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5. GENRE ET NATION DANS LE CONTEXTE DE MIGRATION

5.3. P AYS D ‟ IMMIGRATION / PAYS D ‟ EMIGRATION : LIMITES ET FRONTIERES DE

5.3.5. Une opposition de « races »

A travers la description dichotomique entre Monde Ancien civilisé, développé, travailleur et propre et Monde Nouveau barbare, paresseux et sale, à travers la confrontation entre un sujet observateur issu du premier et un objet observé relevant du second, c‟est bien le concept de « races » qui émerge du discours de l‟émigration. De manière générale, le discours que tiennent les Allemands sur les Chiliens est similaire à celui que tiennent ces mêmes Chiliens sur leurs propres autochtones. Le discours chilien des races produit clairement une dépréciation culturelle et biologique des natifs et métis, ce qui se traduit dans la différence d‟accès à la citoyenneté. Au niveau politique circule un discours à l‟objectif clair et généralisé d‟« européanisation de la société chilienne »3

. Poeppig note, au début des années 1830, cette réalité au sein des couches sociales aisées chiliennes :

« La forte influence que la civilisation européenne exerce sur les hautes classes sociales du Chili est très visible à notre époque, notamment quant aux relations sociales. […] Seul le Chileno des couches inférieures reste fidèle à ses coutumes nationales », note t-il4.

C. Ruiz montre ainsi qu‟une idée commune considère ainsi le Chili comme l‟un des pays d‟Amérique latine les plus « blanchis », biologiquement et culturellement5

. Ainsi, pour la classe politique de l‟époque, le projet d‟immigration européenne répond à des préoccupations d‟ordre économique mais contient également une dimension ethnique et raciale. Dans les discours de l‟époque comme dans l‟historiographie moderne chilienne, l‟immigration est sans cesse valorisée comme un processus-clé de la seconde moitié du XIXe siècle, alors qu‟elle n‟en est pas une caractéristique exclusive. En outre, par immigration s‟entend un certain type d‟immigration, à savoir européenne. En Amérique latine en général, les indigènes, les noirs et les immigrés asiatiques sont classés dans les « races inférieures » tandis que l‟européen jouit d‟un statut « supérieur », ce qu‟illustre l‟idéologie brésilienne du « blanchiment » d‟une population marquée par le passé esclavagiste. En conséquence, se formule automatiquement l‟exclusion des immigrants de tous les autres continents. Dès les années 1840, les immigrés chinois, qui se trouvaient déjà au Nord du Pérou et envisageaient de s‟installer au Chili, sont rejetés. Parallèlement, de ce projet est également exclu l‟indien, considéré comme barbare et donc incapable de mettre en valeur ces territoires. Après la conquête de la Frontera, de 1860 à 1884, les indiens sont presque anéantis et les

1 Lettres du 2.06.1855, 24.03.1856, 24.04.1857 et 16.04.1858 dans I . Schwarzenberg (éd.), Dokumente, Op.

Cit., VI, p. 34, 58, 77, 95.

2 Lettre du 10.11.1857 dans Ibid., p. 88. 3 J. Ojeda-Ebert, Op. Cit., pp. 4 et 31. 4

E. Poeppig, Op. Cit., tome 1, p. 75 : « Sehr sichtbar ist in unsern Zeiten der grosse Einfluss, welchen die europäische Civilisation auf den geselligen Umgang unter den höhern Classen Chiles hat. […] Nur der Chileno des geringeren Standes ist seinen Nationalsitten treu geblieben »

5 C. Ruiz Rodriguez, “El mestizaje en Chile. Aspectos ideologicos” dans M. Vovelle (et al.), Historia de las

survivants relégués dans des réserves. Patricio Bernedo conclut que le projet d‟immigration chilien fut donc marqué par une double discrimination : contre les non-Européens, et contre les Mapuches1.

Le processus d‟immigration est donc bien un processus de sélection fondé sur des critères et préjugés raciaux qui définissent l‟Européen et en particulier l‟Allemand, comme « travailleur », « honnête », « économe ». Ignacio Domeyko, partisan de l‟immigration au Chili, affirme en 1850 que :

« L‟objectif principal de la colonisation au Chili à travers l‟immigration étrangère, ne peut pas être l‟augmentation de la population, mais l‟éducation pratique, la moralisation du peuple, l‟introduction chez les travailleurs de l‟ordre domestique, de l‟esprit d‟épargne, de l‟amour du travail, des méthodes pratiques en agriculture, adéquates au tempérament et au sol des provinces du Sud. Enfin, l‟inoculation de l‟activité propre aux peuples septentrionaux de l‟Europe, avec la certitude des avantages qui résultent du croisement des races »2.

