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Un outil de modernisation du droit des libertés

321. La première présentation du concept de droits fondamentaux a été réalisée par Michel Fromont dans son étude consacrée en 1975 aux « droits fondamentaux dans l’ordre juridique de la République Fédérale d’Allemagne.576 » Utilisée par les Cours

suprêmes à la fin des années 1980, par exemple pour le Conseil d’Etat, dans le cadre du contentieux de l’extradition577, il faut attendre le début des années 1990, par la

décision 89-269 DC du 22 janvier 1990578, pour que le Conseil constitutionnel s’en

empare à son tour. Ces quelques éléments indiquent que la notion de fondamentalité, notamment envisagée en tant que catégorie normative, est récente dans le système de droit interne. Ceci explique sans doute pourquoi, demeurent des incertitudes quant à son sens exact.

322. Cependant, la notion de modernité ne renvoie pas uniquement à une acception temporelle. La fondamentalité est un concept moderne, certes au sens chronologique, mais aussi au sens conceptuel. Le contenu de la fondamentalité n’est pas exclusif. Il est composé de normes diverses et hétérogènes appartenant à des catégories normatives distinctes que sont les droits de l’homme et les libertés publiques. Face à ce constat, il nous faut nous interroger sur le fait de savoir quels peuvent être les intérêts d’user de la fondamentalité pour ces normes déjà qualifiées ou classifiées ? 323. L’emploi du qualificatif « fondamental » traduit une logique de prévalence dans un

cas d’espèce donné et elle n’a pas vocation à se substituer à la classification normative existante. L’indétermination de la notion permet aux juridictions, non seulement de concilier des normes entre elles, mais également de faire évoluer le contenu de celles- ci. C’est ce qu’Etienne Picard conceptualise sous les expressions de fondamentalité intranormative et extranormative.579

576 FROMONT Michel, Les droits fondamentaux dans l’ordre juridique de la République Fédérale d’Allemagne,

Mélanges Eisenmann, Paris, Cujas, 1977, p. 49

577Conseil d'Etat, 2 /10 SSR, du 7 janvier 1987, 75867, inédit au recueil Lebon « Considérant que contrairement aux allégations du requérant le système judiciaire des Etats-Unis d'Amérique respecte les droits et libertés fondamentaux de la personne humaine ainsi que l'exigent les principes généraux du droit de l'extradition » 578 22 janvier 1990 - Décision n° 89-269 DC Loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à

la santé Recueil, p. 33 - Journal officiel du 24 janvier 1990, p. 972

579«Mais le fait que la reconnaissance de la fondamentalité ne procède pas du texte formel apparaît plus nettement encore lorsque, même dans le cas d'une possible hiérarchisation formelle des droits par le texte lui-

324. Dans le cadre de la fondamentalité intranormative, le juge se trouve dans l’hypothèse où il est face à deux droits ayant une valeur juridique identique. Pour trancher le litige qui se présente à lui, il va devoir les concilier. La conciliation, c’est- à-dire l’action visant à rendre des choses compatibles, consiste à faire prévaloir, dans un cas d’espèce précis, un droit sur un autre droit. C’est le fait d’accepter que l’application d’un droit constitue la limitation d’un autre droit. Cette notion est présente dans l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits.580 »

325. Dans le cadre de la fondamentalité extranormative, le juge se trouve dans l’hypothèse où il est face à une carence normative. Il ne possède pas, dans son champ de référence, de normes textuelles lui permettant de solutionner le litige. Or, le juge se doit de statuer, il ne peut refuser de répondre à une requête sous peine que soit constitué un déni de justice défini par l’article L. 141-3 du Code de l’organisation judiciaire.581 La fondamentalité devient alors un moyen pour le juge visant non pas à

concilier, mais, à résoudre une question de droit. Pour ce faire, le juge peut compléter l’ordonnancement juridique par l’introduction d’un droit nouveau ou encore élargir le champ des bénéficiaires d’un droit donné.

même, le juge, communautaire, constitutionnel ou ordinaire, en voit d'autres non formellement énoncées. Dans certaines hypothèses, il accorde à des droits qu'il dit fondamentaux, une prévalence que le texte même n'impliquait pas en raison de l'égalité formelle, constamment attestée et affirmée, des normes consacrant les droits ou les pouvoirs en conflit : il qualifie donc de fondamental un droit qui n'était pas qualifié comme tel par le texte, mais que celui-ci reconnaissait tout de même (joue alors la fondamentalité intranormative). Il va plus loin dans d'autres situations, plus démonstratives encore (par exemple, dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes ou la jurisprudence constitutionnelle) : il peut qualifier un droit de fondamental ou en appliquer les effets, alors que le texte lui-même ne mentionnait même pas ce droit (ce qui est une manifestation de la fondamentalité extranormative). »PICARD Etienne, L’émergence des droits fondamentaux en France, AJDA, 1998, p. 6

