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De la chirurgie bariatrique à la chirurgie comportementale

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I. Les chirurgies bariatriques comme traitement de l’obésité et du diabète de type II

4. De la chirurgie bariatrique à la chirurgie comportementale

Suite à une chirurgie de type by-pass, les patients présentent des changements dans leurs habitudes alimentaires favorables à une perte de poids. Dans un premier temps, on observe chez ces patients une réduction de la prise alimentaire, notamment due à une diminution des sensations de faim (cf § I.3.b.). D’autre part, ces patients présentent des modifications de leur préférence alimentaire en faveur d’une diminution de leur appétence pour les aliments gras et sucrés.

a. Les changements de préférence alimentaire après chirurgie de type by-pass

Les chirurgies de type by-pass provoquent spécifiquement des modifications dans les choix alimentaires des patients. Après by-pass gastrique Roux-en-Y, les patients adoptent une alimentation plus saine car ils diminuent leur consommation d’aliments hypercaloriques (sodas, bonbons, glaces) et optent plus volontiers pour les fruits et légumes. Ces changements de préférence alimentaire ne sont pas observés après anneau gastrique ou gastrectomie verticale calibrée (Kenler et al., 1990; Brolin et al., 1994; Olbers et al., 2006; Ernst et al., 2009; Mathes and Spector, 2012). Plus précisément, les patients reportent une diminution de leur préférence pour les aliments gras après chirurgie de type by-pass, phénomène que l’on retrouve dans les modèles animaux de by-pass gastrique Roux-en-Y (Näslund et al., 1997; Zheng et al., 2009; le Roux et al., 2011). Actuellement,

25 aucune étude portant sur les choix alimentaires après sleeve gastrectomie n’a été conduite chez l’Homme et les études menées chez le rat sont en contradiction (Saeidi et al., 2012; Wilson-Pérez et al., 2013). Ces données confèrent aux chirurgies de type by-pass un rôle inattendu sur le comportement alimentaire directement lié à l’appétence pour les aliments.

b. Les mécanismes proposés

Un enjeu actuel concerne la meilleure compréhension des mécanismes par lesquels les chirurgies de type by-pass diminuent l’appétence des patients pour les aliments gras et sucrés. L’identification de ces mécanismes pourrait en effet permettre de développer des stratégies innovantes ciblant la perte de poids. La littérature fait état de régulations centrales impliquant les systèmes gustatif, de récompense et d’aversion.

x Les recommandations diététiques

Après chirurgie bariatrique, les patients sont soumis à des recommandations diététiques

basées sur une alimentation pauvre en sucres, graisses et fibres durant le 1er mois post-opératoire.

Les changements de préférences alimentaires sont cependant indépendants de ces recommandations. En effet, les modifications de préférence alimentaire sont spécifiques des chirurgies de type by-pass alors que les indications diététiques post-opératoires sont globalement les mêmes pour toutes les chirurgies bariatriques. Par ailleurs, le désintérêt pour les aliments gras et sucrés est également retrouvé dans les études menées chez l’animal où la nourriture enrichie en lipides et en sucres est proposée ad libitum après chirurgie de type by-pass (Zheng et al., 2009; le Roux et al., 2011).

x La détection du goût

Un facteur pouvant contribuer dans les choix alimentaires des patients après chirurgie de type by-pass concerne la détection des stimuli du goût. Plusieurs études ont mis en avant une diminution du seuil de détection du goût sucré après by-pass gastrique Roux-en-Y chez l’Homme et le rat. En d’autres termes, la sensibilité de la détection du goût sucré est augmentée après by-pass gastrique Roux-en-Y et pourrait contribuer à la diminution de la consommation d’aliments riches en sucre (Scruggs et al., 1994; Burge et al., 1995; Bueter et al., 2011).