Le « croisement des races » est abondamment invoqué dans la légitimation de l‟immigration allemande, comme l‟expriment ces lignes d‟un ouvrage écrit en 1920 et dédié « aux chiliens descendants d‟Allemands […] comme témoignage pratique de consolation en ces temps de peine et d‟affliction pour eux »3

:

« Le sang hispano-chilien qui coule dans leur veine et leur donne une capacité de compréhension rapide, de vivacité, se trouve amélioré par le sang allemand de leurs ancêtres qui a modéré cette vivacité, l‟a disciplinée, qui à la vive intelligence a ajouté le méthodisme sévère et la volonté énergique avec laquelle l‟allemand surpasse et parfois avantage la conception rapide de la race hispano-américaine. C‟est là la raison de leurs succès, en sciences comme en art, en agriculture comme en commerce, en industrie comme en université. […] Jusqu‟à la race aborigène, criminellement négligée et abrutie par l‟élément national, les pauvres Araucans qui vivaient avilis par l‟alcool […] ont été évangélisés par des missionnaires allemands qui se sont imposés le pénible devoir de vivre avec eux, étudier leur langue et conquérir leurs âmes pour Dieu et leur intelligence pour la civilisation et la culture »4.

1 P. Bernedo, Bürgertum und Moderniesierungansätze, Op. Cit., p. 67.

2 Domeyko est surtout connu comme le géologue d‟origine polonaise qui contribua au développement de l‟exploitation minière au Chili. Cf. Ignacio Domeyko, Memoria sobre la colonizacion de Chile, Santiago, Impr. Julio Belén y Ca., 1850, p. 5: “el objeto, pues, principal de la colonizaciñn en Chile, mediante la inmigración extranjera, no puede ser el aumento numérico de la población, sino la educación práctica, la moralización del pueblo, la introducción entre la gente trabajadora del orden domestico, del espíritu de economía, del amor al trabajo, de los métodos prácticos en la agricultura, adecuados al temperamento y el suelo de las provincias del sur: en fin, la inoculación de aquella actividad propia de los pueblos septentrionales de Europa y el asegurar las ventajas que resultan del cruzamiento de las razas”.

3

Les auteurs se réfèrent à la perte de la première guerre mondiale et aux difficultés économiques que connaît alors l‟Allemagne. Cf. Diego Arranda (et al.) Op. Cit., p. VIII : “A los chilenos descendientes de alemanas, ofrendamos esta obra, como práctico testimonio de consuelo en estos tiempos para ellos de pena y aflicciñn”. 4 Ibid., p. 3-5 : “La sangre hispano-chilena que llevan en sus venas y que los hace de comprensión rápida, de su vivacidad, hallase mejorada por la sangre alemana de sus progenitores que ha templado esa vivacidad, que le ha disciplinado, que a la despierta inteligencia ha añadido el severo metodismo y la enérgica voluntad con que el alemán supera, y a veces aventaja, a la rápida concepción de la raza hispano-americana. He ahí la razón de sus triunfos, así en la ciencia como en el arte, en la agricultura como en el comercio, en la industria como en la cátedra […] Hasta la raza aborigen, criminalmente desatendida y embrutecida por el elemento nacional, los pobres araucanos que vivìan envilecidos por el alcohol […] han sido evangélicamente atendidos

Edward Saïd repère, au sujet du discours orientaliste, un « éternel retour de certaines figures rhétoriques », de clichés sur les « mentalités », de « l‟idée de la „civilisation‟ qu‟on apporte à des peuples primitifs ou barbares » qui se vérifie dans la représentation des Chiliens1. Au Chili s‟élabore aussi le mythe du colon allemand « civilisateur », « instructeur », « éducateur » de l‟ « élément national », qui apparaît de la pire espèce et doit être « vacciné » de ses vices à travers l‟acculturation. L‟Allemand est un « manuel vivant de labeur, d‟esprit domestique et d‟hygiène pratique » selon Benjamin Vicuña2. La même idée surgit chez Marcial Gonzalez :

« Comment augmenter la population masculine, intelligente, sobre, éduquée, travailleuse et morale dont nous avons tant besoin ? Par un seul moyen uniquement : en la faisant venir de l‟extérieur, avec son industrie et civilisation, avec ses habitudes de moralité et d‟ordre, avec ses fabriques, ses machines, ses capitaux et surtout, avec son esprit de labeur, qui aura plus d‟influence sur l‟amélioration de nos peuples que les conseils de tous les libres et les leçons de milliers de maîtres. Une bonne émigration, une colonie de gens travailleurs et habiles, serait l‟exemple le plus éloquent, le modèle le plus parfait que l‟on pourrait proposer comme imitation à nos rotos gauches et paresseux »3.

