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Dans les sociétés pré-coloniales du Gabon, le village était bâti sur des terres appartenant au clan ou au lignage. Ces terres regroupaient plusieurs villages éloignés les uns des autres. Le village était donc, la propriété des descendants de celui qui, le premier, y avait pris place avec les membres de son lignage.

Le choix du site tenait compte des possibilités qu'offrait la nature : sols fertiles, forêts et savanes giboyeuses, cours d'eau poissonneux etc ... Le village avait des limites naturelles (bosquets, rivières, montagnes, ONF - CIRAD-Forêt

Faisabilité Aménagement 1ère

etc) connues. L'exploitation des terres ne se faisait pas de manière collective. Chaque membre du groupe lignager jouissant d'un espace donné nécessaire pour sa case, ses plantations etc ... les produits résultant de ces plantations étaient sa propriété privée et celle de sa famille restreinte (épouses, neveux, enfants, esclaves). Le village se répartissait ainsi entre les terres cultivables, les lieux de chasse, de pêche et l'espace réservé à l'habitat.

D'une manière générale, sur les savanes, les villages étaient installés près des galeries forestières, ce qui donnait une disposition du peuplement linéaire. Dans la forêt, les villages étaient dispersés.

S'agissant de l'espace habité, le village pré-colomal Gabonais était grand. Il pouvait compter plus d'une centaine de cases et regrouper plus de rmlle habitants. En général, la disposition d'un village consistait en une vaste cour centrale bordée de rangées de cases, séparées les unes des autres par un espace. Au bout de la cour, une case réservée aux hommes, le corps de garde appelée en Fang, aba'a, en Galoa esaka et chez les Eshira Le mbanza. Le corps de garde était un espace multi fonctionnel, il servait de salle à manger pour les hommes. lieu de réumons, palais de justice, chapelle ardente, lieu de célébration des rites, porte d'entrée du village et lieu où l'on montait la garde pour assurer la sécurité des villageois etc. Cette multi fonctionnalité faisait du corps de garde un instrument opératoire du pouvoir dans le village.

Derrière les cases se trouvaient les établissements annexes tels que les cases des esclaves, celles des circoncis. des menstrues etc. Le village était composé de plusieurs cases habitées chacune par une famille, c'est à dire le maître de maison, ses épouses, ses enfants, ses neveux, ses esclaves et ses étrangers.

Les cases étaient faites de murs en écorces et en bambou soutenus par des piquets. La terre battue remplaça l'écorce et le bambou, le toit était recouvert de feuilles, puis de paille (feuilles du palrmer raphia soigneusement tressées).

L'espace ex'J)loité (le terroir) : cet espace se trouvait au-delà de celui sur lequel se tenait l'habitat.

C'était le domaine des activités de production du groupe social villageois : cultures de cases, plantations, chasse, pêche, cueillette.

Les cultures de cases situées de façon indifférenciée en savane et en forêt étaient placées non loin du village, leurs dimensions étaient relativement petites par rapport aux plantations situées loin dans la forêt qui est le domaine de chasse et/ou de pêche, et de cueillette.

Fonctions traditionnelles du village

Cellule de base, la structure du village était commandée par un système de parenté (patrilinéaire ou matrilinéaire) où le clan et le lignage étaient fondamentaux.

Le village était composé d'hommes libres, de non-libres, et d'étrangers c'est à dire ceux qui pour des raisons diverses quittaient leurs villages et leurs lignages pour aller vivre sur d'autres terres moyennant le paiement d'une redevance. Dans le village, la case constituait une umté de résidence fondée sur les principaux

matrilinéaire ou patrilinéaire et virilocal.

Le village était aussi la structure du fonctionnement des institutions politiques. Le pouvoir dans le village reposait essentiellement sur des relations établies selon la filiation et la descendance. L'autorité était souvent dévolue au plus ancien du lignage, propriétaire du village, à son frère ou à son fils, (dans les sociétés patrilinéaires), au frère maternel ou au neveu maternel (dans les sociétés matrilinéaires). Cet ancien était assisté dans l'exercice de ses fonctions par un conseil des sages.

Le groupe social du village tirait parti des ressources naturelles et le système de production était fondé sur l'exploitation de celles-ci, à partir d'un ensemble de tecluùques basées sur l'agriculture, la cueillette, la chasse, la pêche et les échanges.

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Evolution du village gabonais

Le village Gabonais restait en place longtemps. Mais il pouvait se déplacer aussi, au fil des temps. Ce déplacement et la reconstruction de nouveaux villages étaient dûs à divers facteurs dont la nécessité de trouver de nouvelles terres fertiles pour l'agriculture, la chasse et la pêche. Il se déplaçait aussi ou même se désagrégeait après la mort du chef ou à la suite des conflits. A ces raisons, s'ajoutent celle liée à la volonté d'échapper aux contraintes de l'administration pendant la période coloniale.Préoccupée par ce problème, l'administration coloniale entreprit de regrouper les villages le long, des routes et des grandes pistes.

