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CHAPITRE III : Etude de l’expression d’OsSHR1 dans le développement du cal

IV. Conclusion générale : rôle de SHR1 dans la callogénèse

L’étude du rôle des gènes SHR dans l’architecture racinaire a nécessité l’utilisation de lignées transgéniques modifiant les niveaux d’expression dans la plante. Les problèmes de régénération rencontrés pour certaines de ces lignées (surexpresseurs, TALEN) ont mis en exergue un potentiel rôle de ces gènes lors de ce processus, et plus particulièrement un rôle plus important de SHR1 pour lequel les taux de régénération observés étaient bien plus faibles. Ce constat nous a amené à étudier le profil transcriptionnel de ce gène au cours de la callogénèse, de la régénération et du développement de la plante. Les résultats nous ont permis d’émettre plusieurs hypothèses quant à son fonctionnement au cours de ces étapes.

Les analyses menées dans cette étude ont permis de mettre en évidence une expression stable du transcrit SHR1 au cours du développement de la plante, et la non- influence des facteurs environnementaux (hormone, lumière, stress abiotiques) sur cette expression. Cependant la similarité de fonction entre les gènes SHR de riz et leur orthologue AtSHR a soulevé la possibilité d’une éventuelle régulation post-transcriptionnelle pour les gènes monocotylédones. Cette hypothèse pourrait être validée, de la même manière que cette régulation a été démontrée pour AtSHR, par le suivi de l’expression de protéines rapportrices des fusions traductionnelles et transcriptionnelles (Lee, Colinas et al. 2006; Koizumi, Hayashi et al. 2012). Nous avons réalisé des fusions traductionnelles pour les 3 gènes SHR (cf. Chapitre 2. II), pour lesquelles nous attendons la génération T1 pour poursuivre nos analyses.

L’étude de la régénération des différentes lignées transgéniques (OE et CRISPR) nous a permis d’émettre plusieurs hypothèses quant au rôle de SHR1 durant ce processus. Les lignées KO shr1 et shr2 ont montré peu de problèmes de régénération (presque 60 % des cals ont régénérés); contrairement aux lignées surexpresseurs qui présentaient 28 % et 43% de cals régénérant pour les lignées OE SHR1 et OE SHR2 respectivement. Ce résultat supposerait qu’aucun des gènes SHR n’est nécessaire à la régénération, ou bien que ces deux gènes ont des fonctions redondantes durant la callogénèse. Dans les deux cas les problèmes rencontrés pour les lignées surexpresseurs pourraient être expliqués par l’expression ectopique de la protéine lors de l’organogénèse. En effet, nos résultats suggèrent l’existence d’une corrélation entre une baisse/extinction de l’expression de SHR1 et l’émergence des organes sur les cals. Le recours à des lignées inductibles pour les deux gènes SHR ainsi qu’un double mutant shr1:shr2 nous permettrons de trancher entre ces deux hypothèses (Figure 17).

Il est également important de souligner que les construits des lignées transgéniques étudiées ne comportent aucun motif 3’UTR. S’il existe en effet une régulation post- transcriptionnelle, il est fort probable qu’elle soit exercée par cet élément et non par le 5’UTR. Ce dernier est présent dans la fusion transcriptionnelle pSHR1:GUS qui s’avère être très stable dans le temps. De plus, le 3’UTR a été démontré comme fortement impliqué dans la régulation post-transcriptionnelle des gènes participant à des processus développementaux tels que la prolifération des cellules souches, les divisions cellulaires et le

177 déterminisme des destinées cellulaires (Kuersten and Goodwin 2003). Il serait alors intéressant d’évaluer l’existence de cette régulation et d’étudier la régénération de cals surexpresseurs comprenant le 3’UTR et noter si celle-ci s’est améliorée.

