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Composites laminés séquentiels

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7.3 Matériaux composites

7.3.3 Composites laminés séquentiels

Nous introduisons une famille particulière de matériaux composites appelés laminés séquentiels. Commençons par généraliser le Lemme 7.9 sur la lamination simple au cas de deux phases éventuellement anisotropes, dont les propriétés (mécaniques ou de conductivité) sont représentées par deux matrices,Aet B, d’ordreN, définies positives (la rigidité ou bien la conduc-tivité n’est pas la même dans toutes les directions). Soit χ(y1) la fonction caractéristique de la phase A, définie par (7.30), et A le composite laminé (voir la Figure 7.3) obtenu par homogénéisation périodique de

A(y) =χ(y1)A+ (1−χ(y1))B.

Lemme 7.11.Le tenseur homogénéiséA est donné par la formule explicite, dite de lamination,

A=θA+ (1−θ)B−θ(1−θ) (A−B)e1⊗(A−B)te1

(1−θ)Ae1·e1+θBe1·e1

. (7.31)

Si on suppose de plus que (A−B)est inversible, alors la formule (7.31) est équivalente à

θ(A−B)1= (A−B)1+ (1−θ) Be1·e1

e1⊗e1. (7.32) Démonstration.Par la linéarité de la définition (7.16) deA, pourξ∈RN, on a

Aξ=

Y

A(y) (ξ+∇ywξ)dy, oùwξ est la solution de

−divy

A(y) (ξ+∇ywξ(y))

= 0dansY

y→wξ(y) Y-périodique. (7.33)

On poseu(y) =ξ·y+wξ(y)et on cherche u(y)qui soit affine dans chacune des phases, c’est-à-dire

u=χ(y1) (a·y+ca) + (1−χ(y1)) (b·y+cb)

yu=χ(y1)a+ (1−χ(y1))b A(y)∇yu=χ(y1)Aa+ (1−χ(y1))Bb,

oùca, cbsont deux constantes telles queusoit continu dansY. Afin d’éliminer les constantes, on prend deux pointsxetysur l’interface entre les deux phases et on soustrait la condition de continuité de part et d’autre de l’interface en xet eny pour obtenir

(a−b)·x= (a−b)·y.

Comme x−y peut être n’importe quel vecteur dans le plan de l’interface orthogonale à la directione1, on en déduit qu’il existet∈Rtel que

b−a=te1.

Pour que −divy(A(y)∇yu) = 0au sens faible dans Y, il suffit que la compo-sante normale deA(y)∇yusoit continue à travers l’interface (voir la Remarque 2.21). En effet,A(y)∇yuest constant dans chaque phase, et il n’y a donc qu’à vérifier la condition de saut à l’interface, i.e.,

Aa·e1=Bb·e1.

Comme b−a = te1, cette relation donne la valeur t = (ABeB)a·e1

1·e1 . Pour que wξ = u−ξ· y soit bien la solution de (7.33), il reste simplement à vérifier qu’elle est périodique, ce qui revient, dans le cas présent, à vérifier que la moyenne de son gradient est nulle,

Yywξdy= 0, ce qui nous donne la relation suivante liantaet b

Yyu dy=θa+ (1−θ)b=ξ.

On peut alors calculeraetb en fonction deξ et on trouve a=ξ−(1−θ) (A−B)ξ·e1

(1−θ)Ae1·e1+θBe1·e1e1. D’autre part, la définition deA entraîne que

Aξ=

Y

A(y)∇yu dy=θAa+ (1−θ)Bb, ce qui donne

Aξ=θAξ+ (1−θ)Bξ− θ(1−θ)(A−B)ξ·e1

(1−θ)Ae1·e1+θBe1·e1

(A−B)e1, qui est la formule désirée (7.31). La formule (7.32) s’obtient alors aisément grâce au fait que, siM est une matrice inversible, on a

M+c(M e)⊗(Mte)−1

=M−1− c

1 +c(M e·e)e⊗e.

Le matériau composite A donné par (7.31) est appelé laminé simple dans la directione1des phasesAetB en proportionsθet(1−θ). En variant la proportion et la direction on obtient une famille de matériaux composites.

