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◗ Les diverses origines de l’angoisse du soignant

Dans le document Psychologie clinique en soins infirmiers (Page 101-105)

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a difficulté accrue du travail de l’infirmier vient également du fait qu’il doit répondre de plus en plus à des demandes d’origines diverses : celles du malade (c’est le fondement du travail infirmier) mais aussi celles des familles qui sont de plus en plus mises à contribution et présentes sur les lieux de soins ; enfin, celles de l’équipe.

Le soignant aussi est soumis à l’angoisse. Cette dernière peut avoir plusieurs sources :

– l’angoisse devant la souffrance du patient ; – l’angoisse de mal faire ou de ne pas savoir faire ; – celle liée aux relations avec la famille du patient ;

– le mal être institutionnel dans les liens d’équipe ou dans l’impossibilité de s’extraire du faire pour élaborer, par la parole et l’analyse de sa pratique, ses ressentis ;

– l’angoisse due à la position de stagiaire pour les infirmiers débutants qui se voient souvent confier les tâches que ne veulent pas faire les autres…

Il est normal que l’élève infirmier puisse se retrouver complètement déconte-nancé, sur le terrain, dans la clinique donc, parce qu’il aura à faire face à des situations violentes auxquelles les cours ne peuvent préparer.

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L L’’’’a a a an n n ng g g go o o oiiiisssssssse e e e d d d d’’’’u u u un n n ne e e e é é é éttttu ud u u diiiia d d an a a ntttte n n e e e e en e e n sssso n n o o oiiiin n n nssss iiiin n n nffffiiiirrrrm m m miiiie errrrssss d e e da d d an a a nssss u n n u u un n n n sssse errrrvvvviiiiccc e e ce e d e e de d d e rrrré e e é é éé éd é é du d d uccc u u ca attttiiiio a a on o o n n n

Une jeune étudiante raconte la chose suivante :

«

J

’ai dû prendre en charge, dans un service de rééducation, une personne sourde et muette qui ne savait ni lire ni écrire et avec laquelle je ne pouvais pas communi-quer. La personne, pour me faire comprendre sa souffrance et sa désapprobation, se jetait violemment par terre, ce que je ressentais comme très violent pour moi aussi à chaque fois. Personne ne connaissait le langage des signes. Le patient, en agissant ainsi, a aggravé son état par des fractures diverses. Je me sentais nulle. »

Personne n’avait dit à la jeune stagiaire d’essayer d’écouter la personne dans ce qu’elle montrait par son regard, par ses gestes, ce qui entraînait ce patient à user de stratagèmes extrêmes qui l’ont conduit à aggraver son problème physique. Et là, seule une adaptation à la situation, à la personne, la recherche

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Souffrance et violence dans la situation de soins et d’accompagnement

Et puis, il y a ceux qui découvrent ce qu’implique de souffrir et prennent peur : souvent, lorsque les élèves infirmiers font leur premier stage auprès des per-sonnes âgées, ils sont bouleversés car ce qu’ils voient les renvoie à leur propre vieillissement, à leur crainte de la déchéance physique ou à celle de leurs pro-ches. Parfois, un profond dégoût naît du spectacle qui s’offre à eux dans la cru-dité et la cruauté de ce qu’il peut arriver dans l’existence d’un de leur semblable. C’est tout à fait humain que ces sensations de tristesse, de détresse même, de recul devant la lourdeur de la tâche et la répulsion qu’elle peut ins-pirer surviennent chez l’élève infirmier et même par la suite, chez des profes-sionnels plus avertis.

La question, déjà soulevée dans la première partie du livre, est de pouvoir trans-former ces ressentis, parfois angoissants, en motivations pour poursuivre ce métier. Les formateurs des IFSI ont un rôle d’encadrement des études et des stages à jouer en ce sens.

