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9.3 H YPOTHÈSES OPÉRATIONNELLES

10.3.7 Distance moyenne œil-souris

La distance moyenne (en nombre de pixels) entre la souris et les yeux a été calculée afin de tester la relation entre les mouvements des yeux et ceux de la souris. Le calcul réalisé est basé sur le théorème de Pythagore, et a été implémenté dans un script développé par Rolf Wipfli. Son fonctionnement est le suivant : entre t1

et t2, le script calcule la différence de position de la souris, vérifie s’il y a une différence de position au niveau des yeux, puis calcule la distance entre les deux. La moyenne de toutes ces distances est ensuite calculée par le script pour toutes URL visitée par les participants lors de l’étude. Un calcul similaire a été utilisé par Huang et al. (2011), qui avaient trouvé des distances moyennes de 179 px (ET = 139 px) dans leur étude (tâche de navigation sur un moteur de recherche).

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Nous avons mentionné précédemment que l’acuité du regard est maximale dans la zone fovéale, qui correspond au 2° du centre du champ visuel (section 5.2.2., p. 43). Nous avons également indiqué les caractéristiques techniques de l’eye-tracker (section 10.2.3.1, p. 127). Il est désormais possible de calculer la zone fovéale en termes de pixels, en considérant une distance d de 70 cm entre les yeux des participants et l’écran. La formule pour calculer le rayon de la zone fovéale (dont l’angle est 1°) projetée sur l’écran, nommé rf, est la suivante :

𝑟𝑓 =𝑑 ∙ tan(1°)

En considérant que d = 70 cm, nous obtenons rf = 1.22 cm (angle de 1°) et rpf = 7.357 cm (angle de 6°). Sur la Figure 11 (p. 45), rf correspond à la zone verte sur l’écran, et rpf est représentée par la zone orange sur l’écran.

Nous savons que l’écran de l’eye-tracker possède une diagonale de 17’’

(43.18 cm) et que sa résolution est de 1280*1024 pixels, ce qui nous permet de calculer le rayon de la zone fovéale en termes de pixels, en utilisant la formule suivante :

𝑧𝑓 =𝑟𝑓∙√12802 + 10242 17′′

Nous obtenons alors les valeurs pour la zone fovéale (zf) et pour la zone parafovéale (zpf) suivantes :

𝑧𝑓 = 46 𝑝𝑥 𝑧𝑝𝑓 = 279 𝑝𝑥

Si l’œil une fixation a été observée à une position x et que la souris a été enregistrée à une position y et que la distance entre x et y est comprise entre 0 et 46 px, nous pouvons considérer l’acuité sur le curseur de la souris comme étant maximale. Entre 46 et 279 px, l’acuité est moindre, et elle est encore plus pauvre au-delà de 279 px (zone périphérique). La distance moyenne entre la position du curseur de la souris et celle des yeux est de plus de 480 px : en général, le curseur est placé dans la zone périphérique du champ de vision des participants (voir par exemple la Figure 39 pour une illustration de distance élevée).

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Figure 39. Copie d'écran d'une page de résultats. Les points rouges représentent des fixations oculaires.

Le curseur de la souris est positionné sur le bouton « Répondre » en bas de page.

Une option supplémentaire du script permet de calculer la distance entre l’œil et la souris en tenant compte d’un décalage dans le temps. Pointer des objets à l’aide d’une souris requière à la fois des mouvements oculaires et des mouvements moteurs (Lohse & Johnson, 1996). Card et al. (1983, cités par Lohse & Johnson, 1996) ont montré que pointer des objets de tailles variables avec une souris demande en moyenne 1.1 seconde par sélection. Nous avons donc exploité le filtre temporel du script pour déterminer si la distance moyenne entre la souris et les yeux est différente selon l’intervalle de temps inséré entre les deux types de mouvements.

Nous avons donc calculé la distance à 0, 200, 1000 et 1300 millisecondes.

Nous avons retenu pour ces calculs uniquement les pages qui ont été consultées par au moins 20 participants, à savoir : toutes les pages de résultats,

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ainsi que les pages OPIE (tâche Taon) et Travel (tâche Visa). Les distances moyennes sont données dans le Tableau 24.

