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La glucose-6-phosphatase au carrefour de la production endogène de glucose

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II. La production endogène de glucose

2. La glucose-6-phosphatase au carrefour de la production endogène de glucose

La G6Pase est l’enzyme clé de la production endogène de glucose car elle catalyse la dernière étape commune à la glycogénolyse et à la néoglucogenèse. Cette réaction enzymatique précède la libération du glucose dans la circulation sanguine et confère ainsi à la G6Pase une position stratégique dans la régulation de l’homéostasie glucidique.

a. Expression tissulaire du complexe glucose-6-phosphatase

La G6Pase est un complexe enzymatique situé dans la membrane du réticulum endoplasmique. Elle est constituée de deux sous-unités : une sous-unité transportant le glucose-6- phosphate du cytoplasme à la lumière du réticulum endoplasmique (G6PT) et une sous-unité

catalytique (G6PC) (Fig. 8). Alors que l’expression de la G6PT est ubiquitaire, celle de la G6PC est

restreinte au foie, aux reins et à l’intestin. Dans l’intestin, la G6Pase est exprimée selon un gradient décroissant du duodénum à l’iléon (Rajas et al., 1999). Une étude par immunohistochimie de notre laboratoire a permis de préciser la localisation cellulaire de la G6Pase. Attestant d’une activité néoglucogénique dans ces tissus, la G6Pase est co-localisée avec la PEPCK dans les hépatocytes périportaux, les tubules proximaux du cortex rénal et le sommet des villosités intestinales. D’une manière surprenante, la G6Pase est également localisée dans des tissus n’exprimant pas la PEPCK tels que les canaux biliaires intra-hépatiques, les cryptes des villosités intestinales, l’épithélium

urinaire des tubules collecteurs et les calices rénaux (Fig. 9 - Rajas et al., 2007). Dans ces tissus, la

G6Pase pourrait être impliquée dans le transport de glucose et constituer une voie alternative d’absorption trans-épithéliale de glucose n’impliquant pas le transporteur GLUT2 (glucose transporter 2 - Stümpel et al., 2001).

b. Régulation transcriptionnelle de l’unité catalytique de la glucose-6-phosphatase

x Régulations tissulaires

Contribuant à l’expression restreinte de la G6Pase dans le foie, les reins et l’intestin, la transcription du gène G6pc est dépendante de facteurs tissulaires spécifiques tels que HNF1 (hepatocyte nuclear factor 1) et C/EBP (CAAT/enhancer binding protein) (Yabaluri and Bashyam,

Figure 10: Régulation hormonale de la transcription du gène G6pc dans un

contexte hépatique

En présence d’insuline, FoxO1 est exporté dans le cytoplasme et ne lie plus le promoteur G6pc. Le taux de recrutement du complexe de la RNA polymérase II (RNAPolII) est plus faible ce qui diminue la transcription.

Le glucagon stimule la production d’AMPc via l’activation de l’adénylate cyclase. L’AMPc induit l’expression l’expression de PGC-1 qui pourra être recruté sur le prmoteur G6pc par HNF4 et FoxO1. L’AMPc induit également la phosphorylation de CREB, ce qui lui permet de recruter CBP. CBP, stabilisé par son interaction avec PGC-1, HNF1, HNF6 et C/EBP, recrute plus efficacement le complexe de la RNAPolII ce qui induit la transcription.

30 2010; Gautier-Stein et al., 2005, 2006). Notre équipe s’est plus particulièrement intéressée à l’implication des protéines CDX1 et CDX2 dans la régulation de l’expression intestinale de la G6Pase. L’expression de CDX1 est en effet confinée à l’intestin et celle de CDX2 à l’intestin et au pancréas. Nous avons pu montrer que contrairement à CDX2, CDX1 est capable de transactiver le promoteur du gène G6pc. De plus, l’effet inducteur de CDX1 diminue en présence de quantité croissante de CDX2, ce qui suggère que le ratio des deux protéines est un élément déterminant de l’expression du gène G6pc (Gautier-Stein et al., 2003).

x Régulations hormonales

Etant donné le rôle central de la G6Pase dans la production endogène de glucose, la régulation transcriptionnelle du gène G6pc dépend en grande partie des hormones régulatrices du métabolisme glucidique. En accord avec son action hypoglycémiante, l’insuline inhibe la transcription du gène G6pc. Le mécanisme moléculaire sous-jacent implique le facteur de transcription FoxO1 (forkhead box protein O1) qui est lié au promoteur G6pc via un élément de réponse IRE (insulin response element). En présence d’insuline, FoxO1 est phosphorylé par la protéine kinase B ce qui rompt sa

liaison au promoteur G6pc et induit sa translocation dans le cytoplasme (Fig.10 - Tang et al., 1999;

Arden and Biggs, 2002; Vander Kooi et al., 2003).

