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Objet de la recherche

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 21-24)

L’objet de notre recherche concerne la mise en perspective du fétichisme du produit et de ses conditions d’émergence dans le contexte de la société de consommation contemporaine caractérisée par l’omniprésence et le pouvoir d’influence de l’institution publicitaire.

1.1. Le concept de fétichisme du produit

Le concept de fétichisme, initialement issu des premières études à visée scientifique du fait religieux dans les sociétés traditionnelles, s’est vu peu à peu abandonné par l’anthropologie à cause de son caractère évolutionniste et ethnocentriste (Mauss, 1907). Les reprises marxiste, sexologique, puis psychanalytique du concept lui ont donné une seconde vie. Néanmoins, le caractère pluridisciplinaire du concept en rend l’usage particulièrement complexe. Son enracinement profond dans les littératures en psychanalyse/sexologie (le fétichisme comme rapport pathologique à l’objet) et en économie politique/philosophie (le fétichisme comme mystification et aliénation de l’individu) ont durablement associé le concept à des conceptions sexuelles ou critiques du rapport du consommateur à l’objet. Si par son histoire, le concept de fétichisme paraît légitime comme outil analytique critique de la consommation (comme mode d’aliénation de l’individu), nous proposons dans la présente recherche de revisiter la littérature sur le fétichisme pour en développer une approche fondée sur la pensée magique (e.g. Fernandez et Lastovicka, 2011 ; Rozin, 1994 ; Rozin, Millman et Nemeroff, 1986).

Au regard des littératures en anthropologie et en psychanalyse, le concept de fétichisme du produit paraît adapté pour mettre en lumière les fondements de certains phénomènes de consommation en lien avec l’investissement magique des produits. Ce concept est digne d’intérêt en ce qu’il permet de mettre particulièrement bien en lumière la flexibilité et le caractère fluctuant des croyances du consommateur contemporain, ainsi que la manière dont ce dernier s’appuie symboliquement sur ses possessions pour se réaliser.

Le fétichisme met à la fois en valeur l’instrumentalisation du produit par l’individu (en vue d’assouvir ses désirs et de nourrir ses aspirations) tout en ne négligeant pas l’aura et l’emprise du produit sur l’individu. Le produit, analysé en tant que fétiche, dont la dimension symbolique est donc pleinement prise en compte, est appréhendé comme un véritable agent en ce qu’il influence significativement le comportement de l’individu. Cela fait du fétichisme un concept intriguant à l’heure où les marques semblent essayer de susciter une attente magique vis-à-vis de leurs produits à travers leurs promesses publicitaires.

La présente recherche déploie une conceptualisation du fétichisme adaptée au contexte de la consommation contemporaine afin d’aborder le phénomène d’attribution d’un pouvoir magique à 21

l’objet comme un phénomène universel pour le consommateur (i.e. non-pathologique et pouvant potentiellement concerner chaque individu). Dans cette optique, cette recherche propose un travail conceptuel fondé sur une revue pluridisciplinaire de la littérature relative au fétichisme.

1.2. L’influence de l’exécution publicitaire sur le fétichisme par le biais des attentes transformationnelles

Un simple visionnage de publicités de marques de sport permet d’observer que le discours de ces marques vise souvent à l’identification du consommateur à ses idoles sportives. Le contenu discursif des publicités insiste généralement sur les vertus de la persévérance, du travail d’équipe et du dépassement de soi, de même que sur une éthique du perfectionnement constant (Rubio-Hernandez, 2011). Ces discours, associés à des promesses de performances extraordinaires et d’amélioration de soi, font des produits de consommation sportive de véritables objets aspirationnels chargés de pouvoirs magiques. Comme le suggère Belk (2001, p.147), la publicité moderne est « fondamentalement hyperréelle et hyperfétichisée » et est susceptible de susciter un rapport fétichiste aux objets. La dimension hyperfétichisée de la publicité est également traitée par Jhally (1987), proposant une étude mettant en évidence l’orientation de plus en plus transformationnelle du discours publicitaire entre les années 30 et les années 80. Selon Jhally, la publicité présente moins les attributs des produits et leur valeur fonctionnelle, mais élabore sur la manière dont ces produits peuvent transformer le quotidien voire le soi des consommateur. Le pouvoir d’influence de la publicité serait néanmoins dilué par son omniprésence dans le quotidien des consommateurs contemporains (le « daily media barrage » selon la formule de Belk, 2001, p.

147).

La question de la nature de la promesse dans le discours publicitaire nous paraît essentielle pour comprendre la manière dont le fétichisme vis-à-vis d’un produit peut se développer chez le consommateur. Dans la présente recherche, nous étudions tout particulièrement la notion de publicité exagérée (Cowley, 2006 ; Hoek et Gendall, 2007). Selon la littérature, la publicité exagérée, à travers des slogans ou des imageries hyperboliques, peut susciter des attitudes et des croyances positives chez le consommateur et passer outre la tendance répandue au scepticisme vis-à-vis de la publicité (de Pechpeyrou et Odou, 2012). La promesse exagérée, dans le cadre du

discours publicitaire, semble affecter le rapport du consommateur au produit sans pour autant que cette promesse soit tenue rationnellement pour vraie par ceux qui y sont exposés.

Pour apporter des clés de compréhension à la question de l’influence de la publicité sur le développement du fétichisme du produit, nous mobilisons le concept d’attentes transformationnelles (Richins, 2011, 2013). Selon Richins, les médias altèrent la manière dont le consommateur perçoit les bénéfices des produits. Ceux-ci font l’objet d’attentes d’ordre « magique », déconnectées de leurs attributs objectifs. Nous postulons dans cette recherche que les attentes transformationnelles constituent l’articulation fondamentale permettant d’expliquer l’influence du discours publicitaire sur la manière dont les produits sont perçus comme magiques et constitués comme fétiches une fois acquis.

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