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◗ Écouter et entendre

Dans le document Psychologie clinique en soins infirmiers (Page 41-45)

Le dictionnaire définit tout d’abord l’écoute comme le fait de « s’appliquer à entendre ». Quelles différences faire entre écouter et entendre ?

« Entendre » peut désigner un acte involontaire : on entend un bruit sans y prê-ter plus d’attention. « Entendre » est aussi un synonyme de « comprendre ». En psychologie clinique et en psychanalyse, « entendre » ce que dit la personne qui vient consulter nécessite une acceptation du transfert et une « écoute » particulière : « entendre » signifie alors tenter de percevoir le discours latent derrière le discours manifeste. En d’autres termes, on n’écoute pas seulement ce qui est dit volontairement (le discours manifeste, consciemment maîtrisé), mais on essaie de percevoir le message qui se cache derrière les mots et qui peut se révéler par une attitude corporelle, certains gestes, une mimique par-ticulière.

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La « relation » entre soignants et soignés

« Écouter » pour « entendre » est, dans ce cadre, un état actif qui demande une attention particulière, une tension particulière, de l’ouïe mais pas seulement. Il s’agit surtout d’accepter de s’exposer à recevoir le message, à en ressentir du déplaisir ou de la joie, de la colère, de l’amusement, de la surprise, à entrer en relation avec un autre différencié, sans le juger mais en essayant d’entendre ce qu’il va dire, c’est-à-dire, pas seulement l’intonation de sa voix, les mots qu’il va prononcer. Il est important aussi d’essayer de percevoir ce que ses paroles dis-simulent (le discours latent) : son angoisse, sa méfiance vis-à-vis du traitement, ses craintes concernant un éventuel acte chirurgical, etc. Le patient ne les dira pas toujours clairement, mais si l’infirmier les perçoit, il aura un rapport de soin beaucoup plus juste et efficace avec la personne.

Dans « écoute », il y a également une connotation de bienveillance vis-à-vis de la personne, une marque d’intérêt pour elle : c’est un sujet, une personne humaine qui a toute sa faculté de choix et de jugement, pas un malade qui se réduit à ses symptômes, et cela, c’est fondamental. On ne peut pas soigner cor-rectement une maladie si on ne prend pas en compte la personne. « Pas correctement », c’est-à-dire que, s’il lui reste le sentiment d’avoir été rejetée, méprisée, incomprise à la sortie des soins, même si les symptômes organiques sont guéris, elle risque de rechuter plus facilement ou de développer un état de déprime ou plus grave, un état dépressif. Ce ne sera donc pas une personne guérie qui sortira d’entre les mains des soignants.

Comme Freud l’a dit : le corps et le psychisme ne font qu’un, « le moi est avant tout corporel »15.

Bien sûr, il ne s’agit pas pour les infirmiers de revêtir tout à coup la fonction de psychologue alors que ce n’est pas la voie qu’ils ont choisi, mais une relation forte unit l’infirmier à la personne qu’il va soigner, d’emblée, sans qu’elle ou lui ne l’ait choisi. Comment réussir cette rencontre ?

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Le corps et le psychisme ne font qu’un, il faut donc entendre le terme

« position » dans son aspect psychique et physique : quelle attitude, quelle

« stratégie » physiques et psychiques adopter ? Comment se situer vis-à-vis de la personne dont on reçoit les propos ? Comment accueillir ce qui est dit ? Un positionnement du corps en dit long sur l’envie ou non d’écouter quelqu’un, sur le désir ou non de se trouver en entretien avec lui. De même, observer la personne pendant qu’elle parle est aussi une écoute : sa position peut révéler qu’elle pense tout le contraire de ce qu’elle dit par exemple. La communication est souvent infra-verbale.

La situation de parole (du côté du soigné) met en jeu des éléments pulsionnels, affectifs qui peuvent rendre pénible l’écoute.

L’exemple suivant, rapporté par une étudiante infirmière, montre que cette dif-ficulté survient à travers des éléments d’origines diverses :

15. Freud, Essais de psychanalyse, « Le moi et le ça », 1923, Payot.

L’écoute active

«

L

e regard de la personne qu’on écoute peut être gênant, plus que les mots. Je pense à un monsieur qui me regardait avec des yeux, comme si j’allais le sauver, comme si j’allais sauver le monde. Il était en service de cardiologie et ses jours étaient en danger. Je ne comprenais pas ce qu’il me disait lorsqu’il me regardait comme ça. Je n’arrivais pas à l’écouter. En plus, il n’était pas français, il était maghrébin, comme moi, et dans l’accident qu’il a eu, il avait perdu une partie de ses dents (l’étudiante fond en larmes). Cette image, je ne l’oublierai jamais. » 16

Dans la parole que la personne va adresser à l’infirmier, elle lui transmet un message et, par ce fait, elle va initier une relation avec lui : un lien va se tisser du fait de l’écoute du professionnel. Ce lien sera traité différemment selon que celui qui reçoit la parole est médecin, infirmier, psychologue mais dans les trois cas, ce n’est pas tant de faire parler l’autre qui est difficile que de recevoir cette parole (c’est ce que nous montre la situation précédente) et d’en entendre l’important. Il y a toujours une dimension transférentielle dans un entretien et, même si l’infirmier n’est pas psychologue, il a affaire avec le transfert comme on l’a déjà dit : si un patient raconte à un infirmier une violence dont il a été vic-time et qu’il lui parle comme si c’était lui l’agresseur, c’est qu’il transfère sur lui (il déplace sur lui) les émotions qu’il a conçues pour le véritable agresseur, du simple fait que c’est l’infirmier qui l’écoute à ce moment-là et que c’est à lui

Cette jeune future infirmière a été très touchée par l’aspect physique très abîmé de ce patient, son pronostic vital critique et son regard qui la déstabili-sait parce qu’elle aurait aimé sauver ce patient qui la confrontait à un grand sentiment d’impuissance et à une image de désespoir qui venait toucher des éléments de son histoire à elle, de son expérience humaine, en lien aussi avec ses propres origines qui créaient pour elle un point d’identification (voir Fiche 13, page 159) à ce monsieur. Le regard, la voix sont des objets pulsionnels importants qui jouent un rôle chez chacun dès les premières secondes de la vie et entrent en compte dans le bien-être ou le mal-être du bébé : le regard de la mère sur lui est un premier miroir où l’enfant se perçoit, perçoit l’image de ce qu’il est à travers ce que le regard de sa mère lui en renvoie16.

