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MARIAGES ET STRATEGIES MATRIMONIALES CHEZ LES HEU

Chapitre II LIGNAGES ET PARENTES

II. MARIAGES ET STRATEGIES MATRIMONIALES CHEZ LES HEU

A. Le mariage dans les élites urbaines

Les femmes constituent un des atouts des lignages de l’élite urbaine. Elles disposent de deux atouts majeurs : leur fécondité et leur rôle dans les stratégies matrimoniales dont bénéficient les hommes, mais qui, leur devant une part de leur pouvoir, ne peuvent les en exclure totalement.

Pour l’élite urbaine de Metz, ces mariages se font de plus en plus entre les membres des paraiges. L’entrée dans les paraiges est régulée par l’atour de 1367 décrit plus haut. Rappelons seulement ici qu’on ne peut entrer dans un paraige qu’à titre héréditaire, avec la liberté de choisir entre le paraige de son père ou celui de son grand-père maternel. La recherche des alliances matrimoniales au sein de ces associations et chez les élites urbaines en général, doit répondre à trois objectifs : le mariage avec ses pairs, le refus de la consanguinité et des objectifs politiques communs pour la cité2. Une attention particulière est apportée au mariage de l’héritier en titre. Dès lors s’établit une distinction entre garçons et filles ainsi qu’entre aînés et cadets.

Ces alliances permettent aux bourgeois d’accroître et d’étendre leur patrimoine dans les campagnes. Les seigneurs ruraux, pendant le XIIIe et XIVe siècle, se retrouvent progressivement en grande difficulté financière et le transfert des seigneuries, des chevaliers

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PÉGEOT,FRAY, 1997, p. 338.

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aux bourgeois, conduit normalement les seconds à vouloir s’identifier aux premiers. L’adoubement et les mariages achèvent ce que les transactions financières ont commencé.

Toujours est-il que le mariage aristocratique se caractérise par une endogamie plus importante que dans les autres milieux sociaux, ce qui confère une forte cohésion à la noblesse tout entière. Toutefois et à terme, ces clans forment-ils une aristocratie fermée, et ce dès leur apparition ? La question reste posée. Leur nombre n'a cessé de diminuer et, comme le souligne Gaston Zeller, « la transformation des paraiges en véritables castes marque l'heure de la décadence de la République messine. C'est un fait général, que les aristocraties fondées sur le privilège tendent à se replier (…) sur elles-mêmes, à périr de mort lente, faute d'un afflux de sang nouveau. Leurs membres se marient entre eux, et par suite d’un malthusianisme intéressé, puisqu’il redoute l’émiettement des richesses, la caste s’étiole et finit par disparaître »1. Francis Rapp le souligne : « dans les villes allemandes, il y a une diminution des groupes familiaux due à la chute des effectifs du patriciat, mais cet affaiblissement a provoqué un regroupement des familles les plus puissantes »2.

Au XVIe siècle, c’est dans un contexte d’affaiblissement et de division du patriciat qu’il faut replacer le rôle qui est donné aux patriciens. Affaibli et peu nombreux, le patriciat messin est aussi divisé sur la question de l’avenir de la cité. Rejoindre le parti français, envisager un rapprochement avec les ducs de Lorraine ou encore avec le parti « bourguignon » puis impérial, voilà les choix qui leur sont possibles3.

Du XIVe jusqu’au XVIe siècle, les Le Gronnais puis les Heu sont les deux plus importantes familles patriciennes à Metz et du pays messin. Elles adoptent l’attitude, le mode de vie et les préoccupations des autres nobles ainsi qu’une politique matrimoniale habile pour montrer leur réussite. Cependant, dans cette recherche de nouvelles alliances, le patriciat est confronté aux deux conceptions du mariage.

B. Deux modèles matrimoniaux et des interdits

Aujourd'hui, il peut être difficile de concevoir que l'Église catholique ait pu, un jour, se porter à la défense des amoureux. Notre idéal romantique d'un mariage exclusif et 1 ZELLER 1926, I, p. 182. 2 RAPP 1989. 3 C HAZAN 2008, p. 51-52.

perpétuel fondé sur l'amour et sur le consentement entre les conjoints rejoint la vision qu'a l'Église depuis le XIIe siècle1 : un mariage monogame, indissoluble et consensuel.

