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La culture d’entreprise et son changement

2 Comment nos entreprises ont-elles répondu à la question ?

2.2.2 La culture d’entreprise et son changement

2.2.2.1 A partir de quoi définissent-ils la culture de leur entreprise ?

Lorsqu’il s’agit de décrire la culture actuelle de leur entreprise, la plupart des interlocuteurs l’identifie sous la forme de « valeurs ». Nous observons cependant que la nature des valeurs varie en fonction de l’interlocuteur :

Direction générale Direction RH Membres du Codir* Représentants du personnel Valeurs Valeurs en relation directe avec la performance : innovation, qualité, service, proximité Valeurs en relations avec la performance, mais déclinées avec le souci de satisfaire les parties prenantes internes : amour de Mise en avant de l’appartenance à l’entreprise, du rôle qu’on y joue : nous faisons partie d’un grand groupe. Marquer son adhésion aux

Attachement aux valeurs historiques : amour du produit, engagement, fierté. L’ancienneté des élus étant en moyenne plus grande, souvent fierté d’avoir vécu

90 la technique, proximité avec le client, respect de la personne, fierté, dévouement

valeurs « l’âge d’or ». Expression de l’affect : fort attachement à l’entreprise, esprit local Parfois, à contrario, stigmatisation de la culture « nouvelle » perçue comme imposée : tu montes dans le train ou tu restes sur le quai *dont un certain nombre a une forte expérience en tant que managers de proximité.

Cette analyse pourrait laisser penser que la dimension « fonctionnaliste » domine du côté des dirigeants tandis que la dimension « symboliste » serait du ressort unique des représentants du personnel. En fait, les deux approches s’avèrent assez équilibrées. Par exemple chez Chubb France, la culture forme un sous-système sur lequel les dirigeants ont une forte emprise via le style de management, la politique commerciale et tarifaire, l’exigence de performance : cette approche relève du fonctionnalisme. A côté de cela, la culture est aussi vécue et intériorisée par différentes catégories de salariés, tous métiers et niveaux hiérarchiques confondus, qui éprouvent un sentiment de résistance, de tension et de lassitude face aux projets qui n’aboutissent pas (approche symboliste). Chez Système U, la culture est admise sans le savoir, comme levier sur lequel les dirigeants peuvent agir. Ils donnent quelques pistes de réflexion. Et ils espèrent voir les effets au sein de l’entreprise. Ce qui est étonnant, c’est qu’ils reconnaissent explicitement pour certains, ou implicitement que la culture ne se décrète pas. Ils influent sur l’environnement social qui à son tour agit sur leur comportement.

C’est ce que G. Donnadieu et G. Layole qualifient de « contractualisation ininterrompue d’accords du type armistice social ». En effet, le jeu des acteurs fait ainsi émerger un ensemble de règles qui se cumulent au fil du temps en s’imposant à tous implicitement. Elles deviennent des normes du collectif et représentent le socle sur lequel vont s’appuyer les acteurs pour développer et mettre en œuvre leurs stratégies, pour ainsi créer d’autres règles, conformément à l’approche systémique.

On notera également que les items de description de la culture sont présents systématiquement tandis que la description sous forme de croyances, d’organisation et de comportements est peu fournie.

Enfin, les valeurs prescrites, même abondamment relayées par la communication interne, ne sont jamais citées comme éléments propres à la culture.

Au global, il est remarquable de constater que la description de la culture s’avère plutôt convergente au sein de chaque entreprise. Preuve supplémentaire que la culture constitue un socle commun qui fédère à tous les niveaux de l’entreprise.

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2.2.2.2 Est-ce que plusieurs cultures cohabitent, s’affrontent ?

Au-delà du commentaire précédent, les interlocuteurs pointent la culture métier, voire la culture des sites. Ceux-ci ne semblent pas être antagonistes entre eux.

Nos interlocuteurs pointent aussi l’émergence d’une différence culturelle entre l’ancienne et la nouvelle génération de salariés, sans pour autant la considérer comme un facteur de danger pour leur organisation.

En revanche, il apparaît clairement un fossé culturel fort entre les sociétés françaises et leur maison mère étrangère. On entre ici dans le champ de la culture nationale, telle que décrite par Philippe D’Iribarne131, de l’incompréhension générée entre les deux parties,

entre la résistance perçue par la maison mère, et l’injonction difficilement vécue par la filiale. Cette distance culturelle s’ajoute à la perception de distance hiérarchique, naturellement perçue entre les exécutants et le siège de la maison mère.

2.2.2.3 Pensent-ils que la culture peut être changée ? A quelles conditions ? La réponse est sans équivoque : oui, une culture peut être changée. C’est une réponse qui n’allait pas de soi mais qui provient de tous les interlocuteurs. Et qui va certainement de pair avec la lucidité de tous les interviewés quant à la nécessité d’adapter leur organisation pour rester compétitifs sur leur marché : « c’est la théorie de l’adaptation de Darwin. Soit on s’adapte, soit on meurt » (Sidel).

Les éléments externes (concurrence, technologie, consommateurs) changent la culture de façon permanente. Chez Système U, cette prégnance forte de l’extérieur est vraisemblablement due à la relation directe au consommateur. Il est alors du ressort de la direction et du management de proximité de donner l’exemple et de donner du sens au changement.

Figure 18 - Ampleur de changement selon Julia Balogun et Veronica Hope Hailey

Réalignement Transformation Incrémentale Adaptation (pas de modification de culture) Evolution (changement de culture progressif) Radicale Reconstruction (pas de changement fondamental de la culture) Révolution (changement rapide et radicale de la culture) Changement de culture

Dans tous les cas, il s’agit donc de transformation, sous une forme radicale ou incrémentale. Sur la base d’exemples de leur secteur, certains de nos interviewés ont bien identifié le cas du changement de culture radical en cas de survie de l’entreprise. Mais dans les cas les plus courants, il est plutôt relevé qu’une culture évolue, on ne la

131 D’IRIBARNE P., La logique de l’honneur, Gestion des entreprises et traditions nationales, Editions du Seuil, 1989

Nature du Changement

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transforme pas radicalement ; il est même évoqué l’un des conseils puisé dans la théorie : pour changer, s’appuyer sur ses points de force.

La question de la durée prête lieu à différentes réponses. Pour certains, le changement ne peut se faire qu’au fil de l’eau. On ne peut le décréter. Il advient chaque jour. Mais pour la majorité, le changement culturel est compris comme le passage obligé pour la pérennisation de l’entreprise, à un modèle différent qui nécessite plusieurs années, parfois plus de dix ans.

Un accélérateur reconnu du changement sera la figure du dirigeant, en tant que leader charismatique capable d’entraîner le corps social. A contrario, un changement culturel fondé sur des principes édictés par un siège éloigné, sans incarnation locale, prendra beaucoup de temps ou ne sera jamais tout à fait intégré.

2.2.3 En quoi les relations sociales contribuent-elles au changement de