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Modes de déformation plastique des alliages de zirconium non irradiés

Chapitre 1 : Etude bibliographique

I.1 Généralités sur le zirconium et ses alliages

I.1.3 Modes de déformation plastique des alliages de zirconium non irradiés

Les modes de déformation plastique dépendent principalement de la structure cristalline du matériau, des cissions résolues critiques dans les plans et les directions considérées ainsi que du niveau de la déformation, de la vitesse de sollicitation, de la température et des éléments d’addition. La déformation plastique des métaux de structure hexagonale compacte est régie par le glissement des dislocations et par le maclage. Dans les alliages de zirconium, le maclage n’a été observé qu’à basse température et pour des déformations plastiques relativement élevées [24]–[27]. A température ambiante, ce mode de déformation permet à des monocristaux de zirconium sollicités en traction ou en compression d’accommoder la déformation suivant leur axe cristallographique < " > [24], [28]. L’apparition de ce mode de déformation, dans ce cas particulier, peut être expliquée par le nombre limité de systèmes de glissement des dislocations dans la maille hexagonale compacte du zirconium, ces systèmes permettant majoritairement d’accommoder la déformation suivant la direction$< ! >. La suite de cette synthèse bibliographique ne portera que sur l’analyse du mode de glissement des dislocations, mode actif pour les gammes de déformation et de température de fonctionnement en réacteur.

I.1.3.1 Dislocations et systèmes de glissement

La notion de dislocation est indispensable à la compréhension des mécanismes microscopiques responsables de la plasticité des métaux. Les différents types de dislocations rencontrées dans les structures hexagonales compactes sont donnés dans le Tableau I.1.3. Les vecteurs de Burgers de ces défauts linéaires sont représentés à l’aide d’un double tétraèdre (Figure I.1.9), dérivé du tétraèdre de Thompson utilisé dans les structures cubiques à faces centrées. Nous recensons 6 dislocations de type < ! > (AB), 2 dislocations de type < " > (TS), 12 dislocations pyramidales de type < " 9 ! > (SA/TB), 6 dislocations de type partielle de Shockley (AV), 4 dislocations de type < " PW >$(VS) et 12 dislocations de type @ XY < PAP:3 > (AS).

A B

S

C

T

)

A B

S

)

A B

T

C

)

C

Tableau I.1.3: Types des dislocations dans les structures hexagonales compactes.

Type AB TS SA/TB AZ ZS AS

\445 @3 < @@PA: > [:::@] @3 < @@PA3 > @3 < @A@:: > @P [:::@] @X < PAP:3 >

^\445^ ! " *"² 9 !² _3! P" `"²

a 93

Le mouvement d’une dislocation a lieu dans le plan contenant son vecteur de Burgers et sa ligne, le système de glissement étant formé par la combinaison de ce plan de glissement et le vecteur de Burgers. De façon générale, le glissement des dislocations dans les métaux hexagonaux se fait suivant quatre plans (basal$b, prismatique$c, pyramidal de première espèce d2$et pyramidale de seconde espèce$d6) et selon deux directions (< ! >$= @ 3Y < @@PA: > et$$< " 9 ! >$= @ 3Y < @@PA3 >) [24], conduisant ainsi à cinq familles de systèmes de glissement possibles (Tableau I.1.4).

La facilité relative des modes de glissement a fait l’objet de plusieurs approches théoriques. Nous citons le critère de Peierls-Nabarro, selon lequel les directions et les plans de glissement dans les métaux correspondent aux directions et aux plans denses. Le rapport "/! du zirconium étant inférieur à$$_3, les plans denses sont les plans prismatiques. Par conséquent, le système de glissement principal est le système prismatique de type$$< ! >. Dans le but de lever les exceptions de certains matériaux au critère géométrique de Peierls-Nabarro, Legrand [29] a suggéré une autre approche qui prend en considération la structure électronique du matériau. En utilisant un modèle de liaisons fortes, Legrand [29], [30] met en évidence une structure non planaire du cœur des dislocations vis < ! > qui présente un étalement principal dans le plan prismatique et des étalements secondaires dans le plan basal. Pour la détermination du plan de glissement principal, un critère se basant sur la comparaison des énergies de faute d’empilement corrigées par les coefficients élastiques dans le plan de base et dans le plan prismatique a été proposé par Legrand [29], [31]. Ce critère a été vérifié pour tous les métaux hexagonaux et plus particulièrement pour le zirconium, pour lequel le glissement prismatique, de plus faible énergie de faute d’empilement, est le plus facile à activer.

