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des principaux résultats Robert Fellner

71En complément des données archéologiques, les événements

10.3 Un peu d’histoire générale

10.3.1 Organisation du territoire franc

Au 6e siècle, trois « pays » qui ne vont cesser de se réunifier par la force pour mieux se déchirer sans se lasser jusqu’à la fin du 7e siè-cle se partagent l’ancienne Gaule : le royaume des Francs se divise en trois parties qui sont l’Autrasie, la Neustrie et la Burgondie (fig. 54). L’Aquitaine constitue une entité trop souvent indépen-dante pour la compter comme l’un des Regni Francorum, tels qu’on les désignera peu à peu, suivis de la dénomination Auster, Neustria, Burgundia. Ces « pays » sont partagés en duchés, lors-qu’il s’agit de régions limitrophes, ou en comtés, eux-mêmes constitués de petites circonscriptions (gau) comportant un chef-lieu. Dans le nord, les terres sont encore fractionnées en pagi qui remplacent la notion romaine de civitas à partir du 6e siècle. Les

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caj 17 un peu d’histoire autour du hameau (550-800 ap. j.-c.)

Ainsi, comme on vient de le souligner, l’Aquitaine est un cas par-ticulier. Lorsqu’elle n’a pas les moyens de faire cavalier seul, elle est partagée entre les autres parties du royaume.

Le royaume des Burgondes est devenu la Burgundia que l’on traduira ici par le terme de Burgondie, même s’il n’est pas très heureux, le peuple burgonde n’étant plus une entité en soi, parce qu’il est moins équivoque que « Premier royaume de Bourgogne ». Elle s’étend de la Durance au Plateau de Langres et du lac de Constance au Beaujolais, l’Aar formant peut-être la limite entre elle et l’Austrasie.

Le royaume originel des Francs saliens est devenu la Neustrie : ce sont les Francs du Nord, bien que les terres désignées soient plutôt situées dans le Bassin parisien. Au 7e siècle, la Neustrie sera souvent nommée Francia en raison de son rôle politique prédo-minant, elle absorbera notamment la Burgondie de 613 à 679.

Le regnum d’Austrasie

Le royaume originel des Francs rhénans est devenu l’Austrasie (d’Auster, regnum des Francs de l’Est), entité probablement déjà créée avec le partage du royaume mérovingien entre les fils de Clovis en 511. L’Austrasie sera la première partie du royaume à avoir des velléités d’indépendance. En tous les cas, c’est le premier terme qui apparaît pour désigner une partie du Regnum Francorum (Grégoire de Tours, 592). Tout au long du 7e siècle, l’Austrasie est le seul pays à devoir faire face à une menace de frontière : les Saxons, les Wendes (Slaves de l’Ouest) et les Thuringiens. C’est dans ce pays-là qu’est comprise la région qui nous intéresse. Du point de vue territorial, l’Austrasie regroupe en effet les anciennes provinces de la Germanie Première, de la Germanie Seconde et de la Belgique Première (c’est-à-dire les villes de Mayence, Worms, Spire, Strasbourg, Cologne, Trèves, Metz, Verdun, Toul), l’avant-pays germanique (Reims, Châlons), les lointaines conquêtes et quelques possessions aquitaines (Clermont, Cahors, Rodez, Albi, Limoges, et, par intermittence, Poitiers, Marseille et Besançon). L’Austrasie est très boisée et, logiquement, ses cours d’eau naviga-bles, la Meuse, la Moselle et le Rhin, sont des voies de communi-cations par excellence. Metz, Trèves et Reims sont les principaux nœuds routiers. L’axe qui conduit en Italie est important, l’une des voies qui mène du nord au sud est la route rhénane qui passe par Bâle et qui a ensuite plusieurs possibilités pour passer le Jura : Bözberg, Hauenstein et Pierre-Pertuis, vers Soleure et Avenches. Les reliefs et forêts austrasiens, tels que les Vosges, les Ardennes, la Forêt Charbonnière ou le Jura marquent des frontières, au nord et au sud, qui changeront peu du 6e au 8e siècle, davantage à partir de 715. Ainsi, le Jura sépare l’Austrasie de la très proche Burgondie et de l’Alémanie. Les frontières est et ouest sont protégées par des duchés fondés durant les 6e et 7e siècles (Cardot 1987, p. 134).

