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Optimisation de la forme d’un profil aérodynamique

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1.2 Exemples

1.2.5 Optimisation de la forme d’un profil aérodynamique

Un problème classique d’optimisation de formes en mécanique des fluides est l’optimisation d’un profil d’aile d’avion, de coque de bateau, ou de véhicule dans un écoulement [130]. Par exemple, pour un avion on cherche à augmenter sa portance, tout en diminuant sa traînée aérodynamique. En tout généra-lité le modèle qu’il faudrait utiliser est celui des équations de Navier-Stokes pour décrire les écoulements de fluides visqueux compressibles. Néanmoins, afin de simplifier l’exposé nous allons utiliser un modèle beaucoup plus rudi-mentaire, dit des écoulements potentiels, qui est une simplification des équa-tions de Navier-Stokes pour un fluide parfait incompressible et irrotationnel en régime stationnaire. Ce modèle n’est plus guère utilisé dans les applications industrielles, mais toutes les idées que nous allons présenter sur ce modèle se généralisent au modèle de Navier-Stokes. La vitesse U d’un tel fluide vérifie donc la condition d’irrotationalité

rotU = 0,

d’où l’on déduit qu’elle dérive d’un potentiel scalaireφ U =∇φ.

Jointe à la condition d’incompressibilité divU = 0 (ou conservation de la quantité de masse), on obtient l’équation du potentiel

∆φ= 0.

L’équation de conservation de la quantité de mouvement permet de trouver la pressionpen fonction de ce potentielφ(loi de Bernoulli)

p=p0−1 2|∇φ|2, oùp0 est une pression de référence.

Plaçons nous dans le cas d’un profil d’aile d’avion qui, en première approximation, est baigné par un écoulement en milieu infini (pour une voiture il faudrait tenir compte de la route, et pour un bateau de la surface libre de la mer). Si l’on noteP le profil (un domaine borné), le fluide occupe le domaine

Fig. 1.5.Coupe plane d’un profil d’aile d’avion.

extérieurΩ=RN\P (voir la Figure 1.5). On se place dans un référentiel lié au profil qui se déplace à vitesse constante. Par conséquent, à l’infini la vitesse du fluide est constante égale àU0∈RN, autrement dit, à l’infini le potentiel est asymptotiquement égal àU0·x. Sur le bord du profilP la vitesse normale du fluide est nulle (condition de non-pénétration), c’est-à-dire que la dérivée normale du potentiel φest nulle sur∂P. L’équation du modèle d’écoulement potentiel est donc

−∆φ= 0 dansΩ

lim|x|→+∞(φ(x)−U0·x) = 0 à l’infini

∂φ

∂n = 0 sur∂P,

(1.11)

oùndésigne la normale unité extérieure au domaine.

La force appliquée au profilP par l’écoulement est uniquement une force de pression (il n’y a pas de viscosité dans le modèle) qui vaut

F=−

∂P

p n ds (1.12)

où n est toujours la normale unité pointant à l’extérieur du domaine fluide (donc à l’intérieur du profil). La traînée est la composante de la force F dans la direction de la vitesse de l’écoulement à l’infini U0. La portance est la composante de la force F dans la direction orthogonale à la vitesse U0. Plus grande est la traînée, plus grande est la consommation en carburant de l’avion. Plus grande est la portance, plus facilement l’avion vole. Typiquement, on cherche un profil qui minimise la traînée avec une contrainte de portance minimale afin que l’avion puisse voler.

Malheureusement, le paradoxe de d’Alembert affirme que la traînée est toujours nulledans un écoulement potentiel autour d’un profil ! (De plus, le principe de Kutta-Joukowski relie linéairement (en dimensionN = 2) la por-tance à la circulation autour du profil.) On voit donc que le modèle d’écoule-ment potentiel est bien mal adapté à l’optimisation de la traînée ! Néanmoins, on peut contourner cette difficulté par une approche plus qualitative du choix du critère d’optimisation (voir [143]). Les “bons” profils d’aile ont une couche

limite visqueuse qui se détachent le plus en aval possible vers le bord de fuite.

