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1.1.1.- L’examen de la constitutionnalité des dispositions de la loi de programmation de la recherche ne devrait pas s’arrêter à un simple contrôle technique mené article par article. Il importe, au contraire, de raisonner d’abord à partir des « principes applicables à l’examen des dispositions critiquées », selon la voie que le Conseil constitutionnel avait ouverte dans sa décision n° 83-165 du 20 janvier 19841 (cons. 17-21).

Ce point nous semble même être le plus important de tous dans la décision à venir du Conseil constitutionnel. C’est pourquoi nous choisissons de le placer en tête de notre contribution extérieure : si l’on examine de manière isolée la constitutionnalité de chacun des dispositifs nouveaux introduits par la loi de programmation de la recherche, on tend en effet à invisibiliser l’atteinte que ces dispositifs, pris dans leur ensemble, portent aux « principes applicables à l’examen des dispositions critiquées » qui gouvernent le service public de l’enseignement supérieur en France. C’est au contraire « à la lumière de ces principes que doivent être examinées les critiques adressées aux diverses dispositions », conformément à la démarche retenue par le Conseil constitutionnel en 1984.

Évidemment, toute la difficulté vient de l’ambiguïté attachée au contenu exact des « principes » auxquels le Conseil constitutionnel renvoie dans sa décision de 1984. Deux points doivent être rappelés à cet égard. On observe, d’une part, qu’au titre de ces « principes », le Conseil refuse de prendre appui sur la liberté de l'enseignement (cons. 17) que les auteurs de la saisine avaient mobilisée. On remarque, d’autre part, que si le Conseil renvoie à « la garantie de l’indépendance », il choisit de ne pas enfermer celle-ci dans le seul principe fondamental reconnu par les lois de la République de l’indépendance des professeurs des universités (cons. 20)3. Par conséquent, dans la décision de 1984, la garantie d’indépendance résulte plus généralement du fait « que, par leur nature même, les fonctions d'enseignement et de recherche non seulement permettent mais demandent, dans l'intérêt même du service, que la libre expression et l'indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables » (cons. 19).

C’est en cela, très précisément, que la décision de 1984 doit être analysée comme une « décision de principe, quasiment axiomatique », pour reprendre l’expression du professeur Beaud4.

Le mode de raisonnement retenu à l’époque est limpide : les enseignants et les chercheurs disposent de la libre expression et de l’indépendance à raison de la « nature même » de leurs fonctions d’enseignement et de recherche. Et cette libre expression et cette indépendance sont les conditions du service public de l’enseignement supérieur. Autrement dit, la libre expression et l’indépendance des enseignants-chercheurs ne s’exercent pas sur le seul plan individuel. Elles n’ont de raison d’être que dans le cadre du service public grâce auquel ces fonctions d’enseignement et de recherche se trouvent assurées. Ce choix de s’arrimer à la qualité de service public représente l’apport déterminant de la décision de 1984, quand bien même ce choix a par la suite été quelque peu occulté, par un effet de simplification regrettable tiré du fait que, dans cette décision, la censure du Conseil constitutionnel est finalement entraînée par la violation de l’indépendance propre aux professeurs des universités5.

3 Et ce choix demeure toujours pertinent aujourd’hui, quand bien même, depuis 2010, la garantie de l’indépendance a été expressément étendue à tous les enseignants-chercheurs (décision n° 2010-20/21 QPC du 6 août 2010, M. Jean C. et autres).

4 Olivier Beaud, Les libertés universitaires à l’abandon ?, Dalloz, coll. Les sens du droit, 2010, p. 131-141.

5 Obligation constitutionnelle d’une représentation propre et authentique dans les conseils de la communauté universitaire (consid. 24-28).

