• Aucun résultat trouvé

Origine d’une intervention dans le domaine de la fiscalité

Les seules véritables avancées européennes en matière de fiscalité directe, à savoir les directives sur les fusions transfrontalières3 et le régime des sociétés mères et filiales4, dues en 1990 à l’énergique inter-vention du commissaire Madame Christine Schrivener, ont un rapport lointain avec la fiscalité de l’épargne dans la mesure où celle-ci s’investit en actions et est dès lors intéressée aux distributions fluides de dividendes au sein de groupes européens et à la possibilité d’échange d’actions dans le cadre de fusions ou de prises de contrôle.

Les recommandations du rapport Ruding quant à l’approfondisse-ment de ces mesures n’ont pas été suivies d’effet.

Reste le grand domaine de l’investissement et de l’épargne. On distingue traditionnellement l’investissement direct (Foreign Direct Investment – FDI), lié au transfert à l’étranger de capital financier ou technologique, et l’investissement financier ou de portefeuille, en dépôts bancaires ou en titres, le premier étant caractérisé par le long terme et le second par le court terme.

En ce qui concerne l’investissement direct, la Commission s’est préoccupée de l’introduction d’une proposition de directive supprimant les retenues à la source sur les intérêts et les redevances payés entre sociétés d’un groupe, dans la même ligne que la suppression des retenues à la source sur dividendes transfrontaliers entre filiales et mères, sur base de l’idée que l’imposition de ces revenus aurait lieu dans l’État membre de la résidence de la société bénéficiaire. Un régime transitoire permet-trait le maintien de retenues à la source dans les États membres largement importateurs de capitaux.

En ce qui concerne la fiscalité de l’investissement financier, à savoir de l’épargne, la Communauté européenne s’est trouvée confrontée à deux mouvements, l’un économique et global, l’autre juridique et interne à la Communauté.

3 Directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal com-mun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, JOCE 1990 L 225, p. 1.

4 Directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, JOCE 1990 L 225, p. 6.

La globalisation de l’activité financière mondiale ne doit pas être décrite ici. Accompagnée des avancées technologiques du commerce électronique, elle a conduit, en deux décennies, à la création d’un marché mondial de l’épargne qui n’existait pas précédemment, confrontant les fiscs nationaux à des problèmes jusque-là inconnus et les privant de la maîtrise relative qu’ils avaient de la fiscalisation de leur épargne natio-nale.

Simultanément, au sein de la Communauté européenne, a été réalisée la libération des mouvements de capitaux, longtemps différée ou partiellement réalisée, objet de la directive du 24 juin 1988 portant libération complète des mouvements de capitaux au sein de la Communauté européenne5, entrant en vigueur le 1er juillet 1990, puis de l’article 56 du Traité6. Cette libération implique la suppression des restrictions aux mouvements de capitaux entre États membres et entre États membres et pays tiers. Disparurent ainsi les systèmes de contrôle des changes et de déclarations qui permettaient aux fiscs nationaux soit d’assurer l’investissement dans le pays de l’épargne local, soit de contrôler ces mouvements et de s’assurer ainsi le droit de les imposer par des mesures de contrôle efficaces.

Potentiellement se créait ainsi un risque de déplacement de l’épargne et un risque de non-imposition.

En règle générale, le droit d’imposer les intérêts est partagé entre l’État de la résidence et l’État de la source. L’État de la résidence impose, l’État de la source perçoit une retenue à la source et celle-ci fait en prin-cipe l’objet d’une imputation sur l’impôt dû dans l’État de la résidence.

Dans le marché, les emprunteurs de pays imposant une retenue à la source se trouvent obligés de factode majorer l’intérêt servi aux inves-tisseurs d’un montant compensant plus ou moins complètement cette retenue. Afin d’attirer les capitaux, il est dès lors généralement renoncé à cette retenue en faveur des non-résidents.

Cette course vers le bas (race to the bottom line) se communique des États de la source aux États de la résidence. Ceux-ci, afin de conserver dans le pays un certain volume d’épargne nationale, ont été amenés, dès l’entrée en vigueur de la libération des mouvements de capitaux et même

5 Directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du Traité, JOCE 1988 L 178, p. 5.

6 Ex-art. 73B.

avant, à abaisser les impôts sur les produits d’épargne et, souvent, à les rendre proportionnels, parfois à un taux égal à celui de la retenue à la source de droit interne7, abandonnant ainsi l’impôt global en faveur d’un impôt cédulaire. Plus récemment, on a même vu naître des systèmes combinant impôt sur le revenu et impôt sur la fortune, aux termes desquels le revenu taxé n’est plus le revenu réel de l’épargne, mais un rendement forfaitaire du patrimoine8.

