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Partie 1. Origines de la lombalgie

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3. Origines de la lombalgie chronique

Plusieurs études se sont intéressées aux structures anatomiques qui peuvent être atteintes par des lombalgies (Tertti et coll., 1991 ; Videman et coll., 1990 ; Bernard et coll., 1987 ; Nachemson, 1973). Les désordres mécaniques affectant le plus souvent le rachis lombaire sont les lésions musculaires, l’arthrose des articulations postérieures, la dégénérescence discale, les spondylolisthésis et la scoliose de l’adulte (Boreinstein et Wiezel, 1989). La physiopathologie des lombalgies ne se résume pas seulement à des théories mécanicistes, et d’autres hypothèses impliquant des phénomènes inflammatoires (Frymoyer, 1988), vasculaires (Hoyland et coll., 1989) et génétiques (Rannou et coll., 2003) sont avancées. L’objectif de ce chapitre est de détailler les principales origines possibles de la lombalgie chronique.

Le disque intervertébral. Tout d’abord, le vieillissement du disque intervertébral peut s’accompagner d’une altération de la production de protéoglycanes entrainant une diminution de ces capacités mécaniques (Bayliss et coll., 1988). Face à un stress anormal, les tissus discaux produiraient des médiateurs de l’inflammation (Rannou et coll., 2003). De plus, Coppes et coll. (1990) ont montré la présence de terminaisons nociceptives dans la partie profonde de l’annulus fibrosus de disques dégénérés, que l’on ne retrouve pas dans des disques

normaux.

Les disques intervertébraux dégénératifs étant innervés (Yoshizawa et coll., 1980), ils sont également une source potentielle de lombalgie. L’injection d’une solution saline dans le nucleus (Bogduk et coll., 1995) ou la stimulation de l’anneau fibreux (O’Neill et coll., 2002) ont mis en avant que la douleur engendrée par ces stimulations pouvait être ressentie dans la fesse ou dans la partie postérieure de la cuisse. Ces expériences mettent en avant que les

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disques intervertébraux peuvent être responsables de douleurs somatiques correspondant aux douleurs du patient lombalgique.

Une étude s’attachant à comparer la hauteur des disques L4-L5 et L5-S1 n’a pas mis en évidence de différence significative des hauteurs discales entre sujets sains et sujets lombalgiques (Dabbs et coll., 1990). Une autre étude a mis en avant que les variations d’épaisseurs des trois derniers disques dans le temps étaient très variables d’un individu à l’autre, que le pincement vertébral n’était pas obligatoire avec l’âge, même chez un sujet lombalgique et que la vitesse de pincement était extrêmement variable d’un individu à l’autre (Vignon et coll., 1989). Cependant, il existe des discopathies évolutives associées à des lombalgies sévères (Vignon et coll., 1989). D’après certaines études, il existerait une prédisposition génétique à la discopathie lombaire. L’hérédité expliquerait 26 à 73% des lésions discales observées en imagerie par résonance magnétique (Michou, 2014 ; Sambrook et coll., 1999 ; Battie et coll., 1995).

Les articulations apophysaires. Les articulations apophysaires supérieures sont fréquemment le siège d’arthrose et seraient alors responsables de douleurs chroniques ou aigues dans le cas de poussée congestive d’arthrose. On peut également retrouver des kystes articulaires ou une synovite villonodulaire au niveau de ces articulations (Poiraudeau et coll., 2004).

Les adhérences au niveau de la dure-mère. Le décollement de la dure-mère entraine des lésions vasculo-nerveuses locales qui peuvent expliquer les phénomènes douloureux lorsque le ligament commun vertébral est traumatisé par une hernie discale (Poiraudeau et coll., 2004).

