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L'ORGANISATION EN TANT QUE SYSTEME D'INFLUENCE DES COMPORTEMENTS INDIVIDUELS ET DES PROCESSUS DE DECISION

Il) CONTEXTE ORGANISATIONNEL ET COMPORTEMENTS

1. L'ORGANISATION EN TANT QUE SYSTEME D'INFLUENCE DES COMPORTEMENTS INDIVIDUELS ET DES PROCESSUS DE DECISION

L'organisation enlève

à

l'individu une partie de son autonomie de décision

et lui substitue un processus de prise de décision au niveau de

l'organisation ( Herbert A. SIMON 1 "Administrative Behavior" ). Parmi les décisions que l'organisation prend pour l'individu, on peut distinguer celles

concernant la définition de ses fonctions, celles qui attribuent et

répartissent l'autorité, celles enfin qui vont limiter sa liberté de choix

afin de permettre une coordination des activités des membres de

l'organisation. Ainsi, Herbert A. SIMON distingue cinq mécanismes

permettant

à

l'organisation d'influencer le comportement de ses membres :

- Deux mécanismes formels : l'autorité qu'il définit comme l'acceptation

par un subordonné d'être guidé par un supérieur sans examen critique du bien-fondé de la décision et les systèmes d'information.

- Trois mécanismes d'inculcation : le sentiment de loyauté, le critère

d'efficience et la formation. Ces mécanismes donnent aux membres des

habitudes et un état d'esprit qui les conduisent

à

prendre des décisions

allant dans le sens de ce que l'organisation souhaite.

Ainsi, les membres d'un groupe ont tendance

à

s'identifier

à

lui : cette

loyauté les incitera, lorsqu'ils sont amenés

à

prendre une décision,

à

évaluer les diverses solutions possibles en fonction de leurs conséquences pour l'organisation. De même le critère d'efficience constitue un impératif majeur qui règle les décisions des employés. Enfin, la formation prépare le

collaborateur

à

prendre de son propre chef des décisions satisfaisantes

pour l'entreprise.

Les mécanismes étudiés par Herbert A. SIMON participent de ce que nous

avons convenu d'appeler le contexte organisationnel. L'auteur montre

comment ces mécanismes influencent directement les comportements ou participent à une modification des attitudes (à travers la formation et les

phénomènes d'identification par exemple) qui conduit

à

son tour

à

une

orientation des décisions. Si les organisations se dotent de structures

souvent developpées et ont recours

à

ces mécanismes, c'est parce que

leurs membres ont une capacité limitée d'acquisition et de traitement de

l'information : leur rationalité est limitée. Dès lors, les organisations

vont chercher à contrôler, à encadrer le comportement de leurs membres

de manière

à

s'assurer de la qualité des choix qu'ils effectuent et de

rendre ceux-ci plus prévisibles.

" La Théorie Comportementale de la firme" élaborée par R.M CYERT et J.G MARCH se situe dans la lignée des recherches de H.A. SIMON et analyse également comment l'organisation encadre les processus décisionnels en

fractionnant les problèmes en sous-problèmes attribués aux différentes

sous-parties de la firme et en définissant des procédures internes

permettant de faire face aux problèmes routiniers.

Même si les processus de décision sont le fruit de circonstances en partie

accidentelles, ils sont néanmoins influencés par des paramètres

structurels (Michael D. COHEN, James G. MARCH, Johan P. OLSEN). Ces auteurs s'intéressent en effet à la dynamique des processus de décision. Le modèle qu'ils proposent, connu sous le terme de "modèle de la poubelle" montre comment la décision résulte de la combinaison en partie arbitraire

de plusieurs courants relativement indépendants à l'intérieur de

l'organisation que sont : les problèmes, les solutions, les participants et les situations de choix. Des circonstances accidentelles rapprocheraient ces composantes plutôt que la prise en compte de leur pertinence par rapport aux choix. Cependant, bien que ceux-ci apparaissent dans leur analyse comme résultant en partie d'une confluence fortuite, le modèle

souligne l'importance de ce qu'il appelle la structure sociale de

l'organisation : celle-ci canalise les courants de problèmes, d'opportunités de choix, de solutions et de participants.

Les éléments de la structure influencent les résultats du processus de décision de plusieurs façons :

- en affectant le temps d'arrivée des problèmes, des choix, des solutions ou des preneurs de décision,

- en déterminant l'allocation d'énergie par les participants potentiels à la décision,

- en établissant des liens entre les différents courants.

De façon plus spécifique, les auteurs distinguent deux composantes de la

structure organisationnelle la structure de décision qui définit

l'ensemble des invitations faites à des individus pour qu'ils se comportent en preneurs de décision, et la structure d'accès qui constitue quant à elle l'ensemble des invitations faites à des problèmes et à des solutions de s'établir en tant qu'objets de décision.