D’un point de vue mécanistique, l’action du GLP-1 a été proposée pour expliquer le changement de la détection du goût après chirurgie de type by-pass. En effet, le récepteur au GLP-1 est exprimé dans les fibres nerveuses des papilles gustatives et les souris invalidées pour ce récepteur sont moins sensibles au goût sucré (Shin et al., 2008). De plus, les taux circulants de GLP-1 sont augmentés après chirurgie de type by-pass en période postprandiale (Borg et al., 2007; Korner

26 et al., 2009). Deux études ont cependant écarté cette hypothèse. Une première équipe a en effet montré que l’inhibition ou l’activation du récepteur du GLP-1 n’a pas de conséquence sur la réponse au goût sucré après by-pass gastrique Roux-en-Y chez le rat (Mathes et al., 2012). La seconde étude a démontré que les souris invalidées pour le récepteur du GLP-1 présentent une diminution de leur préférence pour la nourriture riche en lipides comparable à celle des souris témoins après by-pass gastrique Roux-en-Y (Ye et al., 2014).

x Le système de récompense

Le système de récompense, associé à la consommation d’aliments, comprend les notions de plaisir (faim hédonique) et de motivation à manger. Plusieurs études ont testé l’implication de ce système dans les modifications de préférences alimentaires après chirurgie de type by-pass. Une réduction de l’activité des régions cérébrales impliquées dans la récompense a été observée en réponse à des aliments et/ou des images d’aliments hypercaloriques chez les patients opérés par by- pass gastrique Roux-en-Y par rapport aux patients opérés par anneau gastrique ou obèses (Ochner et al., 2012; Scholtz et al., 2014). Plus précisément, à l’aide d’un questionnaire évaluant l’appétit pour des aliments très palatables, des études ont montré que la réponse hédonique est augmentée chez les patients obèses par rapport à des sujets sains et que le by-pass gastrique Roux-en-Y inverse cet effet (Schultes et al., 2010; Ullrich et al., 2013). Confirmant ces observations faites chez l’Homme, le by-pass gastrique Roux-en-Y induit une diminution du plaisir lié à la consommation d’une solution fortement concentrée en saccharose chez le rat (Shin et al., 2011). Par ailleurs, les patients opérés par by-pass gastrique Roux-en-Y présentent également une diminution de leur motivation à consommer des aliments gras et sucrés (Miras et al., 2012). Les deux composantes du système de récompense liées à la prise alimentaire semblent donc être modifiées après chirurgie de type by-pass et pourrait contribuer à la diminution de l’appétence pour les aliments gras et sucrés. Les mécanismes sous-jacents restent cependant à être identifiés.

x L’aversion

Une explication possible pour les changements de préférence alimentaire après chirurgie de type by-pass concerne l’apparition de symptômes aversifs à la suite de la consommation de certains aliments. Après ces opérations, les inconforts digestifs se manifestent majoritairement les trois premiers mois puis diminuent graduellement avec le temps (Suter et al., 2007). Le dumping syndrome est l’inconfort digestif le plus rapporté des chirurgies de type by-pass. Ce syndrome est la conséquence d’une arrivée trop rapide d’aliments sucrés ou gras dans l’intestin et se manifeste par des nausées, douleurs abdominales, diarrhées, palpitations et rougeurs au visage (Stefater et al.,

Figure 6 : La glycogénolyse

La glycogène phosphorylase permet la dégradation des chaînes linéaires de glycogène (en bleu) en glucose-1-phosphate. La phosphoglucomutase puis la glucose-6-phosphatase catalysent la transformation du glucose-1-phosphate en glucose. Les composantes glucosyltransférase et α(1-6)-glucosidase de l’enzyme débranchante permettent, respectivement, le transfert de 3 résidus glucose (en orange) sur la chaîne linéaire et l’hydrolyse du dernier résidu de glucose de la ramification (en vert).

27 2012). Ces effets secondaires gênants pourraient être à l’origine d’une aversion vis-à-vis des aliments gras et sucrés et ainsi conduire à un changement dans les choix alimentaires des patients opérés. Néanmoins, cette hypothèse est en contradiction avec les résultats obtenus après anneau gastrique. En effet, cette intervention est la plus contraignante des chirurgies bariatriques en termes de confort alimentaire puisqu’elle est associée à une importante fréquence de vomissements et de nausées (Suter et al., 2007; Stefater et al., 2012). De plus, l’anneau gastrique instaure progressivement une intolérance alimentaire pour de nombreux aliments (viande, poisson, riz, pâtes, pain…) (Schweiger et al., 2010). Or, les patients opérés d’un anneau gastrique ne reportent pas de changement de préférence alimentaire, ce qui va en l’encontre d’une implication de phénomènes d’aversions dans les choix alimentaires des patients après chirurgie bariatrique (Kenler et al., 1990; Brolin et al., 1994; Ernst et al., 2009).

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