• Aucun résultat trouvé

Les objets récupérés au Haut Moyen Age Les objets récupérés durant le Haut Moyen Age consistent

une petite synthèse

17.3 Les objets récupérés au Haut Moyen Age Les objets récupérés durant le Haut Moyen Age consistent

essen-tiellement en tuiles, auxquelles s’ajoutent quelques briques et car-reaux. Plus de 7000 fragments ont été retrouvés sur le site, pour un poids de quelque 560 kg (CAJ 13, chap. 16). Ces objets ont été réutilisés comme matière réfractaire lors de la construction des différents foyers.

A part les quelques récipients décrits plus haut, provenant d’un contexte stratigraphique antique, le solde de la céramique gallo-romaine mise au jour sur le site était mélangé au mobilier du Haut Moyen Age. Du point de vue de la répartition spatiale, on peut constater qu’elle suit globalement celle de la céramique mérovingienne (CAJ 15, chap. 6).

D’autres objets d’époque romaine ont également été découverts dans un contexte médiéval : il s’agit de 27 tessons de verrerie (CAJ 15, chap. 9.3), ainsi que de monnaies usées retrouvées dans la ferme 5, dont un exemplaire a été percé pour être suspendu (chap. 16, cat. 18).

Enfin, trois fibules découvertes au nord du ruisseau, dans les fer-mes 1 et 2, se trouvent éloignées de toute structure gallo-romaine. Ces objets sont datables des 1er et 2e siècles ap. J.-C. (chap. 16, cat. 1-3).

17.4 Conclusion

La présence sporadique de structures associées à de rares objets gallo-romains permet d’affirmer que l’on se situe en dehors de tout habitat datant de cette époque. L’artisanat y est par contre représenté par la présence de fosses d’extraction d’argile destinée à la production de tuiles ou pour la construction de murs en pisé, et le transport par le tracé de la via vicinalis ou privata. On a égale-ment pu déceler à l’emplaceégale-ment du hameau du Haut Moyen Age quelques lambeaux d’un sol enfoui qui représente probablement les traces de surfaces cultivées gallo-romaines.

Les hypothèses concernant les objets gallo-romains retrouvés mêlés aux vestiges mérovingiens s’avèrent quant à elles plus hasar-deuses. Tous ces objets ont sans doute été récupérés parmi les ruines gallo-romaines situées aux alentours du village médiéval. La présence d’objets récupérés dans un but utilitaire comme les tuiles s’explique facilement. Il est plus difficile de comprendre la récupération d’objets métalliques ou de tessons de céramique qui n’avaient a priori aucun intérêt pratique. On peut constater que ce mobilier a été sélectionné avec soin : les monnaies, les fibu-les et fibu-les céramiques décorées ou en pâte particulièrement fine sont clairement surreprésentées. Simple curiosité ou acte porteur d’une signification inconnue ? La question reste ouverte. La nette majorité des indices tend à exclure la possibilité d’une continuité de l’occupation. L’essentiel du mobilier gallo-romain peut être daté des deux premiers siècles de notre ère, alors que l’habitat mérovingien n’est fondé que durant la deuxième moitié du 6e siècle. Il faut cependant noter la présence de deux fragments de mortiers datables du 4e ou du 5e siècle parmi le mobilier gallo-romain récupéré par les habitants mérovingiens (chap. 15.2.8, fig. 101).

La récupération extensive de mobilier gallo-romain, mais égale-ment la nécropole implantée dans les ruines de la villa à quelque 500 m au nord-ouest de la ferme 1 et découverte vers le milieu du 19e siècle (Demarez 2001, p. 95-96), démontrent que les habi-tants mérovingiens ne devaient pas être indifférents aux vestiges gallo-romains avoisinants, qui se trouvaient certainement encore en grande partie visibles à cette époque.

Fig. 107 Plan de situation et deux relevés des ruines de la villa gallo-romaine de Develier, La Communance. Extrait d’un manus-crit d’Auguste Quiquerez (Antiquités du Jura, 1822-1878, pl. 39). Universitätsbibliothek Basel, Mscr. H.1.24.

develier-courtételle 5 caj 17

161

Coup d’œil rétrospectif...

La construction de l’autoroute A16 Transjurane a rendu nécessaire et a permis la réalisation de toute une série de grandes fouilles et d’études archéologiques ou paléontologiques. Plusieurs d’entre elles sont encore en cours, d’autres viennent même de débuter ; le présent volume concrétise cependant le terme d’une des plus grandes : l’exploration du hameau mérovingien de Develier-Courtételle.

Après treize (!) années de travail sur ce « mégaprojet », il me sem-ble utile de partager quelques réflexions méthodologiques qui découlent de cette expérience.