Par conséquent, la structure organisationnelle joue un rôle important dans les processus décisionnels dans la mesure où elle les détermine en partie : elle influence les mouvements des flux et donc leurs possibilités de

combinaison ; elle détermine qui participe

à

la décision, quand et

comment.

Une autre recherche qui s'est intéressée plus spécifiquement

à

un

processus de décision particulier, l'allocation des ressources dans une

organisation, a également abouti

à

mettre en évidence le rôle fondamental

joué par les paramètres organisationnels dans le déroulement des

travaux de Joseph L. BOWER ("Managing the Ressource Allocation Process").

Celui-ci a décomposé en différentes étapes le processus conduisant à

décider de l'allocation des ressources au sein d'une firme. Il distingue

ainsi:

- Une Phase de Définition : au cours de celle-ci la nécessité d'un

investissement est reconnue et une proposition est effectuée. Le

département est l'entité qui dispose du rôle déterminant dans cette phase.

- Une phase d'impulsion : Le Projet va évoluer

à

travers la hiérarchie de

la société et les différents niveaux d'approbation jusqu'à l'autorisation

finale qui dépend de l'impulsion donnée au Projet. Le Directeur Général de la Division doit parrainer le Projet et réussir à lui faire passer tous les

cribles aussi rigoureux soient-ils que la division concernée se voir

imposer.

L'intérêt des travaux de J L. BOWER pour notre problématique se situe dans la réflexion qu'il développe au sujet du contexte d'un Proiet. C'est ainsi

qu'il définit un ensemble d'éléments qui influencent les processus de

définition et d'impulsion. Quels sont-ils ? Au niveau de la première phase

du processus d'investissement, la Direction Générale peut jouer sur des

paramètres tels : la définition des responsabilités d'un directeur, les

modes d'évaluation des performances dans son domaine, les informations

dont il dispose pour diriger son département et la manière dont ses

propres résultats sont jugés et récompensés. Tous ces leviers d'action constituent autant de mécanismes permettant de définir les régies du jeu et donc d'orienter la décision.

J L. BOWER cite notamment le cas d'une entreprise où "alors que le manuel

de procédure d'allocation des ressources expliquait qu'un objectf

important de la firme était la maximisation de la rentabilité des

actionnaires, d'autres motivations plus fortes influençaient les décisions

des directeurs de rang moins élevé". Or, justement ces "motivations plus

fortes" dépendent en grande partie de la Direction Générale qui, en

réorganisant ou en modifiant les systèmes d'information, d'évaluation et

de récompense, est en mesure d'orienter les comportements. Ainsi, la

structure de l'organisation détermine la manière dont un directeur conçoit les règles du jeu. A leur tour, les règles influencent sa manière de définir

les insuffisances des résultats qu'il obtient dans sa fonction. Et ces

insuffisances à leur tour, entrainent et expliquent les projets

d'investissement.

Par ailleurs, le processus d'impulsion est lui aussi déterminé par des

paramètres du contexte. En effet, l'impulsion donnée par un Directeur

Général de Division à un Projet dépendra : - de son évaluation de la qualité du Projet

- de son estimation des bénéfices qui seront considérés comme corrects

Or, ces estimations seront en partie déterminées là encore par la structure de l'organisation, par la manière dont la fonction de Directeur de

Division est définie, par le mode d'évaluation des résultats, par les

informations dont il dispose et par la manière dont il est jugé et

recompensé.

Ainsi, l'ensemble des facteurs qui, d'après les analyses de J L. BOWER, influencent les processus de définition et d'impulsion relèvent de ce que nous avons convenu d'appeler le contexte organisationnel.

Il est intéressant de rapprocher ici les travaux de J L. BOWER qui portent sur un processus de prise de décision relativement structuré des cas analysés par le modèle de la poubelle où la décision apparait comme nettement moins canalisée et résultant plus d'une rencontre de flux. Or,

malgré ces différences, les deux recherches sont conduites

à

identifier le

rôle clé joué par ce qui dans un cas s'appelle "structure organisationnelle" et dans l'autre "contexte". Elles illustrent toutes deux l'importance des paramètres du contexte organisationnel en tant qu'outils d'orientation des comportements et des décisions.

Si les paramètres organisationnels constituent des outils dont dispose la Direction Générale pour orienter les processus décisionnels, la marge de manoeuvre des acteurs ne doit cependant pas être oubliée.

Ainsi, certains auteurs analysent l'action du dirigeant comme un jeu qui

tient compte des phénomènes d'ordre politique - existence d'intérêts

individuels, constitution de coalitions ....

