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Organes néoglucogéniques : à chacun sa fonction !

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II. La production endogène de glucose

3. Organes néoglucogéniques : à chacun sa fonction !

L’expression restreinte du complexe de la G6Pase confère au foie, aux reins et à l’intestin la spécificité de libérer du glucose dans la circulation sanguine. Ces tissus présentent cependant des rôles différentiels dans le contrôle de l’homéostasie glucidique.

a. La contribution des organes glucoformateurs au maintien de la glycémie

Le foie est généralement considéré comme le principal organe producteur de glucose. En effet, la contribution de la production hépatique de glucose s’élève à plus de 80% de la production endogène totale à l’état post-absorptif, dans le cadre d’une alimentation hyperglucidique classique. Elle est complétée par une participation rénale de 15 à 20% et par une faible production intestinale de glucose d’environ 5% (Cersosimo et al., 1999; Mithieux et al., 2006). Le foie mobilise en premier lieu ses réserves de glycogène et, si le jeûne se prolonge, il utilise le lactate et l’alanine comme substrats pour la néoglucogenèse. Lorsque le jeûne perdure, le foie diminue sa production et la synthèse extra-hépatique de glucose devient majoritaire. A partir de 24h de jeûne chez le rat, la production rénale de glucose représente environ 50% de la production endogène totale et s’effectue majoritairement à partir de lactate et glutamine (Mithieux et al., 2006; Meyer et al., 2002; Stumvoll, 1998). Si le jeûne se prolonge, la part de la production intestinale de glucose augmente drastiquement et s’élève jusqu’à 20 et 35% de la production endogène totale chez le rat à jeun

depuis 48 et 72h, respectivement (Fig. 11 - Croset et al., 2001; Mithieux et al., 2006). Les substrats

généralement utilisés par l’intestin sont la glutamine et le glycérol (Mithieux et al., 2004). Par ailleurs, sous l’effet de régimes riches en protéines, une redistribution de la production endogène de glucose prend place dès l’état post-absorptif au profit du rein et de l’intestin, avec une contribution respective de 50% et 20% (Pillot et al., 2009). Des études récentes de notre laboratoire nous ont permis de confirmer le rôle quantitatif des productions rénale et intestinale de glucose. Dans un premier temps, nous avons montré que les souris invalidées pour le gène G6pc spécifiquement au niveau du foie sont capables de maintenir leur glycémie au cours du jeûne en compensant l’absence de production hépatique de glucose par une induction des productions rénale et intestinale. Cette induction est dépendante, d’une part, d’une augmentation des taux circulants de glucagon et de glucocorticoïdes, qui activent l’expression de la G6Pase rénale et intestinale (cf § II.2.b), et d’autre part, d’une acidose métabolique qui induit l’expression de la PEPCK rénale (Mutel et al., 2011). De plus, chez les souris invalidées pour le gène G6pc à la fois au niveau du foie et de l’intestin, la

33 production rénale de glucose est suffisante pour maintenir la glycémie au cours du jeûne. Ces souris présentent cependant une légère hypoglycémie durant le jeûne prolongé. Cette étude démontre donc à la fois le rôle quantitatif du rein et le rôle essentiel de la production intestinale de glucose dans le maintien de la glycémie (Penhoat et al., 2014).

b. Le contrôle de l’homéostasie glucidique et énergétique par les organes glucoformateurs

L’augmentation de la production endogène de glucose est reconnue comme une cause majeure de l’hyperglycémie à jeun chez les diabétiques (DeFronzo, 2004; Rizza, 2010). Le foie étant considéré comme l’organe glucoformateur majeur, cette élévation est généralement attribuée à une augmentation de la production hépatique de glucose. En accord avec ceci, des études ont démontré une augmentation de la production hépatique de glucose chez les patients diabétiques de type 2 (Magnusson et al., 1992; Basu et al., 2000). D’un point de vue moléculaire, cette induction est corrélée à une augmentation de l’activité de la G6Pase hépatique (Clore et al., 2000). Le rôle causal de la production hépatique de glucose dans le développement du diabète a été mis en évidence par des expériences de surexpression et d’invalidation de ses enzymes clés. La surexpression du gène G6pc spécifiquement dans le foie de rats est ainsi suffisante pour induire des altérations métaboliques comparables à celles observées chez les diabétiques (Trinh et al., 1998). De plus, la surexpression hépatique du gène Pepck entraine une augmentation de la production hépatique de glucose et conduit au développement d’une insulino-résistance chez la souris (Sun et al., 2002). A l’inverse, l’inhibition de l’expression de la G6PT dans le foie entraine une diminution de l’activité de la G6Pase hépatique et une normalisation de la glycémie chez les souris génétiquement obèses et diabétiques (ob/ob) (Sloop et al., 2007). De même, l’inhibition de la PEPCK hépatique dans un modèle de souris obèse et diabétique (db/db) entraine une diminution de la production hépatique de glucose et une amélioration des paramètres glucidiques (Gómez-Valadés et al., 2008). Enfin, notre laboratoire a récemment montré que les souris invalidées pour le gène G6pc spécifiquement dans le foie présentent une augmentation de l’utilisation périphérique de glucose et de l’oxydation musculaire de lipides. Ces souris résistent ainsi au développement de l’obésité et du diabète sous régime hypercalorique (Abdul-Wahed et al., 2014).

