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Le projet communautaire de directive sur l’épargne

1. Historique

La Commission a présenté, le 20 mai 1998, une proposition de directive visant à garantir un minimum d’imposition effective des revenus de l’épargne sous forme d’intérêts à l’intérieur de la Communauté21. Cette proposition était fondée sur le modèle dit de coexistence, dans le cadre duquel chaque État membre doit opter, soit pour une retenue à la source, soit communiquer aux autres États membres des informations sur les revenus de l’épargne.

Cette proposition a notablement évolué au Conseil européen de Feira des 19 et 20 juin 2000. En substance, il a été décidé que l’objectif poli-tique était d’aboutir à l’échange de renseignements. Selon ce compromis, le modèle de l’impôt à la source n’est qu’une solution transitoire. Un accord sur le contenu essentiel d’une nouvelle directive a été obtenu lors du Conseil Ecofin des 26 et 27 novembre 2000. En conséquence, une nouvelle proposition a été publiée le 18 juillet 2001. L’exposé détaillé du contenu de celle-ci a déjà été présenté par le Professeur Jacques MALHERBE22. On se contentera d’en dégager ici quelques éléments qui paraissent pertinents dans une perspective comparée avec la Suisse.

2. Éléments essentiels a) En général

Fondamentalement, la future directive vise à garantir l’imposition des revenus de l’épargne sous forme d’intérêts effectués par des agents payeurs dans un État membre en faveur de bénéficiaires personnes physiques résidentes d’un État de l’UE (art. 1). À cet effet, l’agent payeur

21 COM(1998) 295 final.

22 Voir la contribution du Prof. J. MALHERBEdans le présent ouvrage.

doit communiquer à l’autorité compétente de son État membre, notam-ment, l’identité du bénéficiaire effectif et le montant des intérêts payés.

L’autorité compétente communique ensuite automatiquement ces infor-mations à l’autorité de l’État membre de résidence du bénéficiaire effectif.

Toutefois, pendant une période transitoirede sept ans dès l’entrée en vigueur de la directive, le Luxembourg, la Belgique et l’Autriche sont autorisés à appliquer, en lieu et place du système d’échange d’informa-tions, une retenue à la source non libératoire d’un taux minimum de 15%

pendant les trois premières années de la période de transition, puis de 20% pour le reste de cette période (art. 11). L’entrée en vigueur de la directive dépend beaucoup des résultats des négociations avec les États tiers, notamment avec la Suisse. Le 13 décembre 2001, le Conseil Ecofin a d’ailleurs reporté au 31 décembre 2002 l’adoption de la directive.

b) Le champ d’application

Dans une perspective comparée, le système prévu se caractérise par un champ d’application restreint et précis.

La directive ne vise que les intérêts proprement dits, y compris les intérêts courus ou capitalisés obtenus par le bénéficiaire à l’occasion du remboursement ou de la cession de l’instrument financier, ainsi que – à certaines conditions – les intérêts distribués par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) de capitalisation (art. 6 ch. 1 lit. a à c). Elle englobe aussi les revenus réalisés lors de la cession, du remboursement ou du rachat de parts dans des OPCVM, si ces organismes ont investi plus de 40% de leurs actifs dans des créances (art. 6 ch. 1 lit. d). Sont en revanche exclus les dividendes et produits de participations, les produits financiers innovants (marché à terme) et les produits des contrats d’assurance-vie.

Elle ne vise que les intérêts versés par un agent payeur sis dans l’Union européenne. L’agent payeur est l’opérateur économique qui paie ou attribue des intérêts au profit immédiat du bénéficiaire effectif (art. 4).

Il s’agit essentiellement de toute personne physique ou morale qui paie des intérêts dans le cadre de sa profession ou de son activité commer-ciale23.

23 Commentaire sur le projet de directive, ad art. 4 al. 1.

Les intérêts visés doivent être payés à un résident d’un autre État membre. Il s’ensuit, notamment, que les intérêts payés à l’intérieur d’un même État ne sont pas concernés par la directive. De même, les intérêts versés à des États tiers ne sont pas non plus couverts. On notera, en revanche, que les intérêts de source hors UE sont donc aussi visés, pour autant qu’un agent payeur sis dans un État membre les verse directement à un bénéficiaire résident d’un autre État membre.

De surcroît, ces intérêts doivent nécessairement être versés à une personne physique, résidente dans l’UE (art. 2 ch. 1). Il est sans impor-tance cependant que les intérêts appartiennent à la fortune privée ou commerciale du bénéficiaire. En revanche, les personnes morales sont exclues. Selon le projet sont également exclues, les autres entités dépour-vues de personnalité juridique qui sont “fiscalisées dans les conditions de droit commun”. Un régime particulier s’applique en outre pour les OPCVM (art. 2 ch. 1 lit. b). À notre avis, cette restriction du champ d’application de la directive pose problème, tant il paraît aisé d’intercaler une personne morale en tant que destinataire.

Enfin, la personne physique destinataire doit être le bénéficiaire effectif des intérêts. On notera que le paiement dans un État membre d’intérêts à une personne physique résidente d’un autre État membre est présuméêtre réalisé au profit du bénéficiaire effectif. Cette présomption peut être renversée, soit: (i) si le bénéficiaire est lui-même un agent payeur; (ii) s’il agit pour le compte du bénéficiaire effectif en qualité de mandataire et qu’il communique les éléments d’identification; ou (iii) s’il dispose d’éléments donnant à penser qu’une autre personne est le bénéfi-ciaire effectif.

c) Élimination de la double imposition et partage des recettes

L’État membre de résidence du bénéficiaire effectif doit faire en sorte que l’éventuelle double imposition pouvant résulter du prélèvement de la retenue fiscale soit éliminée (art. 14). Il le fait en accordant un crédit d’impôt égal au montant de l’éventuelle retenue perçue par l’agent payeur de l’autre État membre. Lorsque le montant de la retenue dépasse celui de l’impôt dû, l’État de résidence rembourse la différence.

En principe, les États membres appliquant la retenue à la source conservent 25% de la recette de cette retenue et en transfèrent 75% à l’État membre de résidence du bénéficiaire effectif des intérêts (art. 12).

B. Comparaison entre le système d’impôt anticipé suisse