Localisation du mobilier lors de la fouille

L’étendue du site a nécessité le recours à des moyens de fouille mécaniques ; l’horizon archéologique a été néanmoins soigneuse-ment décapé par tranche centimétrique (chap. 4.1.1). Lors de cette opération, le mobilier a été localisé en plan en mesurant sa posi-tion précise depuis deux bords du secteur (fig. 4). Pour garder une flexibilité maximale lors des travaux de terrain, il a été décidé de créer des secteurs au fur et à mesure, selon les besoins du moment : ils ont par conséquent un pourtour souvent irrégulier (fig. 7). Ce choix facilitait l’organisation des travaux mais les formes et les orientations variées des secteurs ont par la suite rendu le position-nement absolu du mobilier nettement plus compliqué. Malgré sa rigidité, l’utilisation d’une maille de secteurs orthogonaux et régu-liers se serait donc avérée avantageuse. Dans l’avenir, l’utilisation d’un système GPS pour la localisation de tout mobilier lors de la fouille pourra constituer une autre solution.

Intégration de l’approche géologique sur le terrain

La stratégie de fouille prévoyait l’intervention d’un géologue dès les premiers travaux. Les opérations ont débuté par l’ouverture d’une série de longues tranchées d’exploration ; disposées en réseau orthogonal et touchant l’intégralité du site, leur localisa-tion a été déterminée conjointement par l’archéologue respon-sable du chantier et par le sédimentologue (CAJ 13, chap. 1.3 ; CAJ 16, chap. 2). Une documentation extensive de la stratigra-phie du site a ainsi très vite été à disposition, ce qui s’est montré fort utile pour la suite des opérations.

Datation

Nous avons eu recours à plusieurs méthodes pour dater les ves-tiges. Au total, 64 échantillons de charbon de bois et dix échan-tillons de bois ont été soumis à une datation au 14C (chap. 12.3.1).

Robert Fellner

Le matériel osseux s’est révélé peu propice pour cette approche, le collagène ayant subi une dégradation due à des conditions de gisement défavorables (CAJ 13, p. 104).

Une centaine des bois conservés à proximité du ruisseau ont été échantillonnés pour analyse dendrochronologique (CAJ 13, chap. 5.6.4 et annexe D). Une chronologie relative des alignements de piquets situés en marge méridionale de la ferme 1 a ainsi pu être dressée (CAJ 13, fig. 52, 55), mais cette méthode n’a pas (encore) pu fournir une datation absolue de ces éléments.

La datation dite « relative », basée sur la typologie du mobilier, a permis de préciser davantage le cadre chronologique donné par les analyses 14C (CAJ 14, chap. 6.4 ; CAJ 15, chap. 5, 9 et 12). Si l’on compare les résultats obtenus grâce à ces différentes appro-ches, on doit constater que l’étude typochronologique du mobi-lier, très développée pour la période mérovingienne, a fourni les résultats les plus précis. La méthode 14C s’est néanmoins avérée indispensable : elle a permis de dater les différents ensembles lors de la fouille même, bien avant l’amorce de l’étude des objets. La stratégie de fouille a pu être ajustée en fonction de ces données, non sans effet sur les résultats finaux.

L’imprécision des données 14C est en partie due à la variation inhérente au processus de dégradation radioactive : chaque date est de ce fait exprimée avec un « degré de confiance » basé sur l’écart type de la mesure. Diverses sources de contamination peu-vent également fausser le résultat (Aitken 1990, fig. 4.4). Ainsi, deux des dates obtenues sur des échantillons de charbon de bois prélevés sur le site sont certainement trop jeunes (CAJ 13, fig. 111 : GrA-9046 et fig. 194 : UZ-1805). Des dates trop anciennes sont plus fréquentes et ne se limitent très probablement pas aux cinq cas clairement identifiés (toujours des échantillons de charbon de bois ; CAJ 13, fig. 111 : Ua-16386 et Ua-13756, fig. 112 : B-6288, fig. 194 : Ua-13744 et B-6610). Pour ces cas, il ne s’agit pas forcé-ment d’une contamination des échantillons : le bois de combus-tion provenant d’un arbre peut, selon son emplacement dans le tronc, déjà être centenaire au moment de son utilisation (Aitken 1990, p. 90-91 ; Stöckli 2002, p. 10).

L’analyse radiocarbone à accélérateur (AMS) permet aujourd’hui de dater de très petites quantités de matériau. Pour réduire le risque d’obtenir un âge trop ancien, on mettra la préférence sur les graines carbonisées plutôt que sur le charbon de bois lors du choix des échantillons.

Etudes environnementales

L’intérêt des études environnementales comme la sédimentolo-gie, l’ostéolosédimentolo-gie, la palynolosédimentolo-gie, la dendrolosédimentolo-gie, l’anthracologie ou l’analyse des macrorestes végétaux a été maintes fois démon-tré. A Develier-Courtételle, deux techniques moins courantes ont également été mises en œuvre.

