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3.3 Analyse dynamique et énergétique d’un cas clinique

4.1.3 Optimisation des chemins musculaires, le ”Convex wrapping

algorithm”

La position des parties molles, qu’il s’agisse d’ensembles muscles-tendons ou de ligaments, autour des pièces osseuses est déterminante. Les longueurs musculotendi- neuses, leurs variations ainsi que leurs bras de levier sur les pièces osseuses sont des paramètres utilisés directement ou indirectement à des fins de calcul ou d’interpréta- tion clinique. Néanmoins ces paramètres dépendent du trajet que réalisent les muscles. Il est ainsi nécessaire de déterminer les trajets musculaires lors du mouvement. La po- sition du muscle étant inaccessible à la mesure directe, différentes méthodes ont été proposées pour modéliser au mieux son trajet au cours du mouvement. On peut les re- grouper en deux catégories, les modèles filaires et les modèles éléments finis. Chacune de ces catégories regroupe différents algorithmes de complexité variable pour déter- miner ces trajets musculaires. L’objectif commun à tous ces modèles est de respecter au mieux l’anatomie en reliant l’origine du muscle à son insertion tout en contournant

les segments osseux et en respectant certains points de passages anatomiques tels que les trochlées ou les retinaculi. Le muscle étant un organe contractile, le principe com- mun à tous ces modèles est de trouver le chemin le plus court respectant les différentes contraintes anatomiques.

Les algorithmes filaires regroupent les modèles en “straight line”, les algorithmes par “via points”, les algorithmes dits de “wrapping surface” et les algorithmes de “dy- namic via points”. Le modèle en “straight line” est le plus simple et le plus ancien [93]. Il est inadapté à la modélisation de nombreux muscles qui s’enroulent autour de diverses structures anatomiques. Il est néanmoins toujours utilisé comme élément de comparaison pour évaluer de nouveaux algorithmes et pour modéliser les trajets di- rects de certains muscles monoarticulaires. Les algorithmes par “via points”, imposent des points de passages [54]. Ils sont particulièrement utiles pour modéliser la réflexion de certains muscles sur des structures telles que des retinaculi. Les algorithmes dits de “wrapping surface” ont été une avancée importante pour la modélisation des tra- jets musculaires [167, 72] . Ils permettent une modélisation beaucoup plus réaliste du trajet de certains muscles glissant sur les structures osseuses lors du mouvement. Ce type d’algorithme a été validé sur pièce anatomique pour les muscles semitendineux, semimembraneux, graciles, psoas. Plus récemment les algorithmes de “dynamic via points” ont été une généralisation 3D des modèles “via points” aux situations 3D, avec prise en compte de la réflexion du muscle ou non sur les via points en fonction de la position des différents segments osseux [31]. On inclura dans ces algorithmes ceux proposés pour déterminer les trajets ligamentaires. Pour identifier le trajet du ligament triangulaire du carpe, Marai et al. [112] proposent de résoudre cette question sous la forme d’un problème d’optimisation résolu par une méthode de programmation qua- dratique séquentielle. La fonction objectif consiste à trouver le chemin le plus court. Les contraintes sont de ne pas pénétrer le maillage osseux sous-jacent.

Les algorithmes basés sur des modélisations éléments finis sont au nombre de deux. Le “host mesh” [68] et le “complex mesh” [22] sont des modèles utilisant des données volumiques issues de l’IRM. Ils déforment les muscles à volume quasi constant dans une boîte d’enveloppement (bounding box). Ces modèles, très réalistes, nécessitent néanmoins des temps de calcul très importants de l’ordre de 5 à 10 heures sur proces- seur Silicon Graphics Origin 3800 à mémoire partagée [22]. Ils nécessitent également d’avoir accès à des données IRM pour le sujet d’étude.

Face au besoin d’identifier les chemins des muscles de notre modèle musculosque- lettique, nous avons formulé les besoins en ces termes : “Trouver le plus court chemin entre l’insertion et l’origine d’un muscle en s’enroulant autour des structures osseuses sous jacentes et en respectant d’éventuelles contraintes de non-glissement”. Les mo-

dèles de type “wrapping surface” ne respectent pas strictement les contraintes liées à la géométrie osseuse, car ils utilisent des formes géométriques simples telles que des sphères, des ellipsoïdes ou des cylindres pour modéliser l’enroulement des muscles autour des os. La solution proposée par Marai et al. [112] est intéressante, mais la ré- solution du problème d’optimisation est coûteuse en temps. Le temps de calcul pour un modèle comprenant un nombre important de muscles est alors très long. Nous avons donc choisi de développer le “convex wrapping algorithm” pour déterminer les che- mins musculaires. Cet algorithme utilise directement la géométrie osseuse comme ob- jet d’enveloppement et non plus uniquement des formes géométriques simples.

Ce nouvel algorithme est détaillé dans la méthode. Ses résultats sont comparés aux méthodes de “straight line” et de “wrapping surface” en mesurant la longueur et les bras de leviers du semitendineux lors de la marche chez un sujet sain.