Les observations en Microscopie Electronique en Transmission (MET) confirment que le glissement prismatique c < ! > est le système de glissement principal du zirconium [27] et de ses alliages[25], ceci pour toutes les directions de sollicitation et pour une large gamme de températures. D’autres systèmes de glissement, dits secondaires, permettent aussi d’accommoder la déformation plastique de ces matériaux mais sont plus difficiles à activer que le glissement prismatique. Des études sur des monocristaux de titane [32] ont mis en évidence un mode de glissement dans les plans pyramidaux de première espèce, associé à la déviation du glissement prismatique des dislocations vis$$< ! >. Cependant, ce glissement d2< ! > n’intervient pas seulement lors du glissement dévié mais a été également observé comme glissement simple dans le Ti-α [33] et dans les alliages de zirconium [8], [25] en particulier pour des températures supérieures à 200°C. L’activation du système de glissement basal b < ! > a été notée dans quelques cas particuliers, pour des monocristaux de zirconium en traction à une température au-dessus de 580°C [26] et pour le Zircaloy-4 à une température de 350°C et à partir d’une déformation plastique de 1% suivant la direction circonférentielle [25]. Ce système de glissement semble ne pouvoir s’activer que pour des orientations de sollicitation favorables, pour des niveaux de déformation plastique importants et pour une température élevée [8], [25]. Par ailleurs, les seuls systèmes de glissement permettant une accommodation de la déformation suivant l’axe < " > sont les systèmes pyramidaux d2< " 9 ! > et$$$d6< " 9 ! >. Ces systèmes sont très rarement observés dans le cas des faibles déformations plastiques [8], [24], [25].

Rautenberg et al. [34]–[36] ont étudié, via des expérimentations entreprises en MET ex-situ [34], [35] et in-situ [36] sur le M5®, la facilité d’activation des systèmes de glissement en fonction de la direction de sollicitation à une température de 400°C et pour des niveaux de déformation compris entre 1 et 3%

[34], [35]. Un chargement suivant une direction proche de la direction axiale des tubes active principalement le glissement prismatique$c < ! >. En revanche, pour une orientation de sollicitation entre 60 et 90° par rapport à la direction axiale, la facilité d’activation des systèmes de glissement secondaires est augmentée [34]–[36] avec notamment une forte activité du glissement dévié pyramidal d2< ! >. Le glissement$d2< ! >, dont l’activation est favorisée par la température, apparaît comme le glissement secondaire majoritaire. Les glissements pyramidaux$$d2< " 9 ! >, d6< " 9 ! > et le glissement basal sont moins actifs [34], [35].

Récemment, des simulations en ab-initio et en potentiels empiriques [37] ont permis de calculer les barrières énergétiques qu’une dislocation vis < ! > initialement étalée dans un plan prismatique doit franchir pour glisser dans un plan pyramidal ou dans un plan basal. De manière assez surprenante, les deux systèmes de glissement, pyramidal d2< ! >$et basal$$b < ! >, présentent la même barrière énergétique et le même mécanisme faisant intervenir une configuration intermédiaire métastable pour laquelle la dislocation s’étale dans le plan pyramidal d2 [37].

Tableau I.1.4: Systèmes de glissement dans les métaux hexagonaux. Famille de plan de glissement Direction de glissement Représentation du système de glissement Basal e${JJJG} < % >$=GI < GGHKJ > Prismatique f${GJGKJ} < % >$=GI < GGHKJ > Pyramidal π1 {GJGKG} < % >$=GI < GGHKJ > Pyramidal π1 {GJGKG} < # 9 % >$=G I < GGHKI > Pyramidal π2 {GJGKH} < # 9 % >$=G I < GGHKI >

Un classement des différents systèmes de glissement peut être obtenu par le critère de facilité d’activation de Schmid. Selon ce critère, le glissement d’un système donné n’est possible que si la cission appliquée est supérieure à la cission critique, notée$$gD. La mesure expérimentale de cette grandeur requiert des essais mécaniques sur des monocristaux. Afin d’accéder à la valeur précise de la cission critique d’activation d’un système de glissement secondaire, il faudrait pouvoir l’activer en orientant le cristal suivant des directions inhibant le système de glissement principal. Cette approche peut s’avérer délicate. Dans la littérature, peu de valeurs de cissions critiques sont disponibles. Néanmoins, il est possible d’établir un classement qualitatif relatif à la facilité d’activation des systèmes de glissement dans le zirconium et ses alliages [38] :

gDLc < ! >M < gDLd2< ! >M < gDLb < ! >M < gDLd2< " 9 ! >M h gDLd6< " 9 ! >M

Plusieurs auteurs [25], [27], [39] ont montré une forte sensibilité à la température de la cission critique du système prismatique,$gDLc < ! >M, en particulier dans le domaine des basses températures (N 250°C). Une diminution de la cission critique$$gD$$avec l’augmentation de la température a été constatée et est expliquée par une plus grande mobilité des dislocations à température élevée. L’augmentation de la température facilite également l’activation des systèmes de glissement secondaires, le classement précédemment établi restant néanmoins inchangé [25]. En plus de sa sensibilité à la température, la cission critique augmente en présence d’éléments en insertion dans le réseau cristallin du zirconium, et en particulier en présence de l’oxygène [39], [40] qui joue un rôle d’obstacle au mouvement des dislocations par un mécanisme d’ancrage.