Ainsi, la politique d‟immigration chilienne avait nettement pour objectif l‟amélioration culturelle, morale et raciale de la Nation4. En ce sens, le discours sur l‟émigration du lieu d‟émigration et le discours sur l‟immigration du lieu d‟immigration concordent donc parfaitement. Ces voix qui proviennent des deux côtés de l‟océan produisent une généalogie de l‟ « élément allemand » au Chili, qui trouve sa représentation dans la littérature spécialisée dans l‟idée d‟un Deutschtum chilien. L‟émigration allemande au Chili devient ainsi le résultat d‟un processus naturellement déterminé et historiquement inévitable, dans une histoire linéaire, orientée vers le développement et le progrès. D‟anciennes publications comme Helden der Arbeit de Kurt Bauer ou l‟ouvrage commémoratif de la Société scientifique allemande de Santiago, Die deutsche Arbeit in Chile témoignent d‟une constante narrative fondamentale : colonisation, civilisation, travail. L‟arrivée des Allemands au Chili est toujours associée à l‟idée de progrès, que ce soit à Valdivia,

por misioneros alemanes que se impusieron el penoso deber de convivir con ellos, estudiar su lengua y conquistar sus almas para Dios y su inteligencia para la civilizaciñn y cultura”.

1 E.Saïd, Op. Cit, p. 11.

2 B. Vicuña Mackenna, Op. Cit., p. 13 : “cartilla viva de laboriosidad, de espìritu domestico, de higiene practica”.

3 M. Gonzalez, La Europa i la América, o, La emigración europea, en sus relaciones con el

engrandecimiento de las repúblicas americanas, Santiago de Chile, Imp. del Progreso, 1848, p. 41 :

« ¿Como aumentar la población viril, intelijente, sóbria, educada, laboriosa y moral de que tanto necesitamos? Por une medio solamente – haciéndola venir de fuera, con su industria y civilización, con sus hábitos de moralidad y de orden, con sus fabricas, sus artefactos, sus capitales, y sobretodo, con su espíritu de laboriosidad, que tendrá mas influjo en la mejora de nuestros pueblos que los consejos de todos los libros y las lecciones de millares de maestros; una buena emigración, una colonia de gentes laboriosas y hábiles, seria el ejemplo mas elocuente, el modelo mas perfecto que pudiéramos presentar a la imitación de nuestros inhábiles y perezoso rotos”.

4 Le nationalisme chilien émerge au début du XXe siècle, entraînant un changement d‟image du colon étranger, ce qu‟illustrent les publications de Tancredo Pinochet Le Brun, La conquista de Chile en el siglo

XX, Santiago de Chile, Imprenta, Litografìa y Encuadernaciñn “La Ilustraciñn”, 1909 ou de Nicolás Palacios, Raza chilena; libro escrito por une chileno y para los chilenos, Imprenta y Litografía alemana de Augusto

Schäfer, 1904. Le soutien officiel à l‟immigration finit par se suspendre, parallèlement à des mesures législatives qui promeuvent le nationalisme économique. Cf.: R. Coyoumdjian, A. Rebolledo, Op. Cit., p. 122.

dans la région des lacs, à Valparaiso, à Santiago ou dans le grand Nord minier, non seulement dans les ouvrages germano-chiliens mais également chiliens, anciens comme actuels. A Valdivia, la colonisation allemande est associée au renouveau et à l‟âge d‟or d‟une ville alors en crise dans la première moitié du XIXe1. Le voyageur José Alonso décrit en 1900 un processus de modernisation capitaliste mené dans toute la région australe et à Valdivia par l‟Etat et l‟élite germano-chilienne :

« Partout dans la ville se constate ce bien-être, cette aisance propre aux peuples dont les entreprises prospèrent grâce au travail quotidien, patient et à la vertu des anciens ; Travail, épargne, foi, c‟est là le secret de la prospérité de Valdivia, c‟est là le secret de la force d‟expansion de la civilisation allemande »2

.