4.1.3.1 Méthode

Le “convex wrapping algorithm” est utilisé sur le modèle présenté précédemment pour déterminer les chemins des muscles. L’objectif est de déterminer l’enveloppe convexe des chemins physiologiquement possibles. L’enveloppe convexe correspond à la plus petite surface recouvrant le squelette de l’origine (A) à l’insertion (B) du muscle. Pour accélérer la résolution, tout en incluant des contraintes de non-glissement à la surface du squelette, un prisme contenant l’espace des chemins musculaires pos- sibles est défini. Le “convex wrapping algorithm” est décrit ci-dessous en se référant à la figure 4.7.

– Premièrement un hémiplan (S1) contenant les chemins possibles est défini en

construisant le repère ℜ1 grâce au vecteur directeur −→V défini lors de la modéli-

sation par rapport à l’orientation d’un des segments croisés par le muscle : ℜ1(−→u , −→v , −→w ) avec −→u = −→ AB −→ AB , −→v = − → V ∧ −→u − → V ∧ −→u , −→w = −→u ∧ −→v

L’espace des solutions (S1) est restreint à l’hémi-espace délimité par le plan

(−→u , −→v ) en direction de −→w .

– La seconde étape est optionnelle en fonction du type de contrainte :

– Cas “2 contraintes de non-glissement” : deux points P1et P2sont des contraintes

de non-glissement latérales. On cherche tout d’abord, si elles sont dans (S1).

Ainsi, chaque point P a une projection sur −→AB appelée P′. Si −

w •−−→P′

P > 0 alors P ∈ S1. Ensuite :

AB pour arête principale et les deux faces comprenant AB qui contiennent respectivement P1et P2.

– Si P1 ∈ S/ 1ou P2 ∈ S/ 1: on passe au cas “1 contrainte de non-glissement” .

– Si P1 ∈ S/ 1et P2 ∈ S/ 1: on passe au cas “0 contrainte de non-glissement” .

– Cas “1 contrainte de non-glissement” : le point P1 est l’unique contrainte

de non-glissement latéral ; on cherche si P1 ∈ S1. Chaque point P a une

projection sur −→AB appelée P′. Si −

w •−−→P′

P > 0 alors P ∈ S1.

– Si P ∈ S1 le prisme des solutions est construit avec le segment AB pour

arête principale et une face comprenant AB qui contient P1. L’autre face

forme un angle de π/6 avec −→w .

– Si P /∈ S1 on passe au cas “0 contrainte de glissement”.

– Cas “0 contrainte de non-glissement” : le prisme des solutions est construit avec le segment AB pour arête principale et les deux faces comprenant AB forment un angle de π/3 . La médiane de cet angle est dans la direction de −→w . – L’ensemble S des points pj contenus dans le prisme est défini. L’enveloppe

convexe C de ces points est calculée. L’enveloppe convexe de S est l’intersec- tion de tous les convexes contenant S. Pour N points p1 , ..., pN , l’enveloppe

convexe C est définie par l’expression :

C= ( N X j=1 λjpj : λj ≥ 0 pour chaque j et N X j=1 λj = 1 )

Ce calcul est effectué par le “Qhull algorithm” [14].

– Enfin, le plus court chemin entre A et B sur C est calculé soit par un algo- rithme géodésique [124], soit par une approximation plus rapide en utilisant l’algorithme de Dijkstra. P athA→B = f (C, A, B) =     Ax Ay Az ... ... ... Bx By Bz    

Le chemin obtenu est une séquence de points décrivant le plus court chemin de (A) à (B) en évitant tous les os sous-jacents. Une fois ce chemin défini, les longueurs, vitesses d’allongement et bras de levier peuvent être obtenus.

Pour une illustration du résultat obtenu avec ce “convex wrapping algorithm”, le chemin musculaire du semitendineux est calculé lors de la marche d’un jeune sujet sain de 10 ans pesant 30 kg pour une taille de 1.4 m. Lui et ses parents ont été in- formés de la procédure et ont donné leur consentement. La cinématique de la marche

(a) (b) (c)

FIG. 4.7 – Algorithme de détermination des chemins musculaires. (a) L’hémiplan(S1)

et le prisme des solutions sont déterminés en fonction de l’origine A et de la terminai- son B du muscle, en fonction du vecteur directeur −→V et d’éventuelles contraintes de glissement. (b) L’enveloppe convexe des chemins possibles C est représentée en bleu. (c) Le chemin musculaire parcourant C est représenté en rouge.

de ce sujet est recueillie avec un dispositif cinématographique VICON avec 8 camé- ras MX20. Le protocole cinématique est celui présenté au chapitre 2. Les longueurs, les vitesses d’allongement musculaire et les bras de levier exprimés au genou et à la hanche sont calculés avec l’algorithme “wrapping surface” sur une ellipsoïde et avec le “convex wrapping algorithm”. Les options utilisées dans ce cas pour l’algorithme “convex wrapping” sont :

– une contrainte de non-glissement au-delà du tubercule du condyle interne ; – un algorithme géodésique exact.

