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IV.1 Conservation et évolution des protéines SHR

SHR et SCR sont deux membres de la famille de facteurs de transcription GRAS, qui est représentée chez tous les génomes séquencés des plantes supérieures (Gonzalez 2016). On compte 33 gènes chez Arabidopsis thaliana, 184 gènes pour le maïs (Zea mays), 112 pour le sorgho (Sorghum bicolor) et 60 pour le riz (Oryza sativa) (Gonzalez 2016). La famille GRAS est composée de plusieurs clades nommés d'après un ou plusieurs membres fondateurs, ou par la présence d’un motif commun: DELLA, HAM (HAIRY MERISTEM), PAT1 (PHYTOCHROME A SIGNAL TRANSDUCTION), LS (LATERAL SUPPRESSOR), SCR, SHR et SCL9 (Figure 9) (Bolle 2004). Les protéines GRAS sont des FTs spécifiques des plantes. L’identification de leur fonction comme FT a été définie par la présence de signaux de localisation nucléaire chez certaines d’entre eux (Tian, Wan et al. 2004), mais surtout par la capacité des protéines DELLA, SHR, NSP1 à se fixer aux régions promotrices de leurs gènes cibles (Cui, Levesque et al. 2007; Zentella, Zhang et al. 2007; Hirsch, Kim et al. 2009). Ces protéines sont hautement conservées entre les espèces, avec une zone spécifique en N-terminale, et une succession de domaines conservés en C-terminal (VHIID, PFYRE, SAW) dont le nom correspond aux acides aminés conservés qui les composent (Figure 10). Un sein d’un même clade les facteurs de transcription présentent des similarités de séquences très importantes entre les espèces et des fonctions similaires d’une espèce à l’autre (Gonzalez 2016). En effet, au sein du clade SHR, les protéines PtSHR du peuplier et AtSHR ont des séquences présentant 90% d’identité (Wang, Andersson-Gunneras et al. 2011), tandis que les protéines OsSHR1 et OsSHR2 de riz présentent 50% d’identité avec leur orthologue AtSHR. Les séquences sont très conservées, et la mutation d’un même acide aminé peut entrainer des effets similaires entre deux protéines. En effet, la mutation ponctuelle de la thréonine en alanine en position 289 de la protéine SHR d’A.thaliana inhibe sa mobilité et sa localisation nucléaire (Gallagher and Benfey 2009). La mutation de cette même thréonine bloque également la mobilité et altère la localisation nucléaire pour les orthologues du riz et de Brachypodium exprimés dans A. thaliana (Wu, Lee et al. 2014).

30 Figure 12 : Complémentation du mutant shr-2 par les homologues d’AtSHR (Wu, Lee et al. 2014)

(a) Phénotypes aériens des plantules shr-2 agées de 4 semaines, avec ou sans le transgène SHR.

(b) Coupes longitudinales des racines des plantules shr-2 agées de 1 semaine, avec ou sans le transgène SHR.

(c) Images du méristème chez des plantules shr-2 agées de 6 jours avec ou sans le transgène SHR.

(d) Restauration de la croissance racinaire chez les plantules shr-2 complémentées par les homologues d’AtSHR (n=3 réplicats, 24 racines par lignées).

(e) Restauration de la taille du méristème racinaire chez les plantules shr-2 complémentées par les homologues d’AtSHR (n=3 réplicats, 36 racines par lignées).

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IV.2 Les orthologues du riz

Deux orthologues d’AtSHR sont retrouvés chez le riz. Ils sont apparus après une duplication ancienne commune à tous les monocotylédones (Figure 11 a) et sont présents chez toutes les variétés de riz, même celles datant de plus de 8 millions d’années (Jacquemin, Bhatia et al. 2013) (Figure 11 b). Chez la variété de riz totalement séquencée et annotée Nipponbare, les séquences d’OsSHR1 et OsSHR2 sont très conservées avec près de 80% de similarité entre leurs séquences nucléotidiques et 70% d’identité entre leurs séquences protéiques. Ces deux gènes ne comportent pas d’introns.

