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2.5 Modélisation cinématique

2.5.3 Calcul des centres articulaires

Les différents repères que nous venons de présenter utilisent les positions des centres articulaires de la hanche, du genou et de la cheville. Certains sont plus évi- dents à localiser que d’autres ; nous allons présenter la technique utilisée pour chacun d’eux, et détailler en particulier cette question pour le centre articulaire de la hanche et celui du genou.

2.5.3.1 Centre articulaire de la hanche

Comme nous venons de le rappeler, la plupart des modèles cinématiques utilisent les centres articulaires des hanches, ceci pour modéliser la liaison bassin-cuisse, et également pour orienter l’axe vertical du repère cuisse. La hanche est une articula- tion sphéroïde très congruente qui permet, malgré tout, des mouvements de bonne amplitude. La position du centre de cette articulation est totalement inaccessible à la palpation, et donc à la mesure cinématographique directe. Pour identifier ce centre ar- ticulaire, différentes méthodes sont à notre disposition. La première est l’utilisation

d’équations de régression issues de mesures cadavériques ou de mesures par imagerie. Ces équations expriment la position du centre articulaire de la hanche dans le repère bassin en fonction des dimensions de celui-ci [20, 19, 108, 148, 170]. La seconde consiste à utiliser des méthodes fonctionnelles pour identifier le centre articulaire à partir du mouvement de la cuisse par rapport au bassin. Ces méthodes fonctionnelles font l’objet de nombreuses recherches qui démontrent leur bonne précision quand elles sont utilisées avec le bon type de mouvement [87, 108, 18, 81, 71, 147, 151, 65]. Ces mouvements sont des mouvements de flexion/extension et abduction/adduction voire de circumduction. Ils sont réalisés en appui unipodal ce qui les rend difficilement réali- sables pour des sujets à motricité limitée. Enfin, la dernière solution consiste à utiliser des données d’imagerie 3D spécifiques au patient.

Dans le cadre des examens d’Analyse Quantifiée de la Marche réalisés à la fonda- tion Ellen Poidatz, il est nécessaire d’accéder à une mesure précise et juste des centres articulaires des deux hanches des sujets étudiés. La méthode employée classiquement en analyse clinique est celle utilisant les équations de régression de Bell [19]. Cette mé- thode est retenue pour sa simplicité, mais surtout parce qu’il est impossible, la plupart du temps, de demander aux sujets handicapés d’effectuer les mouvements nécessaires à l’utilisation de méthodes fonctionnelles. Cette méthode est cependant soumise aux limitations des méthodes par équations de régressions, en particulier du fait de la non prise en compte des déformations du bassin pourtant très fréquentes chez les enfants IMC.

Face à ces limitations, à savoir l’imprécision des méthodes par équations de ré- gression et la mise en oeuvre impossible des mouvements classiquement requis par les méthodes fonctionnelles, la recherche d’une solution est apparue nécessaire. Il a été proposé de réaliser des manoeuvres passives, c’est-à-dire des mouvements de la hanche du patient effectués par un thérapeute, mais la réalisation de ce type de ma- noeuvre conjointement avec un enregistrement cinématique est très difficile du fait des occlusions de marqueurs produites par le thérapeute et l’environnement (table d’exa- men, cadre de marche ...). Certains auteurs ont envisagé de n’utiliser que des don- nées de marche pour déterminer les centres de hanche par méthodes fonctionnelles [87, 136]. Piazza et al. ont évalué cette hypothèse chez des sujets sains lors de la marche. Ils utilisent des clusters de 4 marqueurs sur plaques rigides pour recueillir la cinématique du pelvis et de la cuisse. En appliquant la méthode de Soderkvist [153] ces auteurs ont montré que ce type de mouvement ne suffisait pas à identifier le centre articulaire de la hanche avec une précision suffisante. Les erreurs de localisation en condition de marche sont au maximum de 7 cm. Ils montrent également que le mou- vement de marche ne produit pas assez d’amplitude d’abduction/adduction pour per-

mettre une identification précise des centres articulaires. Hicks et Richards ont utilisé une méthode d’ajustement sphérique lors de la marche à partir de données issues de l’utilisation de modèles cliniques classiques. Ils utilisent pour cela le modèle de Cleve- land et le modèle de Helen Hayes. Les résultats obtenus montrent que l’utilisation de données de marche est insuffisante, mais que les données issues du modèle de Helen Hayes apportent plus de précision que celles issues du modèle de Cleveland. L’erreur de localisation moyenne obtenue avec le modèle de Helen Hayes est de 4,6 cm. Ces résultats tendent à prouver que l’utilisation de deux marqueurs sur la cuisse pour le modèle de Helen Hayes permet une identification plus précise que celle d’un cluster rigide comme avec le modèle de Cleveland ou dans l’étude de Piazza et al.

