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Le renouveau du concept de fétichisme en anthropologie

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 62-76)

Chapitre préliminaire. Généalogie du concept de fétichisme

Section 3. Le renouveau du concept de fétichisme en anthropologie

Cette section expose des approches théoriques du fétichisme ayant émergé dans le champ de l’anthropologie moderne. Après avoir été abandonné par ce champ académique pendant près d’un siècle, le concept de fétichisme y a connu un regain d’intérêt à la suite de ses reprises marxiste et psychanalytique.

La présente section introduit le concept de totémisme individuel d’Emile Durkheim (1912) — très semblable à celui de fétichisme de par les phénomènes qu’il recouvre —, ainsi que les lectures innovantes du fétichisme proposées par Baudrillard (1970), Ellen (1988) et Silva (2013).

3.1. Le concept de « totémisme individuel » selon Durkheim

Emile Durkheim (1858-1917) ne traite à aucun moment du fétichisme dans son œuvre Formes élémentaires de la vie religieuse (1912) et n’emploie jamais le terme « fétiche ». Dans cet opus, il conçoit la religion comme un fait social structurant les comportements individuels de manière objective. Son approche s’oppose donc notamment à celle de Tylor (1871) qui voit dans les religions des sociétés traditionnelles des phénomènes fondés sur l’imaginaire et l’irrationalité humains. Dans le premier tome des Formes élémentaires, Durkheim réfute le concept d’animisme tel qu’il est conçu par Tylor. La charge de Durkheim contre la théorie animiste est extrêmement virulente : celle-ci n’aurait pas de caractère scientifique car elle ne s’intéresse pas au réel et envisage que les religions traditionnelles relèveraient de « l’hallucination ». Subséquemment, le fétichisme étant appréhendé comme une forme d’animisme dans l’œuvre de Tylor, il se trouve donc rejeté d’emblée par Durkheim.

Dans ses Formes élémentaires, Durkheim discute principalement du totémisme en tant que système religieux élémentaire. Au cœur de ce système se trouve un ensemble de croyances et de pratiques que Durkheim qualifie de « totémisme individuel ». Cette forme personnelle de totémisme se rapproche beaucoup de ce que De Brosses (1760) décrivait dans son travail sur le fétichisme de par le caractère individuel du rapport au totem individuel et de par la nature même de ce totem.

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« Dans quelques tribus australiennes et dans la plupart des sociétés indiennes de l'Amérique du Nord, chaque individu soutient personnellement avec une chose déterminée un rapport comparable à celui que chaque clan soutient avec son totem. Cette chose est parfois un être inanimé ou un objet artificiel; mais c'est très généralement un animal. Dans certains cas, une portion restreinte de l'organisme, comme la tête, les pieds, le foie, remplit le même office. » (1912, pp.158-159).

Une autre observation de Durkheim permet de souligner la similarité du totem individuel et du fétiche : le caractère délibéré de sa création. Le totem collectif est appréhendé comme une

« institution publique ». L’affiliation totémique est héréditaire car déterminée par la naissance dans un certain clan. A contrario, le totem individuel est provient d’un acte délibéré consistant en « une série d’opérations rituelles » et s’ajoute à l’affiliation totémique collective. D’ailleurs, Durkheim souligne bien le caractère facultatif du totem individuel. A l’instar du fétiche (traditionnel ou contemporain), rien n’empêche l’individu d’acquérir plusieurs totems personnels ou de changer de totems si les siens s’avèrent inopérants.

Lorsque l’on juge cette équivalence acceptable, les observations de Durkheim quant au totem individuel revêtent un intérêt considérable pour qui s’intéresse au fétichisme. Un premier point important concerne le rôle du totem individuel. Selon Durkheim, le totem individuel constituerait un allié et un compagnon pour l’individu qui le possède. Il lui confèrerait des pouvoirs magiques et des qualités particulières. Néanmoins le totem individuel resterait sous le contrôle de son possesseur, même si Durkheim sous-entend l’existence d’une relation d’interdépendance.