580 Article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi » OBERDORFF Henri, ROBERT Jacques, Libertés fondamentales et droits de

l’homme, Textes français et internationaux, 8e édition, Paris, Montchrestien, 2009, p. 7

581 Article L. 141-3 du Code de l’organisation judiciaire créé par la lOI n°2007-1787 du 20 décembre 2007 - art. 26 : « Les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants : 1° S'il y a dol, fraude, concussion ou faute lourde, commis soit dans le cours de l'instruction, soit lors des jugements ; 2° S'il y a déni de justice. Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d'être jugées. L'Etat est civilement responsable des condamnations en dommages et intérêts qui sont prononcées à raison de ces faits contre les juges, sauf son recours contre ces derniers. »

326. La modernité de la fondamentalité s’affirme donc dans le fait qu’elle permet aux juridictions soit de mettre en corrélation la norme ancienne avec la société actuelle ou encore en ce qu’elle offre une possibilité aux juges de répondre à des besoins juridiques nouveaux non traités de manière textuelle.

327. Ce sont ces deux aspects de la modernité de la fondamentalité que nous allons étudier, en nous concentrant, dans une section première, sur l’actualisation continue du droit ou la fondamentalité intranormative avant d’analyser, dans une section deuxième, un concept permettant l’intégration de droits nouveaux ou la fondamentalité extranormative.

Section 1 : La fondamentalité intranormative : l’actualisation continue du

droit

328. Le passage à la fondamentalité offre de nouvelles perspectives aux juridictions. Comme le souligne Richard Ghévontian en matière de référé-liberté : « le juge administratif suprême n'a pas souhaité donner l'impression de « passer à côté » d'une occasion historique de se renouveler.582 » Cette reconstruction de la conception classique des libertés est possible parce que le concept de fondamentalité n’est pas normativement déterminé. Cette souplesse inhérente à la notion permet aux juridictions, par leur interprétation, d’actualiser le contenu et la portée des libertés. 329. La modernité du concept réside ainsi dans le fait que la fondamentalité permet aux

juridictions d’actualiser le sens de certaines libertés et d’ouvrir le bénéfice de celles-ci à de nouveaux bénéficiaires.583

330. Le juge peut réactualiser le sens d’un droit, c’est-à-dire le définir par rapport au contexte actuel. Dans sa décision 81-132 DC, le Conseil constitutionnel met en exergue les évolutions subies par le droit de propriété.584 Le recours à la

582 GHEVONTIAN Richard, Le référé-liberté : une procédure prometteuse, Recueil Dalloz, 2001 p. 1748 583 FAVOREU Louis, La notion de liberté fondamentale devant le juge administratif des référés, Recueil Dalloz, 2001 p. 1739

584 16 janvier 1982 - Décision n° 81-132 DC Loi de nationalisation Recueil, p. 18 - Journal officiel du 17 janvier 1982, p. 299 : « si postérieurement à 1789 et jusqu'à nos jours, les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée à la fois par une notable extension de son champ d'application à des domaines individuels nouveaux et par des limitations exigées par l'intérêt général, les principes mêmes énoncés par la Déclaration des droits de l'homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le

fondamentalité permet de maintenir la valeur du droit en soulignant son importance, tout en admettant la nécessité de son adaptabilité à des enjeux différents de ceux qui existaient lors de sa reconnaissance.

331. La rénovation peut également passer par une relecture de la notion de personne juridique, au sens de sujet de droit. Les droits de l’homme et les libertés publiques sont attachées à la protection de la personne physique. Or, la notion de libertés fondamentales est plus large en ce qu’elle compte au rang de ses bénéficiaires des personnes morales. Bernard Faure met en exergue le lien entre transformation de la sphère juridique et développement de la fondamentalité : « l’apparition du thème des droits fondamentaux des personnes morales ne va pas sans coïncidences avec un certain nombre de transformation dans notre paysage juridique.585 »

332. Aussi, la fondamentalité peut être entendue comme un indicateur des changements, des évolutions que subit le système de droit. Nous pouvons faire le lien avec la pensée d’Emile Durkheim qui considérait le droit comme « un fait social » dont l’« importance réside en ce qu’il s’agit d’un système de règles régulatrices de l’action sociale, qui opère comme un moyen d’intégration sociale et qui contribue à ce que la société soit un système stable et intégré.586 » Ainsi, le recours à la fondamentalité par

le juge peut être interprété comme un moyen de maintenir une stabilité en dépit des transformations de la sphère juridique. Nous retrouvons ici l’idée de Jean Morange587

relative à l’emploi de l’expression « libertés fondamentales » comme signe linguistique mettant en valeur les transformations profondes des sources du droit des libertés ainsi que de ses procédures de contrôle.