L’irradiation a pour effet de rapprocher les cissions critiques des différents systèmes de glissement [41]–[43] et de modifier l’ordre établi pour les alliages de zirconium non irradiés. En effet, le glissement basal, très peu actif dans les matériaux non irradiés, est favorisé par rapport au glissement prismatique dans les matériaux irradiés [42]–[44]. Toutefois, l’activation préférentielle du glissement basal n’a été observée que pour un chargement en traction suivant le sens transverse et en pressurisation interne. Du fait de la forte texture du matériau, seuls les glissements prismatiques et pyramidaux sont observés pour des essais de traction axiale. L’augmentation sous irradiation de la cission critique des plans de glissement prismatiques peut être expliquée par la présence des boucles de dislocation dans les plans prismatiques [41].

I.1.3.2 Anisotropie du comportement mécanique des alliages de zirconium

La nature de la structure cristalline des alliages de zirconium, leur texture cristallographique marquée et le nombre limité de modes de déformation plastique sont à l’origine de l’anisotropie de leur comportement viscoplastique [25], [45]. Leurs propriétés physiques en plasticité, comme la contrainte d’écoulement, dépend de la direction de sollicitation. Du fait de la texture des tubes en alliages de zirconium (§ I.1.2.2.2), la limite d’élasticité est légèrement plus importante suivant la direction transverse (circonférentielle) du tube que suivant la direction axiale [25], [46]. La surface de charge s’écarte de celle d’un matériau isotrope(critère de Von Mises) et peut être représentée par le critère d’écoulement plastique de Hill vérifié pour les géométries tubulaires de symétrie orthotrope (Figure I.1.10).

D’après les Figure I.1.10 (a) et les Figure I.1.10 (b), l’anisotropie de comportement suivant les deux directions circonférentielle et axiale semble diminuer avec la température [25], [46].

Seule la dépendance à la direction de sollicitation qui est à l’origine de l’anisotropie du comportement plastique des alliages de zirconium a été évoquée dans cette partie. Toutefois, il est important de mentionner que la contrainte d’écoulement évolue avec des paramètres autres que la température, comme la déformation plastique, la vitesse de sollicitation, l’état métallurgique et la composition chimique du matériau ainsi que l’irradiation.

Des essais de traction uniaxés réalisés sur des tubes de Zircaloy-4 détendu ont également montré une anisotropie de comportement mécanique de cet alliage [45] (Figure I.1.11 (a)) qui peut être évaluée par les coefficients de Lankford i et c définis comme suit :

i = jklklRT RSm nop c = jklklRU RSm noq Eq. I.1.1 Recristallisé Détendu

(a) (b)

Recristallisé Détendu

(c)

Von Mises Expérimentale Von Mises Expérimentale

Figure I.1.10: Surfaces de charge isotropes (Von Mises) et anisotropes du Zircaloy-4 et du M5® – (a) Zircaloy-4 détendu et recristallisé, 20°C, déformation plastique de 0,02% et vitesse de déformation de 6,6×10-4 s-1 [46], (b) Zircaloy-4 détendu et recristallisé, 350°C, déformation plastique de 0,02% et vitesse de

déformation de 6,6×10-4

s-1 [46] et (c) M5®, 400°C, déformation plastique entre 1 et 3% et vitesse de déformation de 3,3×10-8

Avec lRU la déformation axiale, lRT la déformation circonférentielle et lRS la déformation radiale.

Ces coefficients valent 1 dans le cas d’un comportement isotrope. Pour le Zircaloy-4 détendu, Murty et al. [45] ont trouvé des valeurs de 1,5 pour i$$et de 2,9 pour c à température ambiante (Figure I.1.11 (b)).

Ces tubes de Zircaloy-4 détendu présentent une texture radiale, les axes cristallographiques < " > des grains s’orientant majoritairement dans le plan (DT-DR) (§ I.1.2.2.2). Les systèmes de glissement pour accommoder une déformation suivant la direction radiale, direction « dure » du matériau, sont difficilement activés par rapport au système de glissement prismatique. Ce dernier correspond au système de glissement principal pour l’accommodation d’une déformation suivant la direction axiale (§ I.1.3.1). Par conséquent, l’anisotropie du rapport de déformation plastique klRU par klRS, quantifiée par le coefficient c, est élevée. D’après la Figure I.1.11 (b), ce rapport c est constant avec la température puis diminue à partir de 600 K pour devenir inférieur à$$i. Cette évolution peut être corrélée à une augmentation de la facilité d’activation des systèmes de glissement secondaires avec la température (§ I.1.3.1). La direction radiale, direction d’orientation préférentielle des axes cristallographiques$$< " >, devenant moins « dure ».