Un second point important découle de l’analyse durkheimienne du totémisme. Il est particulièrement intéressant de constater que Durkheim replace l’existence du totem individuel dans le cadre plus général du totémisme collectif. Il apparaît comme un phénomène plus « fortuit » que le totémisme collectif et lui serait « périphérique » pourrait-on dire. On pourrait considérer le totémisme individuel comme assujetti au totémisme collectif. Néanmoins, Durkheim présente une observation d’un grand intérêt : le totémisme individuel serait plus persistant et plus durable dans les sociétés totémiques. Durkheim attribue cette persistance à la plus grande indépendance du totémisme individuel vis-à-vis de la logique sociale. En outre, Durkheim ajoute que ce type de

totémisme se retrouverait au sein des sociétés « modernes » au travers de certains usages populaires.

Ainsi, dans la lignée de Frazer (cité régulièrement dans les Formes élémentaires ; 1890), il admet la survivance des croyances magiques dans la société moderne, plus précisément du totémisme individuel comme rapport magique à l’objet. De plus, son observation montre que le totémisme individuel, en tant que rapport magique à l’objet, est compatible avec d’autres systèmes de croyances religieuses, en l’occurrence le christianisme.

Cette conception du totémisme individuel met à mal les approches voyant dans le fétichisme un système de croyances autonome et monolithique. Au contraire, le fétichisme pourrait donc exister comme forme de rapport magique à l’objet conjointement avec d’autres croyances, magiques voire scientifiques.

3.2. Jean Baudrillard : le produit-signe et le fétichisme comme culte de l’idéologie capitaliste

Dans son article paru dans la Nouvelle revue de psychanalyse (1970), Jean Baudrillard (1927-2007) propose un commentaire du concept de fétichisme dans les champs de la psychanalyse et de l’économie politique. Il critique la « dramaturgie paléo-marxiste » qui associe le rapport des individus aux objets au culte du veau d’or dans les sociétés capitalistes. Selon lui, l’usage marxiste du terme de fétichisme ne serait ni analytique, ni en mesure de constituer un cadre explicatif de la consommation moderne. A contrario, en intégrant le fétichisme dans la théorie de la « structure perverse », la psychanalyse serait la seule discipline à en faire un véritable outil théorique.

Baudrillard propose d’inscrire le fétichisme dans une perspective sémiologique. Selon lui, si le fétichisme existe, ce n’est pas un fétichisme du signifié mais un fétichisme du signifiant, c’est-à-dire de ce qui est « « factice », différentiel, codé, systématisé » (p.216). Baudrillard souligne d’ailleurs le rôle des « stratèges » dans l’investissement d’une « force » dans leurs produits, qu’il s’agisse du « bonheur, [de] santé, [de] sécurité, [ou de] prestige » (p.216). Le fétichisme ne constituerait cependant pas une « passion des substances », mais la « passion du code ». Le fétichisme serait la manifestation d’un désir pervers attaché au code structurel, idéologique de la société. Pour Baudrillard, le fétichisme, loin d’être la simple sacralisation d’un objet, constituerait la sacralisation du système.

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La perspective de Baudrillard est intéressante en ce qu’elle rappelle que les produits fabriqués dans les sociétés capitalistes ne sont pas à comprendre isolément : il faut les replacer dans un ordre culturel auxquels ils appartiennent. Cet ordre culturel est co-construit par les « stratèges » (i.e. le service marketing des entreprises) et les « usagers ». L’acquisition et la fétichisation d’une voiture de luxe serait par exemple la sacralisation du système capitaliste et de son idéologie.

3.3. Le fétichisme comme phénomène positif et universel selon Ellen (1988) et Silva (2013)

Le concept de fétichisme a été laissé à l’abandon pendant plusieurs décennies à la suite de l’institutionnalisation et la « scientifisation » du champ anthropologique (cf. paragraphe 1.1.4). Il a néanmoins connu un regain d’intérêt de la part du monde scientifique notamment à la suite des travaux de William Pietz (1985, 1987, 1988) et de Roy Ellen (1988). Ce paragraphe n’aborde pas l’ensemble des discussions anthropologiques découlant de ces travaux et se focalise sur le fétichisme comme rapport magique à l’objet en se fondant essentiellement sur les articles d’Ellen (1988) et Silva (2013) . 5