A l’inverse, des études menées par notre laboratoire ont mis évidence un rôle bénéfique de la production intestinale de glucose sur le métabolisme glucidique et énergétique. Le glucose libéré par l’intestin est détecté dans la veine porte par des capteurs capables, via des afférences nerveuses, d’activer des aires cérébrales impliquées dans la satiété et la préférence alimentaire (Delaere et al., 2012, 2013). Au cours des dix dernières années, notre laboratoire s’est attaché à démontrer le rôle

34 causal de la production intestinale de glucose dans l’effet coupe faim des régimes riches en protéines. Dans un premier temps, nous avons montré que les repas hyper-protéinés induisent chez le rat une forte induction des gènes de la néoglucogenèse intestinale (Mithieux et al., 2005). De plus, les souris invalidées spécifiquement pour le gène G6pc dans l’intestin sont insensibles à l’effet anorexigène des protéines (Penhoat et al., 2011). D’un point de vue mécanistique, les oligopeptides, issus de la digestion des protéines alimentaires, inhibent les récepteurs μ-opioïdes localisés au niveau des fibres nerveuses péri-portales. L’antagonisme de ces récepteurs conduit à la transmission d’un signal nerveux au cerveau via des afférences vagales et spinales. Le cerveau envoie alors un message- retour activant la néoglucogenèse intestinale (Duraffourd et al., 2012). L’étude des régimes hyper- protéinés nous a également permis de mettre en évidence un rôle de la production intestinale de glucose dans l’amélioration de la sensibilité hépatique à l’insuline (Pillot et al., 2009). Récemment, nous avons rapporté le rôle causal de cette production dans les effets bénéfiques des régimes riches en fibres sur l’homéostasie glucidique et la dépense énergétique. En effet, la fermentation des fibres solubles par le microbiote intestinal produit des acides gras à courtes chaines tels que le butyrate et le propionate qui induisent la production intestinale de glucose (De Vadder et al., 2014).

L’ensemble de ces données nous a permis de proposer un nouveau concept du rôle de la production endogène de glucose dans le contrôle de l’homéostasie glucidique et énergétique. Selon ce concept, l’augmentation de la production de glucose par le foie serait délétère, facteur d’insulino- résistance, tandis que la production intestinale aurait des effets bénéfiques sur le contrôle glucidique et énergétique.

4. La production endogène de glucose dans les chirurgies de type by-pass

Après chirurgie de type by-pass, la production endogène de glucose est diminuée chez les patients obèses et diabétiques (de Weijer et al., 2013; Immonen et al., 2014). La contribution des organes glucoformateurs est également redistribuée après ces procédures avec une balance en faveur d’une diminution de la production hépatique de glucose et d’une augmentation de la production intestinale.

Au niveau du foie, l’activité de la G6Pase est diminuée dans un modèle de by-pass gastrique mais pas après anneau gastrique chez la souris (Troy et al., 2008). De plus, sous stimulation par l’insuline, la production hépatique de glucose est fortement diminuée après by-pass gastrique Roux- en-Y chez l’Homme et le rat (Immonen et al., 2014; Paranjape et al., 2013). Enfin, une diminution de l’expression des gènes de la néoglucogenèse associée à une augmentation de l’expression des

Figure 12: La synthèse des acides biliaires primaires

Les enzymes clés de la synthèse des acides biliaires primaires sont encadrées en orange. Les flèches en pointillés représentent une série d’action enzymatique modifiant la chaîne

latérale. CYP7A1: cholestérol 7α-hydroxylase, CYP27A1: stérol 27-hydroxylase, CYP8B1: stérol

12α-hydroxylase.

35 protéines impliquées dans la signalisation de l’insuline est observée au niveau du foie de rats opérés par un by-pass duodéno-jéjunal (Sun et al., 2013).

A l’inverse, l’expression des gènes de la néoglucogenèse intestinale est augmentée dans l’anse alimentaire et/ou commune dans des modèles animaux de chirurgie de type by-pass (Troy et al., 2008; Sun et al., 2013). En mesurant la différence de la concentration de glucose entre les circulations systémique et portale, une étude a mis en évidence une augmentation de la production intestinale de glucose une semaine après by-pass gastrique Roux-en-Y chez l’Homme (Hayes et al., 2011; Mithieux, 2012). Par ailleurs, les effets bénéfiques sur le métabolisme glucidique et la prise alimentaire d’un modèle de by-pass intestinal, comparable au « mini » by-pass gastrique sans réduction de la taille de l’estomac, sont annulés chez les souris ayant subi une dénervation spécifique des fibres afférentes de la veine porte (Troy et al., 2008). Ces données ont suggéré un rôle causal de la production intestinale de glucose dans les effets des chirurgies de type by-pass sur l’amélioration du contrôle glucidique et les sensations de satiété.

Ces régulations opposées des productions hépatique et intestinale de glucose peuvent toutes deux rendre compte, au moins en partie, des effets bénéfiques des chirurgies de type by-pass sur le métabolisme glucidique et énergétique. Les mécanismes sous-jacents n’ont cependant pas encore été élucidés.

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