Le duché d’Alsace

Après la défaite de Sigebert III en Thuringe (640 ; Cardot 1987, p. 187), le duché d’Alsace est créé sur la marge est de l’Austrasie (la région existe peut-être déjà depuis les défaites alamanes de la fin du 5e siècle) pour contenir les Alamans, peuple « fédéré » par les Francs qui, comme les Thuringiens et les Bavarois, troublent

régulièrement la tranquillité du royaume. Les termes Alesaciones et Alesacius apparaissent pour la première fois peu avant dans la

Chronique du pseudo-Frédégaire (respectivement 37 et 43). Le

pre-mier en rapport avec les événements de 610 (cf. infra) , le second à l’occasion d’une révolte locale contre le duc Herpo, mis en place par Clotaire II. La province comprend l’Alsace actuelle (sans la région de Wissembourg), le Saintois au sud de Toul, la région de Kembs et une partie de la Suisse, jusqu’au confluent de l’Aar et du Rhin, qui comprend donc le canton du Jura, le Jura bernois (?), la presque totalité du canton de Soleure, Bâle-Campagne, le canton de Thurgovie et une partie du canton d’Argovie. Les cités de Bâle, de Constance et surtout de Strasbourg qui prend son essor au 7e siècle à la faveur d’un épiscopat puissant sont alsaciennes. Théodebert II (règne : 596-612) qui succède à son père à la tête de l’Austrasie laisse l’Alsace à son frère Thierry II, souverain de la Burgondie, qui y a été élevé. En 610/611, Théodebert reprend ces territoires à son frère, avant que Thierry ne les récupère pour une courte durée, puisqu’il meurt en 613. La région sera dévastée à l’occasion de la lutte des frères ennemis, qui coïncide avec une incursion alamane dans le pagus Aventicensis Ultra-Juranus et des exactions contre les Trans-Jurani (Trouillat 1852, p. 33-34). Les Alamans font donc encore des dégâts dans le Jura au début du 7e siècle.

Le premier duc d’Alsace connu – et il s’agit, d’après l’époque de création du duché, certainement aussi de son premier seigneur – est Gondoin (après 629-vers 660 ; Büttner 1991, p. 47 et 60 sqq.). Boniface est présenté comme son successeur dans la VSG (10, l. 6) 5 ; il apparaît dans un document fragmentaire, datable entre 660 et 662, alors qu’il dote l’abbaye de Munster en Alsace (Trouillat 1852, p. 47-48). Adalric (673-après 683), acteur dans la grande crise poli tique du dernier tiers du 7e siècle (cf. infra), unifie le duché et fonde les monastères de Hohenbourg et d’Ebermunster. Lui succéderont encore son fils Adalbert (après 683-722), fondateur de Honau et de Saint-Etienne, et son petit-fils Luitfrid (722-vers 750), dernier de la dynastie des Etichonides et frère d’Eberhard, fondateur de Murbach en 728 (Cardot 1987, p. 133 ; Schnitzler 1997, p. 14). La dynastie héréditaire, dès lors très bien assise (Wilsdorf 1976, p. 59), restera en place jusqu’au 10e siècle, même après la trans-formation du duché en comté vers le milieu du 8e siècle.

Le Jura

Avec sa situation frontière entre la Burgondie, tantôt absorbée par l’Austrasie, tantôt alliée à la Neustrie, et l’Alémanie, duché semi-indépendant, le Jura appartient apparemment à la périphérie sud-est de l’Austrasie 6. C’est le duché d’Alsace qui, dès sa fondation, gère le domaine pour le compte des souverains mérovingiens (est-ce la première prise de possession effective, en 675 ?). Ainsi les véritables seigneurs du Jura sont, dès le milieu du 7e siècle, les ducs d’Alsace, dont la juridiction devait s’étendre, en conformité avec ce qui vient d’être dit, jusqu’à Pierre-Pertuis.

On ne sait pas exactement comment était subdivisée la région. Elle était au moins formée de deux pagi que nous connaissons notamment grâce à un tout petit lot de monnaies mérovingien-nes. Il s’agit de trois tremisses ou trientes (tiers de sou) émis au

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milieu du 7e siècle, l’un dans un vicus du Sornegau (Rais 1982 ; fig. 55, 56), les deux autres dans un vicus de l’Alsegau (fig. 57, 58 ; la Vita sancti Wandregisili, saint Wandrille, conservée dans les Acta sanctorum, parle de l’Elisgaugium et un acte rédigé en 728 par le comte alsacien Eberhard mentionne des biens in pago

Alsegaugensi ; Trouillat 1852, respectivement p. 44 et 71). Ainsi ce

sont l’Elsgau (ou Alsegau), circonscription comprenant à l’origine la Haute-Alsace, et s’étendant davantage au sud-ouest par la suite, dont l’Ajoie, avec les cités de Mandeure et de Montbéliard notam-ment (Trouillat 1852, p. 76, note 2), et le Sornegau, incluant la vallée de Delémont et vraisemblablement même le cours de la Sorne dans son ensemble, ainsi que la haute vallée de la Birse, qui divisent le Jura mérovingien. Pour être complet, il convient, pour l’heure, de noter l’absence totale de données concernant les Franches-Montagnes (Moyse 1984, p. 10).

Voyons maintenant quels événements ont progressivement façonné ce visage à l’ancienne Gaule.

10.3.2 Politique générale : la vie de palais aux temps