Ces quelques lignes résument la teneur du discours colonialiste et en particulier du discours sur l‟immigration allemande, où sont mis en avant les « caractéristiques nationales de l‟émigré allemand » : l‟épargne, le zèle, l‟honnêteté. Adelheid Kindermann raconte les changements induits par l‟arrivée des Allemands, tant dans l‟architecture que dans la mode des Chiliens eux-mêmes3

: « Ce que les Allemands ont apporté comme changement à Valdivia, depuis que nous sommes arrivés, et maintenant, est indescriptible. En un an se sont érigées trois maisons de deux étages, sans compter celles d‟un étage, qui sont déjà habitées par des Allemands. Il y a trois ans, les dames chiliennes sont allées au bal sans bas et seulement en botte ; maintenant elles portent tous des chapeaux à la mode »4.

En même temps, les caractéristiques qui sont prêtées aux Allemands les empêchent de s‟intégrer, de se « chiléniser », puisque c‟est justement pour ces caractéristiques différentes que le gouvernement chilien a favorisé leur immigration. Les contacts immédiats avec les Chiliens sont faits de méfiance instinctive, d‟hostilité, et les préjugés règnent. Au lac Llanquihue, la distance culturelle et sociale et importante. Il n‟y a qu‟à Valdivia où s'opère un brassage entre les couches les plus aisées des deux groupes ethniques5. Dès, 1858, les intendants de Puerto Montt s'inquiètent de la « séparation des races » autour du lac, tout en soulignant la réussite de la colonisation. En 1881, au cours de débats à la chambre des députés précédant la création de l‟Agence pour la colonisation en Europe, les doutes surgissent quant à la capacité d‟intégration des Allemands. Les Espagnols, et en particulier les Basques, apparaissent comme une bonne alternative, pouvant s‟assimiler plus facilement, tandis que les Allemands « forment une espèce de peuple à part ». La même année, un mémoire du ministère des Affaires étrangères révèle que « voilà 25 ou 30 ans que

1

Sur Valdivia, voir P. Bernedo, Bürgertum und Moderniesierungansätz, Op. Cit.; R. Araya, Op. Cit. ; J.-P. Blancpain, Les Allemands au Chili, Op. Cit., pp. 44-69 et 366-448.

2 J. Alfonso, Un viaje a Valdivia, Op. Cit., p. 17 : “Por todas partes en la ciudad se nota ese bienestar, esa holgura propia de los pueblos en que las industrias florecen al amparo de la diaria, paciente labor y de la honradez de procederes. Trabajo, economía, buena fe, he ahí el secreto de la prosperidad de Valdivia, he ahí el secreto de la fuerza expansiva de la civilizaciñn alemana”

3 Lettre du 18.02.1853 dans G. Schwarzenberg (éd.), Geschichtliche Monatsblätter, Op. Cit., XII, p. 40. 4 Lettre du 23.02.1853 dans Ibid., p. 50 : “Was die Deutschen für eine Umwandlung hier in Valdivia hervorgebracht haben, seitdem wir angekommen sind, und jetzt, ist nicht zu beschreiben. In einem Jahr sind drei 2stöckige Häuser in Bau begriffen ohne die Einstöckigen, die jetzt schon von Deutschen bewohnt werden. Vor drei Jahren sind die Chilenischen Damen noch ohne Strüpfe blos in Schnürstiefel zum Ball gegangen; jetzt tragen sie schon alle Hüthe nach der Mode aufgeputzt“.

5

[l‟Allemand] s‟est établit au sud, et jamais il n‟est parvenu à s‟assimiler à la race naturelle de notre pays »1.

L‟opposition de « races » qui se dessine dans les textes des immigrées fonctionne particulièrement bien autour du thème du travail. Le rapport au travail leur permet de tracer la limite des deux « communautés imaginées ». Sophie von Bischhoffshausen écrit ainsi:

« Tout le monde va sans soulier, et sans occupation, l‟homme ne travaille que quand il n‟a plus de centapo dans la poche, mais la femme ne travaille jamais, on la voit plantée là ou assise devant la porte de sa maison, et on laisse les petits sous la surveillance des grands »2. Sophie est ici empreinte d‟un discours occidental sur le travail et dans cette construction identitaire, l‟opposition zélé/fainéant est fondamentale. « Les gens ici sont très fainéants. On travaille peu la terre, alors il y a peu de fruits et légumes ; nous n‟avons pas encore mangé de haricots, de concombre, de salade ou d‟autres légumes » constate également Pauline Metzdorf3

. « Si seulement nous avions quelques pauvres gens d‟Allemagne ici qui pourraient nous servir, les Chiliens sont bien trop fainéants ! » s‟exclame encore Sophie. 4 Le moment des récoltes est un repère fondamental dans cette comparaison constante, parce que c‟est là qu‟apparaissent les fruits du travail :

« Cette année nos cultures sont redevenues si bonnes que, à moins qu‟un malheur particulier ne vienne, nous ferons une merveilleuse récolte, tandis que les Chiliens ne récolteront que peu encore, voire rien, et ainsi les produits se maintiendront à un bon prix, ce qui est très bon pour nous, ainsi nous reviendrons plus vite »5.