Pendant longtemps, cet idéal prôné par l'Église n'a pas été pratiqué majoritairement. La société lui préfère les mariages noués et facilement dénoués par les familles pour des raisons économiques et politiques. Ainsi, au Haut Moyen Âge et jusqu'au XIIe siècle encore, le modèle matrimonial ecclésiastique rivalise avec un autre modèle dans lequel religion, indissolubilité et consentement mutuel sont absents.

Georges Duby est le premier à rapporter la divergence entre les deux modèles matrimoniaux du Moyen Âge, le mariage ecclésiastique et le mariage laïc qu'il qualifie respectivement « morale des prêtres » et « morale des guerriers ». C'est dans le cadre d’une conférence publiée sous le titre Medieval Marriage. Two Models from Twelfth-Century

France2 qu'il énonce l'idée qu'aux XIe et XIIe siècles le modèle aristocratique et le modèle ecclésiastique de mariage demeurent deux choses distinctes. Georges Duby reprend cette idée et la développe dans son livre Le chevalier, la femme et le prêtre. Le mariage dans la France

féodale3. En se servant d'exemples, il démontre comment les deux morales, d'abord opposées,

ont fusionné avec le temps. À partir du milieu du XIVe siècle, les théologiens n’énoncent guère d’opinion nouvelle sur le mariage. Le mariage est à la fois un état, un contrat et un sacrement.

 La conception ecclésiastique

Il importe d'abord de présenter brièvement la doctrine ecclésiastique4. Issue d'un amalgame de pratiques de l'Empire romain, du premier âge chrétien et des sociétés germaniques du Haut Moyen Âge, celle-ci se construit lentement. Chez les Romains, le mariage se fonde par le consentement des époux et de leur famille5. Pendant le premier âge chrétien, le mariage demeure une affaire laïque et privée qui se noue selon les coutumes de ceux qui la pratiquent. En revanche, dans le « monde » germanique, deux étapes contribuent à 1 R IBORDY 2004, p. XI. 2 D UBY 1978. 3 DUBY 1981. 4 LE BRAS 1927, col. 2123-2223. 5 G AUDEMET 1980, p.

sa formation : la desponsatio où l'homme acquiert l'autorité sur sa future épouse et la

traditio puellae où la femme rejoint son mari et où le mariage est consommé1.

Quant à l'Église, elle reconnaît en tant que mariage toute alliance conclue selon les normes de la société. Elle se limite à énoncer quelques principes comme l'exogamie, la monogamie et l'indissolubilité. L'Église condamne publiquement les répudiations, les remariages, les concubinages et les mariages incestueux des princes2. La doctrine matrimoniale se cristallise au XIIe siècle. À cette époque, il se développe, sous l'influence de Gratien et de Pierre Lombard, l'idée du consentement des futurs époux, c'est-à-dire les paroles ou les gestes échangés, émanant de deux individus libres et lucides ayant atteint l'âge de douze ans pour les filles et de quatorze ans pour les garçons.

En résumé, le mariage constitue un échange de serments. Ce contrat ne peut être dissout et seule la mort peut permettre le remariage du conjoint survivant. Quelques exceptions entraînent toutefois l'annulation d'un mariage : la consanguinité, la non- consommation ou la bigamie. Autrement dit, la découverte d’une parenté ou d’une alliance à un degré prohibé et qui a été ignorée lors de la célébration des noces, risque d’entrainer l’annulation de l’union que les époux ont contractée de bonne foi. Ces cas n'appellent pas le divorce, car ces empêchements invalident et annulent l'union. Seule une séparation de biens ou de corps peut être tolérée et prononcée. La pratique occidentale s’efforce de rendre plus faciles les séparations : elle y arrive au moyen des pactes de séparation amiable. Par ces conventions, les époux se mettent d’accord pour renoncer à toute action tendant à forcer l’un d’entre eux à reprendre la vie commune ; en outre, ils fixent les modalités pécuniaires de la rupture de l’ancien ménage3

. Toutefois, par rapport à la volonté de l'Église, une autre conception du mariage se développe, ce que Georges Duby appelle « la morale des guerriers ». 1 WEMPLE 2002, pp. 185-216. 2 DUBY 1977, I, pp. 13-39. 3 C OUDERT 1952, p. 91.