Nous avons contribué à montrer, dans une collaboration avec Tony Monnet [118], que la méthode SCoRE [65] présente in vivo des avantages sur les méthodes par axes hélicoïdaux et sur les méthodes par ajustement à une sphère. Ainsi, au regard des avan- cées que permet la méthode SCoRE, nous formulons l’hypothèse que cette méthode peut être appliquée avec succès en utilisant directement les données issues de l’enre- gistrement de plusieurs cycles de marche. En effet, l’emploi d’un plus grand nombre de marqueurs, l’optimisation des matrices de rotation des segments et l’algorithme de cette méthode sont, nous le supposons, des éléments qui peuvent produire des résul- tats suffisamment précis pour des applications cliniques. Pour tester cette hypothèse avec la méthode SCoRE, les coordonnées des centres articulaires déterminés à partir de mouvements spécifiques vont être comparées à celles calculées à partir des données de marche.

Deux sujets sains (30 et 33 ans) ont participé à l’expérimentation. Quatre mar- queurs ont été collés en regard des épines iliaques antéro-supérieures et postéro-supérieures et cinq marqueurs ont été collés sur la cuisse comme représentés sur la figure 2.4. Chaque sujet réalise une succession de 5 cycles de flexion/extension, 5 cycles d’ab- duction/adduction et de 5 cycles de circumductions pour chaque hanche avant de réa- liser une marche à vitesse normale. Le sujet N°1 effectue les tests fonctionnels à une amplitude complète et le sujet N°2 à une amplitude modérée. Les enregistrements sont effectués à l’aide d’un dispositif VICON (8 caméras MX20).

Pour chaque sujet, les matrices de rotation segmentaires sont calculées par optimi- sation grâce à la redondance du nombre de marqueurs [25].

Les centres articulaires sont alors calculés comme décrits par Monnet et al. [118, 117].

Soit u la position constante du centre de la hanche dans le repère bassin ℜb et v

sa position dans ℜc, le repère cuisse. R0,b et R0,c sont les matrices de rotation de ces

FIG. 2.4 – Placement des marqueurs sur la cuisse et le bassin. Les marqueurs sur les

épines iliaques postéro-supérieures sont schématisés en pointillé.

rHJC = rb+ R0,bu

rHJC = rc+ R0,cv

Donc

rc+ R0,cv= rb+ R0,bu

Les inconnues u et v peuvent être regroupées en un seul vecteur de dimension 6 tel que : h R0,c −R0,b i " v u # = rb− rc

Ce système linéaire à 3 équations et 6 inconnues caractérise les vecteurs constants uet v dans leur repère local respectif. Ce système peut être formulé pour un mouve- ment constitué de n instants différents de la façon suivante :

    R0,c(t0) −R0,b(t0) ... ... R0,c(tn) −R0,b(tn)     " v u # =     rb(t0) − rc(t0) ... rb(tn) − rc(tn)    

Soit sous forme simplifiée : Φ " v u # = Λ

FIG. 2.5 – Cinématique de la hanche du sujet N°1 lors de la marche en degré. Les

courbes bleues représentent le côté gauche et les rouges le côté droit. Le trait noir entouré d’une bande grisée représente la cinématique normale, plus ou moins deux écarts-types.

moindres carrés en introduisant la pseudo-inverse : " v u # = ΦTΦ−1 ΦTΛ

Conjointement à ces calculs, la cinématique de la hanche est calculée lors de ces différents mouvements conformément à la section 2.3. Les amplitudes maximales des différents mouvements sont quantifiées, de même que la distance entre les centres ar- ticulaires calculés par les deux méthodes.

La cinématique de la hanche du sujet N°1 est illustrée par la figure 2.5. Les ampli- tudes maximales lors des différents tests et lors de la marche sont présentées dans le tableau 2.2.

Les coordonnées des centres articulaires trouvés pour les deux méthodes sont pré- sentées dans le tableau 2.3. La distance entre le centre articulaire calculé à partir des tests fonctionnels et à partir des tests de marche est, pour le sujet N°1, de 14.7cm à droite et de 13.9cm à gauche et, pour le sujet N°2, de 11.3cm à droite et de 9.6cm à gauche. Cette discordance entre les résultats est illustrée par la figure 2.6.

