• Aucun résultat trouvé

3. Chapitre 3 : Provenance des matières premières, terroir et offre localisée

3.3. La mise en marché

3.3.2. Différentes options de distribution

Différentes options se présentent aux brasseurs pour mettre en marché leurs produits. Tout d’abord, il y a un choix à faire quant au contenant dans lequel il désire offrir sa bière au consommateur. Les bouteilles de verre brun de 341 ml ou de 500 ml sont sans doute les plus utilisées comme elles peuvent être lavées puis renvoyées au producteur pour être réutilisées plusieurs fois avant d’être recyclées. C’est le cas pour la plupart des microbrasseries des régions étudiées dans le présent travail de recherche.

Certaines microbrasseries, comme le Malbord à Saint-Anne-des-Monts par exemple, préfèreront la cannette d’aluminium de 473 ml, qui sera recyclée après l’usage. Il s’agit d’un format qui possède plusieurs avantages : « Au niveau de la capacité, si le serti de la capsule est bien fait, c’est d’une meilleure étanchéité qu’une capsule sur une bouteille. La cannette va protéger le liquide qu’il y a à l’intérieur contre l’oxydation, contre les rayons UV qui vont altérer quand même assez rapidement le goût de la bière… Même si la bouteille est brune, il y a quand même une portion de lumière qui passe » explique Félix Labrecque de la microbrasserie le Malbord. La cannette est également un contenant

105

beaucoup plus compact et moins lourd que la bouteille de verre, ce qui est un net avantage au niveau de la distribution : « Du côté du poids, on l’a fait pour le fun avec un représentant de Pit Caribou qui était ici et qui a amené des bières à déguster. Il nous a amené une 12 de pintes et je lui ai dit « hey je vais t’échanger ça contre une 12 de cannettes ». On les a pesés et c’était exactement la moitié du poids en cannette pour presque le même volume de bière » mentionne Félix. Lors de livraisons, à Québec ou Montréal par exemple, ce format permet donc que le voyage soit plus rentable puisqu’un plus grand nombre de bière peut être transporté. La complexité du système de consigne fait en sorte que plusieurs brasseries aiment également utiliser le format cannette. En effet, contrairement aux bouteilles de verres qui sont réutilisées plusieurs fois avant d’être recyclées, la cannette est un contenant à usage unique, c’est-à-dire qu’il sera recyclé après chaque utilisation. Le fait de ne pas avoir à gérer ses bouteilles vides est un avantage pour les brasseries qui, comme le Malbord, utilisent la cannette puisqu’ils n’ont pas besoin de transporter les bouteilles vides, les faire voyager, les stocker et s’occuper de les faire laver. Lors d’une livraison, les brasseries qui utilisent des bouteilles « déchargent le truck, ils changent de porte et ils chargent le truck avec des bouteilles vides. Là tu arrives à la brasserie, tu décharges ça, il faut que t’empile ça dans un coin, des bouteilles sales… […] En plus de la distance de la Gaspésie, c’est une question de transport, il faudrait expédier nos bouteilles à se faire laver dans la région de Montréal et les ramener en Gaspésie… On trouvait que ça n’avait pas de sens, charrier de la vitre… » explique Félix Labrecque.

L’utilisation de la cannette d’aluminium sera sans doute de plus en plus fréquente dans les prochaines années, plusieurs microbrasseries (Pit Caribou par exemple) désirant se tourner vers cette option :

Le brasseur abandonnera les bouteilles pour trois de ses produits dès cet été [2018]. Francis Joncas considère que certaines bières houblonnées seront mieux adaptées de cette façon. « On dirait qu’en canette, ça se boit mieux qu’en bouteille, dit-il. Premièrement, nos bouteilles, tu as besoin d’un ouvre-bouteille pour les ouvrir en partant. C’est une question de poids aussi. Les gens quand ils font de la randonnée en montagne, c’est moins pesant dans le pack sac » (Deschênes 2018)