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Le ligament interépineux. Certaines études se sont intéressées aux douleurs liées au ligament interépineux. D’après Feinstein et coll. (1954), la stimulation expérimentale par injections salines hypertoniques dans le ligament interépineux engendrerait une lombalgie avec une douleur projetée dans les extrémités inférieures. Cependant, Wik (1995) a montré que l’anesthésie de ce ligament n’est pas efficace pour soulager la douleur. L’entorse de ce ligament n’est donc pas un facteur déterminant de la douleur ressentie par le sujet lombalgique chronique.

Les phénomènes inflammatoires et vasculaires locaux. Des phénomènes inflammatoires et vasculaires locaux ont été mis en évidence par des anomalies de signal des corps vertébraux adjacents à un disque intervertébral dégénératif chez certains sujets lombalgiques (Modic et coll., 1988). Ces anomalies pourraient avoir un rôle dans la genèse des phénomènes douloureux locaux.

Les muscles du tronc. Enfin, on retrouve une faiblesse musculaire ainsi qu’une amyotrophie paravertébrale chez les sujets lombalgiques chroniques (Suzuki et coll., 1983). Il existe une amyotrophie significative des muscles spinaux chez ces patients par rapport à des sujets souffrant depuis moins de 18 mois (Cooper et coll., 1992). Bogduk (1980) a montré que des injections salines hypertoniques dans les muscles spinaux induisaient des lombalgies et des douleurs somatiques localisées. De plus, les muscles spinaux peuvent être affectés par des déchirures suite à un étirement soudain ou un effort important. Cette lésion peut alors entraîner une réponse inflammatoire pouvant être source de douleur.

Le déséquilibre musculaire est également supposé engendrer une douleur (Jull et Janda, 1987). Dans le cas du rachis lombaire, c’est le déséquilibre entre les muscles fléchisseurs et les

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extenseurs du tronc, exprimé par le ratio Fléchisseurs/Extenseurs (F/E), qui serait responsable de la douleur (Dvir et Keating, 2003 ; Newton et coll., 1993). Cependant, aucune étude ne semble s’accorder sur un ratio F/E unique, quelle que soit la population considérée (saine vs. lombalgique) (Dervišević et coll., 2007 ; Drapala et Trzaskoma, 2006 ; Hultman et coll., 1993). Certains auteurs rapportent des ratios de 0,75 pour les sujets sains, et supérieurs à 1 pour les lombalgiques chroniques (Dvir et Keating, 2003 ; Newton et coll., 1993), alors que d’autres montrent des valeurs variant de 0,36 à 0,43 pour les deux populations (Hultman et coll., 1993), ou fluctuant entre 0,54 et 0,64 (Dervišević et coll., 2007). Les différences entre les ratios s’expliquent principalement par la position du sujet lors de l’évaluation. Pour certains protocoles (Dvir et Keating, 2003 ; Newton et coll., 1993), les sujets sont en position debout, alors que pour d’autres, ils sont en position semi-assise (Ripamonti et coll., 2011). Dans le cadre de la prise en charge de la lombalgie chronique, l’accent a été mis sur l’importance du conditionnement et de l’intégrité des schémas proprioceptifs. Ainsi, dans les activités normales, l’équilibre est en partie assuré par des ajustements lents dépendant de rétrocontrôles visuels, vestibulaires et proprioceptifs qui seraient perturbés chez les lombalgiques chroniques (Bullock-Saxton, 1993 ; Nies et coll., 1991). Il n’est actuellement pas possible de déterminer si ces désordres musculaires sont la cause ou la conséquence des lombalgies. L’amélioration des lombalgies après programme de renforcement musculaire et de reprogrammation sensori-motrice semble montrer la participation musculaire à la genèse ou à l’aggravation des lombalgies chroniques (Poiraudeau et coll., 2004). Ainsi, un élément nociceptif va amener une dysfonction, qui, à son tour, va générer d’autres douleurs et d’autres dysfonctions – musculaires et proprioceptives notamment – qui vont par la suite avoir un impact au niveau psycho-social pour les sujets concernés (Merskey et Bogduk, 1994 ; Waddell, 1987). Les lombalgies sont multi-causales (Poiraudeau et coll., 2004).

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