Les résultats que nous avons obtenus chez deux sujets sains suffisent à démontrer la non applicabilité de cette méthode sur des données de marche. Les erreurs obtenues sont supérieures à celles rapportées dans la littérature pour des situations comparables [87, 136]. La latéralisation importante du centre de la hanche identifié est en rapport avec une faible amplitude d’abduction/adduction lors de la marche. A ce sujet, ces ré- sultats corroborent ceux de Piazza et al [136]. Considérant la méthode fonctionnelle

FIG. 2.6 – Représentation des centres articulaires droits calculés chez le sujet N°1 par

les méthodes fonctionnelles à partir de mouvements spécifiques (point bleu), à partir des données de marche (point rouge) et calculés par équations de régression (point noir).

Sujet Test D Test G Marche D Marche G N°1 Flexion/Extension 102 98 39 35 Abduction/Adduction 66 74 15 13 Rotation interne/externe 44 46 34 22 N°2 Flexion/Extension 79 75 38 38 Abduction/Adduction 58 54 13 11 Rotation interne/externe 32 34 21 23

TAB. 2.2 – Amplitudes maximales en degré lors des différents mouvements.

Sujet Test D Test G Marche D Marche G Écart D Écart G

N°1 Ox 0.038 0.052 0.079 0.039 -0.042 0.013 Oy -0.091 -0.105 -0.079 -0.055 -0.012 -0.049 Oz 0.120 -0.101 0.261 -0.231 -0.140 0.129 N°2 Ox 0.034 0.027 0.045 0.048 -0.011 -0.021 Oy -0.088 -0.087 -0.090 -0.078 0.003 -0.009 Oz 0.093 -0.090 0.206 -0.183 -0.113 0.093

TAB. 2.3 – Coordonnées en mètre des centres articulaires calculés avec les mouve-

ments fonctionnels et les mouvements de marche. Ces coordonnées sont exprimées en RBcentré en O, le barycentre des marqueurs du bassin.

classique comme la méthode de référence, nous observons sur la figure 2.6 la diffé- rence entre celle-ci et la méthode par équations de régression de Bell [19]. Cette diffé- rence illustre la relative imprécision de cette dernière qui est malgré tout plus juste que celle que nous venons d’évaluer. L’application clinique des méthodes d’identification fonctionnelle du centre de la hanche est encore impossible. Leur intérêt est néanmoins réel pour personnaliser le modèle au patient analysé, mais des travaux sont encore à envisager pour trouver des mouvements et/ou des méthodes permettant leur utilisation chez des sujets à mobilité articulaire, motricité et capacité cognitive restreintes.

Nous avons infirmé notre hypothèse de l’applicabilité de la méthode SCoRE à partir de mouvements de marche. Ceci rejoint les résultats précédemment publiés [87, 136]. Suite à ces résultats nous avons décidé d’utiliser les équations de régression de Bell [19] en attendant d’éventuelles améliorations pour l’applicabilité des méthodes fonctionnelles. En parallèle, notre réflexion se porte de plus en plus vers l’intégration de données d’imagerie 3D à notre modèle cinématique.

2.5.3.2 Centres articulaires du genou et de la cheville

KJC, le centre articulaire du genou, est calculé comme étant le milieu de KN E et de IKNE, le marqueur anatomique dont la position est déterminée grâce à l’enregis-

trement statique. AJC, le centre articulaire de la cheville, est de même calculé comme étant le milieu de ANK et de IANK.

Ce choix est différent de celui adopté par le modèle Plugin Gait classiquement utilisé en analyse de la marche. Celui-ci définit ces deux centres articulaires de façon analogue. Le centre articulaire du genou est défini à l’intersection d’un cercle de rayon égal à la distance séparant HJC de KNE centré en HJC et contenant le marqueur cuisse T HI, et d’un cercle centré en KNE, de rayon égal à la moitié de la largeur du genou relevée lors de l’examen clinique. Ce modèle rend la localisation du marqueur ancillaire prépondérante dans la localisation du centre articulaire. Ainsi pour le genou, l’axe z du repère cinématique ne sera pas forcément égal à l’axe intercondylien de flexion-extension. De même, le centre articulaire de la cheville ne sera pas forcement placé au milieu des deux malléoles externes. De nombreuses études ont montré qu’une erreur de placement des marqueurs ancillaires T HI ou T IB avait un retentissement sur le calcul des paramètres cinématiques autant que dynamiques [91, 51, 102, 30].

L’erreur de placement des marqueurs internes IKNE et IANK a également un retentissement sur ces valeurs. Néanmoins, la conception plus anatomique de cette mé- thode, combinée à l’expérience de l’équipe du laboratoire d’analyse du mouvement de la fondation Ellen Poidatz dans le placement des marqueurs internes, a été un facteur de décision pour l’utilisation de marqueurs internes afin de calculer les centres articu- laires du genou et de la cheville.

Une étude récente a montré que les résultats de ces deux types de modélisation ne présentent pas de différences significatives si les marqueurs sont correctement placés [69].