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Discussion et

Perspectives

181 L’Equipe DAR, au sein de laquelle j’ai effectué ma thèse, s’intéresse au développement racinaire du riz, et plus particulièrement à la mise en place des tissus internes. Dans le cadre de cette thématique, mon travail de thèse consistait à caractériser les mécanismes moléculaires impliqués dans cette mise en place, en se focalisant sur le cortex. Ce tissu présente un rôle structurel, fonctionnel et adaptatif essentiel chez le riz. Les tissus internes d’A.thaliana se limitent à une couche de cortex et une couche d’endoderme. Cette organisation est différente pour le riz, chez qui on retrouve une couche de sclérenchyme et d’exoderme en périphérie, et la présence d’un nombre variable de couches de cortex. Ce nombre de couches dépend du type de racine, du stade de développement et des conditions environnementales. J’ai donc, dans un premier temps, réalisé une étude approfondie des particularités du cortex chez le riz (Chapitre 1). Le gène AtSHR d’A.thaliana, codant pour un facteur de transcription de la famille GRAS, a été identifié comme un acteur clé dans la mise en place des tissus internes. J’ai ensuite initié l’étude fonctionnelle de ses orthologues putatifs chez le riz nommés OsSHR1 et OsSHR2, et tenté d’identifier leurs rôles respectifs dans la mise en place des tissus racinaires chez le riz (Chapitre 2). Enfin, j’ai initié à la fin de ma thèse des expériences qui avaient pour but de comprendre le rôle des gènes OsSHR1 et OsSHR2 au cours de la callogénèse (Chapitre 3).

Une partie de ce travail a été mené en collaboration avec l’équipe de K. Gallagher de l’université de Pennsylvanie, qui s’intéresse au développement racinaire chez A.thaliana, et plus particulièrement au rôle d’AtSHR dans ce processus. Cette équipe a récemment mis en évidence l’existence d’une conservation de fonction entre AtSHR et ses orthologues chez Brachypodium distachyon (BdSHR) et le riz (OsSHR1 et OsSHR2) (Wu, Lee et al. 2014). Cette conservation a également été démontrée pour le gène PtSHR de peuplier (Wang, Andersson- Gunneras et al. 2011). Ces orthologues sont capables de restaurer la formation et l’identité de la couche d’endoderme disparue chez le mutant shr-2 d’A.thaliana. Plus surprenant, les trois gènes de monocotylédones induisent la formation de couches surnuméraires de cortex, en raison d’une mobilité plus importante de leurs protéines que celle de leur co-orthologue AtSHR (Wu, Lee et al. 2014). Cette étude a suggéré l’existence d’une corrélation entre un gradient de protéines SHR et la formation d’un nombre plus ou moins important de couches surnuméraires de cortex. Ce travail a permis d’aboutir à l’hypothèse suivante : une modification des propriétés de mobilité des protéines SHR pourrait expliquer les différences de nombres de couches entre A. thaliana, qui ne possède qu’une couche de cortex, et le riz, pour qui le nombre de couches peut s’élever à 12. Plusieurs questions sont alors soulevées : Quel est le rôle respectif des gènes OsSHR1 et OsSHR2 dans la mise en place de ce tissu? Existe-t-il un gradient de protéines dans les pointes racinaires chez le riz ? Existe-t-il une différence de mobilité entre OsSHR1 et OsSHR2?

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Le cortex du riz présente des propriétés communes avec celui d’A.thaliana

L’analyse anatomique du cortex dans les différentes racines de riz a permis de mettre en évidence des propriétés communes chez ces deux espèces. Il existe deux types de cortex chez le riz, appelés outer-cortex et inner-cortex. L’outer-cortex, semblable à la couche de cortex d’A.thaliana, est mis en place au niveau du méristème racinaire à partir des divisions des cellules initiales (Rebouillat, Dievart et al. 2009). Chez le riz, il comprend un nombre variable de couches dépendant du type racinaire et du stade de développement. L’outer- cortex est également caractérisé par l’aptitude de ses cellules à former des aérenchymes. Ces cavités aérifères sont essentielles au bon développement du riz, puisqu’elles permettent une meilleure diffusion de l’oxygène dans les racines et une diminution des consommations énergétiques des cellules. L’inner-cortex, à l’image de la couche de middle-cortex chez A.thaliana, présente les mêmes spécificités anatomiques. Ses cellules ont la même forme d’ellipse aplatie, et présentent des parois plus lignifiées (Baum, Dubrovsky et al. 2002; Paquette and Benfey 2005). Chez A.thaliana, ce tissu a été récemment identifié comme un acteur dans la tolérance aux stress abiotiques (Cui 2015). De plus, AtSHR semble être impliqué dans sa formation. Une diminution transitoire du niveau d’AtSHR dans l’endoderme précède la division périclinale à l’origine de la formation de l’inner-cortex (Koizumi, Hayashi et al. 2012; Koizumi, Hayashi et al. 2012).

Nous avons mis en évidence l’absence d’inner-cortex dans les trois types de racines latérales. Ce résultat suggère que, à l’image du sclérenchyme qui est absent des SLR et T-LLR (Kono, Igeta et al. 1972) et qui a un rôle de soutient chez les racines présentant des diamètres plus importants, la couche d’inner-cortex devrait avoir un rôle spécifique dans les racines où elle est formée. Cette variabilité de structure interne aurait probablement un rôle fonctionnel qui reste à déterminer.

