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Observation du public mis en scène depuis l’espace affecté par le dispositif

CHAPITRE 6 L’expérience des événements climatiques dans les installations

6.6.2 Observation du public mis en scène depuis l’espace affecté par le dispositif

On peut retrouver la notion de la scène dans l’installation « The Weather Project » (2003) conçue par l’artiste dano-islandais Olafur Eliasson. L’installation consiste en une immense salle d’une hauteur de 35 mètres remplie par de bruine diffusée par des brumisateurs et colorée d’une lumière jaune-orange, recréant ainsi une ambiance de coucher du soleil dans l’espace intérieur de musée.127

127 L’installation a été exposée dans l’espace de la salle Turbine Hall à la Tate Modern de Londres durant la période du 16 octobre 2003 au 21 mars 2004. La salle est de 155 mètres de longueur, de 23 mètres de largeur et de 35 mètres de hauteur. Cette installation a été vue par plus de deux millions de visiteurs.

Le public est tout d’abord confronté à une transition thermique lors du passage du climat hivernal de l’espace extérieur de la ville (la pluie, le froid) à une ambiance climatique chaude suggérée dans l’espace intérieur qui représente une forme d’évasion du temps qu’il fait. D’une part, l’installation évoque une ambiance chaude même si l’objet représentant le soleil ne diffuse pas de chaleur. D’autre part, les conditions climatiques objectives à l’intérieur sont probablement d’une température plus élevée que celle de l’espace extérieur. Aussi, l’exposition de la peau à la lumière diffusée peut avoir des effets physiologiques sur la perception (Rahm, 2009).

En rentrant dans l’espace de l’exposition, le regard est immédiatement attiré par ce qui semble être un soleil orange et jaune éblouissant, situé sous le plafond en face de l’entrée, à l’autre bout de la salle. La reconnaissance en grand d’un objet que l’on a l’habitude de voir en petit peut provoquer un étonnement chez les visiteurs.

Le soleil est construit d’un écran semi-circulaire de 14 mètres de diamètre suspendu sous un faux plafond en miroir qui restitue la forme circulaire de l’astre et double visuellement le volume de la salle. Derrière l’écran semi-circulaire, deux cents ampoules monochromatiques illuminent le hall et les buses localisées sur les bas-côtés du miroir diffusent le brouillard artificiel, composé d’eau et de sucre, ajoutant de l’ambiguïté à l’atmosphère.

En se rapprochant de l’autre côté de la salle, les visiteurs comprennent alors que l’impression d’un soleil dans un environnement infini est construite par le miroir et que le brouillard est créé artificiel-lement par des buses mécaniques.

Les images et les vidéos montrent les visiteurs s’allonger sur le sol en béton comme si c’était un champ d’herbe lors d’un après-midi estival, et regarder le « soleil » comme hypnotisés par ce phé-nomène exceptionnel au milieu d’un Londres hivernal.

Le visiteur spectateur devient ainsi l’interprète de cette apparence de coucher du soleil mise en place par l’appareillage de l’installation clairement laissé visible. En exposant la sous-structure, le câblage électrique et les machines distribuant la brume, l’auteur accentue la notion de nature comme cons-truction culturelle et permet aux visiteurs de comprendre l’expérience, elle-même conscons-truction, de s’interroger et d’évaluer son impact sur leur ressenti.128

128 De façon générale dans son travail Olafur Eliasson souhaite montrer que notre milieu et la réalité que l’on habite sont construits. Voir la présentation de l’artiste sur la vidéo TateShots : Olafur Eliasson. 2011. Mise en ligne sur le site de Tate Modern le 30 juin 2011 [3’41’’]. London. Disponible sur : http://www.tate.org.uk/context-comment/video/tateshots-olafur-eliasson (consulté en juillet, 2017).

Le regard découvre le reflet de la salle et du public dans le miroir. D’après les sources consultées, au début, les visiteurs se heurtent pour trouver leur propre silhouette dans la foule.129 À partir des enre-gistrements photographiques et vidéographiques disponibles en ligne, on peut voir le public se dé-placer et expérimenter différentes postures, s’asseoir et s’allonger sur le sol, seul ou en groupe, de façon spontanée ou en collaborant pour créer des signes/figures avec leurs corps, pour se divertir et communiquer son message à autrui (Figure 47).