3.3.1. Roy Ellen : le fétichisme comme processus cognitif universel

L’anthropologue Roy Ellen a apporté une contribution majeure au concept de fétichisme dans son article intitulé Fetishism (1988) où il ne tente pas réhabiliter le concept en anthropologie mais plutôt de « disséquer la structure cognitive de la catégorie [de phénomènes] impliquée dans son usage » (p.232). Ainsi, en s’appuyant sur les littératures anthropologique, marxiste et psychanalytique, il propose une décomposition du processus de fétichisation des objets. Le processus s’amorce à partir d’un percept, c’est-à-dire un stimulus externe apparaissant dans la conscience d’un individu. Le percept serait par la suite associé à une abstraction pour devenir un

« reifact ». Ce reifact serait ensuite « iconifié », puis fétichisé. Plus précisément, Ellen dégage quatre processus cognitifs sous-jacents à la génération de représentations culturelles (souvent

Les travaux de Pietz (1985, 1987, 1988) et de Graeber (2005) par exemple sont centrés autour du fétichisme en tant qu’institution

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sociale. Dans sa série d’articles The problem of the fetish (1985, 1987, 1988), Pietz propose un retour sur le contexte historique de la création du concept de fétichisme, ainsi qu’une réévaluation du rôle social des fétiches en Afrique de l’Ouest. La question de la

« matérialité » constitue la thématique centrale des travaux de Pietz. La « matérialité » renvoie à la manière dont les objets sont

Cette approche réfute l’idée d’un fétichisme comme un mode de pensée primitif et exclusif — c’est-à-dire constituant en lui-même un système de croyances totalisant, comme le suggérait la « proto-ethnologie ». Le fétichisme serait un processus cognitif pouvant émerger et perdurer dans toutes sortes de systèmes de croyances. En cela, cette approche du fétichisme s’aligne notamment avec celle de Durkheim (le « totémisme individuel » ; 1912). De plus, Ellen parvient à surmonter les connotations négatives du fétichisme pour en faire un phénomène cognitif positif et universel.

L’objectif de l’analyse d’Ellen est explicitement d’aboutir à un modèle cognitif censé sous-tendre toute forme de fétichisme (religieux et sexuel notamment). Ce modèle paraît donc particulièrement adapté à l’analyse des phénomènes de consommation contemporains (Belk et al. 1989 ; Fernandez et Lastovicka ; 2011).

3.3.2. Silva : le fétichisme comme condition de l’action humaine

Silva (2013) propose une approche rénovée du concept néo-marxiste de réification pour développer une conception du fétichisme comme négociation d’un pouvoir — magique — avec un objet réifié.

Silva part du constat que les fétiches présentent une diversité impressionnante, qu’il s’agisse de leur nature, de leur forme ou de leurs attributs fonctionnels. Ils ne partageraient pas de « statut ontologique » mais ils auraient en commun d’être tous sans exception des « reifacts ». La définition de la réification de Berger et Luckmann (1966) constitue donc le point de départ du travail conceptuel de Silva.

« La réification est l’appréhension d’un phénomène humain en tant que chose, c’est-à-dire en des termes non-humains ou même supra-humains. On peut exprimer cela d’une autre manière en disant que la réification est l’appréhension des produits de l’activité comme s’ils étaient autre chose que des produits humains — par exemple, des faits de la nature, le résultat de lois cosmiques, ou les manifestations d’une volonté divine. La réification implique que l’homme est capable d’oublier sa propre création du monde humain, et même davantage, que la dialectique entre l’homme, la production, et son produit, est perdue pour la conscience. Le monde réifié est, par définition un monde déshumanisé. » (1966, p.

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Cette définition fondamentale est reprise par Silva pour élaborer sa propre conception de la réification comme fondement du fétichisme . Cette conception se fonde sur trois dimensions : 6 l’appréhension de phénomènes humains en tant que choses, l’occultation de l’origine humaine de ces phénomènes et l’aliénation — à comprendre comme dépossession — de l’être humain vis-à-vis de ses propres créations. L’approche de la réification selon Silva diffère de celle de Berger et Luckmann au niveau de leurs conclusions concernant l’influence de la réification sur la vie humaine. Alors que ces derniers déplorent le développement d’un monde déshumanisé — en ligne avec la pensée néo-marxiste —, un monde de « choses », Silva considère que ces « choses » (c’est-à-dire des grandes abstractions structurantes telles que Dieu, l’Etat, le Mariage, la Morale, etc.) sont loin d’être inertes et constituent même une condition de l’action humaine. Pour démontrer cela, elle opère un rapprochement théorique entre la réification et l’animation (i.e. l’attribution à des objets de caractéristiques propres aux êtres vivants) qu’elle fonde sur le travail de Roy Ellen (1988). Ce rapprochement la conduit à prendre en considération le concept de fétichisme (en tant

