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OPPORTUNITES  Sortir du cadre légal

MENACES

 Et si les dirigeants n’étaient plus en capacité de négocier ?

Les points forts

- Un dialogue social conventionnel actif

Etudions maintenant les données des signatures d’accords dans les entreprises françaises :

Propension à signer par organisation syndicale (Direction des relations du travail 2006, 2013)

Signataires CGT CFTC CFDT CFE-CGC CGT-FO

2012 85 90 94 92 90

2005 84 88 92 92 88

123

73

Les chiffres officiels contredisent quelque peu la thèse de l’absence de dialogue social en France. Au-delà des discours, plus aucune organisation représentative ne s’apparente au modèle masse-classe. Seule la CGT demeure campée au niveau confédéral dans une posture radicale qui n’empêche tout de même pas ses instances déconcentrées de signer presque aussi fréquemment que les autres quand l’occasion leur est donnée.

Dans le même temps, l’activité conventionnelle reste intense en France. Le nombre d’accords d’entreprises signés (environ 30 000 par an)124

classe la France à un rang enviable dans la hiérarchie internationale, en dépit d’un des taux de syndicalisation les plus faibles. De plus le dialogue social est innovant en France comme le montrent les résultats suivants :

Types de textes conclus en 2005

Type de texte Tous thèmes

Accord initial 74%

Avenant 20%

Dénonciation 0,3%

Procès-verbaux de désaccord 5%

Adhésion 0,5%

Source : Direction des relations du travail, 2006.

Trois textes signés sur quatre relèvent de la création inédite. Moins de 5% des négociations débouchent sur un constat de désaccord irréductible.

Cependant, les chiffres globaux cachent des inégalités de traitement. L’immense majorité des textes est signée dans une petite minorité d’entreprises : les plus grandes, avec une surreprésentation de l’industrie, berceau du syndicalisme, qui représente à elle seule 42% des accords déposés. Le syndicalisme français peine à s’implanter véritablement dans les branches en développement telles que le commerce et les services.

Points faibles

- Des managers peu formés aux relations sociales

Avant de parler des dirigeants, faisons un détour par les managers. Relais indispensables entre direction et salariés, ont-ils une lecture et une compréhension des codes et des enjeux des relations sociales ? Malheureusement, les cursus des écoles de commerce et d’ingénieurs, mais aussi des universitaires des sciences de gestion, les abordent rarement. Dès lors il n’est pas étonnant que les futurs managers éprouvent de réelles difficultés à gérer les relations sociales au sein de leurs équipes, puis en tant que dirigeants d’entreprise.

124

http://travail-emploi.gouv.fr/etudes-recherches-statistiques-de,76/etudes-et-recherches,77/publications- dares,98/dares-analyses-dares-indicateurs,102/2012-054-les-accords-collectifs-d,15281.html

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- Une confiance mitigée vis-à-vis des syndicats

Les dirigeants d’entreprise portent un regard critique sur les délégués syndicaux. Regard sur les représentants du personnel et les syndicats

Opinion des représentants de la direction

Les salariés peuvent se défendre seuls 91,2%

Les syndicats jouent un rôle irremplaçable

dans la représentation des salariés 40,7%

Les syndicats gênent le déroulement des activités

de l’entreprise 43,2%

Source : DARES, étude REPONSE 2004-2005. L’étude porte sur les établissements d’au moins 20 salariés du secteur marchand non agricole, qu’il y ait ou non des représentants du personnel.

Cependant ce regard est nuancé dès lors qu’une section existe et que l’interlocuteur se matérialise : 70% des directions leur reconnaissent alors une utilité.

Selon Rojot125, les postures patronales peuvent se traduire par différentes politiques : - Leur existence peut être admise à l’échelon national mais contestée au niveau local.

Dans ce cas, la loi est simplement respectée. Ni plus, ni moins.

- La qualité de représentativité des syndicats n’est pas reconnue. L’organisation ne représente dans l’esprit de l’employeur que ses adhérents. Pour le reste, la direction garde ses prérogatives.

- La coopération peut également être conflictuelle. Le syndicat est reconnu comme un contrepouvoir indispensable à la bonne marche de l’entreprise.