Figure 47 « The Weather Project », Olafur Eliasson, 2003. A gauche : Le reflet dans le miroir. Source : http://olafureliasson.net/archive/artwork/WEK101003/the-weather-project. Au milieu : Vue depuis la galerie dans la salle d’exposition. Source : http://olafureliasson.net/archive/exhibition/EXH101069/the-weather-project. À droite : Vue depuis l’extérieur. Source : https://www.domusweb.it/it/architettura/2006/06/08/air-portikus.html (consultés en mars, 2017).

C’est là que les « spectateurs-interprètes » deviennent « acteurs principaux » d’une expérience par-tagée, par leur attitude et le comportement réfléchis dans le miroir et perceptibles/visibles par au-trui. Dix ans après, l’artiste Olafur Eliasson fait une rétrospective et met en avant la construction commune de l’ambiance, l’expérience partagée, la collectivité qui a accentué ou amplifié certaines qualités de l’œuvre. En même temps, Elliason souligne un degré élevé des interprétations, le carac-tère à la fois singulier et pluriel de cette expérience, chaque interprétation étant une construction unique.130 Depuis les enregistrements photographiques et vidéographiques, on peut conclure qu’une représentation ou manifestation des actions entreprises est importante, qu’il existe un désir chez l’homme de se manifester individuellement ou collectivement en public et qu’une ambiance clima-tique est susceptible de provoquer de tels comportements.

129 Récit sur l’expérience vécue d’un des visiteurs : « Le public commence à se montrer du doigt et à faire des signes, en essayant de se repérer, ou simplement reste en place et observe, absorbé par la contemplation » Traduction libre. Dan Hill. 2003. « The Weather Project ». City of Sound. Article publié le 25 novembre 2003. Disponible sur : http://www.cityofsound.com/blog/2003/11/the_weather_pro.html (consulté en juillet, 2017). 130 Studio Olafur Eliasson. 2013. Celebrating Olafur Eliasson’s The weather project 10 years on. Vidéo mise en ligne par Studio Olafur Eliasson le 8 mars 2016 [2’49’’]. Disponible sur : https://youtu.be/k_k8D5QowTY (consulté en juillet, 2017).

Le miroir agit comme un dispositif réactif (dans le mode passif) aux comportements, car il reflète en temps réel les usages entrepris par l’ensemble des visiteurs. Le miroir contribue à l’impression de contrôle et à l’appréhension du « commun », car représente une interface du contact avec autrui. De même, en cherchant à s’identifier dans le miroir, les visiteurs affirment la conscience de soi objective (Battacchi, 1996).

La perception visuelle est modifiée par la saturation jaune qui augmente le contraste entre le noir et le jaune, et élimine d’autres couleurs du spectre perceptible (bichromie). Ainsi, les petites silhouettes noires visibles dans le plafond-miroir sont perceptibles à travers les nappes de la brume vaporeuse et jaune qui s’empilent, estompent les contours et rajoutent un caractère mystérieux à l’atmosphère. La disposition spatiale de la salle, les effets dynamiques dans une morphologie du type « milieu » et la notion de « scène » invitent à faire un parallèle avec une ambiance caractérisant les festivals de la musique dans l’espace extérieur.

Devant la scène d’un concert, le public est immergé dans une ambiance du type « milieu » constitué d’un mélange de l’air et de nappes de fumée diffusées depuis la scène, percées par les lumières stro-boscopiques ou des flashs giratoires. Les puissantes ondes sonores font vibrer l’air et les corps. Situé dans la fosse, le public est obligé de négocier constamment ses mouvements et sa localisation dans l’espace. L’autre habite à priori la distance intime/personnelle en raison d’un espace confiné. La poussière levée depuis la terre par ces micro déplacements des corps fait partie du « milieu » et peut être visible, éclairée par la scène. La scène est dotée d’écrans géants qui projettent des images rapi-dement changeantes. La scène est donc située devant le public et son contenu est en grande partie programmé dans un mode « autonome » et indépendant des réactions du public. En effet, les musi-ciens/acteurs du spectacle réagissent face aux réactions du public mais ils habitent eux aussi leur propre « milieu » marqué par les enceintes orientés vers les artistes, un programme du spectacle et des effets audio-visuels projetés préétablis.

