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2.3.1 S

URL

ÉTABLISSEMENT PUBLIC

C

AMPUS

C

ONDORCET

L’article 17 de la loi introduit par amendement complète le titre IV du livre III du code de la recherche par un chapitre V qui confère un statut législatif nouveau à l’établissement public Campus Condorcet.

L’article L.345-1 prévoit ainsi que « L’établissement public Campus Condorcet est un établissement public national de coopération à caractère administratif rassemblant les établissements d’enseignement supérieur et les organismes de recherche, publics et privés, qui regroupent tout ou partie de leurs activités et de leurs moyens sur le campus de sciences humaines et sociales dénommé Campus Condorcet ».

Cet établissement public est placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il « a pour mission d’assurer la réalisation et le fonctionnement du Campus 58 Décision n° 77-79 DC du 5 juillet 1977 ; décision n° 93-328 DC du 16 décembre 1993 ; n° 97-388 DC du 20 mars 1997 ; n° 99-423 DC du 13 janvier 2000.

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ses membres, notamment à l’échelle européenne et internationale ; soutenir et faciliter d’autres activités de recherche et de formation ; de soutenir et faciliter l’innovation, notamment numérique, et la valorisation de la recherche ; de contribuer à la diffusion des savoirs et de la culture scientifique ; (…) de coordonner, avec tout ou partie des établissements et organismes membres, l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de recherche et d’innovation, notamment de programmes favorisant l’interdisciplinarité entre les sciences humaines et sociales et les autres domaines scientifiques ; Assurer la mise en œuvre d’activités et de projets qui lui sont confiés par tout ou partie de ses membres, notamment en matière scientifique ». (art. L. 345-2 nouveau). Il se voit donc confier donc des missions d’administration et de développement de la recherche.

Ce nouveau statut législatif est accompagné d’une modification relative aux modalités de désignation de son président ainsi que des membres de son Conseil d’administration au regard des règles actuellement en vigueur.

L’art. L. 345-3 du Code de la Recherche prévoit en effet que dorénavant « L’établissement public Campus Condorcet est administré par un conseil d’administration, qui détermine sa politique, approuve son budget et en contrôle l’exécution. Le conseil d’administration comprend :1° Un représentant de chacun des établissements et organismes membres de l’établissement ; 2° Un représentant du ministre chargé de l’enseignement supérieur et un représentant du ministre chargé de la recherche ; 3° Des représentants des collectivités territoriales sur le territoire desquelles est implanté l’établissement ; 4° Des représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs exerçant leurs fonctions dans l’établissement ou dans l’un des établissements ou organismes membres ; 5° Des représentants des autres personnels exerçant leurs fonctions dans l’établissement ou dans l’un des établissements ou organismes membres ; 6° Des représentants des étudiants qui suivent une formation dans l’un des établissements membres ; 7° Des personnalités qualifiées désignées par arrêté conjoint des ministres de tutelle de l’établissement ».

Il est ensuite précisé que les membres du conseil d’administration mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 7°représentent au moins les deux tiers de l’effectif du conseil. Cela signifie, sans que cela soit exactement précisé, que le nombre de « personnalités qualifiées désignées par arrêté conjoint des ministres de tutelle de l’établissement » devrait représenter un tiers du Conseil d’administration.

Enfin, il est prévu que « Le président de l’établissement, choisi parmi les membres du conseil d’administration sur proposition de celui-ci, est nommé par décret pris sur le rapport des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche ».

Cette nouvelle organisation méconnaît à double titre la Constitution.

Tout d’abord, en prévoyant que le Conseil d’administration est composé « de personnalités qualifiées désignées par arrêté conjoint des ministres de tutelle de l’établissement » sans en préciser exactement le nombre, mais en mentionnant seulement que joints au représentant de « chacun des établissements et organismes membres de l’établissement, au représentant du ministre chargé de l’enseignement supérieur et un représentant du ministre chargé de la recherche ; et aux représentants des collectivités territoriales sur le territoire desquelles est implanté l’établissement », ils constituent les deux tiers des membres du Conseil, l’énoncé de l’article L. 345-4 est entaché d’incompétence négative.