106

L’autre option qui s’offre aux brasseurs quant au choix du contenant est le cruchon. Les cruchons (ou growlers) contiennent habituellement 1 litre de bière, bien que différents formats existent. Cette option, basée essentiellement sur le marché local, permet au brasseur d’embouteiller sa bière directement à partir du fût. C’est le cas chez Tête d’Allumette à Saint-André-de-Kamouraska par exemple. Le consommateur pourra alors s’approvisionner au pub de la brasserie puis déguster le produit chez lui. Lors de sa prochaine visite, il pourra échanger son cruchon vide contre un autre rempli d’une autre bière (il n’est pas légal au Québec, comme c’est le cas ailleurs, de remplir immédiatement le cruchon rapporté par les clients, il doit d’abord être lavé par la brasserie), le cruchon étant régi par un système de consigne, qui est de 4$ chez Tête d’Allumette par exemple. Cette option est aussi parfois complémentaire à l’offre en bouteille, certaines des bières disponibles en cruchon ne l’étant que sous cette forme. Certaines microbrasseries (Pit Caribou ou le Caveau des Trois-Pistoles par exemple) ont utilisé ce système à leurs débuts avant de se diriger vers la bouteille.

Une fois que le choix du contenant est réalisé, plusieurs options de distribution sont disponibles. Un employé de la brasserie, ou le brasseur lui-même, peut distribuer ses produits en camion parmi les commerces sélectionnés. Cette option peut s’effectuer à grande échelle (jusqu’à Montréal ou Québec) mais est souvent réservée au marché local. Ensuite, les brasseries peuvent également faire sous-traiter la distribution par des entreprises qui distribueront les bières de plusieurs brasseries à la fois. Cette option permet habituellement de rejoindre un marché plus large. C’est ce que la microbrasserie Au Frontibus de Rivière-au-Renard, dont les bières sont actuellement disponibles jusqu’à Québec ou Montréal, visait dès le départ nous explique le brasseur Patrick Leblanc : « Pour l’instant c’est local mais à partir de décembre [2017] ça va être avec Distribière, à Montréal, à Québec, etc. » Le cruchon est quant à lui habituellement réservé au marché local, la réutilisation de ce contenant demandant qu’il soit rapporté directement à la brasserie.

Enfin, la sélection du marché ciblé se fera selon le volume de production, la demande locale et le choix qui a été fait quant au type d’embouteillage. Certaines microbrasseries viseront le Québec en entier, tandis que d’autres distribueront leurs bières dans la région uniquement. D’autres microbrasseries feront le choix de ne pas distribuer leurs produits. Le consommateur n’aura alors d’autre choix que de se rendre directement

107

au pub pour se procurer ces bières. Il est à rappeler également que ce ne sont pas toutes les microbrasseries qui possèdent un pub où l’on peut se déplacer pour déguster une bière en fût. Certaines microbrasseries (comme la Brasserie Auval à Val-d’Espoir ou l’Octant à Rimouski) se concentrent presqu’exclusivement sur l’offre en bouteille.

Pour certaines microbrasseries, comme la Fabrique à Matane, autant le marché local que le marché plus large sont visés. En effet, les brasseurs possèdent deux brasseries qui sont situées dans deux bâtiments différents à Matane, étant régis par deux permis différents. L’une est consacrée à la production de bière en fût, qui est écoulée au pub situé dans le même bâtiment : « Pour ce qui est du pub, toute la production est vendue sur place. Nous avons presque atteint notre capacité maximale. […] Le pub est par définition et obligation légale une offre strictement locale » affirme le brasseur Jean-Pierre Boutin. L’autre brasserie, en activité depuis l’été 2017, sert quant à elle à la production de bières en bouteilles, qui seront distribuées localement mais aussi vers les grands centres : « Pour la microbrasserie d’embouteillage nous allons nous adapter au marché au fil du temps. […] Nous distribuons à travers le Québec. Nous voulons atteindre notre clientèle potentielle là où elle se trouve ».