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ORIGINE ET INSTALLATION DES HEU

Chapitre I GENEALOGIE DE LA FAMILLE DE HEU

I. ORIGINE ET INSTALLATION DES HEU

A. Une famille d’Huy-sur-Meuse

La famille est la cellule sociale essentielle. Nous l’envisageons comme étant un ensemble « de groupes (…) vastes ou étroits qui se reconnaissent liés par une relation privilégiée née du sang ou de l’alliance »1

. À cette définition, nous ajoutons aussi que la famille est issue d’un pays, d’une région commune. La famille de Heu est originaire de la ville de Huy-sur-Meuse en Belgique2. Des travaux3 ont montré le rôle important de cette ville dans le commerce européen du XIe au XVe siècle. Exportateurs de produits métallurgiques et de draperies, ces marchands commercent de l’Angleterre à l’Autriche. Nous les retrouvons également aux foires de Champagne et du Lendit. Metz est une étape pour ces marchands. La ville de Huy en tant que zone carrefour entre la Hesbaye4 et le Condroz5 est, à l’image de Metz, une ville commerciale active de la Meuse, qui participe au mouvement de croissance économique qui anime toute l’Europe occidentale au XIe siècle.

Les relations entre Metz et le pays de Liège sont anciennes et se renforcent lorsque les comtes de Dabo et Moha acquièrent le comté de Metz. En outre, le monastère du Val Notre- Dame, fondé à proximité de Huy par Albert, comte de Metz, a des biens dans la région messine. Des immigrants de Basse-Lorraine viennent à Metz pour prendre bourgeoisie, parmi eux les habitants de Huy demeurent être les plus nombreux.

1

KLAPISCH-ZUBER 1995, p. 464.

2 Huy-sur-Meuse, province de Liège, chef-lieu d’arrondissement, diocèse de Liège. 3 J

ORIS 1959, 534 p.

4

Région de Belgique s’étendant sur les provinces du Brabant flamand et wallon, de Liège, de Limbourg et de Namur.

Au début du XIIIe siècle, ces marchands ont des établissements à Metz. Cependant, ils entrernt en conflit avec le chapitre de la cathédrale et l’avoué de la cité qui se partagent les revenus du tonlieu. En effet, les marchands se servent de ces installations comme entrepôts et ils prétendent donc être exemptés de cette taxe. Le jugement prononcé pour cette affaire par l’archevêque Thierry de Trèves et le duc de Lorraine Thiébaut Ier

, comte de Metz, leur donne tort, car d’après ce texte, les Hutois ne font à Metz « ni feu ni fumée », c’est-à-dire que leurs familles n’y habitent pas et qu’ils ne prennent pas la garde avec les autres bourgeois1

.

Les relations entre les deux villes et le caractère itinérant de ces marchands peuvent s’entrevoir également à travers un texte hagiographique, la vie de sainte Yvette de Huy. Cette dernière, une jeune Hutoise, séduite par un clerc, est emmenée jusqu’à Metz. Elle est alors confiée à une recluse messine. Puis, dans la ville, cette jeune fille rencontre des marchands de sa parenté qui la ramènent à Huy2.

Comme d’autres marchands hutois, les Heu s’installent à Metz dans la première moitié du XIIIe siècle. Cette famille devient rapidement influente parmi les gens du paraige du Commun. Par la suite, nous verrons comment les Heu, comme d’autres habitants de Metz, membres des paraiges, sont devenus, à la fin du Moyen Âge, de riches propriétaires fonciers, détenteurs de droits féodaux, qui exercent de hautes fonctions dans la cité.