Par ailleurs, cette imprécision ne prémunit pas contre la prépondérance des personnes représentants les autorités de tutelles ou nommées par celles-ci au sein du Conseil d’administration, ce qui est de nature à porter atteinte à la liberté de la recherche qui découlent des libertés d’opinion, d’expression, et de

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1789 et du principe d’indépendance des enseignants-chercheurs dont la valeur constitutionnelle a été reconnue depuis la décision n° 83-165 DC 20 janvier 1984.

De la même façon, en prévoyant que « le président de l’établissement » peut-être « choisi parmi les membres du conseil d’administration sur proposition de celui-ci » sans réserver cette fonction à un représentant des établissements et organismes membres de l’établissement ou un « représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs exerçant leurs fonctions dans l’établissement ou dans l’un des établissements ou organismes membres », les règles de désignation du président de l’établissement portent atteinte à la liberté de la recherche, qui découle des libertés d’opinion, d’expression, et de communication consacrées aux articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 ainsi qu’au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs dont la valeur constitutionnelle a été reconnue depuis la décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984.

2.3.2 S

URLARATIFICATIONDEL

ORDONNANCENO

2018-1131

DU

12

DÉCEMBRE

2018

L’article 43 de la loi de programmation ratifie l’ordonnance no 2018-1131 du 12 décembre 2018, qui crée un établissement public expérimental pouvant regrouper ou fusionner des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Il est prévu à l’article 10 de cette ordonnance que le conseil d’administration de cet établissement ne peut comporter moins de 40 % de représentants élus des personnels et usagers (30 % si aucune université ne fait partie de ce regroupement). En prévoyant une telle composition, l’ordonnance, à double titre, « n’a pas assorti de garanties légales les principes de caractère constitutionnel que constituent la liberté et l’indépendance des enseignants-chercheurs »59. D’une part en effet, les représentants des usagers et personnels seront en minorité au conseil d’administration, ce qui implique que celui-ci pourra être dirigé, en pratique, par les membres extérieurs qui y seront nommés, au mépris de la liberté et de l’indépendance qui doivent s’appliquer à la gestion des établissements d’enseignement supérieurs pour que les tâches d’enseignement et de recherche puissent être menées avec l’indépendance nécessaire. D’autre part, en ne prévoyant aucun seuil minimal de représentation des enseignants-chercheurs (même extérieurs) au conseil d’administration, l’ordonnance a méconnu le principe spécifique de liberté et d’indépendance des enseignants-chercheurs. Puisque le Conseil peut examiner une ordonnance à l’occasion de sa ratification60, il lui appartient de déclarer contraire à la Constitution cette disposition, ou au moins de l’assortir d’une réserve d’interprétation.

2.3.3 S

URLESÉCOLESDE VÉTÉRINAIRES

L’article 45 de la loi rajoute un nouvel article au code rural et de la pêche maritime : l’article L. 813-11.

Cet article est contraire à l’alinéa 13 du Préambule de la Constitution de 1946 en vertu duquel l’enseignement public supérieur est un devoir de l’État. Il en découle notamment l’obligation pour l’État de créer un enseignement public gratuit. En autre, il viole le Préambule de la Charte de l’environnement aux termes de laquelle « la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation » ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement61.

59 Décision no 93-322 DC du 28 juillet 1993, cons. 12.

60 Décision no 84-170 DC du 4 juillet 1984, cons. 5.

61 Cons. const., n° 2019-823 QPC, Union des industries de la protection des plantes [Interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques) ;

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l’accès à cet enseignement public d’intérêt général, qui participe à l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, la loi autorise la création d’école privée de vétérinaires sans se préoccuper en parallèle de l’enseignement public. Or, si l’enseignement privé est libre, cela signifie qu’il est alternatif et ne saurait se substituer à l’enseignement public. Par conséquent, le nouvel article L. 813-11 du code rural et de la pêche maritime est contraire à la Constitution.

2.4 SUR LE NOUVEAU DÉLIT PÉNAL D’ATTEINTE AU BON ORDRE ET À LA