Mais on peut agrandir encore plus cette famille en laminant entre eux ces laminés simples. Par exemple, si A1 et A2 sont deux laminés simples, on peut les laminer en proportionsτ,1−τ dans une directionepour obtenir un nouveau compositeAcaractérisée par l’analogue de (7.31)

A=τ A1+ (1−τ)A2−τ(1−τ)(A1−A2)e⊗(A1−A2)e

(1−τ)A1e·e+τ A2e·e . (7.34) En fait, la formule (7.34) peut être interprétée comme une règle de mélange pour des matériaux composites. En répétant ce procédé dans toutes les directions et en toutes proportions, on obtient un sous-ensembleLθdeGθ, constitué de matériaux laminés de façon réitérée.

Définition 7.12.Le sous-ensembleLθ⊂Gθde tous lesmatériaux laminés obtenu à partir des phases AetB en proportionsθ et(1−θ)est le plus petit sous-ensemble deGθqui contienne tous les laminés simples définis par (7.31), et qui est stable par lamination (c’est-à-dire par la formule de mélange (7.34)).

Unlaminé séquentielest un cas particulier de matériau laminé, obtenu par un procédé itératif de lamination où chaque laminé précédent est mélangé avec une seule phase pure (toujours la même au cours des itéra-tions). En utilisant la forme spéciale de (7.32) (qui ne donne pas directement la valeur deA, au contraire de (7.31)), on peut caractériser de manière expli-cite un laminé séquentiel. Soit (ei)1ip une collection de vecteurs unitaires et(θi)1ipdes proportions dans l’intervalle[0,1]. Un laminé simpleA1 deA et B, en proportionsθ1,(1−θ1), est défini par

θ1(A1−B)1= (A−B)1+ (1−θ1)e1⊗e1

Be1·e1.

Ce laminé simpleA1est laminé à nouveau avec la phaseB, dans la directione2

et en proportionsθ2,(1−θ2)respectivement, pour obtenir un nouveau laminé notéA2. Par récurrence on obtientApen laminantAp−1etBdans la direction Remarquons que nous laminons toujours les laminés intermédiaires avec la même phase B. En d’autres termes, la première phase A est entourée de couches successives de B. On peut ainsi dire queA joue le rôle de l’inclusion et B celui de la matrice. Globalement, Ap est un mélange de A et B en différentes couches à des échelles très séparées (voir la Figure 7.4).

Β = Α = e

e

1

2

Fig. 7.4.Un laminé séquentiel de rang 2 défini par (7.35).

Définition 7.13.Le matériau compositeAp, défini par la formule (7.35), est appelé un laminé séquentiel de rang p, de matrice B et d’inclusion A. Il est caractérisé par ses directions de lamination (ei)1ip et ses proportions (θi)1ip à chaque étape du procédé.

Dans la Définition 7.13 le mot “séquentiel” veut dire que ce type de laminé est construit itérativement en laminant toujours avec la même phase. Dans la formule (7.35) la fraction volumique totale de la phase Aest θ=p

i=1θi. Si cette fraction volumique totale est fixée, il est intéressant de voir quels laminés séquentiels de rangpon peut obtenir en variant les proportions(θi)1≤i≤p. Lemme 7.14.Soit(ei)1ip une collection de vecteurs unitaires. Soitθ une fraction volumique dans l’intervalle[0,1]. Pour toute famille de nombre réels (mi)1ip vérifiant

p

i=1

mi= 1etmi≥0, 1≤i≤p,

il existe un laminé séquentiel Ap de rang p, de matrice B et d’inclusion A, en proportions (1−θ) et θ, respectivement, et de directions de lamination (ei)1ip, tel que

θ

Ap−B1

= (A−B)1+ (1−θ)

p

i=1

mi

ei⊗ei

Bei·ei

. (7.36)

Les nombres(mi)1ip sont appelés paramètres de lamination.

Démonstration. En comparant les formules (7.35) et (7.36) on voit que (1−θ)mi= (1−θi)

i1

j=1

θj (7.37)

pour 1 ≤ i ≤ p. Si on connaît les paramètres (mi)1ip et la densité θ, (7.37) donne séquentiellement les proportions (θi)1ip dei= 1à p. Comme p

i=1mi= 1, on retrouve queθ=p

i=1θi. Réciproquement, si les proportions (θi)1ip sont connues, les paramètres (mi)1ip se calculent facilement à partir de (7.37) en définissant θ =p

i=1θi. Autrement dit, l’équation (7.37) définit une application bijective entre (θi)1≤i≤p et le couple (θ,(mi)1≤i≤p).