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recherche, il convient donc de se placer aujourd’hui à nouveau sur le terrain relatif « à l'organisation d'un service public et aux droits et obligations des enseignants et chercheurs chargés de l'exécution de ce service et associés à sa gestion et, comme tels, relevant d'un statut différent de celui des personnes privées », pour reprendre à nouveau une expression de la décision de 1984 (cons. 17). Les dernières évolutions de la jurisprudence du Conseil constitutionnel imposent même, nous semble-t-il, de replacer cette lecture de la décision de 1984 au premier plan. En effet, dans sa décision n° 2019-809 QPC du 11 octobre 2019, en reconnaissant que « l’exigence constitutionnelle de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public » (paragr. 6), le Conseil consacre sans ambiguïté l’existence d’une obligation constitutionnelle à la charge de l’État en matière d’organisation de l’« enseignement supérieur public »5.

C’est la « véritable spécificité »6 du treizième alinéa du Préambule de 1946 qui se trouve ainsi reconnue, en ce sens que ce texte ne se contente pas de l’affirmation d’un droit, mais pose une obligation positive de l’État d’« organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés », qu’il s’agisse du degré primaire et secondaire ou du degré supérieur. Le fondement de l’existence d’un service public constitutionnel est donc ici posé7.

Pour toutes ces raisons, il nous semble qu’à l’occasion de l’examen de la constitutionnalité de la loi de programmation de la recherche, il revient au Conseil constitutionnel de tirer toutes les conséquences de la combinaison de sa décision de 1984 et de celle de 2019. D’une part, « l’enseignement supérieur public » est un service public constitutionnel, qui relève d’une obligation à la charge de l’État (décision de 2019) ; d’autre part, ce service public repose sur « les fonctions d’enseignement et de recherche [qui] non seulement permettent mais demandent, dans l’intérêt même du service, que la libre expression et l’indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables » (décision de 1984). Cette lecture combinée de la Constitution et des décisions du Conseil constitutionnel permet de dépasser la lecture simplement individuelle de la libre expression et de l’indépendance des enseignants et des chercheurs. Ces

« libertés académiques » possèdent une dimension d’abord et avant tout collective car elles sont la condition même de l’enseignement supérieur public à l’organisation duquel l’État est constitutionnellement contraint.

C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, le Conseil a contrôlé de manière précise les règles constitutives de la catégorie des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, en censurant la loi qui, à propos de ces règles, n’avait « pas assorti de garanties légales les principes de caractère constitutionnel que constituent la liberté et l'indépendance des enseignants-chercheurs » (décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993).

1.1.2.- La conséquence à tirer de cette lecture – et c’est sur ce point que nous souhaitons insister – est que l’inconstitutionnalité des dispositions législatives soumises à l’examen du Conseil constitutionnel ne doit pas seulement s’apprécier article par article, pris isolément, mais en considérant l’accumulation des dispositifs. C’est à cette condition seulement que pourra être mesuré le problème central que soulève la loi portée devant le Conseil, à savoir le fait que les fonctions d’enseignement et de recherche se trouveront

6 Rémy Schwartz, « Éducation. Une confluence des libertés publiques », AJDA, 1998, p. 177.

7 Cette idée est exprimée très clairement dans l’article précité de Rémy Schwartz. On a déjà signalé, en outre, que le commentaire de la décision de 2019 disponible sur le site du Conseil constitutionnel relève que « l’application du principe de gratuité à l’enseignement supérieur se déduisait de la combinaison des deux premières phrases du treizième alinéa », alors qu’ »une interprétation trop restrictive de la seconde phrase du treizième alinéa du préambule de 1946 aurait eu pour conséquence de réduire le ‘devoir de l’État’ de mettre en place un enseignement public […] aux seuls degrés primaire et secondaire », ce qui « aurait été priver de tout support constitutionnel l’obligation pour l’État de mettre en place un enseignement public universitaire » (p. 14).

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académiques, notamment de libre expression et d’indépendance. Cette dégradation est elle-même tirée du fait que ces personnes seront recrutées par contrat ou ne bénéficieront plus, ne serait-ce que sur le plan budgétaire, des « moyens d’assurer leur activité d’enseignement et de recherche dans les conditions d’indépendance et de sérénité indispensables à la réflexion et à la création intellectuelle »8. Autrement dit, si

« les fonctions d'enseignement et de recherche non seulement permettent mais demandent, dans l'intérêt même du service, que la libre expression et l'indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables » (décision de 1984), alors il faut considérer que l’accumulation des restrictions à cette libre expression et à cette indépendance, quand bien même elles sont dispersées en différents endroits de la loi, porte une atteinte excessive au service public de l’enseignement supérieur public. C’est la raison pour laquelle c’est la loi dans son ensemble qui devrait être censurée, au-delà des différents vices ponctuels d’inconstitutionnalité que nous identifions dans la suite de notre contribution extérieure.