B. Des Heu à Metz. Le cas des Le Bel de Heu

Alors que vers 1214 les Hutois ne sont pas encore fixés à Metz, nous rencontrons un quart de siècle plus tard les premiers exemples d’enracinement. Un certain Heces de Huy est reçu bourgeois en 1240 ; il s’agit de l’unique mention le concernant3. Par la suite, nous retrouvons un certain Lambert de Heu ou encore Robin Blancmoxon de Heu. Ce dernier est reçu bourgeois en 1288. Il appartient à une famille de Huy, mais n’apparait pas autrement dans les documents messins4. Enfin, nous trouvons la mention d’un Jennat de Heu, mort avant 1245 à Metz. Ce dernier s’installe en Saint-Nicolasrue, l’actuelle rue de la Fontaine. C’est

1 S

CHNEIDER 1954-1955, p. 15. Édition de l’acte dans MENDEL 1932, p. 404-405.

2

Acta Sanctorum, janvier, I, p. 878. Vie de sainte Yvette de Huy.

3

PERRIN 1921, p. 587.

d’ailleurs dans ce quartier, au Neufbourg, au Quarteau ou au Champ-à-Seille, que les Messins d’origine hutoise possèdent leur maison1

. Ces exemples confirment la présence d’Hutois à Metz ainsi que des relations entre ces deux villes.

Une difficulté rencontrée dans ce travail par le chercheur est la présence d’épitaphes mentionnant des Heu issus de la branche cousine de la famille principale étudiée ici : les Le Bel de Heu. Dans l’abbaye Saint-Clément de Metz, une inscription mentionne un Colignon de Heu. Ce dernier est le fils de Godefroy de Heu, lui-même fils de Jacquemin le Bel de Heu et frère utérin de Gilles et de Roger, les fondateurs de la famille principale installée à Metz2. Cette branche cousine, dont est issue la famille messine des Le Bel, s’éteint en ligne masculine après 1350 ; le nom de Gilles le Bel est repris par les descendants de Gilles II, fils de Simelo le marchand, gendre de Gilles Ier le Bel3. Le manuscrit 1327 du fond Goethals, le livre de raison des Heu sur lequel nous reviendrons, est contradictoire quant aux informations qu’il nous fournit. D’une part il fait descendre Gilles le Bel de Heu, maître-échevin en 1326, de Gilles de Heu mort en 1271, de l’autre il mentionne dans un tableau les deux autres frères utérins de Gilles et de Roger, à savoir Jacquemin et Liebert Le Bel de Heu, et dont descendent les Le Bel de Metz4.

« Gilles chevalier, maire advoez de Heu héritable » et Roger, son frère, sont présentés dans la généalogie des Heu qui figure dans un manuscrit de l’Arsenal comme fils de Hubert de Bernalmont de Heu et de sa seconde épouse. Quoi qu'il en soit de la parenté des Heu avec l’un ou l’autre des personnages illustrés par Hemricourt, bien que la charge d’avoué héréditaire de Huy appartienne aux comtes de Beaufort, les deux frères arriveraient à Metz comme soldoyeurs. D’après le manuscrit Goethals 1327, Gilles et Roger fuient la guerre qui se déroulait en 1235 dans le pays de Liège pour venir à Metz5. Toutefois, rien n’interdit qu’ils aient été marchands auparavant ce qui expliquerait l’origine de leur fortune. L’année de cette arrivée varie selon les sources : vers 1230 d’après Paul Ferry, vers 1248 d'après le baron d’Hannoncelles6, et seulement 1261 selon d’autres auteurs.

1 S CHNEIDER 1954-1955, p. 16. 2 T HIRIOT 1933, no 241, p. 131. 3 SCHNEIDER 1954-1955, p. 16.

4 BRB, Fonds Goethals, ms. 1327, fol. 1v.

5 BRB, Fonds Goethals, ms. 1327, fol. 69 : « Pandant se temps de la guer qui acco(m)masoit en l'an mil IIC et / XXXV ans vint à Mets pour securitté et trasquilitté de / vie les dessusd(its) deux frere messir Gilles de Heu, chlr, messir / Rogier ». Il s’agit de la guerre des amis qui dura plus de 45 ans dans le pays de Liège.

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