 La conception aristocratique du mariage

Face aux politiques ecclésiastiques se dresse un monde laïc, de plus en plus christianisé, mais qui conserve ses intérêts propres et ses pratiques matrimoniales privées. La « doctrine ecclésiastique » bouleverse l'organisation des mariages stratégiquement orchestrée par les parents pour des raisons économiques, politiques et sociales1. Les interdictions contre les mariages entre cousins, les unions impubères, les remariages ou les mariages forcés remettent en question tout le système matrimonial, successoral et familial de la noblesse. Le modèle décrit par Georges Duby pour les Xe-XIIe siècles subsiste aux XIVe-XVe siècles. Il ménage la part belle aux familles et aux enjeux économiques et politiques lors de l’organisation des mariages, aux dépens des mariés, de leurs sentiments et de la doctrine ecclésiastique du consentement des époux2.

 Les interdits

Le droit canonique insiste sur la condition du mariage et les empêchements qui découlent de leur inobservation. Dans le droit canon, la dispense est définie comme une « exception au droit légitime »3, une grâce consentie par le Saint-Siège4. Accordée avant ou après la conclusion du mariage, l'exception s'applique à l'impuberté, au mariage mixte, au vœu solennel, à l'ordre sacré, à la clandestinité, à l'absence de publication de bans, au rapt, à la consanguinité, à la parenté spirituelle, à l'adoption, à l'affinité et au crime. Autrement dit, l'exception s'applique à « tout empêchement qui peut faire l'objet d'une dispense, plus ou moins facilement, sauf l'impuissance et certains cas d'impuberté »5. Ces deux derniers motifs conduisent à la nullité du mariage.

Selon la règle ecclésiastique, l'âge minimum au mariage est de douze ans pour les filles et de quatorze ans pour les garçons. Cependant, un mariage prépubère semble mieux toléré au niveau de la royauté qu'à celui des écuyers et des chevaliers. Toutefois, les 1 R IBORDY 2004, p. XVII. 2 R IBORDY 2001, p. 886. 3 LEFEVBRE 1978, p. 34. 4 DAUVILLER 1933, pp. 201-276. 5 Ibid., p. 41.

demandes de dispense sont fréquentes, étant donné que le nombre de lignages ne cesse de diminuer et que la noblesse tisse des liens entre ses lignages par le biais des mariages jusqu'à la fin du XVe siècle. L'indissolubilité du lien sacramentel est absolue. Une séparation de « lit et de corps » n'est pas un divorce au sens moderne du terme et ne remet pas en cause l'indissolubilité du lien conjugal. En outre, elle ne permet pas aux conjoints de se remarier. Pour cela, il faut que le mariage soit déclaré nul. Il arrive fréquemment que les unions soient courtes du fait du fort taux de mortalité. Le remariage est donc très fréquent et la présence d'enfants de plusieurs lits est également courante. Mais ceci va poser plusieurs problèmes quant à la conservation et la transmission du patrimoine.

Il en est ainsi à Metz où les démêlés des patriciens avec la justice messine concernent le plus souvent des problèmes de transmission de biens. En effet, le lignage exige la restitution des biens délivrés au couple.

C. Déroulement des stratégies matrimoniales

 Le choix du conjoint

Dans toute la société et encore plus dans la noblesse, le mariage est considéré comme une affaire d'intérêts. Le mariage, engageant bien plus que les seuls conjoints, ne peut résulter d'un choix personnel. Dans la plupart des cas, ce sont les chefs des lignages qui règlent les intérêts. Le mariage est une affaire familiale. Le père de la fiancée le conclut avec le fiancé ou les parents de celui-ci. Les parties s'entretiennent et parviennent à une entente. Ces pourparlers entament le processus matrimonial et en jettent les fondations. Il est impossible de faire une histoire du mariage aristocratique sans commencer par les pourparlers. Avec ceux- ci, l’aristocratie urbaine persiste à nouer les mariages à sa façon, sous le contrôle des parents, familles et amis. Cette démarche est dictée par des enjeux politiques et économiques. Elle est menée par les parents, ou les amis des époux1.