333. C’est dans le but de vérifier cette hypothèse que nous allons nous intéresser à la fondamentalité comme moyen d’actualisation tant du champ normatif (§1) que du champ des libertés (§2).

caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l'un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression, qu'en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique. »

585 FAURE Bernard, Les droits fondamentaux des personnes morales, RDP, 20 août 0101, n° 1, 1er janvier 2008, p. 233

586ARNAUD André-Jean, FARINAS DULCE José, Introduction à l’analyse sociologique des systèmes

juridiques, Manuel de l’académie européenne de théorie du droit, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 52

§1 – La fondamentalité : moyen d’actualisation des normes

334. Pour Etienne Picard, la fondamentalité intranormative permet au juge de qualifier : « de fondamental un droit qui n'était pas qualifié comme tel par le texte, mais que celui-ci reconnaissait tout de même.588 » En d’autres termes, la fondamentalité

intranormative renvoie à l’effet de prévalence de la notion. Cette prévalence s’exprime, en l’espèce, au sein d’un même niveau hiérarchique. Le juge opère un agencement de normes qui lui permet de trancher une question de droit.

335. La fondamentalité intranormative ne permet pas au juge de compléter substantiellement son champ de référence normatif. Le juge tire comme conséquence du texte que, pour résoudre le conflit normatif qui lui est soumis, telle liberté doit prévaloir sur telle autre. C’est le cas du Conseil constitutionnel dans sa décision du 11 octobre 1984589. Il reconnaît le caractère fondamental de la liberté de communication mais il ne la crée pas. Il s’appuie notamment sur l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour justifier son raisonnement. Nous sommes dans le cadre d’une interprétation qui repose plus, en apparence, sur l’acte de connaissance que sur un acte de volonté. Nous pouvons supposer que le caractère fondamental de la liberté de communication découle de la rédaction de l’article 11 de la DDHC, en ce qu’il précise que cette liberté est « un des droits les plus précieux de l'homme.590 » Or,

l’adjectif précieux renvoie à la notion d’importance qui va être matérialisée par le Conseil constitutionnel en ce que la liberté de communication est le fondement de l’exercice d’autres droits : « son exercice est l'une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés.591 » La fondamentalité intranormative permet au juge de

mettre en lumière les fondements du système juridique dans lequel lui-même s’inscrit

588 PICARD Etienne, L’émergence des droits fondamentaux en France, AJDA, 1998, p. 6

589 11 octobre 1984 - Décision n° 84-181 DC Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence

financière et le pluralisme des entreprises de presse Recueil, p. 78 - Journal officiel du 13 octobre 1984, p. 3200

590 Article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, OBERDORFF Henri, ROBERT Jacques, Libertés fondamentales et droits de l’homme, Textes français et internationaux, 8e édition, Paris, Montchrestien, 2009, p.8

591 11 octobre 1984 - Décision n° 84-181 DC Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence

financière et le pluralisme des entreprises de presse Recueil, p. 78 - Journal officiel du 13 octobre 1984, p. 3200

« 35. Considérant que l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 énonce : "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi" ; 37. Considérant que, cependant, s'agissant d'une liberté fondamentale, d'autant plus précieuse que son exercice est l'une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale, la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle »

et de les garantir.592 Cette approche de la fondamentalité renvoie à l’hypothèse que

nous avons avancée selon laquelle les droits reconnus comme fondamentaux par le juge constitutionnel ont trait à l’article premier du texte constitutionnel dans lequel figurent « les principes essentiels de la République.593 » Cette approche peut être étayée par le fait que, comme le soulignent les Professeurs Mathieu et Verpeaux : « le pluralisme, la démocratie et la liberté de communication audiovisuelle forment ainsi un ensemble indissociable, ce qui explique le caractère tout à fait fondamental de cette liberté (liberté de communication). 594»

336. La fondamentalité intranormative ne produit que des effets relatifs. Elle ne modifie pas le texte. Elle ne porte atteinte à l’égalité formelle, que ce dernier prescrit, que de manière momentanée. C’est le point de distinction majeur entre le texte constitutionnel français et le texte constitutionnel allemand. Ce dernier prévoit l’intangibilité des droits fondamentaux, donc il instaure une hiérarchie intraconstitutionnelle. La Constitution du 4 octobre 1958 n’opère pas de hiérarchisation de ses dispositions. A contrario, cela signifie donc que le corpus constitutionnel ne fait qu’un, toutes les normes contenues dans le texte de la Constitution ont une seule et même valeur. Le Conseil constitutionnel, s’appliquant une doctrine de « self-restraint », se refuse à établir de son propre chef une telle hiérarchie.