Tableau 24. Distance moyenne (px) entre la position de la souris et celle des yeux

Tâche : Page Intervalle temporel

Minimum Maximum Moyenne Ecart-type

Taon : OPIE 0 ms 256 656 438 111

Nous avons à nouveau réalisé une anova pour plan à mesures répétées. Les conditions de normalité, d’homogénéité des variances et de sphéricité semblent satisfaisantes. Les résultats ne montrent aucune différence significative entre les distances selon les différents intervalles temporels, ce qui suggère que le décalage temporel entre le mouvement moteur et les mouvements oculaire cité plus haut

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(Card et al., 1983, cités par Lohse & Johnson, 1996) n’est pas présent, et/ou que quel que soit le décalage, la distance est importante et varie peu.

10.4 Discussion

L’objectif de cette étude était d’étudier deux indicateurs online, à savoir les mouvements oculaires et les mouvements de la souris, dans une tâche de recherche d’informations. Nous étions intéressés à déterminer s’il existe un lien entre ces deux indicateurs, et également à étudier le rôle des croyances épistémologiques sur le comportement des utilisateurs.

Notre étude n’a pas montré de lien entre les deux indicateurs mentionnés.

Les mouvements oculaires des participants ne sont pas liés à leurs mouvements de souris. De plus, les distances moyennes entre la position des yeux et celle de la souris sont élevées. Les participants n’ont pas eu besoin de regarder où se trouvait leur curseur pour chercher de l’information sur une page. La Figure 39 (p. 146) représente bien ceci : le ou la participant∙e a positionné sa souris sur le bouton pour répondre à la question initiale, et son regard est fixé sur du texte plus haut sur la page. Il ou elle sait très bien où est située sa souris et profite de mémoriser quelques informations avant de presser sur le bouton de souris. Nos données ne permettent pas de confirmer notre hypothèse de départ et ne vont pas dans le sens des données de Huang et al. (2011). Ces derniers ont réalisé le même type de calculs que les nôtres et ont obtenu une distance moyenne de 179 px entre la position des yeux et celle de la souris ; toutefois, leur tâche était une tâche de navigation sur une page de résultats de recherche, ce qui peut expliquer la différence entre leurs valeurs et celles de notre étude.

Avec une fréquence d’enregistrement de 120 Hz, l’eye-tracker génère un nombre très important de données concernant le regard. Le script d’enregistrement des mouvements de la souris développé pour cette étude ne génère pas de données tant qu’il n’y a pas de mouvement. La quantité de données disponible pour ces deux indicateurs varie donc énormément et leur relation n’est pas évidente. De fait, nous nous interrogeons sur la pertinence de l’enregistrement mouvements de la

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souris ; les clics de souris sont peut-être suffisants pour avoir une indication des actions réalisées par les utilisateurs. Ce point pourrait faire l’objet d’études futures.

La différence entre les scores au pré-test et au post-test étant statistiquement significatives, nous pouvons en déduire que les participants ont réussi à identifier les informations pendant l’expérience, à travers les sites internet mis à leur disposition.

Par ailleurs, nos résultats montrent qu’il n’y a pas de lien entre les croyances épistémologiques et les performances des participants, ce qui ne permet pas de confirmer notre hypothèse initiale. En effet, nous pensions que la façon dont les gens perçoivent Internet en tant que source de connaissances aurait une influence sur leur façon de traiter le contenu des sites internet, particulièrement ce qui concerne la fiabilité de l’auteur du contenu, mais tel n’est pas le cas. Peut-être s’agit-il d’un effet de l’échantillon ; nous n’avons pas contrôlé cette variable et les participants venaient d’horizons différents, allant d’assistants à l’Université à des mécaniciens automobiles. L’échantillon n’était donc ni contrôlé ni homogène.

Les participants n’ont pas tenu compte de la source à l’origine du contenu émis. L’évaluation de la source d’un document est une compétence importante, en particulier quand il s’agit d’intégrer différents contenus issus de plusieurs documents. Il a déjà été démontré que les adolescents n’évaluent pas de façon spontanée la source des documents (Britt & Aglinskas, 2002). Les informations relatives à la source aident pourtant grandement à la compréhension d’un texte, et en particulier lors de l’étude de thèmes sujets à la controverse (par exemple des sujets en histoire, où l’interprétation personnelles de certains événements varie grandement) (Rouet, 2006). Dans le cas de notre étude, nous avons proposé des tâches qui ne sont pas issues du domaine académique mais plutôt de la vie quotidienne ; lorsqu’il s’agit de sujets de « culture générale », nos résultats indiquent que les participants prêtent peu d’attention aux sources.