Dans le cas des femmes et de jeunes garçons, les proches sélectionnent le meilleur parti et prennent les mesures qui conduisent au mariage. Des contrats de mariage sont

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conservés dans les archives familiales et ils datent tous du XVIe siècle. Le 19 décembre 1524, Nicolas IV de Heu, en tant qu’aîné, déclare avoir la charge de traiter le mariage de sa sœur Gertrude avec Richard III de Merode, seigneur d'Houffalize1

. De même, le 21 septembre 1545, Robert de Heu, en tant que chef de famille, organise le mariage de sa fille Catherine avec Claude-Antoine de Vienne, le fils de sa seconde femme, Claude du Châtelet2. Enfin, le 16 novembre 1538, lors de la réalisation du traité de mariage de Nicolas IV de Heu et Anne de Failly, le frère de cette dernière, Christophe de Failly, et son oncle, le révérend Jacques de Failly, jouent un rôle important3.

Dans le cas d'un homme majeur, ses intermédiaires lui procurent conseils et appuis. Dans le manuscrit Goethals 1327, André de Rineck intervient afin que Nicolas III de Heu épouse Marguerite de Brandenbourg, « Messir Nicolle de Heu, chlr*, filz sr* Jehan de Heu

(...) A moyen de ung notable / chlr*, messir Andreu de Rineck, print à femme la fille de messir

/ Gotfroy de Brandebourg, sr* de Clervaulx et de Maissenbourg »4.

Le mariage de l'aîné est particulièrement important. Il a pour finalité d’assurer la transmission des biens, de prolonger la lignée et le nom grâce à la naissance d'un fils. Maintenir la famille au rang qui lui revient voire faire profiter le lignage d'un mariage dans lequel le rang de la femme est supérieur à celui du mari, tel est le rôle de l'aîné de la famille.

L'entente entre les parties débouche sur un contrat de mariage issu des pourparlers qu’ils consignent sur papier et scellent. Le fait d’écrire les termes rend officiel cet accord. C'est au tabellion ou au notaire que revient la tâche de rédiger le document qui doit être ensuite approuvé par les parents et amis. Dans ce traité sont consignés tous les détails de l'entente. Il constitue avant tout une promesse de conclure le mariage et de s'en tenir à ces conditions, obligeant les parties à tenir leur accord.

Le contrat de mariage assoit la composante financière de l'union5. Les sources judiciaires et les chroniques font état de contrats de mariage fixant les termes financiers du mariage. Les multiples recherches effectuées dans les archives notariales de la fin du Moyen Âge témoignent de ce rôle économique et de la part faite au patrimoine, aux biens et à la dot dans les contrats de mariage. Avec ses ambassades, ses rencontres, ses réjouissances et son contrat, cette démarche est caractéristique du monde aristocratique en général et des paraiges

1 W

ÜRTH-PAQUET 1883, no 1676.

2 ADM, Fonds de Clervaux, 7F 69 ; C

ALMET 1741, Pr., p. 145.

3

ADM, Fonds de Clervaux, 7F 82.

4

BRB, Fonds Goethals, ms. 1327, fol. 76.

5 R

messins en particulier. Elle répond aux attentes des familles en perpétuant la fortune et le rang des alliances judicieusement calculées, traitées et scellées1. Le 13 août 1428, Nicole de Heu promet de payer à sa fille Isabelle une rente de vingt-cinq livres de Metz à partir du jour où elle sera mariée à Didier le Gronnais2.

 Les fiançailles

Les fiançailles sont le fruit de négociations, elles annoncent le mariage à venir en engageant les futurs conjoints et leurs familles. Elles concernent des filles très jeunes et servent de promesse, de garantie que l'alliance se réalisera. Ces fonctions leur confèrent une place centrale au sein du processus matrimonial de la fin du Moyen Âge3. Dans le droit romain, les engagements précèdent normalement le mariage, parfois de plusieurs années. Conclues le plus souvent pour de jeunes enfants par le père, ces fiançailles s'accompagnent de cérémonies familiales, sociales et religieuses. Sans grande conséquence juridique, elles peuvent être rompues. Cependant, dans le droit romain tardif, cette rupture devient plus difficile, car l'Église veut s'assurer de la solidité de ces fiançailles et ne tolère plus leur rupture que pour un motif sérieux. À la fin du Moyen Âge, les fiançailles, simple engagement vers la voie du mariage, ne sont désormais plus obligatoires du point de vue juridique.