Les évènements de duplications sont des évènements importants dans l’évolution moléculaire d’un gène puisqu’ils peuvent être à l’origine de processus de néofonctionnalisation ou de subfonctionnalisation. Une néofonctionnalisation correspond à l’apparition d’une nouvelle fonction pour l’un des gènes dupliqués, tandis que lors d’une subfonctionnalisation, chaque co-orthologue assure une partie de la fonction du gène ancestral. L’existence d’orthologues d’AtSHR chez le riz et les ressemblances entre les anatomies racinaires des deux organismes ont déjà soulevé la question d’une conservation de fonction entre les gènes SHR. Des travaux ont donc été initiés il y a une dizaine d’années dans le but de répondre à cette question. Ainsi les travaux de Kamiya et al.(Kamiya, Nagasaki et al. 2003) et Cui et al.(Cui, Levesque et al. 2007) ont mis en évidence l’existence d’un profil d’expression similaire entre OsSHR1 et AtSHR, principalement au niveau de la stèle, ainsi que l’existence d’une interaction entre les protéines SHR de riz et OsSCR1, à l’image de l’interaction entre AtSHR et AtSCR chez A.thaliana. Ces résultats ont conclu à l’existence d’une conservation de la fonction de SHR entre les espèces et à l’idée qu’il existe un mécanisme universel de formation de l’endoderme chez les plantes supérieures impliquant SHR et SCR (Cui, Levesque et al. 2007).

La récente publication réalisée par l’équipe de Kimberly Gallagher (Wu and Gallagher 2014), a remis en cause la conservation de fonctions entre le gène AtSHR et ses orthologues du riz et de Brachypodium. En effet, les gènes SHR de monocotylédones sont capables de complémenter le mutant shr-2 d’A.thaliana et de restaurer l’identité de la couche d’endoderme (Figure 12). Cependant, les trois lignées complémentées par OsSHR1, OsSHR2 et BdSHR présentent des couches surnuméraires de cortex, engendrées par la migration des protéines au-delà de la couche d’endoderme. Bien que les interactions entre les protéines SHR monocotylédones et AtSCR aient lieu, les protéines OsSHR1, OsSHR2 et BdSHR ne sont pas séquestrées dans la couche d’endoderme. Ces résultats suggèrent donc une conservation partielle des fonctions entre les gènes SHR des différentes espèces, mais indiquent aussi que les mécanismes de formation des tissus internes, et plus particulièrement du cortex, sont différents. Les protéines OsSHR1, OsSHR2 et BdSHR, n‘étant pas séquestrées dans l’endoderme, ont ainsi la capacité de migrer plus loin dans la racine et d’induire des divisions périclinales surnuméraires conduisant à la formation de plusieurs couches de cortex. Il semblerait qu’il y ait une corrélation entre la capacité de mouvement

33 des protéines SHR et le nombre de couches de tissus internes formées et plus particulièrement le nombre de couches de cortex. Sachant que le riz (Rebouillat, Dievart et al. 2009) et Brachypodium (Watt, Schneebeli et al. 2009; Pacheco-Villalobos and Hardtke 2012) sont des organismes comprenant plusieurs couches de cortex, une hypothèse peut être imaginée concernant la régulation de la mise en place de ce tissu dans ces organismes. Les protéines SHR de monocotylédones ne seraient pas séquestrées dans l’endoderme, et en migrant au-delà de cette couche, induiraient la formation de plusieurs couches de cortex. Le nombre limité et variable de couches de cortex formées serait dû à un gradient de protéines SHR dans ce tissu. Ce gradient serait formé grâce à une régulation fine du mouvement des protéines SHR ou alternativement par un contrôle de leur vitesse de dégradation. Enfin, ces résultats remettent en cause l’idée que SHR soit nécessaire et suffisant pour induire la spécification en endoderme : elle serait nécessaire mais non suffisante.