Bien sûr, on peut définir une classe de laminés séquentiels symétrique par rapport à la Définition 7.13 en inversant les rôles de Aet B, Adevenant la matrice etB l’inclusion. En effet, la formule (7.32) pour un laminé simple de Aet B en proportionsθet (1−θ)est équivalente à sa forme symétrique,

(1−θ) (A−A)−1= (B−A)−1+θe1⊗e1

Ae1·e1

. (7.38)

À partir de (7.38) on obtient une forme symétrique de (7.35) pour un laminé séquentiel de rangpde matriceAet d’inclusionB

⎛ Lemme 7.14 est aussi valable.

Lemme 7.15.Soit(ei)1ip une collection de vecteurs unitaires. Soitθ une fraction volumique dans l’intervalle[0,1]. Pour toute famille de nombre réels (mi)1ip vérifiant

p

i=1

mi= 1etmi≥0, 1≤i≤p,

il existe un laminé séquentiel Ap de rang p, de matrice A et d’inclusion B, en proportions θ et (1−θ), respectivement, et de directions de lamination (ei)1≤i≤p, tel que

La classe des laminés séquentiels est une famille très riche de matériaux composites, aux propriétés homogénéisées explicites et simplement paramé-trées. De plus, nous verrons que cette classe contient des composites optimaux (voir la Sous-section 7.3.5 pour cette notion) très utiles pour les applications.

Remarque 7.16.Il existe d’autres classes de matériaux composites aux pro-priétés explicites et qui peuvent être optimaux. Par exemple, la construc-tion des sphères concentriques ou des ellipsoïdes confocales, ou les inclusions périodiques de Vigdergauz (voir [2], [128]). Mais les laminés séquentiels forment la classe la plus simple à utiliser en pratique. • 7.3.4 Caractérisation variationnelle des coefficients homogénéisés

Le tenseur homogénéisé A est défini par (7.17) en fonction des solu-tions des problèmes de cellule. Lorsque le tenseur microscopiqueA(y)est une matrice symétrique (ce que nous supposons par la suite), on peut donner une autre caractérisation utile de A en fonction d’un principe variationnel standard. Notons tout d’abord que, si A(y) est symétrique, alors le tenseur homogénéisé A est aussi une matrice symétrique au vu de la formule (7.17).

Par conséquent, A est complètement déterminé par la connaissance de la forme quadratique associée Aξ·ξ oùξ est un vecteur quelconque. À partir de la définition (7.17) il n’est pas difficile de vérifier que

Aξ=

Y

A(y) (ξ+∇wξ)dy et Aξ·ξ=

Y

A(y) (ξ+∇wξ)·(ξ+∇wξ)dy,

oùwξ(y) =

N

i=1

ξiwi(y)est la solution de −div

A(y) (ξ+∇wξ(y))

= 0dansY

y→wξ(y) Y-périodique. (7.40)

Il est clair que (7.40) est l’équation d’Euler du principe variationnel suivant : trouver wξ qui minimise

Y

A(y) (ξ+∇w)·(ξ+∇w)dy

parmi tous les déplacements périodiques w. En d’autres termes, Aξ·ξ est donné par la minimisation de l’énergie (en formulation primale)

Aξ·ξ= min

wH#1(Y)/R

Y

A(y) (ξ+∇w)·(ξ+∇w)dy (7.41) oùH#1(Y)est l’espace de Sobolev des fonctions périodiques dansY.

On peut facilement déduire de ce principe variationnel des estimations ou bornes sur le tenseur A. En prenantw= 0 dans (7.41) on obtient laborne arithmétique

A

Y

A(y)dy (7.42)

au sens des formes quadratiques. Pour obtenir une borne inférieure (et non plus supérieure) on élargit l’espace de minimisation dans (7.41). En effet, comme

Y∇w dy= 0, si l’on remplace ∇w par un champ de vecteurζ(y) à moyenne nulle surY, on obtient une borne inférieure de (7.41), à savoir

Aξ·ξ≥ min Il est facile de calculer explicitement le minimum dans le membre de droite de (7.43) puisqu’il ne contient plus de dérivée. Le minimiseur ζξ(y) de ce problème convexe vérifie l’équation d’Euler suivante

A(y) (ξ+ζξ(y)) =λ

où λ∈R est un multiplicateur de Lagrange pour la contrainte

Y ζ dy = 0.

Comme ζξ(y) vérifie cette contrainte on en déduit la valeur deλ et celle du minimum qui donne laborne harmonique

A

Nous allons voir dans la sous-section suivante que l’on peut améliorer ces estimations.