Cette propriété peut être reliée qualitativement à une distribution idéale de pression sur le bord du profil (typiquement, on souhaite que la distribution de pression soit la plus uniforme ou plate possible sur l’extrados et sur l’intrados).

On considère donc un critère J(P) =

∂P

j(p)ds,

où la fonctionj est typiquement un critère de moindre carré pour obtenir une

“pression cible” sur le profil

j(p) =|p−pcible|2.

Rappelons que p = p012|∇φ|2 où φ est le potentiel solution de (1.11).

L’ensemble des formes admissiblesest simplement Uad=

P ⊂RN tel que P a un bord de fuite et une corde donnée . Comme précédemment, le problème d’optimisation de forme s’écrit

P∈Uinfad

J(P). (1.13)

Tel que nous l’avons présenté il s’agit clairement d’un problème d’optimisa-tion de forme géométrique. En général, la topologie du profil est fixée une fois pour toute... Il n’y a donc pas lieu d’appliquer ici une approche d’optimi-sation topologique.

Remarque 1.5.En pratique, on ne calcule pas l’écoulement dans tout l’espace, mais on introduit un “grand” domaine bornéDsur le bord duquel on suppose que l’écoulement est donné par la vitesse à l’infini, ce qui revient à imposer une condition aux limites de Neumann pour le potentiel. D’un point de vue numérique on remplace l’équation (1.11) par

⎪⎨

⎪⎩

−∆φ= 0 dansD\P

∂φ

∂n =U0·n sur∂D

∂φ

∂n = 0 sur∂P.

• Remarque 1.6.Le problème (1.13) d’optimisation aérodynamique est un exemple pour lequel l’approche discrète est plus efficace en pratique que l’ap-proche continue que nous suivons dans tout ce qui suit. En effet, les diffé-rentes formes admissibles de profils d’aile sont géométriquement très proches les unes des autres. Par conséquent les variations de la fonction objectif sont très faibles et peuvent être complètement dominées par les erreurs de dis-crétisation d’un gradient continu (cf. la discussion à ce sujet dans la Section 1.1). C’est pourquoi on préfère, en général, utiliser un gradient discret pour

résoudre numériquement (1.13). •

Il est intéressant sur cet exemple de voir comment la modélisation per-met de passer d’un problèmed’optimisation de forme géométriqueà un problèmed’optimisation de forme paramétriquesous une hypothèse sim-plificatrice. On suppose donc que le profilP est “mince” et on va se ramener ainsi à une approche paramétrique de l’optimisation de formes. En dimen-sion N = 2 (pour simplifier), considérons un profil mince P (c’est-à-dire de faible épaisseur par rapport à sa corde de longueurL) dont le bord supérieur (extrados) est défini par la courbe

y=f+(x) pour 0≤x≤L, et le bord inférieur (intrados) est défini par la courbe y=f(x) pour 0≤x≤L.

On suppose aussi que la vitesse à l’infini U0 est alignée dans la direction de l’axe des x. La condition aux limites de Neumann pour le potentiel sur le profil s’écrit

puisque le vecteur normalnest parallèle au vecteur de composantes(−dfdx±,1).

Si le profil est mince, alors en première approximation le profil est un segment aligné dans la direction de l’écoulement et la vitesse est uniformément égale à la vitesse infinie U0. On remplace donc la vitesse horizontale ∂φ∂x parU0dans (1.14) pour obtenir une condition aux limites approchée

∂φ

∂y =U0df± dx .

Si on note Σ la corde du profil, c’est-à-dire le segment [0, L], et Σ+ sa face supérieure,Σ sa face inférieure, on a donc simplifié (1.11) en

⎧ la variable d’optimisation est désormais l’équation de la cambrure du profil f±(x)qui n’intervient que comme un coefficient dans la condition aux limites sur le profil mince. On modifie le critère en

J(f±) =

et on obtient ainsi un problème d’optimisation paramétrique, beaucoup plus simple que le problème initial d’optimisation géométrique,

f±inf∈Uad

J(f±), avec

Uad=

f+(x) : [0, L]→R+

f(x) : [0, L]→R, tel que f+(0) =f+(L) = 0 f(0) =f(L) = 0

.

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