◗ L’angoisse comme signal d’un désir de bien faire

En effet, l’angoisse n’est pas forcément négative chez le soignant : elle montre une envie de bien faire, le conflit entre un désir (parfois idéaliste, idéalisé) et la réalité, les limites qu’offre le terrain. Comment être et rester bon soignant ? Que signifie « bien faire son travail » ? Le soignant qui ne connaît pas l’angoisse peut se demander s’il n’a pas mis en place de trop fortes défenses, de trop grands automatismes qui l’empêcheraient d’être à l’écoute des personnes dont il s’occupe. Il est normal que l’écoute de la souffrance d’un être puisse rendre anxieux, triste, ou émeuve. C’est le signe, pour l’infirmier, qu’il est en transfert (voir Fiche 10, page X) avec le patient, qu’il accepte le lien. L’infirmier qui ne s’émeut pas est-il dans une position de lien à l’autre, d’écoute du patient ? Il arrive que la fatigue du terrain puisse faire oublier aux professionnels les rai-sons du choix de cette profession d’infirmier, souvent en lien au début avec une réelle envie d’apporter de l’aide aux personnes qui en ont besoin, parce qu’ils ont reçu une aide qu’ils veulent rendre, parce qu’ils ont eu plaisir à s’occuper d’une personne âgée, par exemple, à un moment donné de leur vie, et que ces liens affectifs, le plaisir qu’ils en ont reçu, ont impulsé le désir chez eux de poursuivre une formation médicale.

L’angoisse peut être un moteur pour se chercher humainement, chercher une position satisfaisante dans le lien aux patients, à la souffrance, et continuer de rester vivant, de penser, de réfléchir, d’analyser et de remettre les choses et

soi-d’une trouvaille faute d’apprentissage du langage des signes (à inclure dans la formation, pour les volontaires ?) pouvait permettre d’inventer et de mettre en place une situation de communication spécifique, nécessaire aux soins et à l’acceptation des soins par le patient. En outre, l’impuissance de l’étudiante à comprendre le patient lui faisait ressentir son intervention comme insatisfai-sante alors qu’en fait l’absence de dispositifs institutionnels adaptés participait à cette violence.

L’angoisse : ses sources et ses manifestations chez le soignant

même en question. Il y a des angoisses dominées par la pulsion de vie (voir Fiche 14, page 160) comme c’est le cas ici.

◗ L’angoisse source d’inhibition ou de réactions préjudiciables aux soins

L’angoisse devient difficile à vivre et nécessite que le professionnel puisse être aidé psychologiquement lorsqu’elle est une source d’inhibition et qu’elle l’empêche d’avancer, lorsqu’elle constitue une entrave aux soins, qu’elle incite à l’abandon des personnes malades ou à l’abandon de la profession. Là, c’est une angoisse où la pulsion de mort (voir Fiche 14, page 160) prédomine.

L’inhibition due à la peur de « mal faire » peut se traduire par des tremble-ments, des bégaietremble-ments, des lapsus qui accroissent l’émotion du soignant. Par-fois, il compense ce malaise par un ton de voix inapproprié : il n’est pas rare que les soignants parlent très fort à un malade alité. Cela peut apparaître comme une tentative inconsciente de prise de pouvoir sur lui par ce biais, attitude venant compenser une défense contre le manque de confiance en soi, d’assu-rance chez le soignant. Il est bon d’apprendre à poser sa voix quand on s’adresse à une personne malade, sous peine de paraître intrusif, d’ajouter une violence à la douleur. En outre, cela n’est pas rassurant pour le patient qui peut percevoir l’aspect autoritaire et défensif de cette attitude.

La crainte de mal faire son travail, celle d’être remis en cause peut entraîner chez l’infirmier, débutant ou non, une attitude très défensive liée à l’angoisse d’être jugé sur son travail et à une position infantile que peut raviver ce juge-ment dans l’histoire du sujet. L’angoisse vécue alors peut rappeler celle liée à la position autoritaire des parents, à la mise en place des limites, à l’entrée dans la Loi que vient signer la constitution du surmoi (voir Fiche 5, page 149) par exem-ple lors de la période œdipienne. Le problème lorsque cette angoisse (qui peut être liée à un manque de confiance en soi et/ou en l’autre, à la réouverture de blessures narcissiques insupportables) reste non analysée, c’est qu’elle peut bloquer l’évolution de l’infirmier, lui fermer les divers intérêts de son travail et le laisser dans un état d’anxiété ou dans un risque d’anxiété par la prédomi-nance de la susceptibilité sur le désir d’amélioration. Les personnes soignées font également les frais de cette susceptibilité (qui peut, selon les cas, corres-pondre à une véritable angoisse, plus ou moins développée) du soignant auquel elles n’osent plus parler de peur de se faire réprimander, ou de le vexer.

