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Il) CONTEXTE ORGANISATIONNEL ET COMPORTEMENTS

A) DES METHODES GLOBALES

IV) LE PROCESSUS DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

Quelques auteurs se sont intéressés aux spécificités d'un processus de changement organisationnel. La plupart d'entre eux se sont appuyés sur des études longitudinales pour essayer de mieux cerner la dynamique interne d'un processus de changement. Les changements qu'ils étudient ne sont pas

tous d'égale ampleur : si certains traitent du changement dans

l'organisation de la production, d'autres évoquent des changements

beaucoup plus vastes incluant des modifications structurelles

importantes et des évolutions majeures dans la culture organisationnelle.

Cependant, au-delà de ce trait distinctif, un grand nombre de points

communs les rapprochent. Ils ont été conduits à aborder d'une façon ou d'une autre les thèmes suivants :

- Qu'est-ce-qui est à l'origine d'un changement organisationnel ? Quels

sont les facteurs qui favorisent ou au contraire qui freinent la décision

d'entreprendre une démarche de changement ? Quels sont les acteurs

impliqués ?

- Comment se caractérise le déroulement d'un processus de changement ?

Des étapes peuvent-elles être distinguées ? Quel est le rythme du

changement ? Qu'est ce qui est modifié? Quelles sont les avantages

retirés du recours à des méthodes participatives destinées à associer le personnel au processus de changement ? Quels sont les phénomènes d'ordre politique à l'oeuvre ?

- Quels sont les résultats obtenus ? Quelles sont les limites rencontrées? Nous allons donc nous efforcer de présenter dans cette partie les travaux qui nous ont semblé les plus intéressants, les plus représentatifs et ceux dont les apports pour cette recherche ont été les plus grands. Encore une fois, l'objectif n'est pas ici de dresser une liste exhaustive.

Par ailleurs, nous structurerons cette partie autour des trois principaux

thèmes abordés - les origines, les modalités et les résultats d'un

processus de changement - , en tentant pour chacun d'eux d'analyser les apports respectifs des différents auteurs retenus.

1. LES ORIGINES D'UN PROCESSUS DE CHANGEMENT

Un processus de changement organisationnel, surtout lorsqu'il est

important ne sera entrepris que s'il y a des pressions externes et internes considérables.

l'organisation.

A. PETTIGREW a conduit une très importante recherche sur l'initiation et la mise en oeuvre de changements du style de management, de la structure, de la stratégie et de la culture organisationnelle dans une grande firme : le groupe ICI. Il s'est appuyé sur la collecte d'un nombre

considérable de données comparatives et longitudinales : cinq unités

d'analyse furent retenues et suivies en partie au travers d'études

documentaires et en partie grâce à des interviews entre 1960 et 1983 : les divisions Agriculture, Pétrochimie, Plastiques, mond et le Siège.

Il constate que parmi les facteurs qui sont à l'origine des processus de

changement, ce qu'il appelle le "contexte extérieur", c'est-à-dire

l'environnement politique, économique ainsi que les caractéristiques du secteur d'activité de la firme, joue un rôle fondamental dans l'initiation du changement stratégique. En effet, l'absence d'une pression économique suffisante limiterait la possibilité d'un tel changement dans la mesure où il n'y a pas cette incitation au changement provoquée par un sentiment

d'insatisfaction avec la situation présente. C'est ainsi qu'il montre

comment les deux périodes qu'il identifie comme révolutionnaires dans le

développement d'ICI furent associées à des changements dans

l'environnement : des baisses d'activité en 1958 et en 1961 d'une part et la récession de 1980/1983 dans l'autre cas. Ainsi, la fin des années 50 est

marquée par la dispartition des cartels protecteurs, l'apparition de

nouveaux concurrents dans l'industrie, une intensification et une

internationalisation de la concurrence avec la penétration par les USA des

marchés européens, la diminution du prix des produits chimiques,

l'augmentation des coûts salariaux et par conséquent une diminution des marges.