Micromorphologie

Un ou plusieurs blocs de sédiment ont été prélevés dans le rem-plissage d’une trentaine de structures creuses (cabanes en fosse,

Postface

develier-courtételle 5 caj 17

fosses, foyers, fours, etc.). Les lames minces extraites après indu-ration de ces échantillons ont subi un examen sous microscope et la microstructure du sédiment a ainsi pu être décrite et interpré-tée (CAJ 13, chap. 19). Les résultats obtenus par cette méthode relativement complexe, et par conséquent assez onéreuse, se sont révélés très intéressants : dans plusieurs cas, ils ont permis de pré-ciser l’utilisation ou l’évolution des structures analysées. Ainsi, grâce à la micromorphologie, deux concentrations de charbons de bois ont pu être identifiées comme les restes de meules à char-bon (ibid., chap. 19.5.1 et 19.6.2), tandis que des phases d’uti-lisation et de réaménagement successives ont pu être clairement reconnues dans plusieurs structures de combustion (ibid., chap. 19.2.4, 19.3.1, 19.3.4, 19.4.2 et 19.7.4) ; en outre, des éléments significatifs pour l’histoire des cabanes en fosses, comme la pré-sence de coprolithes animaux et humains, ont été détectés (ibid., chap. 19.3.1 et 19.3.2). Cependant, les structures moins bien conservées, sans stratification observable à l’œil nu, n’ont généra-lement pas livré de résultats parlants (ibid., chap. 19.7 et 19.8). Analyse des phosphates

Trois bâtiments ont été choisis pour étudier la répartition des phosphates en planimétrie, dans le but de déceler une éventuelle subdivision ou spécialisation de l’espace domestique (ibid., chap. 3.2.2). Sans résultat dans un cas (ibid., chap. 5.3.1), cette approche a livré des données suggestives, mais difficilement interprétables, dans les deux autres (ibid., fig. 174 et 185). Il sem-ble que l’utilisation de cette méthode relativement bon marché est à recommander surtout si le bâtiment concerné présente déjà lors de la fouille un plan suggestif d’une subdivision en au moins deux parties fonctionnelles (Lienemann et Tolksdorf-Lienemann 1992).

Etudes archéométriques du mobilier

Les études « classiques » du mobilier, qui cherchent en premier lieu à comprendre sa typologie, ont été complétées, si possible, par des analyses archéométriques. Ces dernières se sont avérées d’un intérêt primordial pour la reconstitution du réseau d’échan-ges dans lequel le hameau s’inscrivait. Les analyses chimiques, pétrographiques et minéralogiques de la céramique ont démontré que ces objets sont non seulement majoritairement des importa-tions, mais qu’ils proviennent de plusieurs centres de production situés dans des régions distinctes (CAJ 15, chap. 3). Le développe-ment d’une nouvelle méthode analytique pour la détermination des éléments traces dans le fer, la spectrométrie de masse à source plasma à couplage inductif avec ablation laser (LA-ICP-MS), a permis de distinguer des objets produits avec du métal local de ceux composés d’un métal allochtone (CAJ 14, chap. 2.3).

L’étude pétrographique des objets en pierre a, entre autres, per-mis de reconnaître des éléments de briquets en silex, peu ou pas travaillés, en tant qu’objets importés (CAJ 15, chap. 10.2). Toutes ces approches demandent un investissement considérable, mais sont, pour la période concernée, d’un intérêt majeur.

Analyse spatiale

La gestion du grand nombre d’objets mis au jour lors de la fouille d’un site majeur nécessite la mise en place d’une base de données informatisée. Celle-ci doit également contenir les informations relatives à la localisation du mobilier. Une fois ces données à dis-position, un logiciel SIG permet de réaliser rapidement et aisé-ment des cartes de répartition.

L’intérêt de ces cartes ne dépend pas seulement de la qualité des données de localisation (il y est directement proportionnel), mais également de la qualité des données taphonomiques (chap. 4.3.1) : sans prise en compte de l’histoire sédimentaire du site, la réparti-tion du mobilier ne peut être interprétée. A Develier-Courtételle, nous disposions d’un site relativement bien conservé et d’une base de données complète. Il a alors été possible de démontrer le gain potentiel d’une telle approche : meilleure compréhension de l’évolution du site, meilleure appréhension de son organisation spatiale et reconstitution partielle des comportements de rejet adoptés par les habitants (chap. 9).

Les cartes de répartition n’ont été réalisées qu’au terme de l’étude du mobilier. Il aurait été très utile de disposer des premières cartes déjà sur le terrain, permettant ainsi d’intégrer ces données dans la stratégie de fouille. Il serait donc souhaitable d’organiser le pre-mier inventaire de terrain en fonction de cette possibilité.

Et enfin…

A l’heure actuelle, la formation universitaire en archéologie ne prépare ni à affronter la gestion d’une grande équipe de fouilleurs et de chercheurs, ni à maîtriser la conception et la planification complètes d’un projet de recherche engageant une pluralité de scientifiques. Une telle entreprise fait pourtant appel à ces com-pétences, qui doivent alors être apprises sur le tas, souvent par tâtonnements. Se pose alors la question d’une transmission avan-tageuse des bases de ces connaissances lors du cursus académi-que…

Pour finir, j’aimerais encore une fois chaleureusement remercier toute l’équipe de fouilleurs et de chercheurs qui a participé au projet. Sans leur contribution et leur soutien, ce travail n’aurait jamais pu être réalisé !

163