L’instauration, entre douze États membres, de la monnaie unique, bien entendu non encore prévue à l’époque, permet de rendre encore plus visibles les différences fiscales et élimine les risques de change entre les États concernés.

Les États membres conservent toutefois le droit d’appliquer les dispositions de leur législation fiscale qui établissent des distinctions entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis.

Ils peuvent également prendre toutes mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois fiscales9.

L’idée d’harmoniser l’imposition des produits de l’épargne, des divi-dendes, voire même de l’impôt des sociétés, véhicules de l’investisse-ment, a de tout temps trouvé, sans aucun effet concret, un écho dans les grands textes européens10. Dans le premier combat entre libération des capitaux et fiscalité de l’épargne, les partisans de la fiscalité sortirent perdants. La libération des mouvements de capitaux par la directive de 1988 fut adoptée sans aucune mesure préalable destinée à assurer la taxation des intérêts. Tout au plus était-il prévu que la Commission présenterait au Conseil au plus tard le 31 décembre 1988 des propositions

7 Belgique, 15%.

8 Régime néerlandais en vigueur depuis le 1erjanvier 2001.

9 Traité CE, art. 58. A.M. GARCIA-MONCÓ, L’article 58 du Traité: une réserve de souve-raineté fiscale face à la libre circulation des capitaux, thèse Université Libre de Bruxelles, Faculté de Droit, 1999-2000, 2 vol., sous la direction du Prof. M. DASSESSE.

10 Rapport Neumark, 1962; Rapport Segré, 1966; Plan Werner, 1970. Sur la divinité des législations nationales, cf. p.ex. The Taxation of Savings, A Study Prepared by the Tax Committee of the Confédération Fiscale Européenne, Eur. Tax., 1997, p. 181; La Fiscalité de l’épargne en Europe, Colloque anniversaire, École supérieure des sciences fiscales, Bruxelles, 20 novembre 1998; C. LAROCHEet J. SPINDLER, “L’évolution de la fiscalité de l’épargne et la construction européenne: le cas de la France”, Rev. franç. fin. publ., 1999, n° 68.

à cette fin11. Le 10 février 1989, la Commission présenta une proposition de directive relative à un régime commun de retenue à la source sur les intérêts12. Une retenue à la source minimum de 15% était proposée.

Simultanément, il était proposé de modifier la directive relative à l’assis-tance mutuelle entre autorités compétentes des États membres. En effet, aux termes de cette directive, l’information pouvait être refusée dès lors que l’État membre n’aurait pu l’obtenir dans l’ordre interne, par exemple en raison du secret bancaire. Elle pouvait aussi être refusée en cas d’ab-sence de réciprocité. Dès lors, en fait, un État membre dans lequel existait le secret bancaire refuserait de fournir l’information à son voisin. Celui-ci refuserait à son tour la communication d’informations équivalentes.

Il était déjà prévu que les États membres pouvaient se dispenser de la retenue à la source à condition de la remplacer par un régime de décla-ration automatique des intérêts à l’administdécla-ration fiscale. Les résidents d’États tiers pouvaient également être exemptés de la retenue à la source.

Cette proposition fut vivement critiquée par de nombreux États membres.

Certains soulignaient le risque de délocalisation de l’épargne vers les États tiers, d’autres avançaient déjà qu’un système de déclaration obliga-toire des revenus de capitaux à l’administration fiscale, comme celui qui existait en France, était plus efficace et que l’imposition simultanée d’une retenue à la source imposerait aux banques une charge administrative supplémentaire et inutile.

Le coup de grâce fut probablement porté au système par l’énorme délocalisation de placements qui se produisit de l’Allemagne vers le Luxembourg après l’introduction en Allemagne d’une retenue à la source sur intérêts en 1989. La proposition fut retirée.

Il avait également été proposé, sur le plan de l’assistance administra-tive, que celle-ci ne puisse être refusée en présence de raisons permettant de présumer le transfert vers un État membre de fonds importants sans déclaration des revenus correspondants.

11 Directive 88/361/CEE, art. 6.5: “La Commission soumettra au Conseil, au plus tard le 31 décembre 1988, les propositions visant à supprimer ou à atténuer les risques de distorsion, d’évasion ou de fraude fiscale liés à la diversité des régimes nationaux concer-nant la fiscalité de l’épargne et le contrôle de leur application.

Le Conseil devra se prononcer sur les propositions de la Commission au plus tard le 30 juin 1989. Toutes dispositions fiscales de caractère communautaire devraient être adop-tées, conformément au Traité, à l’unanimité”.

La lecture de ce texte est particulièrement ironique à l’heure actuelle.

12 COM(1989) 60 final, JOCE 1989 C 141.