La plateforme d’imagerie MRI a récemment acquis un microscope multiphoton couplé à un vibratome. Cet outil nous a permis d’acquérir des images de coupes radiales de pointes racinaires sériées distantes de quelques microns. Nous avons donc prévu, à partir de segmentation d’images 3D, de reconstituer la mise en place des différents tissus racinaires. Ce projet de segmentation est en cours au laboratoire, en partenariat avec l’équipe Virtual Plant (INRIA, Montpellier). Notre hypothèse de travail est que la formation de l’inner-cortex résulterait de divisions démarrant soit au niveau de l’initiale CEEID, soit de divisions périclinales plus tardives de l’endoderme et que ces divisions se poursuivraient en formant une hélice dextrogyre. Après avoir compris et décrit cette mise en place, nous envisageons d’étudier le rôle des paralogues SHR1 et SHR2 dans ce processus. Dans un premier temps, l’analyse des mutants KO shr1 et shr2 nous permettra de confirmer leur implication dans cette mise en place, tel que cela a été décrit chez A.thaliana.

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SHR1 et SHR2 interviennent dans la mise en place du cortex

La fonction du gène AtSHR dans le développement et l’architecture racinaire chez A.thaliana est bien décrite dans la littérature. Ce gène est nécessaire à l’induction des divisions des cellules initiales à l’origine des différents tissus racinaires, au maintien du centre quiescent ainsi qu’à la spécification des tissus internes en endoderme (Long, Scheres et al. 2015). Les orthologues OsSHR1 et OsSHR2 sont capables de complémenter le mutant shr-2 d’A.thaliana (Wu, Lee et al. 2014), suggérant l’existence d’une conservation de fonction partielle. Dans le cadre de notre étude, nous avons étudié le rôle de ces gènes ainsi que celui d’AtSHR dans le développement racinaire du riz, et nos résultats ont mis en évidence une fonction identique de ces trois gènes dans la formation du cortex. En effet, l’expression des gènes SHR sous le contrôle du promoteur ubiquitine du maïs entraine des divisions méristématiques surnuméraires, conduisant à la présence de nombreuses couches de cortex, jusqu’à six fois plus que chez les lignées contrôles. Les trois lignées transgéniques présentent des grosses racines et des feuilles surenroulées. Cependant les mécanismes responsables de l’augmentation du nombre de couches de cortex semblent différents entre les lignées surexpresseurs SHR1 et SHR2/AtSHR d’autre part. En effet, il existe bien une corrélation entre la surexpression des gènes et des protéines SHR2 et AtSHR et la sévérité des phénotypes observés. La surexpression de SHR2 induit une augmentation des divisions conduisant à la formation de couches supplémentaires de cortex. Pour SHR1, aucune surexpression du gène ni de sa protéine n’a pu être observée parmi les plantes régénérées, alors que ces dernières présentent le même phénotype que les plantes OE SHR2 et OE AtSHR. Néanmoins, ces résultats suggèrent que SHR2 et SHR1 aient des fonctions distinctes. D’autres résultats confortent cette hypothèse. D’une part, l’analyse des fusions traductionnelles des 3 gènes SHR exprimés sous le contrôle du promoteur de SHR1 révèle la présence de phénotypes foliaires différents pour les trois constructions. Seule la lignée pSHR1:SHR2:GFP présente un enroulement des feuilles semblable à celui décrit chez les lignées surexpresseurs. Une hypothèse séduisante qui pourrait expliquer ce résultat, consiste à imaginer que la protéine SHR2 aurait une mobilité supérieure à celle de ses co- orthologues SHR1 et AtSHR, résultat déjà démontré chez A. thaliana (Wu, Lee et al. 2014). En effet, le promoteur SHR1 s’exprime dans les faisceaux vasculaires de la racine (au niveau de la stèle) et des feuilles (au niveau des nervures). Les modifications anatomiques responsables du surenroulement des feuilles sont probablement dues à la disparition ou diminution du nombre des cellules bulliformes qui sont éloignées des tissus vasculaires, ce qui suggère une action à distance de la protéine SHR2 dans les lignées pSHR1:SHR2:GFP. Il serait alors intéressant de tester cette hypothèse, en vérifiant par immunolocalisation que la protéine SHR2 n’est pas exprimée naturellement dans les parties aériennes. D’autre part nous avons constaté de forts problèmes de régénération et de fertilité pour les lignées transgéniques surexpresseurs, mais pas pour les lignées KO. Cela signifie donc que l’expression ectopique des protéines SHR perturbe le développement des cals. Ce constat

