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Calcul du gradient continu

Dans le document MATH ´ EMATIQUES (Page 101-106)

5.2 Théories d’existence

5.3.1 Calcul du gradient continu

Rappelons que la fonction objectif J(h), dont nous voulons calculer la dérivée, n’est pas définie explicitement comme une fonction de l’épaisseur h mais implicitement, comme une fonction de l’état u qui lui-même dépend de h (voir la formule (5.3)). Par conséquent, nous allons utiliser une règle de dérivation composée et commencer par calculer la dérivée de l’étatu. On peut définir cette dérivée sur un ensemble beaucoup plus grand que l’ensemble admissible Uad. C’est pourquoi, on introduit l’espace

U ={h∈L(Ω), ∃h1>0tel que h(x)≥h1 dansΩ}. (5.25) Soit f ∈ L2(Ω). On définit l’application h→ u(h) qui à h∈ U fait corres-pondre la solution u(h)∈H01(Ω)de

−div (h∇u(h)) =f dansΩ

u(h) = 0 sur∂Ω. (5.26)

On sait déjà, par le Lemme 5.3, que cette application est continue.

Lemme 5.15.L’application h → u(h) est différentiable sur U et la dérivée directionnelle en h∈ U dans la direction k∈L(Ω)est donnée par

u(h), k=v, oùv est l’unique solution dans H01(Ω)de

−div (h∇v) = div (k∇u) dansΩ

v= 0 sur ∂Ω. (5.27)

Démonstration. Commençons par calculer formellement la dérivée direc-tionnelle de u(h). Soit h∈ U et une direction k ∈L(Ω). Pour tout t >0 suffisamment petit, l’épaisseurh(t) =h+tkappartient àU. On peut donc défi-niru(t) =ˆ u(h(t)), solution de (5.26) pourh=h(t). On dérive alors l’équation (5.26) par rapport àt

−div (h(t)∇uˆ(t)) = div (h(t)∇u(t))ˆ dansΩ ˆ

u(t) = 0 sur∂Ω,

ce qui, pourt= 0, donne bien (5.27) carh(0) =ket uˆ(0) =u(h), k=v.

Ce calcul n’est que formel car il présuppose la dérivabilité deu(t)ˆ et il ignore que les solutions de (5.26) sont définies au sens variationnel. Justifions le donc proprement en montrant que l’applicationh→u(h)est différentiable au sens de Fréchet. Tout d’abord, la solution v de (5.27) existe et est unique dans H01(Ω) grâce au Théorème de Lax-Milgram 2.14 appliqué à la formulation variationnelle

h∇v· ∇φ dx=−

k∇u· ∇φ dx ∀φ∈H01(Ω). (5.28) On combine alors (5.28) avec la formulation variationnelle suivante pouru(t)ˆ

h(t)∇u(t)ˆ · ∇φ dx=

f φ dx ∀φ∈H01(Ω),

et en remarquant queu(1) =ˆ u(h+k)etu(0) =ˆ u(h), on obtient par différence

h∇(u(h+k)−u(h)−v)· ∇φ dx=−

k∇(u(h+k)−u(h))· ∇φ dx.

En prenantφ=u(h+k)−u(h)−v on en déduit l’estimation

∇(u(h+k)−u(h)−v)L2(Ω)N ≤CkL(Ω)∇(u(h+k)−u(h))L2(Ω)N. (5.29) Or l’inégalité (5.6) du Lemme 5.3 affirme que

∇(u(h+k)−u(h))L2(Ω)N ≤CkL(Ω), ce qui entraîne avec (5.29)

u(h+k) =u(h) +v+o(k) avec lim

k0

o(k)H10(Ω)

kL(Ω)

= 0,

c’est-à-dire la différentiabilité au sens de Fréchet car, au vu de (5.28), l’appli-cationk→vest linéaire continue de L(Ω)dansH01(Ω). ⊓⊔

Remarque 5.16.Dans la démonstration ci-dessus, on a pris un luxe de précau-tions en justifiant (par passage à la formulation variationnelle) la dérivation formelle de l’équation, ce qui peut paraître exagéré et inutile en pratique.

