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◗ Le champ des psychoses

Dans le document Psychologie clinique en soins infirmiers (Page 155-161)

La psychose peut être décelée dès l’enfance (psychose infantile) ou plus tard, à l’adolescence ou à l’âge adulte, avec survenue de bouffées délirantes et une décompensation psychotique (c’est-à-dire la déclaration de la psychose non perçue auparavant).

La psychose se caractérise par une transformation dans le rapport du sujet à la réalité. Là où la névrose signe une situation conflictuelle entre le moi et le ça, la psychose marque un conflit entre le moi (voir Fiche 5, page 149) et le monde extérieur.

C’est une maladie mentale grave qui peut se traduire par des hallucinations (auditives et/ou visuelles), des délires, une dépersonnalisation, un sentiment d’étrangeté et un rapport au corps où toute intervention à ce niveau est extrê-mement intrusive et insupportable.

Le délire (du latin delirare : « s’écarter du sillon »), qui s’accompagne souvent d’hallucinations, est une production symptomatique, verbale. Il renseigne sur le vécu psychotique et la perte de la réalité dus au fait que le moi perd ses limi-tes et ses investissements d’objets. L’énergie pulsionnelle destinée aux objets (voir Fiche 9, page 154) se reporte alors complètement sur le moi (voir Fiche 5, page 149) coupé des autres et du monde. Des pensées fausses vont acquérir une réalité pour le sujet psychotique et cette fausse réalité, qui est la vérité du psychotique, va s’exprimer en délire.

Le délire est une tentative de guérison : en effet, la personne psychotique tente de trouver une construction raisonnée, sensée, à un vécu qui est extrêmement inquiétant, insensé, intolérable et où le sujet sombre. C’est une reconstruction de la réalité invivable afin de pouvoir y vivre justement. En cela, le délire est une défense où le sujet aménage la réalité selon ce qui lui convient pour s’y faire une place en réintégrant un lien avec le monde extérieur.

Tandis que dans la névrose le moi obéit aux exigences de la réalité en refoulant les revendications pulsionnelles, dans la psychose se produit une rupture entre le moi et la réalité qui laisse le moi sous l’emprise du ça (voir Fiche 5, page 149). Puis, le moi reconstruit par le délire une nouvelle réalité conforme aux désirs du ça.19 19. Laplanche J. et Pontalis J.-B. Vocabulaire de psychanalyse. Quadrige/PUF, 2e édition, Paris, 1997.

Les mécanismes de défense dans la psychose sont notamment : le déni, la for-clusion.

Le déni tend à refuser la réalité extérieure, ou une perception de cette réalité et à en détacher le moi. En effet, le psychotique rompt son rapport à l’objet externe car son désir est insupportable, insurmontable pour le moi. Afin de sauver son moi – sous peine de mort psychique – le sujet coupe tout rapport à la libido d’objet qui se reporte sur le moi alors surinvesti. Ce peut être un méca-nisme de défense névrotique, à la différence que, dans la psychose, il s’accom-pagne de la « forclusion », c’est-à-dire que, dans la névrose, la « castration » reste une crainte symbolique, tandis que dans la psychose, non, il y a crainte de castration concrètement, effectivement, dans le réel. C’est donc beaucoup plus violent pour le sujet resté fixé à un stade narcissique pour lequel la menace de castration est une menace vitale de destruction du moi.

Le terme de « forclusion » a été développé par Lacan ; ce mécanisme de défense s’oppose au refoulement qui a lieu dans la névrose : le refoulement permettait le retour de la représentation source d’angoisse par la formation du symptôme (névrose), tandis que la forclusion suscite un retour de cette repré-sentation dans la réalité sous forme d’hallucinations, de délire qui signe le rejet d’un désir irreprésentable. Le rejet revient dans le réel (voir à ce sujet la défini-tion de la paranoïa ; voir Fiche 20, page 172). La vérité rejetée va tenter de se faire admettre à travers les hallucinations et les idées délirantes. Il y a toujours quelque chose de la vérité du sujet dans le délire, vérité d’un désir rejeté et qui réapparaît déformé dans le délire.

Les principales psychoses traitées ici sont la schizophrénie, la paranoïa et la mélancolie.

Ces quelques précisions sont essentielles aux infirmiers en psychiatrie mais aussi aux infirmiers des divers secteurs hospitaliers où, suite à un accident, à un traumatisme consécutif à un accident, à un événement corporel et psychique grave, des décom-pensations psychotiques peuvent surgir avec productions délirantes, hallucinations et cela complique beaucoup la relation de soins, sa portée et sa compréhension pour ce patient.

Une personne psychotique est souvent incompréhensible car il ne vit pas dans le même espace ni la même temporalité que les personnes névrosées. Ils ne partagent pas la même réalité. Avoir quelques notions dans ce domaine peut aider le soignant à prêter attention à la psychose en y étant sensibilisé et à ne pas rentrer dans de grands discours avec le patient psychotique délirant en lui posant des questions ou en engageant un dialogue qui risquerait d’amplifier et d’aggraver le délire. Le mieux étant de mettre en place avec un psychiatre et un psychologue présents dans l’institution le complément de soin nécessaire pour ce patient et une stratégie com-mune d’écoute et de mise en confiance en vue de son rétablissement.

