne peuvent potentiellement récolter quatre type de données différents : données qualitatives et quantitatives, opinions et comportements des utilisateurs (voir Figure 12).

Taux de réussite et temps de passation sont des exemples de données quantitatives généralement enregistrées par les outils en ligne. Les données qualitatives sont recueillies à travers les commentaires des participants. Ceci a l’avantage de donner un très bon aperçu de l’expérience réelle des utilisateurs, qui peuvent expliciter leur expérience, réalisée dans des conditions écologiques, ce qui constitue une vraie plus-value des outils en ligne. Par ailleurs, les outils en ligne permettent non seulement d’obtenir des informations sur ce que ressentent les utilisateurs et l’expérience vécue, mais également sur les actions qu’ils ont réalisées. Il est donc possible de connaître à la fois leurs opinions sur ce qui leur ont plu ou déplu, leur satisfaction générale, et également leur taux de réussite, quelles pages ils ont consultées, où ils ont cliqué sur une page en particulier.

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Figure 12. Type de données récoltées par les études d'utilisabilité en ligne (Albert et al., 2010).

Les avantages de ces outils en ligne sont nombreux :

• Les utilisateurs qui participent à des études en ligne réalisent le test dans leur milieu naturel, qu’il soit professionnel ou personnel : le contexte d’utilisation est alors réel, il n’est plus simulé dans un laboratoire, ce qui augmente la validité écologique des mesures effectuées.

• Cela permet également d’accéder à des personnes qui ne peuvent pas se déplacer pour un test, comme des personnes très occupées, ou malades, ou éloignées géographiquement du lieu de test (Baravalle & Lanfranchi, 2003). En n’ayant pas à se déplacer, les participants gagnent du temps, ce qui est un avantage pour eux également.

• De façon complémentaire précédent, les outils de test en ligne permettent de vérifier la diversité géographique et d’observer les réactions des utilisateurs habitant dans des pays très différents et ayant des équipements technologiques également très divers (Bolt &

Tulathimutte, 2010).

• Par ailleurs, ces outils peuvent se révéler très pratiques lorsque l’évaluateur doit faire passer des tests dans plusieurs langues. Après

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avoir fait traduire les tâches, il peut faire passer les tests sans lui-même maîtriser la langue de test (Albert et al., 2010).

• Le recrutement est facilité et plus rapide, lorsqu’on décide d’intercepter les utilisateurs qui se connectent au site internet testé, ce qui contribue également à augmenter la validité écologique des tests.

En interceptant les utilisateurs directement sur le site internet, il n’y a plus besoin de publier de petites annonces ou d’envoyer des e-mails à des listes de diffusion pour recruter des utilisateurs (Bolt &

Tulathimutte, 2010).

Cependant, si ces outils permettent des évaluations quantitatives sur un grand nombre de participants, ils ont l’inconvénient de ne pas pouvoir traduire les intentions du participant : un grand nombre d’informations qualitatives est ainsi perdu. De plus, bien que l’absence de modérateur puisse simplifier les passations, elle implique également qu’il n’y a plus de contrôle sur la passation : l’utilisateur ne peut pas être réorienté s’il a mal compris la tâche, par exemple.

Les outils d’évaluation en ligne peuvent être rangés dans deux catégories: les outils permettant de faire des études qualitatives, et ceux permettant des études quantitatives. Les premiers également appelés « modérés », en référence à la possibilité de modérer le test, ils sont davantage un substitut du laboratoire de test pour un test à distance. Ils mettent l’accent sur un plus petit nombre de participants, et le livrable obtenu par l’évaluateur est généralement une vidéo. Les différentes formes de recherche à distance modérée sont les entretiens, des recherches ethnographiques, et les discussions de groupe (Focus Group). Toutes les personnes impliquées (modérateur, participants, et éventuellement observateurs) sont présents de façon synchrone, à distance. Quant aux outils orientés sur l’aspect quantitatif, que l’on regroupe aussi sous le nom d’outil automatisé, la personne qui conduit la recherche n’a pas de contact direct avec les participants et ne communique pas avec eux de façon directe. Ils permettent de tester un nombre important de participants et de mesurer leur performance sur des métriques telles que le taux de succès à une tâche, le temps mis par les participants pour une réaliser une tâche, le taux d’abandon, ou le parcours de clic effectué. Certains outils offrent également la Evaluation de l’utilisabilité d’une interface || 48

possibilité de faire passer des questionnaires, pour évaluer la satisfaction des utilisateurs. Au contraire des outils modérés, les outils automatisés sont utilisés de façon asynchrone : le chercheur conçoit et lance l’étude, puis les participants réalisent les tâches assignées ; le chercheur rassemble les différentes données récoltées et les analyse (Bolt & Tulathimutte, 2010).