Cependant, nous verrons plus loin que dans des situations plus compliquées on peut facilement faire des erreurs dans la dérivation formelle et que seule la dérivation de la formulation variationnelle permet de trouver, à coup sûr, le “bon” résultat. On voit aussi que la différentiabilité au sens de Fréchet est un peu plus compliquée à établir que la dérivabilité directionnelle (qui suffit

pour les applications pratiques). •

Lemme 5.17.Pour h∈ U, soitu(h)la solution dans H01(Ω)de (5.26) et J(h) =

j u(h)

dx,

oùj est une fonction de classeC1 deRdans Rtelle que |j(u)| ≤ C(u2+ 1) et|j(u)| ≤C(|u|+ 1) pour toutu∈R. L’applicationJ(h), deU dans R, est différentiable et la dérivée directionnelle en h dans la direction k ∈ L(Ω) est donnée par

J(h), k=

j u(h)

v dx, (5.30)

oùv=u(h), kest l’unique solution dansH01(Ω)de (5.27).

Démonstration. Formellement, la formule (5.30) s’obtient par simple com-position des dérivations. Pour la justifier il n’y a qu’à vérifier que tous les termes ont bien un sens. Tout d’abord, l’hypothèse|j(u)| ≤C(u2+ 1)montre que l’intégrale

j u(h)

dxest bien définie puisqueu(h)∈H01(Ω)⊂L2(Ω).

Enfin, l’autre hypothèse |j(u)| ≤ C(|u|+ 1) montre que j u(h)

∈L2(Ω), et comme v ∈ H01(Ω) ⊂L2(Ω), la définition (5.30) de J(h) a bien un sens puisque l’intégrale de droite est finie. ⊓⊔

Remarque 5.18.La formule (5.30) est inexploitable en pratique, car on ne peut pas en déduire une expression simple de J(h). En effet, v est une fonction linéaire de k non explicite ! Autrement dit, pour chaque incrément ou direction de dérivationkil faut calculer la solutionv de (5.27). Quand on discrétise, c’est-à-dire si on remplace U par un sous-espace Un de dimension finie n, il faut calculer n solutions de (5.27) pour avoir toutes les compo-santes du gradient dans cette base : c’est, bien sûr, beaucoup trop coûteux en

pratique. •

Comme on l’a appris de la théorie du contrôle optimal au Chapitre 4, pour obtenir une formule pratique de la dérivéeJ(h), on introduit unétat adjoint pdéfini comme l’unique solution dansH01(Ω)de

−div (h∇p) =−j(u) dansΩ

p= 0 sur∂Ω. (5.31)

Théorème 5.19.Le gradient de la fonction coût J(h)est

J(h) =∇u· ∇p. (5.32)

Sih∈ Uadest un minimum local deJ surUad, il vérifie la condition nécessaire d’optimalité

∇u· ∇p(k−h)dx≥0 (5.33) pour toutk∈ Uad.

Démonstration.Pour rendre expliciteJ(h)à partir de la formule (5.30), il faut éliminerv =u(h), k. On utilise l’état adjoint pour cela : on multiplie (5.27) parpet (5.31) par vet on intègre par parties

Par comparaison de ces deux égalités on en déduit que

J(h), k= on en déduit la formule (5.32).

Pour obtenir la condition d’optimalité (5.33), il suffit alors d’appliquer le Théorème 3.19 puisqueUad est un fermé convexe non vide deL(Ω). ⊓⊔ Remarque 5.20.Pour trouver l’équation satisfaite par l’état adjoint, la “recet-te” est toujours la même (voir la Définition 4.10). On introduit un multiplica-teur de Lagrange pour la contrainte (5.26), reliant u=u(h)à h, qui est une fonctionp∈H01(Ω)(voir la Remarque 3.24). On définit donc le Lagrangien

L(ˆh,u,ˆ p) =ˆ intégration par parties (i.e. en faisant apparaître la formulation variationnelle de (5.26)) on a aussi

qui, lorsqu’elle s’annule, n’est rien d’autre que la formulation variationnelle de l’équation adjointe (5.31). De même, la dérivé partielle de L par rapport à p donne “par définition” la formulation variationnelle de l’équation d’état.