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La schizophrénie

Pour Freud, la schizophrénie trouve sa prédisposition à un stade très précoce du développement de la libido (je rappelle que la libido est l’énergie psychique issue des pulsions sexuelles). La schizophrénie signifie, dans son étymologie grecque (schizo : « fendre » et phrèn : « esprit ») la dissociation dont la personne est victime, comme si elle était coupée en deux personna-lités distinctes réunies en une seule personne. C’est cette image de dédou-blement de la personnalité qui vient à l’esprit lorsque l’on parle de cette pathologie. C’est le phénomène du clivage psychotique : deux parties du moi très distinctes l’une de l’autre coexistent sans rentrer en conflit ni se contre-dire. Le sujet incarne l’une ou l’autre partie selon les moments, ce qui crée cette dissociation dans la personnalité.

Cliniquement, la schizophrénie se manifeste sous des formes diverses dont on dégage les traits suivants : l’incohérence de la pensée, de l’action et de l’affectivité, le détachement de la réalité avec repli sur soi, le désinvestisse-ment des objets extérieurs et un retour à un stade autoérotique où l’autre n’existe pas, une activité délirante plus ou moins marquée selon les cas, mais dans un délire non systématisé, c’est-à-dire très morcelé, dissocié, illogique, contrairement au délire du paranoïaque.

Pour Freud, la tentative de guérison utilisée par le schizophrène pour tenter de réinvestir les objets (voir Fiche 9, page 154), le monde extérieur, est l’hallu-cination et le surinvestissement au niveau du langage qui provoque chez le schizophrène le caractère recherché, artificiel de l’expression verbale, les néologismes (création de mots nouveaux, inexistants), les bizarreries et la désorganisation syntaxique.

Le schizophrène a un rapport extrêmement problématique au corps, ce qui est à prendre en compte dans les soins : il ne le vit pas comme unifié, ses organes ne sont pas reliés les uns aux autres avec une fonction définie. Du fait de la dissociation du moi notamment, les différentes parties du corps perdent le lien avec le reste du corps et les unes par rapport aux autres, dans un morcellement où l’on peut entendre certains patients dirent qu’ils voient leur tête « courir dans le jardin » tandis qu’ils se trouvent à l’intérieur d’une maison et regardent par la fenêtre. Cette hallucination visuelle est une scène réellement perçue et vécue par le malade.

Dans le cas d’une situation de soins, l’infirmier gagne à écouter, à entendre et à prendre comme telles ces paroles sans commentaires, sans jugement.

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La paranoïa

Cette psychose se caractérise par un délire systématisé, c’est-à-dire plus ordonné, plus cohérent que celui du schizophrène (voir Fiche 19, page 171).

Il est marqué par le mécanisme de la projection (le sujet expulse de lui et localise dans l’autre des qualités, des sentiments, des pensées, des inten-tions, des désirs qu’il ne peut assumer et qu’il refuse, ayant trait notamment à l’homosexualité selon Freud), et une fixation narcissique. En effet, la para-noïa, de manière générale, se caractérise par une forte fixation de la libido au moi (voir Fiche 5, page 149), aux dépens d’une libido d’objet retirée des objets. Il s’ensuit un rapport imaginaire passionné du sujet à son moi qui rappelle le mythe de Narcisse et qui, s’il existe chez tous, prend un aspect agressif, érotique et extrême chez le paranoïaque. Différents délires para-noïaques existent : l’érotomanie, le délire des grandeurs, le délire de jalousie, le délire de persécution (le plus courant). Un cas célèbre de personne para-noïaque a été étudiée par Freud : le cas Schreber20.

Lacan reprendra l’étude de ce cas et développera l’idée suivante : pour chacun, il y a une fonction paternelle symbolique (que Lacan nommera

« métaphore paternelle » ou Nom-du-Père) et qui n’est pas le père réel mais ce qui passe de son autorité, de la légitimité de sa place auprès de l’enfant dans ce que la mère en dit à l’enfant. Quand cette autorité et cette légitimité paternelles ne sont pas reconnues, ne sont pas dites, ne circulent pas au niveau symbolique, il y a risque de psychose pour l’enfant. La fonction symbolique du père passe dans la parole : c’est la manière dont la mère (ou la personne faisant office de mère) va introduire une tierce personne entre elle et l’enfant. Cette tierce personne aura pour fonction d’incarner l’autorité (l’interdit, la loi, indispensables à la bonne construction du sujet en ce qu’ils lui permettent d’affronter le complexe d’Œdipe), et aussi de séparer la mère et l’enfant d’un lien fusionnel qui, perdurant, empêche l’enfant d’acquérir une vie propre et signe une possibilité d’accès à la psychose.