7.3.5 Caractérisation de Gθ et principe d’Hashin-Shtrikman

L’ensembleGθ, introduit à la Définition 7.6, peut être caractérisé explici-tement en utilisant un principe variationnel dit de Hashin et Shtrikman [95].

Théorème 7.17.L’ensemble Gθ des tenseurs de tous les matériaux com-posites obtenus par mélange de α et β en proportions θ et (1−θ) est égal à l’ensemble de toutes les matrices symétriques A dont les valeurs propres λ1, ..., λN vérifient

De plus les bornes (7.46) et (7.47) sont optimales car atteintes par un choix adéquat de laminés séquentiels de rangN.

θ +

λ+θ

λθ

λθ

λ

λ

2

1

λ

Fig. 7.5. L’ensembleGθ pourN = 2.

Remarque 7.18.L’inégalité (7.46) est une borne inférieure pour A car elle l’empêche d’avoir des valeurs propres qui s’approchent (par dessus) deα. De même, l’inégalité (7.47) est une borne supérieure pour A car elle l’empêche d’avoir des valeurs propres qui s’approchent (par dessous) deβ. En dimension N = 2ces deux inégalités définissent les bords, inférieur et supérieur, de Gθ

dans la représentation de la Figure 7.5. •

Démonstration.Commençons par montrer que les inégalités (7.46) et (7.47) sont des égalités pour un certain choix optimal de laminé séquentiel d’ordre N. Suivant la formule du Lemme 7.14, on considère un laminé séquentiel d’ordreN avec des directions de lamination (ei)1≤i≤N qui forment une base orthonormée et des paramètres de lamination(mi)1iN vérifiantN

i=1mi= 1 etmi≥0pour 1≤i≤N. D’après (7.36) les valeurs propresλi deA sont données par

θ

λi−β = 1

α−β + (1−θ)mi

β . (7.48)

En sommant (7.48) on obtient exactement l’égalité dans la borne (7.47). L’éga-lité dans l’autre borne (7.46) s’obtient de la même manière à partir du Lemme 7.15.

Un calcul simple mais un peu fastidieux montre ensuite que toute matrice dont les valeurs propres vérifient les inégalités (7.45), (7.46), et (7.47) est un laminé simple de deux laminés séquentiels d’ordre N qui vérifient, l’un l’égalité dans la borne (7.46), et l’autre l’égalité dans (7.47) (voir [2] pour plus de détails). Par conséquent, l’ensemble de matrices défini par (7.45), (7.46), et (7.47) est inclus dansLθ et donc dansGθ.

Pour prouver la réciproque, c’est-à-dire que toute matriceA∈Gθvérifie (7.45), (7.46), et (7.47), nous allons utiliser le principe variationnel de Hashin et Shtrikman, qui permet d’obtenir des bornes ou des estimations

de l’énergie effective ou homogénéisée d’un matériau composite. Si A est le tenseur homogénéisé d’un matériau composite, et si ξ ∈RN est la valeur moyenne locale d’un champ de gradient (par exemple, gradient de température ou de potentiel électrique), l’énergie homogénéisée est la quantité Aξ·ξ.

Remarquons tout d’abord que les inégalités (7.45) sont de simples consé-quences des moyennes arithmétique (7.42) et harmonique (7.44). Pour obte-nir la borne inférieure (7.46), on écrit la formule (7.41) qui donne le tenseur homogénéisé (symétrique) A avec χ(y) une fonction caractéristique de moyenne

Yχ(y)dy = θ. À cause des conditions aux limites de périodicité on voudrait utiliser l’analyse en série de Fourier pour évaluer A. Malheureusement, il y a des termes trilinéaires en y qui ne vont pas pouvoir être calculés simplement (par application du théorème de Plancherel). Par conséquent, nous allons d’abord simplifier cette formule en faisant un certain nombre d’hypothèses.

On soustrait à(χα+ (1−χ)β)lematériau de référenceα

Nous allons maintenant utiliser la dualité convexe (ou transformée de Legendre) dans un cas très simple : pour toute matrice M symétrique définie positive, et pour toutζ∈RN, on a

M ζ·ζ= max

ηRN

2ζ·η−M1η·η .

Commeβ−α >0, on peut appliquer cette formule, point par point dansY, au premier terme dans le membre de droite de (7.49), et il vient

qui devient une inégalité si on restreint la maximisation à des vecteurs η constants dansY

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