Des constations similaires sont effectuées par H. LEVINSON dans le cadre des travaux qu'il a menés sur la revitalisation d'une Bureaucratie. En reprenant les analyses de M. CROZIER ( "Le Phénomène Bureaucratique" ), H. LEVINSON caractérise une bureaucratie par les quatre traits suivants : - L'existence de règles impersonnelles qui définissent très précisément les tâches de chaque employé dans chaque type de situation

- Une centralisation élevée des décisions

- Une stratification hiérarchique forte qui isole chacun des niveaux,

chaque strate tendant à développer des normes fortes pour contrôler le comportement de ses membres

- Le maintien de zones d'incertitude qui permettent aux quelques individus qui les contrôlent de détenir un pouvoir stratégique.

Dans un système bureucratique, lorsque des conflits se manifestent, ils

sont résolus par l'établissement de règles supplémentaires et une

élévation du niveau de décision. En s'efforçant d'évoluer, une organisation bureaucratique tend au contraire à devenir "encore plus bureaucratique".

Les analyses de M. CROZIER, reprises par H. LEVINSON impliquent qu'une Bureaucratie ne peut entreprendre un processus de changement que lorsque

les pressions de l'extérieur et de l'intérieur sont suffisamment fortes. Il

s'appuie sur l'exemple d'une opération de "revitalisation" à laquelle il

participa au "Department of State" et indique que le lancement d'une telle démarche a été rendu possible grâce à la coexistence de ces pressions externes et internes.

L'importance que jouent les caractéristiques de l'environnement dans

l'initiation d'un processus de changement est également soulignée par

Jeremy F. DENT dans la très intéressante étude qu'il a conduit dans une

firme baptisée "European Railways". Cette firme résulte de la

nationalisation en 1940 de plusieurs compagnies ferroviaires qui avaient

pendant longtemps bénéficié dans leur zone géographique d'activité d'une situation de monopole. Ces compagnies se caractérisaient par ailleurs de

modes de fonctionnement bureaucratiques avec des règles et des

procédures clairement définies, des systèmes de planification formels ....

En 1970, "European Railways" est une organisation bureaucratique, peu

préoccupée des problèmes commerciaux avec une "culture ferroviaire",

c'est-à-dire un ensemble de croyances selon lesquelles l'objectif de la

fime est de faire circuler des trains, où les problèmes logistiques et

techniques sont considérés comme les problèmes nobles et dignes

d'intérêt et les considérations financières comme secondaires. L'absence

de préccupations commerciales se justifiait par l'interprétation du rail

comme un service social.

Or, à partir de 1980, la firme entreprend un vaste processus de

changement dont les origines là encore peuvent en partie être attribuées à une évolution dans son environnement. La politique gouvernementale devint

plus rigoureuse. Les objectifs sociaux cessèrent de constituer un critère

légitime pour obtenir l'appui des pouvoirs publics. Dès lors, des pressions gouvernementales commencèrent à s'exercer : une efficience plus grande était désormais attendue.

Si des pressions externes contribuent à provoquer le développement d'un processus de changement, elles s'accompagnent généralement de pressions

internes. Ainsi, dans le cas qui vient d'être évoqué, des personnes

"extérieures" furent recrutées pour occuper le poste de "Business

Directors". Ceux-ci représentèrent une source de pressions internes

considérable qui là encore permit le processus de changement.

De même, des pressions internes, c'est-à-dire provenant du personnel et de l'équipe dirigeante, se sont exercées dans l'exemple de "Department of State" analysé par H. LEVINSON. Ainsi, en 1969, une nouvelle équipe dirigeante prit la tête de ce département avec pour mission d'entreprendre

Parallèlement, des pressions en faveur d'un changement avaient déjà

commencé

à

se manifester chez le personnel comme l'avait montré une

enquête effectuée en 1966.