C’est ainsi, par exemple, qu’une brillante jeune docteure, après avoir effectué quatre années de contrat post-doctoral conformément à l’article 7 de la loi, pourra être recrutée par la voie contractuelle dans le cadre d’une des chaires de professeur junior prévues à l’article 4. Ce recrutement, potentiellement dans l’établissement dans lequel elle a fait sa thèse, se fera vraisemblablement autour de trente-quatre ans – qui est l’âge moyen de recrutement des maîtres de conférences aujourd’hui. Soumise à des « objectifs à atteindre » et à des obligations en matière d’enseignement, de recherche ou de tâches administratives qui sont fixées par voie contractuelle, mais qui ne pourront pas être négociées eu égard à la position de faiblesse dans laquelle cette docteure se trouvera placée, elle mènera ses activités en qualité d’agent contractuel durant six ans. Bénéficiant d’une « dotation de démarrage » (étude d’impact, p. 38), elle pourra recruter – par la voie d’un des CDI de mission prévu à l’article 9 de la loi, d’un contrat post-doctoral prévu à l’article 7 ou d’un des « contrats LRU » prévus à l’article L. 954-3 du code de l’éducation, qui, rappelons-le, ne font l’objet d’aucun véritable encadrement légal – deux jeunes chercheurs, eux-mêmes en situation précaire, et qui seront tout entiers mobilisés vers l’objectif de la titularisation de la personne qui les a recrutés. C’est donc une part considérable de la recherche française, menée lors des dix premières années de carrière au moins, qui sera conduite dans des conditions de dépendance sans comparaison avec les conditions dans lesquelles travaillent aujourd’hui les maîtres de conférences.

Deux classes d’enseignants-chercheurs existeront alors : ceux qui, titulaires, auront les moyens de résister aux demandes de la hiérarchie, tenue quant à elle d’assurer avec un budget insuffisant le service public de l’enseignement supérieur à coups d’heures complémentaires ; ceux qui, tenus par la perspective d’une titularisation lointaine, ne pourront refuser ces heures complémentaires imposées (illégalement) et qui entraveront gravement leurs activités de recherche. L’évolution qu’ont connu les contrats dits LRU (article L. 954-3 du code de l’éducation), prévus à l’origine pour permettre aux universités de déroger aux règles habituelles du recrutement pour attirer par des conditions plus avantageuses de brillants chercheurs, et qui sont aujourd’hui utilisés pour compenser les besoins d’enseignement en les faisant peser sur de jeunes docteurs rémunérés et traités de manière indigne (dépassement des plafonds horaires, reconduction dépourvue de base légale des contrats), montre la réalité de ce risque.

A quarante ans, après six années de chaire de professeur junior, et avec une inquiétude rendue immense par ses obligations familiales et personnelles, notre docteure se présentera devant une commission de titularisation – qui pourra d’ailleurs être la même que celle qui aura initialement retenu sa candidature à la 8 Il s’agit de la formule employée à l’article 1er de la loi Faure du 12 novembre 1968 d’orientation de l’enseignement supérieur.

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permettant de mener ses enseignements et sa recherche. Si, au terme de cette ultime audition, elle est effectivement titularisée à l’âge de quarante ans, elle poursuivra sa carrière dans son établissement d’origine, qui sera peut-être celui dans lequel elle a fait sa thèse, tenue par un « engagement de servir » dont la portée et la durée ne sont pas précisées. Sa rémunération variera fortement en fonction des primes qui lui seront accordées, et ses conditions de travail changeront au gré des contrats de recherche obtenus, conformément aux autres dispositions de la loi.