Enfin, la dérivée partielle deLpar rapport àhest tout simplementJ(h). En effet, pour toutpˆ∈H01(Ω), on a

L(h, u,p) =ˆ J(h)

puisque u vérifie la formulation variationnelle de l’équation d’état (5.26).

Commeudépend de h, mais pasp, en dérivant cette relation et en utilisantˆ le théorème des dérivées composées, il vient

J(h), k=∂L

∂h(h, u,p), kˆ +∂L

∂u(h, u,p),ˆ ∂u

∂h(k).

En prenant alorspˆ=psolution de l’équation adjointe (5.31), le dernier terme s’annule et on obtient

J(h), k=∂L

∂h(h, u, p), k=

k∇p· ∇u dx.

• Remarque 5.21 (Interprétation physique de l’état adjoint). On vient de voir que l’état adjointpest le multiplicateur de Lagrange pour la contrainte qu’est l’équation d’état dans la définition (5.34) du Lagrangien. On peut chercher une interprétation mécanique plus parlante de l’état adjoint au point de minimum, interprétation qui dépend du problème considéré comme on l’a dit à la Remarque 4.14. Dans le cadre qui nous intéresse ici (optimisation de l’épaisseur d’une membrane), l’état adjoint s’interprète comme lasensibilité de la valeur minimum du coût par rapport à la force f. En effet, supposons que le minimum soit atteint (ce qui est le cas au moins pour l’exemple de la compliance, voir la Section 5.4) et que nous ayons le droit de dériver comme nous allons le faire (ce qui est vrai si le point de minimum est unique). Pour une force f donnée, on définit la valeur minimum

m(f) =J(h) = min

h∈Uad

J(h) =

j(u)dx

où u ≡ u(h) est la solution de (5.26). On note h l’épaisseur optimale et u≡u(h)l’état correspondant. On calcule la dérivée de la valeur m(f)par rapport àf dans la directionθ

m(f), θ=

m(f)θ dx=

j(u)w dx

où l’on a noté w = (u)(f), θ la dérivée de u par rapport à f dans la direction θ. On note aussi d = (h)(f), θ la dérivée de h par rapport à f dans la direction θ. L’équation satisfaite par w et d s’obtient en dérivant (5.26) par rapport àf

−div (h∇w)−div (d∇u) =θ dansΩ

w= 0 sur∂Ω. (5.35)

On multiplie l’équation (5.35) parpet l’équation adjointe (5.31) parwet par comparaison on en déduit

j(u)w dx=

θ p dx−

d∇u· ∇p dx. (5.36) Or, en prenant k égale à l’épaisseur optimale pour la force f +tθ dans la condition d’optimalité (5.33), en divisant part >0 et en faisant tendretvers 0, la condition d’optimalité de l’épaisseurh donne

d∇u· ∇p dx≥0. (5.37)

Si on changeθen−θ, le même raisonnement conduit encore à l’inégalité (5.37) mais avec la dérivée opposée,−d, de l’épaisseur. Par conséquent, (5.37) est en fait une égalité ! On peut donc éliminer la dernière intégrale dans (5.36) qui est nulle. On a donc démontré que

p=m(f),

c’est-à-dire quepest la sensibilité (ou la dérivée) de la valeur minimum de la fonction objectif par rapport à des variations de la forcef. Autrement dit, là où la fonctionp(x)est grande en valeur absolue, une variation locale def(x) donnera une grande variation du minimum (le contraire sip(x)est petit). On peut donc ainsi vérifier la stabilité de l’optimum à des petites fluctuations des

forces appliquées. •

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