Le dirigeant habile s'efforcerait de maîtriser en partie les processus de

décision, en tentant de contrôler les équilibres de pouvoir de

l'organisation, en contribuant

à

la constitution de coalitions ou

à

la

suppression de certaines ( James B. QUINNI "Strategies for Change"). Il dispose à cet effet de deux principaux leviers d'action : la sélection des hommes et la définition des structures. En modifiant la répartition des

tâches et l'attribution des responsabilités, en nommant de nouvelles

personnes à des postes existants ou récemment créés, le dirigeant oriente les décisions qui seront prises dans l'organisation. De plus, ces actions sur les structures et les systèmes de sélection ont un impact symbolique : elles signalent, en effet, les types de comportements valorisés par la

Direction, les règles de réussite en vigueur et contribuent ainsi

indirectement

à

orienter les décisions. Enfin, le recours à des

modifications dans les structures et dans les systèmes de recrutement et de promotion comme moyen d'orientation des comportements garantiraient

la liberté de manoeuvre du dirigeant. En effet, le dirigeant habile

chercherait

à

ne jamais se déjuger. Ces mesures lui permettent

L'une des réflexions les plus complètes sur les mécanismes d'orientation

organisationnels et les comportements des acteurs se trouve développée

dans les travaux de Michel CROlIER. Il n'y aurait pas de dichotomie entre

l'organisation toute puissante et l'acteur individuel dont la seule

possibilité serait de s'adapter. L'acteur individuel est un agent libre qui garde sa capacité de calcul et de choix, c'est-à-dire sa capacité d'élaborer des stratégies qui servent ses intérêts personnels. Ceci dit, l'éventail des

stratégies rationnelles, c'est-à-dire gagnantes qu'un acteur donné pourra

jouer est fonction d'un ensemble de règles et de structures. Celles-ci

constituent des contraintes qui s'imposeront, à un moment donné, à tous les membres d'une organisation, même si elles ne sont elles mêmes que le produit d'un rapport de force et d'un marchandage antérieur. Ainsi, chaque participant, s'il veut continuer à jouer et s'assurer que son engagement

dans l'ensemble est "payant" pour lui, est obligé de tenir compte des

exigences et règles prévalant dans les jeux qui se jouent dans

l'organisation. M. CROllER montre donc une organisation qui contraint le

comportement de ses membres sans cependant les déterminer.

La capacité des dirigeants à intervenir sur le système est limitée : à

l'exception de crises ou de situations graves, ils ne peuvent pas changer

radicalement les jeux. Ceux-ci existent déjà ; ils constituent des

"construits politiques et culturels" et présentent de ce fait une relative

autonomie et permanence. Ceci dit, les dirigeants disposent quand même de moyens pour influencer et infléchir le déroulement et l'issue de ces jeux en restructurant les enjeux, en changeant les atouts des uns et des autres, en modifiant les circuits et les canaux d'interaction ....

L'ensemble des travaux qui ont été présentés dans ce chapitre, mettent en évidence l'influence que les structures, les systèmes de récompense, de recrutement, de promotion .... etc ont sur les membres d'une organisation et sur les décisions qu'ils adoptent. Ils ne supposent pas nécessairement

un déterminisme absolu. Au contraire, certains mettent en avant la marge

de manoeuvre dont les individus disposent face aux contraintes du

système. Les paramètres de ce que nous appelons le contexte

organisationnel ne déterminent pas les comportements ils les

influencent.

Par ailleurs, notons qu'un autre problème a été partiellement abordé par les recherches présentées : quel est le pouvoir d'action des dirigeants sur

ces paramètres? Il s'agit là d'un des thèmes fondamentaux de cette

recherche : l'étude de l'action sur le contexte organisationnel exige en

effet que l'on s'interroge sur la capacité réelle qu'ont certains acteurs de

redéfinir ne serait-ce que partiellement les paramètres organisationnels.

Les recherches introduites jusqu'à maintenant ont abordé l'organisation comme un ensemble de structures, de systèmes et de procédures ou comme

un groupe d'acteurs poursuivant des intérêts particuliers et qui vont

constituer des coalitions pour les promouvoir tout en tenant compte des règles du jeu existantes.

Or, une organisation peut aussi être appréhendée comme un groupe humain,

constitué d'individus partageant une histoire commune, véhiculant un

ensemble de représentations, présentant des besoins complexes et pouvant être conduits à se projeter voire s'identifier à une organisation.

Les recherches développées au cours des années 80 sur les notions de culture ou d'identité d'une organisation apportent un éclairage nouveau et

particulièrement intéressant pour notre sujet. Ils montrent en effet que

les acteurs ne sont pas uniquement orientés par les paramètres formels que sont les règles et les procédures, les structures .... mais aussi par des

phénomènes d'origine culturelle qui marquent la spécificité de

l'organisation où ils travaillent.