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OS : entre inclusion et exclusion sociale

Chapitre 1 – Problématique

1.10 OS : entre inclusion et exclusion sociale

Lors de compétitions, les athlètes de différents calibres sont souvent répartis dans des catégories sportives distinctes les unes des autres. Ce sont souvent des principes d’égalité et de justice qui sont mis de l’avant pour justifier la création de telles catégories au sein d’une même activité sportive. Diverses formes de catégorisations sont utilisées, telles que des catégories en lien avec le poids du participant, la reconnaissance d’un corps « valide » ou « invalide » et même l’identité de genre. À titre d’exemple, les arts martiaux sont divisés en catégories de poids, les hommes sont exclusivement en compétition entre eux et il en est aussi ainsi pour les femmes, à moins que ce soient des épreuves mixtes. Il n’est donc pas surprenant qu’une catégorie sportive ait également été créée pour les adultes vivant avec une DI.

Les OS sont un organisme qui tente de réduire les inégalités sportives éprouvées par les personnes vivant avec une DI, et ce, notamment par la mise en œuvre de pratiques sportives adaptées à leurs besoins psycho-sportifs. En résumé, les OS permettent aux personnes qui

vivent avec une DI de faire du sport exclusivement avec d’autres personnes comme elles.

Néanmoins, comme nous allons le voir, l’organisme des OS fait autant l’objet d’éloges que de critiques défavorables, car il est à la fois perçu comme un organisme encourageant l’inclusion sociale des personnes qui vivent avec une DI et comme un organisme engendrant indirectement leur exclusion. Quelles conséquences subissent les personnes vivant avec une DI si elles ne pratiquent que du sport entre elles ? L’action des OS favorise-t-elle l’inclusion sociale des adultes qui vivent avec une DI ou au contraire, engendre-favorise-t-elle des mécanismes d’exclusion à l’endroit de ces personnes ?

Les OS forment un organisme à but non lucratif qui a été fondé aux États-Unis en 1968 par Eunice Kennedy Shriver, sœur du président américain John F. Kennedy (Olympiques spéciaux Canada, 2019). Cet organisme est l’un des premiers à avoir créé un espace d’accessibilité au sport pour les personnes qui vivent avec une DI, et ce, quel que soit leur âge et peu importe leur niveau d’habileté sportive. Ceci fut une idée novatrice, car les personnes vivant avec une DI sont souvent exclues des programmes pour personnes neurotypiques. La première succursale canadienne a été créée à Toronto par Dr. Frank Hayden dans les années 1960 (Olympiques spéciaux Canada, 2019). À ce jour, les OS offrent une trentaine de disciplines sportives et sont implantés dans plus de 172 pays, dont plusieurs villes canadiennes (Special Olympics, 2019). Les OS sont d’ailleurs désignés comme étant « le plus grand fournisseur de sport pour les personnes avec des besoins spéciaux » (Rosegard et al., 2001, p. 46 - traduction libre). L’objectif premier exprimé par les OS vise, d’une part, « l'intégration sociale des athlètes vivant avec une DI» (Rosegard et al., 2001, p. 46 - traduction libre) et, d’autre part, il vise la croissance « [d]es bienfaits d’une vie saine et active par la pratique sportive pour favoriser le mieux-être des personnes

qui vivent avec une DI » (Rosegard et al., 2001, p. 46 - traduction libre). Cet objectif fait en sorte que cet organisme constitue un champion des droits de la personne (Harada, 2011).

Les structures offrant des activités sportives aux personnes qui vivent avec une DI nécessitent des équipements spécialisés et la présence de personnel supplémentaire (Massion, 2006, p. 247). Toutefois, cela peut engendrer des frais importants. Ces facteurs découragent souvent les organismes de mettre en œuvre des activités qui pourraient accueillir les personnes vivant avec une DI. En revanche, les OS peuvent pallier ces défis grâce aux bénévoles et aux dons desquels ils sont grandement dépendants. De plus, leur bas coût d’admission décourage souvent d’autres organismes à offrir des services sportifs pour les personnes qui vivent avec une DI (Harada, 2011). Or, ces avantages font que les OS détiennent le monopole du sport adapté sur le plan mondial (Harada, 2011; Hughes &

McDonald, 2008).

Pour Hughes et McDonald (2008), le monopole que détiennent les OS crée un double système dans le monde du sport : l’un pour les personnes qui vivent avec une DI et l’autre pour les personnes neurotypiques. Durant plusieurs décennies, le modèle des OS fondé sur l’ouverture d’un espace d’activités sportives exclusif aux personnes vivant avec une DI était considéré comme novateur. Cependant, l’organisme a désormais dû faire face à plusieurs critiques suggérant que leur modèle est ségrégationniste et préjudiciable à l’inclusion sociale de ces personnes (Harada, 2011; Hughes & McDonald, 2008; Storey, 2008).

En effet, la catégorisation au sein du sport selon l’âge, le poids, le genre, les habiletés physiques ou cognitives (Harada, 2011) n’est que rarement considérée comme étant un procédé négatif. Elle est effectivement perçue comme un moyen d’offrir à tous les

participants les mêmes chances d’accès et de succès dans la pratique d’un sport. Cependant, en dépit du fait que ces catégorisations visent un objectif d’accès équitable au sport, elles

« hiérarchise[nt] par exclusion successive [...], que cela soit au niveau symbolique ou social » (Meziani & Hébert, 2012, p. 26). À ce propos, Roberts et ses collaborateurs, cités dans Mabillard (2012), proposent que ces catégorisations dans le monde du sport peuvent contenir des logiques de ségrégation et de ghettoïsation (Roberts cité dans Mabillard, 2012, p. 10) pouvant engendrer des mécanismes d’exclusion sociale (Mabillard, 2012). Pour Storey (2008), ce mode de fonctionnement ségrégatif engendre des conséquences importantes concernant la vie sociale de ces personnes, car il crée une attitude discriminante fondée sur la dichotomie « Eux - Nous », « Eux », étant les personnes vivant avec d’une DI et « Nous », les personnes neurotypiques. C’est d’ailleurs pour toutes ces raisons que « nombreux sont ceux qui croient que les OS ne sont qu’un programme récréatif mis en place afin que les athlètes puissent gagner des médailles et se faire des amis » (Harada, 2011, p. 1135 - traduction libre). Au chapitre suivant, nous présentons