Je pense notamment à une observation d’une infirmière stagiaire :

«

J

’ai fait un stage en gériatrie. Un matin, j’ai fait une remarque à l’infirmier coordonnateur sur une personne âgée qui s’était coupée le mollet et avait une bles-sure. Je lui ai dit qu’elle s’était sûrement accrochée au lit durant le transfert du lit au fauteuil le matin même. L’infirmier coordonnateur, à ma grande surprise, s’est mis dans une grande colère et il s’est mis à crier que c’était lui qui avait fait ce transfert avec une aide-soignante (c’est elle d’ailleurs qui était venue me prévenir, je ne sais pas pourquoi elle n’en a pas parlé à l’infirmier). Il dit qu’il n’avait blessé personne en vingt ans de carrière et que je n’avais pas de preuves. Il a ajouté que

Souffrance et violence dans la situation de soins et d’accompagnement

cette dame était très lourde à porter et que ça pouvait arriver qu’elle s’égratigne durant les transferts. Je lui ai répondu que la peau des personnes âgées était par-ticulièrement fine et fragile et que les causes de la blessure de la dame m’impor-taient peu, je le prévenais juste que j’allais faire un soin. Il m’a évitée durant tout le reste de mon stage. »

Parfois aussi le refus de voir la souffrance du patient, de la personne malade, est une manière de se protéger contre une angoisse de mort visant son propre moi (voir Fiche 5, page 149) et qui s’avèrerait destructrice. L’absence de remise en question est une façon économique de ne pas vouloir voir le malheur quoti-dien pour ne pas sombrer dans la dépression ou une autodestruction qui peut prendre d’autres formes tout aussi dangereuses pour la bonne santé du psy-chisme. Il est bon, dans le cas où la position dans le métier d’infirmier révèlerait à la personne une rigidité préjudiciable à son travail ou mettrait à jour des fra-gilités qui n’étaient pas apparues jusqu’alors, que ce soignant n’hésite pas à se faire aider par un psychologue qui l’écoutera et l’aidera, entre autre à faire la part des choses entre son histoire personnelle et ce qui se rejoue pour lui à l’occasion de sa profession.

L’infirmier s’est défendu immédiatement de ce qu’il a pris comme une attaque de la part de la stagiaire : la situation, le fait qu’elle soit stagiaire, le blessait vrai-semblablement et venait mettre en péril quelque chose chez lui, peut-être lié à un narcissisme mal en point. C’est ce qui justifie que l’aide soignante ait pré-féré aller voir la stagiaire plutôt que l’infirmier lorsqu’elle s’est aperçue de la blessure de la personne âgée. Crier et se mettre en colère est, en outre, une tactique empêchant l’autre de parler, interdisant tout échange, toute discus-sion. Il n’a pas été possible pour cet infirmier de s’interroger sur sa responsa-bilité dans l’événement que venait lui rapporter la stagiaire. Pourtant, le faire n’aurait pas signifié qu’il était un mauvais soignant, bien au contraire : le bon soignant est celui qui parvient à se former à partir de ses erreurs, de ses man-quements, de ses décisions malheureuses, bref, des actes qu’il pose et dont il parvient à analyser les effets. Le soignant qui rencontrera le plus de difficultés et en fera rencontrer à ses patients sera celui qui refusera cette remise en ques-tion et se bloquera sur ses idées, même si elles lui sont préjudiciables.

En outre, dans l’exemple précédent, aucune prise en compte de la souffrance de la patiente due à la blessure n’a pu être évoquée. Trop occupé à se défen-dre, l’infirmier n’a songé ni à la nécessité de soigner la personne âgée, ni ne s’est soucié de ce que la stagiaire allait faire du côté du soin.

C H A P I T R E

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Les mécanismes de défense en jeu

Dans le document Psychologie clinique en soins infirmiers (Page 101-105)