Dans le regard de ce monsieur, la jeune étudiante s’est sentie investie d’une mission impossible, d’une image de « sauveuse » qui l’a troublée affectivement au point qu’elle n’a pu apporter l’aide nécessaire à cette personne dans le domaine d’une écoute possible. Peut-être ce monsieur n’attendait-il pas d’elle ce qu’elle projetait dans ce regard ? Peut-être qu’une écoute aurait pu la ren-seigner sur ce qu’il souhaitait ? On voit bien, là encore, comment les affects personnels, l’inconscient, viennent compliquer les choses dans la relation lors-que le patient vient toucher le soignant dans ses sentiments les plus profonds.

La relation de soin, d’écoute comme soin aussi, s’imprègne alors de cette diffi-culté pour l’infirmer de maintenir une indispensable différenciation avec son patient, nécessaire pour la justesse de la position dans la pratique infirmière et pour que le soin prodigué corresponde à l’attente du patient.

16. À ce sujet vous pouvez lire D. Winicott : « Le rôle de miroir de la mère et de la famille dans le développement de l’enfant. », Jeu et réalité, folio essais, 1975.

La « relation » entre soignants et soignés

qu’il raconte les faits. Mais, ce n’est pas l’infirmier qui est visé et il est important de faire cette distinction.

En outre, il est important que l’infirmier ne juge pas ce qui lui est dit, ni ne le critique, ni ne l’approuve. Il accueille et voit ce que ces propos lui apportent sur la connaissance de son patient pour voir comment ensuite s’y prendre avec lui, quoi lui dire pour lui faire accepter ses soins avec confiance, ce qui facilitera le lien soignant/soigné et la guérison.

Pour tisser un lien relationnel avec la personne reçue en entretien, il est néces-saire de tenir compte de plusieurs choses : sa personnalité (si elle est inhibée ou labile, s’il y a des « bizarreries » langagières ou dans l’attitude laissant envi-sager le risque d’une psychose, si la personne est dans la fuite ou au contraire se montre présente aux questions posées), cela permet de formuler les ques-tions et de remettre en perspective les réponses données. La culture du patient est importante : est-ce qu’il parle la même langue que le soignant ? Est-ce qu’il comprend bien ce qu’il lui demande ? En outre, le lieu et le moment où se situe la relation (à l’hôpital, avant une opération grave…) sont à prendre en compte puisque cela influence la disposition d’esprit et l’état affectif du patient.

Le fait que le soignant cherche à comprendre le problème dans les termes où ils se posent pour l’individu et non en le ramenant (pour se rassurer) à des situa-tions déjà connues, à des généralités, est nécessaire pour entendre ce que cette personne a à apprendre aux soignants de son histoire, ou de l’histoire de sa maladie, de son vécu.

Dans l’écoute, il est important de laisser du temps à la personne pour parler. Les silences sont parfois pénibles et le risque est grand de vouloir les combler par d’autres questions, par des propos qui vont empêcher l’autre de parler en fait.

Un autre risque consiste aussi à vouloir donner des solutions sans laisser le temps à la personne de trouver les siennes. Respecter les silences qui sont un processus de maturation, d’élaboration de la pensée et éviter de finir les phra-ses à la place de la personne, permettent d’avoir des indications sur les élé-ments qui suscitent des résistances chez la personne et d’en tenir compte pour la suite du soin.

Dans une bonne écoute, il est important que la personne reçue sente que sa parole est accueillie, qu’elle trouve en l’infirmier une résonance, que sa guéri-son et guéri-son bien-être lui tiennent à cœur.

L’écoute n’est pas une « conversation » entre l’infirmier et la personne dont il s’occupe. C’est un étudiant infirmier qui soulève très justement cette question à travers son expérience :

«

J

’ai fait mon stage en crèche. Là, c’est surtout des changes et une participation dans un rôle d’éducateur. Je recevais également les parents dans une écoute parents/enfants, l’observation de leur relation, de leurs réactions. J’observais éga-lement les enfants. C’est pas de l’écoute ça, ils parlaient pas [je réponds alors ceci à l’élève infirmier : ce que l’on appelle « l’écoute » ne passe pas seulement par l’ouïe mais par l’observation des jeux, des gestes, des manifestations de plaisir et de déplaisir du petit enfant, de ses demandes par toutes sortes de bruits vocaux,

buc-L’écoute active

caux qui constituent les prémices du langage.] Ah, c’est de l’écoute alors ? Mais, pourtant, on peut pas tenir une conversation avec eux, ils se détachent tout de suite.

[Je pose alors la question : est-ce que c’est une « conversation » l’écoute ?] Je pense que pour l’écoute, il faut établir une conversation pour avoir une relation de confiance avec la personne que l’on écoute. La confiance facilite les choses pour l’écoute. »

Dans le document Psychologie clinique en soins infirmiers (Page 41-45)