Dans l’installation « The Weather Project », on peut identifier deux scènes : une programmée et pé-renne, située dans le mur en face de l’entrée dans la salle d’exposition (contenant le demi-cercle du soleil et les buses pour la diffusion de la lumière et de la brume), et une autre entièrement régie par le public, située sur le miroir de plafond. Le public s’oriente vers le spectacle qui est leur propre pré-sence réfléchie dans le miroir (Figure 48).

Ainsi on peut dénommer ce phénomène comme un « transfert d’invite » (par le biais des « invites séquentielles ») puisque l’ambiance climatique agit comme une première « invite » et son explora-tion sous-tend un transfert d’attenexplora-tion vers une deuxième « invite » qui est le reflet dans le miroir. La première invite caractérisée par l’émergence temporelle du type « pérenne » agit comme un bruit de fond, un support pour la deuxième invite qui comprend toute la dynamique et toute action.

Figure 48 Schéma de rapport public-scène en coupe (1) dans le cas d’un spectacle dans l'espace extérieur et (2) dans l'installation « The Weather Project » dans l'espace intérieur du musée.

Dans un concert de musique, la lumière projetée depuis la scène, les vibrations sonores et les images projetées, font accélérer le rythme cardiaque et réveillent le corps. Dans cette installation un effet inverse est instauré : la lumière est constante, l’ambiance sonore est rythmée par les buses. Cette ambiance fait référence aux Thermes Romains où l’on est allongé et où l’on se baigne à plusieurs dans la vapeur, avec une activité physique réduite a minima.

On peut faire une analogie avec le projet architectural de l’ombrière réalisé dans l’espace public sur le quai du Vieux port à Marseille (Foster+Partners, 2013)131 où le miroir joue le même rôle. Un envi-ronnement thermiquement attractif et confortable donne lieu à une « mise en scène » du public. Les événements qui se fabriquent sont principalement de l’ordre visuel et ne sont pas liés au climat. A l’échelle pico, le temps du passage d’un piéton, qui est de l’ordre de quelques secondes ou de quelques minutes, l’espace ombragé représente un milieu stable avec une émergence temporelle « pérenne ».

131 Le projet pour l’ombrière a été développé par l'architecte britannique Norman Foster en collaboration avec le paysagiste français Michel Desvigne retenu à l'occasion de la capitale européenne de la culture à Marseille en 2013, dans un concours international de réaménagement et de réorganisation du Vieux-Port.

Le vieux Port est le plus ancien port de Marseille, le centre historique et culturel de la ville, aujourd’hui l’un des symboles de Marseille, le lieu de plaisance et de rassemblement, lieu de marché, station de métro de nombreux bus et des services maritimes comme le « ferry boat », avec des nombreux bars et restaurants autour. Avec la réduction des couloirs automobiles de 50%, les deux tiers des quais de Vieux-Port et de leurs abords sont devenu semi-piétonnisés.

D’une hauteur de 6 m, supportée par huit colonnes « minces », l’ombrière est revêtue de 158 miroirs et ressemble à un pavillon avec les côtés ouverts pour accueillir les événements organisés, les voya-geurs utilisant des navettes maritimes, le marché aux poissons, les passants.

C’est un cadre qui expose les activités publiques de la place et un îlot de fraîcheur grâce à l’ombre et à la hauteur qui permet de ne pas emmagasiner l’air chaud. Lors d’entrée dans la zone ombragée, la transition brusque anticipée s’opère entre un milieu chaud – inconfortable et un milieu frais ou neutre – confortable.