En 1947, la 1édaction d'un projet de modernisation de l'habitat rural par J.H. AUBAME, parlementaire gabonais et, en 1950 la mise en place par l'administration coloniale d'une mission d'étude chargée de faire des enquêtes sur le projet de regroupement des villages débouchèrent sur les déplacements et l'établissement de villages sur les routes et les principales pistes. Le but de cette opération était de parvenir à des grands ensembles d'habitation afin de constituer de grosses coopératives de production. Ce qui pour ces autorités était facteur d'une amélioration du niveau de vie des habitants et leur donnait ainsi une formation politique.

Cette politique de regroupement de villages, pour n'avoir pas tenu compte des affinités claniques et lignagères et des modes traditionnels d'appropriation et d'occupation de l'espace, a provoqué une destruction des groupes de parenté et de leur mode de vie. Les regroupements ont entraîné un éloignement des populations rurales de leurs zones naturelles de production, ce qui est l'origine des disettes car, malgré des essais de sédentarisation de l'agriculture, le système traditionnel de jachère et de culture itinérante sur brûlis domine encore la production vivrière.

Tous ces développements sur le regroupement nous permettent de montrer que le regroupement en tant qu'unité géographique ou sociale n'est pas un instrument opératoire pour entreprendre des activités impliquant 1 · ensemble des villageois.

Certes les " regroupements " ont été créés à partir d'une volonté politique de développer le monde rural. Traditionnellement, l'habitat est très dispersé et, pour bénéficier d'infrastructures telles que routes, dispensaires, écoles, points d'eau modernes, électricité etc., l'administration territoriale a incité la population rurale à se regrouper, ce que beaucoup de villageois ont fait.

Les villages changent de nom quand ils se regroupent, ils prennent alors pour la nouvelle localité un nom collectif inspiré du nom des anciens villages. Ou encore ils conservent le nom d'un des " villages " qui composent le regroupement (souvent le village souche).

Cependant, sur le terrain, la situation est bien entendu plus complexe ; les regroupements se font et se défont assez rapidement et la population - regroupement ou pas - continue de se référer à une appartenance sociale (souvent ethnique ou lignagère) ou géographique, qu'ils appellent " village " ou " quartier " et qui correspond rarement à la définition, au nom, et au découpage administratif officiel.

Les villages du site du projet n'échappent pas à la problématique des regroupements qui vient d'être présentée et ils comportent au moins deux composantes ethniques notamment dans le canton Lacs du Sud. Pour repérer une unité sociale pouvant servir de cadre d'action commune, l'enquête socio-économique, quand la représentation de l'entité " villageoise " des habitants ne correspond pas à celle de l'administration, devra alors reconstituer le nombre de personnes résidentes du site ayant une affinité sociale réelle (appartenance au lignage. alliance etc.).

Il est évident que l'approche du projet se basant sur une participation active des villageois considérés comme un groupe social, le succès d'une telle démarche dépendra essentiellement de son interférence avec la référence sociale réelle des villageois.

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- Territoire villageois et occupation traditionnelle de l'espace

Les stratégies d'occupation de l'espace changent dans leurs variantes selon qu'il s'agit des écosystèmes du littoral, des lacs, de la savane ou de la forêt. En tout état de cause, partout, l'occupation de l'espace obéit à la règle de la séparation des fonctions. De façon générale l'espace se répartit en trois zones : l'espace habité, l'espace exploité et l'espace en jachère.

Ces trois zones réunies constituent le territoire du village sur lequel les différents groupes lignagers possèdent et exercent des droits d'usage.

Dans la zone du projet le territoire du village s'étend parfois aux îles et l'on observe de nos jours une tendance à l'appropriation privée de ces îles par des cadres ou des personnes influentes de la zone résidant en milieu urbain.

En outre, lorsque les villages sont rapprochés (dans le canton des Lacs du Sud : les villages allant de T AMBE à ALONHA), les limites entre territoires voisins, matérialisées par des cours d'eaux, des roches, des arbres, etc. sont claires dans l'esprit des villageois et parfaitement bien connues des anciens .... Ceci révèle l'existence de mécanismes et règles d'accès à l'espace territorial du village.

Aux dires des villageois rencontrés dans les villages d'ALONHA, de ODI:MBA et autres, il n'y a pas de conflits majeurs entre les résidents sur l'occupation des terres agricoles et la gestion des finages. Il apparaît que l'exploitation forestière - déjà très ancienne dans la zone - a quelque peu entamé le lien affectif que les populations entretenaient avec la forêt et celle-ci a acquis une valeur marchande.

Ainsi la conscience que les villageois ont de leur territoire (telle que présenté ci-dessus) est plus faible aujourd'hui. C'est la bande des 5 km qu'ils veulent garder comme référence de leur domaine et sur laquelle, ils veulent voir leurs droits reconnus.