Plus généralement, les structures, la culture et les phénomènes politiques à l'oeuvre dans l'organisation jouent également un rôle déterminant. A. PETTIGREW montre que, à l'origine des réorientations stratégiques d'ICI, il n'y a pas seulement des évènements économiques externes, mais aussi les

processus de perception, de choix et d'action qui influencent les

perceptions de l'environnement de la firme, les structures, la culture et les systèmes de pouvoir et de contrôle.

Ainsi, pour que des changements stratégiques prennent place, il ne suffit pas que des changements objectifs se produisent dans l'environnement : le rôle du leadership est aussi fondamental. Ce dernier va redéfinir les

concepts de ce qu'est la stratégie de l'entreprise et va utiliser et

transformer les structures, les cultures et les processus politiques de

manière

à

attirer l'attention sur les écarts de performance qui résultent

du changement de l'environnement. L'action du dirigeant consistera à

amener l'organisation

à

créer un nouveau modèle d'adaptation entre son

caractère interne, sa stratégie, sa structure et les nouvelles

caractéristiques de son environnement. Par conséquent, une condition

essentielle

à

la mise en place d'un tel processus est l'existence d'un

leader porteur d'une vision et qui va utiliser son imagination et sa vitalité pour promouvoir le changement stratégique.

Si les pressions exercées par le personnel, par une équipe dirigeante, par

un leader, jouent un rôle important pour initier un processus de

changement, les caractéristiques culturelles et structurelles sont

également déterminantes. Ainsi que le souligne A. PETTIGREW, les

structures et les cultures organisationnelles peuvent faciliter ou inhiber les processus de construction d'une vision, d'identification de problèmes, de partage de l'information, d'orientation de l'attention et de résolution de problèmes. Or, ces processus sont nécessaires pour créer le changement. Cette idée est également avancée par R.M. KANTER. Les structures et les cultures intégratives favoriseraient en effet le processus de changement alors que que les structures et les cultures segmentaires constituent des

contextes inadéquats pour permettre

à

certains types de changement de se

matérialiser. En effet, l'auteur,

à

partir d'une sérié d'enquêtes menées

auprès d'une cinquantaine d'entreprises américaines et d'études plus

approfondies sur dix entreprises, montre comment le contexte

organisationnel peut susciter un plus ou moins grand esprit d'initiative :

certaines caractéristiques organisationnelles stimuleraient l'organisation

ou au contraire la décourageraient. L'esprit "entrepreneurial"

à

l'origine

des innovations est associé

à

une façon particulière d'aborder les

intégratives offrent en effet trois conditions qui favorisent l'innovation : - Un climat général et diffus qui encourage le changement

- Des processus de management qui favorisent la circulation du pouvoir et l'accès au pouvoir

- Des mécanismes intégratifs qui permettent une fluidité des frontières

verticalement et horizontalement ce qui rend possible la circulation de

nouvelles idées et la possibilité pour ces idées d'être présentées,

soutenues et traduites en plans d'action.

A l'opposé, les cultures et les structures segmentées, se caractérisent par une division importante des fonctions et des niveaux ; les idées et les

problèmes sont très compartimentés ; l'information est tenue secrète.

Dans un tel cadre, l'innovation et le changement sont difficiles à conduire. Dès qu'un problème apparait, on s'efforce de l'isoler et de le circonscrire.

Si l'existence de pressions externes associées à des évolutions de

l'environnement de l'organisation, de pressions internes exercées par une

équipe dirigeante, les caractéristiques des structures et des cultures

organisationnelles .... constituent autant de facteurs susceptibles d'être

à

l'origine d'un processus de changement, il convient maintenant de se

pencher sur celui-ci, sur sa dynamique et ses modalités.

2. LES CARACTERISTIQUES D'UN PROCESSUS DE CHANGEMENT.

A) LE RYTHME DES CHANGEMENTS : REVOLUTIONS ET AJUSTEMENTS