Une fois au sein du milieu ombragé, le geste principal consiste à lever la tête en marchant ou en s’arrêtant debout, assis, allongé, ouvrir les yeux (contre plisser sous soleil) et observer les événe-ments reflétés, chercher à s’identifier et retrouver son reflet (puis, par exemple, prendre la photo). Quand on lève la tête on peut observer à travers la structure les mouvements des habitants et le jeu entre haut et bas, le sol et le ciel (Figure 49).132 Toute l’attention est dirigée vers les images et les activités réfléchies dans le miroir. L’ombrière augmente le champ visuel et reflète les éléments du milieu environnant qui ne sont pas visibles du point de vue du piéton (les bateaux, la mer, la ville – circulation routière/bâtiments, les piétons qui s’y retrouvent). Un visiteur résume ainsi l’expérience offerte par la structure :

« Cette ombrière a un pouvoir d’attraction absolument fabuleux. Quand on arrive, on voit toujours des personnes dessous. Curieux, on y va pour découvrir que tous regardent le plafond. Et c’est ça le plus beau : on vient ici pour voir les bateaux et la première chose que l’on fait est de s’admirer soi en haut vu d’en bas. […] C'est aussi le changement perpétuel de ce miroir immobile et qui nous offre à chaque moment une image changeante de lui, de nous, de la ville. »133

132 Dans une série des photos des internautes, des photos prises sont renversées comme si le reflet représente la vue « réelle » et comme si les alentours sont une fiction, par exemple : griffe pétale. 2014. sp7ɹoʍ 7ɐǝɹ ~ hopscotch angels : les Habitants du Miroir ~ la marelle des anges. Flickr [en ligne]. Photo prise le 13 mai 2014, publié le 1 octobre, 2014. Disponible sur : https://www.flickr.com/photos/xden/15226241330/ (consulté en juillet, 2017).

Le jeu des reflets du haut et bas suscite également l’expression par la poésie. Commentaire d’un internaute sur une photo : « Entre ciel et terre, entre gris clair et gris foncé, entre nous c'est un ciel maritime. Entre deux mers. La mer d'en haut et celle d'en bas. L'amer dans eau et la mère dans bas. C'est comme on veut. Sauf qu'en bas c'est le ciel et ça nous renvoie au jeu de marelle. Mar : elle, aile ou elfe. Mare nostrum ». Jopa Elleul. 2013. Ombrière - Vieux Port de Marseille. Flickr [en ligne]. Mise en ligne le 20 mai 2013. Disponible sur : https://www.flickr.com/photos/obni/8880413265/ (consulté en juillet, 2017).

133 Elisabeth Poulain. 2014. « A Marseille > L’Ombrière de Norman Foster, un mystère urbain en miroir ». Le Blog d’Elisabeth Poulain [en ligne]. Publié le 22 juillet 2014. Disponible sur : http://www.elisabethpoulain.com/search/ombri%C3%A8re/ (consulté en juillet, 2017).

Néanmoins, le déplacement de la zone ombragée dans l’espace non abrité par la structure redéfinit la zone d’influence du dispositif et influe sur les usages. On peut voir sur une vidéo les habitants re-groupés dans la zone qui permet à la fois de rester à l’ombre et d’observer/percevoir le reflet, tandis que la zone ensoleillée au-dessous de la structure reste vide.134 En revanche, dans la Figure 50 à droite les habitants sont regroupés au-dessous de la « scène » tandis que l’ombre reste inhabitée à côté. Invités par le milieu abrité frais, les habitants restent au final exposé au soleil en train d’expérimenter la deuxième invite qui est la scène.

Figure 49 Ombrière à Marseille, Foster+Partners, 2013. Se « projeter » ailleurs. À travers le reflet, l’espace envi-ronnant du port et les habitants qui s’y retrouvent font également partie de l’espace de l’ombrière. À gauche : Photo prise le 10 mai 2013. https://www.flickr.com/photos/lafond/9644347623/. Au milieu : https://www.flickr.com/photos/lafond/9647589510/. À droite : Reflet des pavés lisses qui réfléchissent la lu-mière comme une surface d’eau. Reflet du ciel devenu le sol. Projection de l’observateur ailleurs à travers le reflet. La transition climatique de l’entrée et de la sortie de l’ombre. Photo prise le 7 mai 2013. Source : https://www.flickr.com/photos/_boris/8721649614/ (Sources consultées en mars, 2017).

Figure 50 Ombrière à Marseille, Foster+Partners, 2013. On peut être sous l’ombrière et ne pas se retrouver à l’ombre. À gauche : La prise de vue d’un piéton sur son reflet montre l’ombre déplacé en dehors de l’espace abrité. Source : https://www.flickr.com/photos/2-fre/30071223105/ A droite : L’ombre projetée à côté de la structure. Photo prise le 12 août 2014. Source : https://www.flickr.com/photos/arnaudt/14936702101/ (consul-tés en mars, 2017).