Au XIIe siècle, l'Église les dote de rites religieux. Comme le rapporte Jean Gaudemet, l'Église préfère que les fiançailles soient marquées du sceau ecclésiastique. Elles sont parfois conclues de façon solennelle : « [...] à l'église et accompagnées d'une bénédiction. L'Église conseille ces formes qui donnent plus de poids à l'engagement en le mettant sous la protection divine »4.

Deux types de fiançailles sont connus. Le premier est défini par le droit canon et aucune forme n'est imposée. Jean-Baptiste Molin le confirme : « si […] les fiançailles sont obligatoires avant le mariage, elles n'ont pas lieu forcément à l'église, ni même en présence d'un prêtre. La seule chose requise étant toujours le caractère public de la promesse faite »5. Si

1 Ibid., p. 13.

2 ADM, Fonds de Clervaux, 7F 54, 13 août 1428. 3 RIBORDY 2001, p. 885. 4 GAUDEMET 1987, p. 169. 5 M OLIN, MUTEMBE 1974, p. 52.

elles sont conclues de façon solennelle, c'est-à-dire dans une église, elles le sont devant un prêtre, puis accompagnées d'une bénédiction. Le second type de fiançailles, de nature informelle, implique les deux jeunes gens et leurs témoins. Celles-ci se scellent par l'échange de paroles, de cadeaux, d'un repas, de baisers ou d'une poignée de main1.

C'est au chapitre de la signification des fiançailles que la noblesse et l'Église ne s'accordent pas. Dans le droit canon, elles ne sont qu'une annonce du mariage alors que pour l'aristocratie, elles représentent une étape importante et fondatrice dans la conclusion du mariage inaugurant le processus matrimonial et menant directement aux épousailles.

Socialement, les fiançailles constituent un serment. Leur respect lie l'honneur des fiancés et de leur famille, les rompre y porte atteinte. En honorant les fiançailles, les parties respectent les valeurs d'une société qui s'oppose à la révocation d'un contrat. Selon Gérard Fransen, l'Église ne s'autorise pas à dispenser les fiancés de leur serment et les force même à respecter leur engagement2. Les fiançailles représentent l’aboutissement de négociations qui peuvent avoir duré des mois, voire des années. C'est lorsqu'une union tarde à se faire que le serment des fiançailles prend toute son importance. Il contraint les parties à tenir leur promesse, malgré les mois ou les années qui peuvent s'écouler entre les fiançailles et le mariage3. La cause du retard la plus fréquente est liée au trop jeune âge des fiancés qui ne peuvent contracter légalement un mariage. En effet, si l'Église tolère la célébration des fiançailles dès l'âge de sept ans, elle n'autorise la conclusion du mariage, pour rappel, qu'à la puberté, fixée à douze ans pour les filles et à quatorze ans pour les garçons4. Si les fiançailles font l’objet de festivités, les sources sont loin de toujours les décrire, ni même de les mentionner.

Il arrive parfois que les fiançailles soient rompues. Des documents font apparaître des promesses qui ne sont jamais respectées. À cause du désaccord des parents, le processus du mariage est rompu. Cette rupture entraine un revers dans le contexte de politique matrimonial ainsi qu’un échec familial. C'est ainsi que, le 15 juillet 1553, Georges de Savigny renonce à ses promesses après avoir déclaré être fiancé à Marguerite de Heu sans le consentement et à l'insu des parents de celle-ci, à savoir Jean de Heu et Marguerite de Roucel5. En cas de fiançailles officielles, leur rupture est perçue comme un affront par la partie lésée et, comme 1 R IBORDY 2004, p. 50. 2 F RANSEN 1970, I, pp. 106-126.