L’ensemble des calculs est réalisé sous Matlab. 4.1.3.2 Résultats

La figure 4.8 rend un résultat visuel qui ne permet pas d’apprécier le glissement progressif du muscle sur l’os jusqu’à la contrainte de non-glissement que constituent les adhérences des fascia adjacents au semitendineux. Elle permet néanmoins de vé- rifier la non pénétration du semitendineux dans le tibia et/ou le fémur. On remarque également le chemin pris par les deux algorithmes par rapport à la ligne droite reliant les deux insertions.

Les résultats de longueur musculaire et de vitesse d’allongement musculaire sont présentés par la figure 4.9. On observe les résultats très proches des deux algorithmes.

FIG. 4.8 – Trajets du semitendineux droit obtenus par 3 méthodes différentes. Le trajet

bleu représente le chemin en ligne droite, le trajet vert celui obtenu à partir de l’algo- rithme “wrapping surface” sur une ellipsoïde, et en rouge celui obtenu avec le “convex wrapping algorithm”.

FIG. 4.9 – Tracés sur un cycle de marche des longueurs et vitesses d’allongement du

semitendineux droit obtenues à partir des 3 méthodes différentes. Les courbes bleues correspondent au chemin en ligne droite, les courbes vertes à l’algorithme “wrapping surface” sur une ellipsoïde et les courbes rouges décrivent les résultats obtenus avec le “convex wrapping algorithm”.

FIG. 4.10 – Tracés sur un cycle de marche des bras de levier du semitendineux droit sur

la hanche et le genou obtenus à partir des 3 méthodes différentes. Les courbes bleues correspondent au chemin en ligne droite, les courbes vertes à l’algorithme “wrapping surface” sur une ellipsoïde et les courbes rouges décrivent les résultats obtenus avec le “convex wrapping algorithm”.

La figure 4.10 présente les résultats du calcul des bras de levier pour les deux algorithmes. La similitude entre les deux algorithmes est importante. Cependant, cer- taines différences peuvent être observées notamment à propos du bras de levier en flexion/extension du genou qui présente un plateau en phase de simple appui. Cette différence correspond à l’instant d’extension maximale du genou et met en évidence l’effet de la contrainte de non-glissement antérieur.

4.1.3.3 Discussion

Le “convex wrapping algorithm” que nous proposons présente l’intérêt principal de ne pas nécessiter un paramétrage complexe. Il utilise uniquement la géométrie osseuse sous-jacente et non pas des hypothèses géométriques simplificatrices pour identifier le chemin du complexe muscle-tendon.

L’utilisation d’une enveloppe convexe garantit, de par sa définition mathématique, la non pénétration des structures sous-jacentes. La définition d’un prisme comme es- pace des solutions permet à la fois d’accélérer le calcul en minimisant l’espace des solutions mais surtout d’intégrer des contraintes de non-glissement. Ces contraintes de non-glissement ne sont appliquées que dans certaines configurations géométriques conformément au concept principal des “dynamic via points” proposé par Carman et Milburn [31].

Cette méthode répond au cahier des charges que nous nous sommes fixé : “Trou- ver le plus court chemin entre l’insertion et l’origine d’un muscle en s’enroulant autour des structures osseuses sous-jacentes et en respectant d’éventuelles contraintes de non- glissement”. Néanmoins, ce cahier des charges ne doit peut-être pas être systématique- ment adopté pour l’ensemble des muscles du corps humain. Il serait très intéressant, dans des travaux futurs, de valider cette méthode à partir de données anatomiques me- surées in situ sur pièces cadavériques comme l’ont effectué Arnold et al. [6] ou sur des données IRM recueillies sous différentes positions. La validation par rapport à la mesure IRM présente néanmoins certains biais. Le sujet est nécessairement en position couchée ce qui déforme les masses molles. La situation de repos contractile dans la- quelle se trouve le muscle en position couchée peut également induire des différences de chemins musculaires par rapport à la position debout. La vérification sur pièces ana- tomiques entreprise pour l’algorithme “wrapping surface” en a montré la validité. Nous avons donc choisi de comparer les résultats de l’algorithme “convex wrapping” à ceux de l’algorithme “wrapping surface”, pour illustrer a minima le réalisme anatomique de la méthode que nous proposons.

En conclusion, la similitude à propos des résultats entre la méthode proposée et celle des ellipsoïdes, de même que le réalisme du résultat global nous font penser que

cette méthode est une avancée originale pour la modélisation de la géométrie mus- culoquelettique mais aussi ligamentaire. Elle présente en particulier l’intérêt d’utili- ser le maillage osseux sous-jacent et non pas des simplifications géométriques pour contraindre le chemin musculo-tendineux.