- Des stratégies de collusion visent à contourner les positions les plus radicales et à faciliter la signature des accords.

- La présence syndicale est combattue. Le patronat français semble globalement faire preuve de modération à ce sujet.

- Les (in)compétences perçues des représentants du personnel

Consulter les partenaires sociaux, c’est les faire entrer dans la complexité du pilotage d’une entreprise, expliquer des choix basés sur des diagnostics à plusieurs perspectives. C’est donc leur faire aborder des questions de droit, des problématiques interculturelles, d’apprentissage de langue étrangère, de connaissance comptable et financière… Autant de compétences qui sont d’abord réputées présentes au niveau de la Direction. Si « les relations sociales apprennent que les projets dont nous sommes porteurs doivent supporter autant la critique que la promotion, autant le débat que l’explication126

», encore faut-il se pénétrer de l’idée que les interlocuteurs syndicaux apportent une valeur ajoutée à la réflexion et sécurise la mise en œuvre de la stratégie.

125

ROJOT J., Relations industrielles, In JOFFRE P., SIMON Y., Encyclopédie de gestion, Editions Economica, Paris, 1989

126

75

Opportunités

- Sortir du cadre légal

Le cadre légal est tellement prégnant en France qu’il organise et en même temps paralyse l’initiative sociale. Depuis 2004, les négociations obligatoires sont de plus en plus nombreuses. Or, à l’instar de la GPEC, elles ne font que combler la carence des entreprises à se saisir spontanément des thématiques sociales.

Retranchées derrière leurs obligations légales, les entreprises françaises manquent de ressort pour nourrir le dialogue social.

Pourtant, le dialogue social s’étend bien au-delà de sa dimension légale et réglementaire. Il constitue un mode de transmission de l’information et d’organisation du groupe social qu’est l’entreprise, et répond donc à son objectif de performance. Plutôt donc qu’une relation binaire et conflictuelle, le dialogue social constitue un échange pour répondre à des besoins communs127.

- Constituer le projet collectif et alimenter le sentiment d’appartenance à l’entreprise. C’est là la condition pour assurer la mobilisation de tous autour des objectifs communs. - Asseoir, sur la base du projet collectif, l’anticipation et la capacité d’adaptation de

l’entreprise à son contexte présent et futur.

- Permettre une gestion efficace des conflits qui peuvent surgir.

Quand un comité de direction crée un projet sans penser son appropriation par le corps social, le projet échoue. Il suffirait selon lui d’expliquer le rationnel mais un raisonnement ne convainc pas le corps social. Ce qui se joue : la confiance, la réassurance, fédérer les énergies autour de la stratégie de l’entreprise, pour qu’elle puisse s’appliquer.

Menaces

- Et si les dirigeants n’étaient plus en capacité de négocier ?

La mondialisation a introduit une perturbation dans le système de relations collectives. L’ouverture des frontières et l’impact du dumping social ont été si brutaux que les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à empêcher une dérégulation supranationale. Les sources de conflit se sont progressivement extériorisées. L’employeur, objet hier de toutes les controverses, a cédé au moins pour partie la place au capitalisme financier sans visage. La responsabilité sociale s’incarne de moins en moins dans la figure du « patron ». Grandes et petites entreprises sont soumises à une pression constante sur les coûts, à une exigence de flexibilité et de qualité, à un impératif de création de valeur sans limite, imposés par un pouvoir dont les contours sont difficiles à cerner pour le salarié. Avec qui négocier si le véritable pouvoir est aux mains d’une direction générale éloignée, étrangère, ignorante des difficultés auxquelles doivent faire face la hiérarchie intermédiaire et les opérationnels ? Comment parvenir à asseoir à la table des négociations un employeur dématérialisé ?

127 MONLOUIS-FELICITE F., LUCAZEAU R., Performance économique et dialogue social : l’entreprise en première

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- La posture des DRH

Les stratégies développées par les DRH à l’égard des délégués syndicaux peuvent être caractérisées à partir de deux oppositions : la nature de la relation entretenue avec eux –