Aucune étude scientifique ne recense, à notre connaissance, ces différents types d’outils, ni n’analyse leurs impacts sur la pratique d’ergonome. Nous proposons dans ce travail d’étudier de façon plus détaillée les outils de test à distance automatisé (sans modération), qui peuvent eux-mêmes se ranger en plusieurs catégories (voir Figure 13) :

• les outils de tri de cartes : cette technique utilisée afin de créer l’architecture de l’information, dans laquelle le participant regroupe les items mis à sa disposition selon les catégories qui lui semble le plus naturel. Les outils en ligne permettent de réaliser tant des tris de cartes ouverts (dans lesquels les participants nomment eux-mêmes les catégories) que fermés (les noms de catégories sont prédéfinies par l’équipe de recherche) ;

• les sondages : relevant davantage des études de marketing que d’expérience utilisateur, les questionnaires ne reflètent pas les comportements des utilisateurs. Ils sont toutefois utilisés pour récolter notamment des données démographiques ou les opinions des utilisateurs ;

• les web analytics : permettent de contrôler le trafic, en traçant plusieurs données telles que les mots clé ayant amenés sur le site internet, le temps passé sur chaque page, le nombre de visite, etc. ; selon, ces données ne permettent pas de répondre à des questions de conception spécifiques ;

• le test multivarié : présentation de différentes versions d’un même site internet, aussi appelé « A/B Testing » ; ce terme qui réduit le nombre de variantes à deux, alors que ce chiffre peut être plus élevé ;

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• les journaux de bord et études ethnographiques : les utilisateurs peuvent remplir des journaux, qu’ils soient écrits ou sous forme de vidéo, concernant leurs expériences d’interaction avec une interface en particulier ;

• les outils d’annotation, qui permettent aux utilisateurs de laisser des commentaires écrits sur des images statiques de l’interface sur des points précis d’un design ;

• le traçage des entrées, telles que les mouvements de la souris et les saisies effectuées au clavier ;

• les incitations de tâches, outils qui permettent aux utilisateurs de réaliser des tâches de navigation et d’interagir avec l’ensemble du site

internet évalué.

Figure 13. Les différentes dimensions des outils de test en ligne. L'axe Concret/Conceptuel indique à quel point les tâches des utilisateurs représentent leurs comportements réels avec une interface, tandis que l'axe Qualitatif/Quantitatif fait référence à la présence ou non de la modération (Bolt & Tulathimutte, 2010).

Nous nous intéressons ici aux deux dernières catégories d’outils mentionnés dans la liste ci-dessus. Dans celle des incitations de tâches, on dénombre plusieurs produits : UTE, UserTesting, UserZoom, OpenHallway, AddUse ne sont que quelques uns des outils disponibles. Il s’agit généralement d’outils payants, qui

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permettent de définir une tâche sur un site web en particulier. Un lien hypertexte est alors envoyé aux utilisateurs, qui tentent de réaliser la tâche qui leur est demandée.

Les possibilités offertes par les multiples outils sont différentes, bien que le principe de base décrit précédemment reste le même. Certains outils invitent les utilisateurs à cliquer sur une partie de l’écran, d’autres proposent de réaliser une tâche dans son ensemble et enregistrent les comportements effectués lors de la navigation et de l’interaction avec le site internet, d’autres offrent également la possibilité supplémentaire aux participants d’indiquer lorsqu’ils ont terminé la tâche ou qu’ils l’abandonnent. Cette catégorie d’outil permet de découvrir comment les utilisateurs interagissent avec le site internet, et amène des réponses à des questions portant par exemple sur les difficultés à réaliser une tâche, ou sur les chemins les plus couramment utilisés pour accéder à une information (Bolt & Tulathimutte, 2010).

Nous avons jusqu’ici abordé des questions méthodologiques d’ordre général.

Nous allons dans le chapitre suivant nous intéresser à une activité impliquant une interaction humain-machine plus spécifique, particulièrement fréquente dans le grand public : la recherche d’information sur internet.

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6 Modèles de recherche de l’information

Les processus cognitifs mis en œuvre par un individu lorsqu’il visite un site web sont assez équivalents à ceux qui ont lieu lors du traitement d’un texte.

Toutefois, l’information n’est pas organisée de manière séquentielle comme dans un texte traditionnel, mais se distribue sur un espace virtuel multidimensionnel, ce qui complexifie les opérations de navigation et de recherche d’information. Dans les années 1980, avec l’accroissement de la présence des hypertextes, est apparue la problématique de la recherche d’information en tant que question scientifique. Le développement d’internet a encore renforcé l’intérêt de cette problématique, la recherche d’information apparaissant aujourd’hui comme une activité essentielle.

Grâce à internet et à ses développements récents, l’individu a maintenant accès à une énorme quantité d’informations, disponible en quelques clics de souris.

Le problème n’est plus ici celui de l’accès à l’information, mais de savoir trouver l’information pertinente dans une masse énorme d’informations. En effet, face à ces informations, les utilisateurs doivent constamment sélectionner l’information pertinente tout en mettant de côté les informations non pertinentes. Plus particulièrement, l’utilisateur doit commencer par identifier ses besoins, puis localiser les sources d’informations qui y correspondent, extraire et organiser les informations pertinentes, et enfin les synthétiser. Ces activités constituent un processus nommé information-problem solving (IPS) (Walraven, Brand-Gruwel, & Boshuizen, 2008), ou recherche d’information (RI) en français (Rouet & Tricot, 1998). Cette dénomination met en avant l’activité de résolution de problème : il ne s’agit pas simplement d’une procédure à exécuter.