La paranoïa répond, comme la schizophrénie, à une sollicitation libidinale jugée impossible à vivre par le moi. Cependant, elle s’en distingue beaucoup dans la manière dont s’exprime le délire qui la caractérise.

20. Freud S. le Président Schreber. Quadrige, PUF.

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La mélancolie

Cette psychose se caractérise par des alternances d’accès maniaques et d’états dépressifs (comme les maladies maniaco-dépressives). La dépression poussée à l’extrême peut aboutir à un état mélancolique où le risque de suicide du sujet est prégnant, c’est pourquoi il est important de diagnosti-quer cet état et de garder le sujet sous surveillance. La mélancolie se caracté-rise par un ralentissement et une inhibition des fonctions motrices et psychiques, ainsi que par la perturbation des fonctions biologiques (insomnie, anorexie par exemple). Le mélancolique a le visage triste, les traits affaissés, il est mutique ou parle peu et d’un ton éteint. Tout lui paraît insur-montable dans les gestes de la vie quotidienne.

La douleur morale est intense en lien avec un sentiment de culpabilité que rien ne peut ébranler et qui conduit certains mélancoliques à la mort comme autopunition. C’est une maladie du désir accompagnée d’une perte narcis-sique d’amour de soi grave.

Dans sa forme psychotique, la mélancolie consiste en un investissement de l’objet d’amour de façon narcissique, sous forme d’incorporation psychique : plutôt que de risquer de perdre l’objet et donc d’avoir à en faire le deuil, ce qui est un processus normal lié à la perte d’objet, le sujet l’installe en lui et ne peut plus en investir d’autres. Il reste replié sur lui-même pour garder l’objet d’amour qu’il ne veut pas perdre et qui continue donc de le combler par ce refus de perte, tout en le propulsant du côté de la pulsion de mort (voir Fiche 14, page 160) et non de la vie qui consisterait à accepter de rencontrer d’autres objets et à accepter le manque de l’objet disparu.

L’objet investi est à la fois source d’amour et de haine parce qu’il a disparu (il est parti, mort…).

En fait, les auto-reproches que se fait le mélancolique dans un délire de peti-tesse accompagné de culpabilité, sont un retournement contre lui-même des reproches adressés à l’objet haï parce que disparu. En fait, lorsque le mélan-colique cherche à se détruire, c’est l’objet confondu avec lui qu’il cherche à détruire. Cette confusion où l’objet devient le moi est délirante. La mélan-colie est une maladie du « désêtre ».

◗ La perversion

Au début de ses investigations, Freud considère un penchant pervers naturel à l’enfant dans la découverte de sa sexualité, donc à tous les futurs névrosés.

Puis, il définira une structure perverse à l’âge adulte, à travers ses recherches sur le déni de la réalité, le clivage du moi et le déni de la castration.

La perversion est appelée « pathologie du lien ». Elle est inséparable de la question du sexuel : le pervers dénie, refuse la représentation de la castration chez la femme. En effet, le garçon, futur pervers, pour faire taire son angoisse extrême d’une perte qu’il ne voit pas sur un versant symbolique mais réel, va opter pour une solution de compromis où le moi se clive (se sépare) en deux parties qui coexistent sans entrer en conflit (c’est le clivage du moi que l’on peut trouver aussi dans la psychose) : une partie du moi sait que la femme n’a pas de pénis, l’autre partie nie cela. La perversion touche davantage l’homme que la femme.

Le pervers peut avoir recours à un objet fétiche : le fétichisme est l’attache-ment à un objet matériel indispensable à la jouissance. Cet objet lui permet de dénier la réalité de la castration, trop traumatisante, en incarnant en quelque sorte un pénis de substitution qu’il octroie à la femme. Le fétiche est une formation de compromis : à l’objet supposé manquer à la femme est substitué un objet de la réalité, le fétiche, qui permet de neutraliser l’angoisse de castration. Pour Freud, le fétichisme est lié à une fixation infantile précoce à des objets de satisfaction primaire surinvestis alors (le sein maternel, les selles…) que le fétichiste recrée avec son objet.

La perversion se manifeste aussi dans le sadisme et le masochisme. Pour le premier, actif, la jouissance sexuelle est conditionnée par une souffrance sexuelle infligée à autrui. Pour le second, passif, elle est liée à une souffrance qu’autrui lui inflige. L’exhibitionnisme, le voyeurisme sont des conduites perverses liées à ces aspects sadomasochistes.

Contrairement à l’aménagement psychotique qui consiste à trouver des voies de guérison et de réinvestissement des objets pour survivre psychiquement à la déstructuration que la psychose entraîne, le pervers agit intentionnelle-ment, de sorte à jouer avec la loi et la transgression en refusant d’intégrer symboliquement cette loi. Le pervers jouit de transgresser la loi.

Dans le document Psychologie clinique en soins infirmiers (Page 155-161)