Ajoutons que rien n’empêchera, en outre, l’université, tenue par les contrainte budgétaires qui conduisent déjà aujourd’hui régulièrement à remplacer les départs de titulaires par le recrutement de contractuels, à lui refuser la titularisation et à lui proposer à la place une succession de contrats de droit public (art. 9 de la loi : CDI de mission) que la brillante docteure, épuisée par ses six années de période d’essai, ne pourra refuser que si elle parvient à espérer trouver, à quarante ans, une improbable reconversion professionnelle rendant justice à son parcours et aux efforts consentis.

Le scénario qui précède n’est pas caricatural : il est celui qui a le plus de chances de se réaliser9. Évidemment, le Conseil n’a pas à se placer sur le terrain des conséquences de l’application de la loi pour opérer son contrôle. Mais dès lors que « l’enseignement supérieur public » est un service public constitutionnellement mis à la charge de l’État (décision de 2019), qui repose sur « les fonctions d’enseignement et de recherche [qui] non seulement permettent mais demandent, dans l’intérêt même du service, que la libre expression et l’indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables » (décision de 1984), le Conseil ne peut pas ignorer la réalité de l’atteinte majeure aux conditions de libre expression et d’indépendance, et donc aux conditions d’organisation du service public de l’enseignement supérieur public, que la loi, prise dans son ensemble, provoque. Elle brise ce faisant « les traditions de l’Université française [et leur] souci d’indépendance et de dignité »10.

La loi déférée au Conseil devrait dès lors être censurée à l’aune de plusieurs principes à valeur constitutionnelle – parmi lesquels les « principes de caractère constitutionnel que constituent la liberté et l'indépendance des enseignants-chercheurs » (décision n° 93-322 DC) ou le principe fondamental reconnu par les lois de la République de « la garantie de l'indépendance des enseignants-chercheurs » (décision n°

2010-20/21 QPC) –, mais plus généralement aussi, à l’aune du treizième alinéa du Préambule de 1946, tel qu’interprété par une lecture combinée des décisions n° 83-165 DC et n° 2019-809 QPC. Le choix d’un tel fondement juridique général permettrait, au passage, de rappeler que la différenciation croissante entre les établissements d’enseignement supérieur, par la multiplication des dispositifs de recrutement au niveau local pour assurer les fonctions mêmes d’enseignement et de recherche et par les modulations des budgets dont bénéficie chaque établissement, porte directement atteinte, en outre, au droit à « l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture », tel que ce droit doit être satisfait par l’organisation de « l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés ».

L’organisation de l’enseignement supérieur public est un devoir de l’État ; l’organisation de ce service public a pour corollaire la liberté d’expression et l’indépendance des enseignants-chercheurs dans la conduite de leur recherche et de leurs enseignements : voilà donc le cadre constitutionnel général.

9 Les effets peuvent déjà en être observés dans des systèmes où ce fonctionnement par contrats est privilégié. Cf.

l’annexe (« Lendemain de vote : l’Université qui vient », Academia, 20 septembre 2020) ; la forme est tributaire du format de publication, mais le témoignage donne un aperçu intéressant des implications concrètes qu’a l’évolution proposée par la loi de programmation pour la recherche.

10 Conclusions Donnedieu de Vabres sur CE, 13 mars 1953, Teissier, D. 1953, rec. 737.

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1.1.3.- Il reste que les critères exacts de l’appréciation de cette libre expression et de cette indépendance demeurent indéterminés, et cela est problématique pour l’examen de la constitutionnalité de la loi de programmation de la recherche. La décision du Conseil devra très vraisemblablement apporter des précisions à ce sujet, dont nous présentons ci-dessous les principaux enjeux.

Dans un important rapport sur La situation des personnels enseignants des universités, en 197411, le conseiller d’État Francis de Baecque identifiait six éléments proprement statutaires qui « relèvent de la notion de l’indépendance de l’enseignant : 1° une liberté d’expression incomparablement plus large que celle qui est reconnue aux fonctionnaires ; 2° la règle selon laquelle sa nomination résulte de son choix par une université, après inscription sur une liste d'aptitude ; 3° le pouvoir reconnu au comité consultatif des universités [l’ancêtre de l’actuel Conseil national des universités] de se prononcer sur tout avancement au choix ; 3° le principe de son inamovibilité ; 4° l’existence d’un pouvoir disciplinaire autonome ; 5° le droit de continuer à exercer ses fonctions lorsqu’il est investi d’un mandat parlementaire ».