337. Pour résoudre un conflit de normes, seules deux attitudes sont envisageables : « Le problème du conflit de normes est classique en droit et pour le résoudre, il y a alors deux grands types de solution : soit la question est réglée sur le terrain de la hiérarchie des normes, et le pouvoir du juge est alors encadré par l'utilisation des critères de définition de cette hiérarchie ; soit la question est tranchée sur le plan de l'interprétation, et le juge a alors un pouvoir discrétionnaire pour tenter « de concilier »

592 « Est donc, au sens propre, appelé fondamental ce qui est au fondement d'un système ou d'une organisation, ce qui est constituant, ce sur quoi tout est édifié et de quoi tout est dérivé. (…) Ils ont une répercussion sur tout ou partie du système juridique auquel ils appartiennent car leur reconnaissance et leur protection conditionnent celles d'autres droits. Le Conseil constitutionnel interprète de la sorte la liberté de communication. » CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, La notion de droit « fondamental » et le droit constitutionnel français,

Recueil Dalloz, 1995, p. 323

593 FORMERY Simon-Louis, La Constitution commentée article par article, 8e édition, Paris, Hachette supérieure, 2004, p. 9

594 MATHIEU Bertrand, VERPEAUX Michel, Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, Paris, L.G.D.J, 2002, p. 555

les normes en contradiction.595 » Puisque la Constitution n’a pas prévu de hiérarchie

normative, il ne reste qu’une solution au Conseil constitutionnel, celle de l’interprétation. Cependant, l’interprétation n’a pas les mêmes effets que la hiérarchie normative car elles sont de natures différentes. La hiérarchie normative a une portée formelle que l’interprétation n’a pas. Guillaume Drago met en valeur cette distinction : « La hiérarchie des normes entraîne certains effets automatiques et notamment l'invalidation de la norme de degré inférieur dans le cas où elle est contraire à la norme de degré supérieur. Or, dans le jeu très empirique de la « conciliation » entre des normes de niveau constitutionnel, si l'on peut remarquer que, le plus souvent, les libertés de premier rang bénéficient des préférences du juge, cet effet n'est pas automatique (...). Le terme de « hiérarchie matérielle » doit être entendu plutôt dans un sens para-juridique comme indiquant l' « importance » que le juge constitutionnel attache à certains droits et libertés avec cette conséquence que, s'ils doivent être conciliés avec des principes, des droits et des libertés moins « importants », c'est à leur exercice que l'on demandera le moins de sacrifices sur l'autel de la conciliation.596 »

338. Dans le cadre cette interprétation empirique, le juge constitutionnel ne peut développer la fondamentalité intranormative que selon deux axes. Elle lui est utile pour renouveler la grille de lecture d’une norme donnée (A) et établir une hiérarchie relative des libertés (B).

A – Une nouvelle grille de lecture d’une norme donnée

339. L’interprétation est définie par le Professeur Picard comme le moyen qui « révèle l'existence, dans le texte, [soit] d'une prévalence qui n'y était pas formellement affirmée597. » La fondamentalité intranormative apparaît comme une technique

d’interprétation qui permet au juge d’affirmer la prévalence d’une norme sur une autre norme.

340. Le juge est tenu de respecter la cohérence globale de son champ de référence normatif. La fondamentalité n’est pas un moyen de s’affranchir de la norme. Au

595 POULIQUEN Patricia, L'équilibre entre les textes de 1789 et 1946, Petites affiches, 17 février 1995, n° 21, p. 4

596DRAGO Guillaume, La conciliation entre principes constitutionnels, Recueil Dalloz, 1991 p. 265 597 PICARD Etienne, L’émergence des droits fondamentaux en France, AJDA, 1998, p. 6

contraire, elle s’inscrit dans la volonté de faire perdurer une norme donnée. Nous pouvons appuyer nos propos sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment à travers la décision 82-132 DC598 dans laquelle le juge constitutionnel rappelle l’attachement du peuple français à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Cet attachement s’est exprimé, selon le Conseil, par le fait que le peuple ait rejeté par référendum le premier projet constitutionnel d’avril 1946 qui ne constitutionnalisait pas la Déclaration révolutionnaire. C’est en s’appuyant sur cet acte du peuple souverain, que le juge constitutionnel affirme « le caractère fondamental du droit de propriété599. » Cette décision met en exergue la dimension idéologique des

droits fondamentaux. Jean Morange nous explique que « la Déclaration de 1789 contient une philosophie de « l’association politique » dont « le but (…) est la préservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. »600 » Cette dimension