Les comparaisons que nous avons effectuées sur les différentes zones d’intérêts (AOI) montrent que les zones de texte ont été davantage regardées que les zones sources sur les sites d’information, et que les sites pertinents mais peu fiables ont été plus consulté du regard sur les pages de résultats de recherche.

Nous sommes conscients du fait que les zones n’ont pas des tailles équivalentes, et Etude 3 : Lien mouvements des yeux et de la souris dans une tâche de recherche d’information || 149

que, sur les pages de résultats de recherche, le nombre de site dans chaque catégorie n’est pas égal (1 site pertinent et fiable, 3 sites pertinents mais peu fiables, 1 site non pertinent). Les valeurs utilisées portent sur l’ensemble des fixations ayant eu lieu sur chaque page, et il nous semblait délicat de modifier les données selon un rapport de taille des zones.

De fait, nous constatons que les données récoltées (mouvements oculaires, mouvements de souris, scores sur ISEQ, efficacité, efficience) ne suffisent pas pour comprendre les critères auxquels ont eu recours les participants pour évaluer la fiabilité des sites internet à leur disposition. Il manque des données, telles que des verbalisations, par exemple, pour aller plus loin dans l’analyse de la recherche d’information ou que le construct mesuré soit à préciser.

10.4.1 Limites de l’étude

La limite la plus importante de notre étude vient d’une contrainte que nous nous étions imposée. Pour nous assurer que les sites internet sélectionnés seraient identiques tout au long de l’étude, et également pour éviter que les participants aient recours au défilement horizontal ou vertical, nous avons utilisé des copies d’écran des sites concernés. Cela nous a aussi été utile pour avoir les « sites » sur nos serveurs, ce qui nous a permis d’exécuter le script de capture des mouvements de souris. Cependant, les « sites » n’en étaient pas vraiment : il s’agissait d’images, auxquelles toute interactivité était éliminée. Aucun lien ni aucun texte n’était actif.

Les participants ne pouvaient ni sélectionner de texte, ni faire de recherche sur la

« page » (nous avons observé un participant essayant d’utiliser cette fonction), ni cliquer sur les liens. Dès lors que la navigation était très limitée, le recours à la souris l’a certainement également été.

Le logiciel ad hoc que nous avons utilisé pour enregistrer la position de la souris au cours de l’expérience a été développé avec l’objectif de calculer les distances œil/souris moyennes sur chaque page et ne permet pas de faire des calculs supplémentaires. Plusieurs questions sont soulevées par nos données, dont les réponses nécessiteraient nouvelle version du logiciel et auxquelles nous ne sommes pas en mesure de répondre avec les données à notre disposition. Par

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exemple, il serait intéressant de pouvoir analyser la distribution des distances au cours du temps, afin de déterminer notamment à quels moments la souris est plus proche du regard, ou n’étudier que les moments où la souris est en mouvement, ou encore s’intéresser uniquement aux clics de souris.

Il faut en outre noter que nous avons traduit nous-mêmes le questionnaire ISEQ, sans faire valider notre traduction. De plus, nous avons modifié un aspect du questionnaire. Le questionnaire original s’intéresse aux connaissances liées aux cours. Puisque notre étude ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une classe d’école, nous avons remplacé les références aux « cours » et « classes » par « domaine d’expertise ». Cela a pu introduire un biais dans l’utilisation de ce questionnaire.

Rouet, Ros, de Pereyra, Macedo-Rouet & Salmerón (2012) ont également réalisé une étude en utilisant le questionnaire ISEQ, et n’ont pas obtenu de corrélation significative entre les résultats au questionnaire et les scores de performance. Il se peut que le questionnaire nécessite quelques améliorations.

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11 Discussion générale

Notre préoccupation majeure au cours de ce travail était d’ordre méthodologique, et nous nous sommes interrogés sur l’utilisation des outils de tests utilisateurs à distance sans modération ainsi que celle des mesures online dans le cas d’évaluation d’utilisabilité de sites internet.