Mais la portée juridique exacte de chacun de ces éléments n’est pas stabilisée, faute de jurisprudence consistante en ce domaine. Tout au plus sait-on à ce jour que le Conseil constitutionnel comme le Conseil d’État consacrent le principe général d’une représentation propre et authentique au sein des conseils de la communauté universitaire. Ceci implique que, dans les conseils, les enseignants-chercheurs soient élus par leurs pairs et représentés en nombre suffisant (décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, cons. 27). Il en résulte, comme le juge le Conseil d’Etat au contentieux, que le principe d’indépendance de enseignants-chercheurs implique que ces derniers « ne puissent être jugés que par leurs pairs » (CE, 22 mars 2000, Ménard, n° 195638 ; 7 juin 2004, Vives, n° 251173) et selon des garanties particulières que le Conseil d’État a été amené à préciser (15 décembre 2010, Syndicat national de l’enseignement supérieur et autres, n°

316927). Certes, le Conseil constitutionnel a paru ensuite restreindre la portée du principe, en jugeant que

« si le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs implique notamment que les professeurs des universités et les maîtres de conférences soient associés au choix de leurs pairs, il n’impose pas que toutes les personnes intervenant dans la procédure de sélection soient elles-mêmes des enseignants-chercheurs d’un grade au moins égal à celui de l’emploi à pourvoir » (Cons. constit., n° 2010-20/21 QPC du 6 août 2010 ; n° 2015-465 QPC du 24 avril 2015). Mais cette apparente restriction du principe d’indépendance est elle-même à relativiser. Par une décision du 4 juillet 2018 (Zanda, n° 393194), le Conseil d’Etat a ainsi jugé, au sujet de la délibération d’un conseil d’administration réuni pour fixer la liste des candidats retenus pour un poste de professeur, que la présence de personnes extérieures au sein d’un organe collégial décisionnel, qui

« ne portait pas par elle-même atteinte au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs », n’entachait pas d’irrégularité la décision prise par cet organe, mais seulement lorsque ces personnes n’ont participé ni aux débats sur les mérites des candidats, ni aux votes et n’ont exercé aucune influence sur les débats. Il est à noter, en outre, qu’une décision du 25 mars 2016 (Mme Bokobza, n° 386199) manifeste même une conception ferme du principe d’indépendance puisque le Conseil d’Etat confirme une décision par laquelle la cour administrative d’appel de Paris (30 septembre 2014, n° 13PA03403) a jugé contraire au principe d’indépendance le fait qu’une commission amenée à se prononcer sur un passage à la classe exceptionnelle ne soit pas « exclusivement composée de professeurs de l’enseignement supérieur ».

Une deuxième conséquence du principe d’indépendance reste plus incertaine, et des précisions en ce sens seraient utiles de la part du Conseil, en particulier pour ce qui concerne les mesures qui accroissent 11 Francis de Baecque, La situation des personnels enseignants des universités. Éléments de réflexion pour une réforme, Paris, La Documentation française, 1974, p. 14.

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suspension dont ces derniers bénéficient à l’égard des délibérations des commissions du conseil académique présentant un caractère réglementaire (article 34 de la loi). La question consiste à savoir si le principe de collégialité représente un accessoire de la garantie d’indépendance, devant comme tel gagner lui-même valeur constitutionnelle. Plusieurs éléments plaident en ce sens. On sait par exemple, et toutes choses égales par ailleurs, que le souci de préserver le bon fonctionnement de la collégialité en matière juridictionnelle montre que celle-ci est indissociablement liée au principe d’indépendance et d’impartialité de la justice.

C’est ainsi que, sans avoir formellement donné valeur constitutionnelle au principe de collégialité des

C’est ainsi que, sans avoir formellement donné valeur constitutionnelle au principe de collégialité des