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Origine de l’endommagement des alliages de zirconium sous irradiation

Chapitre 1 : Etude bibliographique

I.2 Effets de l’irradiation sur la microstructure des alliages de zirconium

I.2.1 Origine de l’endommagement des alliages de zirconium sous irradiation

En fonctionnement nominal en REP, les gaines et les tubes guides sont soumis à un bombardement neutronique qui entraîne des changements microstructuraux et une modification du comportement mécanique. Pour mieux appréhender les mécanismes microscopiques responsables de ces transformations, il apparaît nécessaire de comprendre l’origine du dommage d’irradiation. Ainsi, dans cette partie, nous nous intéresserons à la première étape d’endommagement du matériau sous irradiation qui correspond à la création de défauts sous irradiation aux neutrons, mais aussi sous irradiation aux particules chargées (électrons et ions lourds).

I.2.1.1 Irradiations aux neutrons

Les neutrons rapides, émis lors de la réaction de fission, interagissent avec le matériau constituant les gaines et les tubes guides. Ces interactions s’opèrent via des collisions élastiques ou inélastiques ou des réactions nucléaires. En raison de la faible section efficace de capture des neutrons thermiques par les alliages de zirconium, la formation de nouvelles espèces chimiques par interaction nucléaire inélastique est généralement très faible et les interactions consistent essentiellement en collisions élastiques entre les neutrons et les atomes.

Considérons un neutron rapide d’énergie ;s$qui entre en collision élastique avec un atome cible du matériau irradié et lui transmet au cours de sa traversée une énergie cinétique moyenne$;K . Par la t conservation de la quantité de mouvement et de l’énergie cinétique du système, cette énergie transmise s’écrit comme suit, où us est la masse du neutron incident et uvw la masse de l’atome cible de zirconium :

;K =$ P$$ut suvw$;s

Lus9 uvwEq. I.2.1

Si l’énergie transmise lors de ces collisions élastiques est supérieure à une énergie seuil de déplacement,$;x, l’atome cible est éjecté de son site cristallin créant une paire de lacune-auto-interstitiel (SIA : Self-Interstitial Atom) appelée paire de Frenkel (Figure I.2.1 (a)).

Pour une irradiation aux neutrons de 1 MeV, l’énergie transmise vaut 22 keV et est beaucoup plus élevée que l’énergie seuil de déplacement d’un atome de zirconium de son site cristallin, égale à 40 eV selon la norme NRT (Norm Reference Test Standard E521-96, Annual Book of ASTM Standards, Philadelphia, PA, USA) [47].

Avant d’occuper une position interstitielle dans le réseau cristallin, l’atome primaire éjecté, appelé PKA (Primary Knock-on Atom), peut déplacer à son tour un atome si son énergie cinétique, communiquée par le neutron, est suffisante. Dans ce cas, il continue sa traversée dans le matériau en créant une cascade de collisions avec les atomes voisins jusqu’à épuiser toute son énergie (Figure I.2.1 (b)). Se crée alors une cascade de déplacements formée de zones riches en lacunes (cœur de la cascade) et

de zones périphériques riches en auto-interstitiels. Le comportement structural et énergétique des cascades de déplacements est largement étudié en modélisation par la Dynamique Moléculaire [48], [49].

L’endommagement du matériau sous l’effet de l’irradiation est quantifié par le taux de production de défauts ponctuels y défini comme le nombre de déplacement par atome (dpa) par unité de temps :

y =$yz|U ~x

Ct$ Eq. I.2.2

avec yz|U le taux de création de PKA par unité de volume, ~x le nombre d’atomes déplacés dans une cascade et •Ct le nombre d’atomes cibles par unité de volume.

Le taux de création de PKA yz|U$qui traduit le nombre de cascades initiées dans le matériau dépend de la section efficace d’interaction élastique$V€•C‚t, du nombre d’atomes cibles par unité de volume Ct et du flux$ƒ. Pour une énergie donnée des particules incidentes, yz|U s’écrit :

yz|U=$ƒ$•CtV€•C‚t Eq. I.2.3

A partir des équations Eq. I.2.2 et Eq. I.2.3, nous déduisons l’expression suivante du taux de création de défauts ponctuels y!:

y = $ƒ$V€•C‚t$~x Eq. I.2.4

Le nombre d’atomes déplacés dans la cascade peut être déterminé par la théorie de Norgett, Robinson et Torrens (NRT) [50] :

~x= „P$;;Kt

x$ Eq. I.2.5

Le coefficient „ présente l’efficacité de déplacement et est approximativement égal à 0,8 [50].

Nous proposons d’évaluer, à l’aide d’un calcul analytique simple, le dommage d’irradiation neutronique dans des gaines du REP. D’après les équations Eq. I.2.1 et Eq. I.2.5, un neutron d’énergie de 1 MeV induit une cascade dans laquelle 220 atomes ont été déplacés. La section efficace d’interaction élastique du zirconium (90Zr) avec des neutrons de 1 MeV est de 6 barn [51], [52]. La masse volumique du zirconium valant 6,5 g/cm3 à 20°C, le nombre d’atomes par unité de

Figure I.2.1: Effets de l’irradiation – (a) création d’une paire de Frenkel (lacune-auto-interstitiel) et (b) création d’une cascade de déplacements.

volume •Ct est de 4,34×1028

atomes/m3. En considérant un flux typique de neutrons de 1 MeV égal à 5×1017

n/m²/s, nous obtenons un taux de création de PKA de 1,3×1019

m-3 s-1 (Eq. I.2.3). Le taux de création de défauts ponctuels dans la gaine du REP est donc égal à 6,6×10-8

dpa/s (Eq. I.2.2). En un an d’irradiation en REP, chaque atome est déplacé deux fois.