186 Modèle hypothétique du rôle des gènes SHR1 et SHR2 dans la mise en place des tissus internes de la racine de riz

SHR1 et SHR2 induisent la division anticlinale de la cellule initiale CEEI, ainsi que la division périclinale asymétrique de la CEEID à l’origine des différents tissus racinaires. Le nombre de couches de cortex formées, correspondant au diamètre racinaire, serait déterminé par le gradient de protéines (SHR2 et SHR1 à plus faible niveau). Ce gradient serait minimal dans les petites latérales et maximal dans les racines adventives les plus larges (en bas), et intermédiaires dans les autres cas.

Abréviations : Sc=Sclérenchyme ; C=cortex ; E=Endoderme ; S=stèle ; CEEID=Initiale commune épiderme/endoderme ; c1, c2, c3 première, deuxième et troisième couche de cortex formées par une division périclinale formative de la CEEID.

187 est d’autant plus vrai pour SHR1, pour qui le taux de régénération des cals de la lignée OE SHR1 était beaucoup plus faible que ceux des lignées OE SHR2 et AtSHR. Nous avons ainsi supposé, étant donné qu’aucune surexpression n’a été observée dans les plantes régénérées, que les cals présentant un niveau élevé d’expression de SHR1 n’ont pas survécus. Ces observations ne nous permettent pas d’apporter de conclusions quant au fonctionnement de SHR1, mais elles suggèrent que les deux paralogues fonctionnent probablement différemment, sous-entendant ainsi une subfonctionnalisation des protéines SHR1 et SHR2.

L’ensemble de ces résultats nous invitent à proposer un modèle hypothétique du fonctionnement des gènes SHR1 et SHR2 dans la mise en place des tissus internes racinaires : les deux protéines SHR seraient capables d’induire les divisions des cellules initiales filles (CEEID) situées dans le méristème et permettraient ainsi la formation des différentes couches de tissus internes. L’activation de ces divisions se ferait probablement avec la participation des gènes SCR1 et SCR2, ce qui semble être confirmé au moins pour SHR2. La protéine SHR2 aurait la particularité d’être plus mobile que SHR1 et de se déplacer dans toutes les couches de tissus internes. Elle pourrait donc être impliquée plus spécifiquement dans la variation du nombre de couches de cortex, et agirait selon un gradient de concentration et de diffusion. Les résultats issus de la complémentation obtenus chez A.thaliana supposent que les deux protéines sont nécessaires à la division anticlinale des initiales mères (CEEI) et à l’acquisition des identités des tissus internes. Cependant, sans l’analyse des mutants KO, il nous est difficile de conclure quant à la fonction exacte des gènes SHR dans cette mise en place chez le riz et quant à leur subfonctionnalisation.

Ce modèle présente beaucoup d’imprécisions en raison du manque de données, en particulier concernant les lignées pertes de fonction. Plusieurs outils disponibles au laboratoire pourront nous permettre d’approfondir nos connaissances sur le fonctionnement de ces gènes dans un avenir proche. La priorité consistera à analyser l’anatomie racinaire des lignées KO shr1 et shr2, qui sont actuellement en serre au stade T0, afin de mettre en évidence les phénotypes associés à l’absence de chacune de ces protéines. Ces informations nous permettront de décrire leurs rôles respectifs dans la mise en place des tissus internes et de valider ou de corriger le modèle moléculaire proposé précédemment. Les doubles mutants nous permettrons de révéler une éventuelle redondance fonctionnelle complète ou partielle de ces deux gènes. A cela s’ajoute l’analyse des lignées transgéniques contenant les fusions traductionnelles pour les trois gènes SHR, qui permettra de confirmer une différence de mobilité des protéines, de comparer leurs cinétiques de diffusion et d’effectuer une corrélation entre les concentrations protéiques et le nombre de couches de cortex formées dans les différents types de racines. Ces lignées pourront également être utilisées afin de complémenter les mutants KO CRISPR. Il est tout de même important de souligner qu’à ce jour, aucun signal GFP n’a pu être clairement observé dans la génération T0. Les phénotypes observés suggèrent néanmoins que les constructions sont fonctionnelles, du moins pour SHR2. Nous effectuerons donc un nouveau criblage sur des plantules des lignées T1, en espérant observer un signal GFP.