134 La Photo Qui Bouge, Marseille, 13 juin 2013, 19h00 : L’Ombrière (by Norman Foster). 2013. Vidéo mise en ligne par Sabine Huynh le 16 juin 2013 [1’]. Disponible sur : https://youtu.be/4RBnTu6u9a0 (consulté en juillet, 2017).

Une autre illustration du « transfert d’invite » où l’ambiance climatique sert de fond stable pour les dynamiques générées exclusivement par le public mis en scène est le projet « Blur building » (2002). Le « Blur building » est un pavillon atmosphérique, une « atmo-architecture » (Sloterdijk, 2013) cons-truite pour l’exposition nationale suisse de 2002 à Yverdon-les-Bains, sur la rive du lac de Genève. La structure d’une largeur de 270 mètres, d’une profondeur de 180 mètres et d’une hauteur de 22,5 mètres, réduite à un squelette, se trouve enveloppée par la matière première provenant du site : l’eau est pompée du lac, filtrée et pulvérisée pour produire une masse dynamique de brouillard. Le pavillon est construit principalement d’un nuage d’eau pulvérisée, accessible par une passerelle. Une première transition thermique surgit lorsque les visiteurs quittent l’espace sec et éclairé par la lumière du jour et sont soudainement enveloppés par le nuage humide suspendu au-dessus du lac. On peut supposer que la transition (d’un point de vue physique et physiologique) objectivement brusque est vécue comme progressive en raison de l’anticipation assurée par la disponibilité des in-dices visuels sur le milieu que l’on va pénétrer (Figure 51).

Figure 51 « Blur building », Scofidio & Diller, 2002. L'accès au pavillon via la passerelle. Vue sur le pavillon, ac-cessibilité des indices à distance. Sources : http://www.dsrny.com/projects/blur-building (à gauche) et Diller et Scofidio, 2002 (à droite).

Bien que les diffuseurs de la brume se déclenchent et régulent les débits des flux brumeux par un ordinateur central en fonction des conditions climatiques (la température, l’humidité, la direction et la vitesse du vent) en temps réel, le nuage quant à lui fait de la poussière d’eau et il est pris au gré des changements des conditions climatiques environnantes (et en particulier des courants d’air). Différentes formes apparaissent dans les couleurs et les densités lumineuses/vaporeuses des plus variées. Le chemin traversé est perdu de vue et la perspective des mouvements potentiels futurs est rendue floue par la brume. Ainsi, la notion du mouvement, du déplacement et la localisation dans l’espace est une question primordiale pour l’expérience que va vivre le visiteur. En même temps, dans l’absence de courants d’air et dans des conditions climatiques stables, le corps en mouvement peut perturber le nuage, déplacer et modéliser à nouveau la forme de la brume traversée. Les

visi-teurs peuvent alors visuellement appréhender les conséquences de leur propre déplacement à tra-vers la configuration spatiale du milieu vaporeux. Les visiteurs sculptent le nuage.

Le public est invité à flâner dans un environnement vaste, flou et humide, sans repère, sans forme ni limite stable et dans lequel rien de particulier n’est donné à voir.135 En entrant dans la masse de brouillard, toute référence visuelle est abolie. En l’absence d’indice visuel, les autres sens deviennent primordiaux pour se repérer dans l’espace, et en particulier le sens auditif et tactile. Cela implique une interprétation différente de l’espace, qui varie fortement selon chacun. Par exemple, une telle ambiance peut provoquer un état contemplatif ou le sentiment de peur ou de confusion.

Après avoir traversé la passerelle, les visiteurs arrivent sur une grande plate-forme située au centre de la masse de brouillard et qui représente une surface blanche à interpréter (« blank interpretive surface »). Les premiers indices perceptibles apparaissent. À la vision « blanche » s’ajoutent des fi-gures noires et contrastées et à l’ouïe s’ajoute le rythme des pulsations des buses de pulvérisation (Figure 52).

Figure 52 Figures contrastées du public au sein du brouillard. Source : http://www.dsrny.com/projects/blur-building (consulté en mars, 2017).

Les architectes de « Blur building » envisagent initialement un système de marquage électronique