A l’inverse, le glucagon induit la transcription du gène G6pc en stimulant la production d’AMPc (adénosine monophosphate cyclique). L’AMPc active à son tour la protéine kinase A qui phosphoryle le facteur de transcription CREB (cAMP response element-binding protein). La protéine CREB phosphorylée se lie aux sites consensus CRE (cAMP response element) retrouvés sur le promoteur G6pc puis recrute les cofacteurs de transcription CBP (CREB binding protein) et CRTC2 (CREB regulated transcription coactivator 2) (Altarejos and Montminy, 2011; Gautier-Stein et al., 2005, 2006; Mutel et al., 2011). Dans le même temps, la phosphorylation de CREB induit le cofacteur PGC- 1α (peroxisome proliferator-activated receptor-gamma coactivator), qui est alors recruté sur le

promoteur G6pc par les facteurs HNF4α (hepatocyte nuclear factor 4 α) et FoxO1 (Fig. 10 - Herzig et

al., 2001; Yoon et al., 2001). Il est intéressant de mentionner que l’activation dépendante du glucagon et de CREB de la transcription du gène G6pc prend place dans le foie, mais aussi dans le rein et l’intestin (Mutel et al., 2011).

Les glucocorticoïdes peuvent également stimuler la transcription du gène G6pc de par leur fixation sur les récepteurs nucléaires GR (glucocorticoïd receptor) localisés dans le cytoplasme. Cette fixation entraine la translocation des GR dans le noyau. Les GR se lie alors au promoteur G6pc via les unités de réponses aux glucocorticoïdes qui contiennent également des sites de liaison aux facteurs FoxO1 et HNF1 (Vander Kooi et al., 2005).

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x Régulations nutritionnelles

Certains nutriments sont capables de réguler l’expression du gène G6pc. Paradoxalement, l’expression du gène G6pc est induite, in vivo, par une hyperglycémie et, in vitro, par de fortes concentrations en glucose (Massillon et al., 1996; Argaud et al., 1997; Chatelain et al., 1998). D’un point de vue moléculaire, une étude a démontré le rôle de la voie des hexosamines, induite en cas d’hyperglycémie, dans cette augmentation de la transcription du gène G6pc. Cette voie conduit en effet à la fixation de résidu O-linked β-N-acétylglucosamine sur les facteurs FoxO1 et CRTC2 ce qui induit leur activité transcriptionnelle (Dentin et al., 2008). Une étude récente de notre laboratoire a également mis en avant un rôle des espèces réactives à l’oxygène dont la production est augmentée par l’hyperglycémie. Ces dernières augmentent l’association de HIF-1α (hypoxia-inducible factor 1α) et CBP ainsi que le recrutement de ce complexe au niveau du promoteur du gène G6pc (Gautier-Stein et al., 2012).

Les régimes lipidiques sont également capables de moduler l’expression du gène G6pc selon leur composition en acides gras. Apportés en grande quantité in vivo chez le rat et in vitro dans des hépatocytes en culture, les acides gras induisent une accumulation de l’ARNm de la G6PC (Massillon et al., 1997; Chatelain et al., 1998). Sur le plan qualitatif, l’incorporation de fortes proportions d’acides gras polyinsaturés à des régimes riches en acides gras saturés réprime cette induction (Garg et al., 1985; Venkatraman et al., 1991). Ces observations peuvent se justifier par des effets différentiels des acides gras sur l’activité du promoteur G6pc selon leur degré de saturation. Une étude de notre laboratoire a en effet démontré que, contrairement aux acides gras saturés, les acides gras polyinsaturés sont capables d’inhiber la transcription du gène G6pc. Cette inhibition est dépendante des esters d’acyl-CoA, issus du métabolisme des acides gras polyinsaturés, qui empêchent la fixation du facteur de transcription HNF4α sur la séquence promotrice du gène G6pc (Hertz et al., 1998; Rajas et al., 2002).

Enfin, nous avons récemment mis en évidence un rôle potentiel des fibres alimentaires solubles dans la régulation transcriptionnelle du gène G6pc. En effet, le butyrate, issu de la fermentation bactérienne des fibres solubles, augmente l’expression du gène G6pc in vivo dans l’intestin de rat et in vitro dans des cellules tumorales de côlon (Caco-2). D’un point de vue moléculaire, nous avons montré que cette induction dépendrait de l’activation de la voie de l’AMPc à travers l’augmentation de la production d’ATP (adénosine triphosphate - cf § II.2.b Régulations hormonales) (De Vadder et al., 2014; Gautier-Stein et al., 2006). Le propionate, un deuxième acide gras à courte chaine produit par la fermentation bactérienne des fibres solubles, peut également induire la transcription du gène G6pc dans l’intestin. Chez le rat, sa détection au niveau de la veine porte conduit à l’activation d’un arc réflexe intestin-cerveau et à la libération du neurotransmetteur VIP (vasoactive intestinal

Foie 80%

Reins 15%

Intestin 5%

Reins 50%

Intestin 20%

Foie 30%

ETAT POST-ABSORPTIF

JEÛNE PROLONGÉ

Figure 11: Contribution relative des trois organes glucoformateurs dans la

production endogène de glucose.

32 peptide) dans les entérocytes. Le VIP induit ensuite l’expression du gène G6pc en stimulant la production d’AMPc (De Vadder et al., 2014 soumis).

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