L‟opposition entre l‟Allemand émigré travailleur et l‟autochtone chilien paresseux devient si courante qu‟elle se transforme en un stéréotype, en « stratégie discursive » fondamentale dans le positionnement des épistolières6.

Surtout, la comparaison avec les Chiliennes est fondamentale dans la définition de l‟identité culturelle et sexuelle des émigrées. Au moment où elle met au monde sa fille, Sophie von Bischhoffshausen raconte sa détresse : « il n‟y a pas de sage-femme ici, à part des Chiliennes dont

1 Cités dans P. S. Martínez, « La inmigración en Chile: el caso de los colonos vascos (1882-1883)» dans

Historia 22/1987, Santiago, Pontificia Universidad Católica de Chile, pp. 287-311 : “Forman una especie de

pueblo aparte”, “Despuès de 25 o 30 aðos que se halla establecida en el sur, jamás ha llegado a asimilarse a la raza natural de nuestro paìs”.

2 Lettre du 27.10.1854 dans I . Schwarzenberg (éd.), Dokumente, Op. Cit., VI, p. 10 : „Ohne Schuh geht alles, und ohne Beschäftigung, der Mann arbeitet nur wenn er keine Centapo (eine kleine Münze) in der Tasche hat, die Frau aber niemals, die wir da sahen lagen oder sassen vor ihrer Hausth£ur, und liessen die kleinen Kinder von den grossen warten“. [centavo en réalité]

3 Lettre du 10.05.1851 dans G. Böhm (éd.), Dokumente, Op. Cit., V, p. 27 :

4 Lettre (sans date) de 1856 dans I . Schwarzenberg (éd.), Dokumente, Op. Cit., VI, p. 60 :

5 Lettre du 10.11.1857 dans Ibid., p. 88 : „Dieses Jahr steht unsere Frucht wieder so brillant, dass wenn nicht ein besonderer Unglücksfall kommt, wir eine herrliche Ernte thun, wärhend wieder die Chilenen wenig und ach gar nicht‟s ernten, so wird denn die Frucht einen guten Preis behalten was wieder sehr gut für uns ist, dann kommen wir noch früher zurück“. L‟allusion au retour en Allemagne, comme visite temporaire, est fréquente chez Sophie comme chez les autres émigrées. Dans la majorité des cas, il ne se réalise jamais. 6

l‟art me provoque un tel dégoût que je préférerais mourir plutôt que de me livrer à elles »1 . Concernant les travaux ménagers, notamment la lessive pour laquelle il vaut mieux ne « pas avoir besoin des Chiliennes », elles sont tout aussi incapables2. La différenciation au sujet du travail est de ce point de vue intéressante, et en particulier pour ce qui se rapporte aux activités féminines. Les Chiliennes ne correspondent pas du tout au modèle de la femme au foyer efficace et indépendante auquel s‟identifient les Allemandes et la comparaison implicite leur sert aussi à se mettre en valeur. Les Chiliennes sont décrites comme inactives, dépendantes et fonctionnent finalement comme un contre-modèle sur lequel se construit l‟identité des femmes Allemandes. « Les Chiliennes sont encore plus fainéantes que les hommes et considèrent que c‟est une insulte de servir, c‟est donc difficile de trouver une bonne, autrement je m‟en serai trouvée déjà une »3. La contradiction est exemplaire dans ce passage : cette « fainéantise » générale trouve déjà sa place dans le récit avant même qu‟une servante chilienne ne soit réellement arrivée, mais déjà sa qualité de « fainéante » la définit. Or, Sophie révèle justement que les Chiliennes refusent de servir… comment pourrait-elle donc juger leur travail si elle n‟a jamais pu engager une Chilienne ? Cette présence/absence du fainéant agit finalement presque comme un garde-fou, un rappel constant de leur devoir.

Cependant, à mesure que la rédactrice vit dans le pays, le discours se transforme, et les

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