Par ailleurs, un dommage d’irradiation de 1 dpa correspond à une fluence neutronique de 7,58×1024

n/m². Cette correspondance entre la fluence neutronique et le nombre de dpa est proche de la valeur de Shishov [53] qui est de 6,9×1024

n/m² pour des neutrons d’énergie ; >$1 MeV. La quantification du dommage d’irradiation en dpa permet aussi de comparer les expériences d’irradiation réalisées dans des accélérateurs et des réacteurs expérimentaux à celles conduites dans les réacteurs de puissance. Une correspondance fluence/dpa est donnée pour les réacteurs expérimentaux (Materials Testing Reactors, MTR) où 1 dpa correspond à une fluence neutronique de 4×1024

n/m² (; >$1 MeV)[53].

I.2.1.2 Irradiations aux particules chargées : électrons et ions lourds I.2.1.2.1 Irradiations aux électrons

Le calcul de l’énergie cinétique moyenne transmise par les électrons incidents aux atomes cibles du matériau irradié s’appuie sur l’approche relativiste traduite comme suit où$$;$est l’énergie des électrons incidents, u leur masse et " la vitesse de la lumière :

;K = ;t L;9 Pu"6M

uvw"6 Eq. I.2.6

Compte tenu de leur faible masse, les électrons transmettent aux atomes de zirconium, via les collisions élastiques, une énergie cinétique très faible. Si nous considérons le cas d’une irradiation aux électrons de très haute énergie (;= 1 MeV), l’énergie moyenne transmise aux atomes cibles n’est que de 25 eV. Les électrons ne peuvent donc créer que des paires de Frenkel lors des chocs balistiques avec les atomes cibles, l’énergie transférée aux PKA étant trop faible pour induire des cascades de déplacements. De là vient l’intérêt des irradiations aux électrons qui permettent d’étudier l’influence des déplacements d’atomes sur la microstructure du matériau irradié sans avoir les effets des cascades.

I.2.1.2.2 Irradiations aux ions

Le type d’interaction, élastique ou/et inélastique, des atomes cibles avec les ions incidents dépend de l’énergie et de la masse de ces derniers.

Des ions de forte énergie provoquent une excitation du nuage électronique et des ionisations. Au fur et à mesure que ces ions pénètrent dans la matière, leur énergie cinétique baisse et ils entrent en collision élastique avec les atomes cibles de la matière, créant ainsi des cascades de déplacements. Ces cascades sont d’autant plus importantes que les ions sont lourds, l’énergie transférée aux PKA étant plus élevée.

Des ions de faible énergie interagissent avec les atomes cibles du zirconium via des chocs élastiques. Leur interaction avec la matière est donc similaire à celle ayant lieu avec les neutrons. Néanmoins, il faut noter que les ions sont rapidement arrêtés dans la matière, créant ainsi un dommage sur une épaisseur de quelques centaines de nanomètres à quelques dizaines de micromètres. Cette épaisseur de dommage d’irradiation dépend de la nature et de l’énergie de ces ions incidents. L’irradiation aux neutrons crée, quant à elle, un dommage dans le volume du matériau.

Le calcul du dommage d’irradiation et de la profondeur de pénétration des ions dans la matière peut être obtenu par le logiciel SRIM. Ce logiciel, développé par Ziegler et Biersack [54], [55], est communément utilisé par la communauté des implantations ioniques.

Les irradiations aux particules chargées sont souvent utilisées pour simuler l’irradiation neutronique. Elles présentent un certain nombre d’avantages, notamment la possibilité d’atteindre en quelques heures ou jours des doses équivalentes à plusieurs années d’irradiation en REP. Cependant, il est fondamental de bien vérifier la bonne représentativité du dommage créé lors de ces irradiations. Le Tableau I.2.1 donne un ordre de grandeur des temps d’irradiation pour atteindre une dose de 7 dpa avec des neutrons d’énergie de 1 MeV, des électrons de 1 MeV et des ions Zr+ de 600 keV. Les flux et les taux de création de dommage, donnés pour les irradiations aux électrons et aux ions Zr+, proviennent des expériences réalisées dans le cadre de ce travail de thèse.

Tableau I.2.1: Comparaison de l'endommagement aux neutrons et aux particules chargées (électrons et ions).

Neutrons (1 MeV) Electrons (1 MeV) Ions Zr+ (600 keV)

Flux (particule.m-2.s-1) 5×1017 8,43×1023 7×1014 Taux de création de dommage (dpa/s) 6,6×10-8 2,53×10-3 4,5×10-4 Temps d’irradiation

pour atteindre 7 dpa 3 années et 160 jours 46 minutes 4 heures

Dommage primaire Cascades de

déplacements massives Paires de Frenkel

Cascades de déplacements

Epaisseur

d’endommagement Volume Surface Surface (300 nm)