« qu’animation d’un reifact ») comme pivot de son raisonnement. Silva propose de dépasser l’approche essentiellement linéaire d’Ellen et remet en question le lien que ce dernier conçoit entre réification et animation. Selon Silva, ces deux phénomènes sont profondément intriqués : toute réification implique dans une certaine mesure une forme d’animation — voire de personnification

— des choses réifiées. Silva postule donc l’unité, la simultanéité de ces deux phénomènes en se basant sur son terrain ethnographique.

Le lien théorique que démontre Silva entre réification et fétichisme lui permet d’aboutir à une redéfinition du fétichisme selon une approche anthropologique symétrique (inspirée des travaux de Bruno Latour ), dépassant une perspective néo-marxiste empreinte de son idéologie politique. 7

Il est important de noter qu’à l’instar de Berger et Luckmann (1966), Silva considère la réification comme un phénomène universel.

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De cette hypothèse découle toute sa démarche anthropologique. Elle procède à une démarche inverse à celle de Marx (1867) : elle transpose un concept — la réification — initialement issu de l’économie politique vers le champ de l’ethnologie. A travers le prisme de la réification, elle propose une étude des croyances religieuses de populations du nord-ouest de la Zambie qui lui permet d’aboutir à des perspectives nouvelles sur le fétichisme et de régénérer ce concept.

Dans le contexte du fétichisme, une approche anthropologique symétrique permet de comprendre le fétiche comme un quasi-objet,

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« Dans une perspective positive et symétrique, la réification (redéfinie comme fétichisme) se décrit le mieux en des termes non critiques et non partisans comme un acte d’investissement d’un pouvoir dans le monde dans l’espoir d’en assurer une forme de contrôle. » (2013, p.89 ; traduction de l’auteur ) 8

Il est très intéressant de constater comment la pensée de Silva croise alors celles de Freud ou d’Agamben (1981). Ces auteurs ont en commun d’observer la nature profondément paradoxale du fétichisme et d’en dévoiler son véritable cœur : le fétichisme consiste en l’abandon de quelque chose pour mieux le posséder. Le fétichiste sexuel abandonnerait par exemple sa puissance sexuelle pour l’investir dans un fétiche qui lui permet de la redéployer plus fortement encore (Freud, 1927).

Le poète abandonnerait son humanité pour l’investir dans son œuvre, de sorte à ce que son art soit d’autant plus humain — voire surhumain (Agamben, 1981). De la même manière, le fétichiste religieux abandonnerait sa capacité à agir sur certains aspects de la vie pour investir un fétiche du pouvoir à influencer ces choses. En manipulant le fétiche, le fétichiste retrouverait une sensation de contrôle sur ces choses. La définition de Silva implique néanmoins que le fétichisme n’opère que dans des domaines où règne une forme d’incertitude car elle postule que le fétichisme a pour but ultime de « contrôler ». Silva développe une perspective du fétichisme comme vecteur d’espoir et comme praxis en vue de mettre la main sur un pouvoir perdu ou inaccessible. La perspective de Silva est ici fondamentale de par le lien théorisé entre fétichisme, volonté de concrétiser des aspirations et élan vers la transformation — personnelle voire sociale. Silva insiste d’ailleurs sur ce point : « nous fétichisons lorsque nous voulons accomplir un objectif » (p.91), et ce, dans une optique de transformation, de guérison, de contrôle, etc. Il est important de souligner également que l’adoption d’une telle perspective ne peut se faire que dans la tentative de dépassement du « grand Partage » (Latour, 1991), c’est-à-dire en l’occurrence la séparation stricte du sujet de l’objet. Silva postule que les objets peuvent être « sujets » de par la manière dont ils sont conscientisés par les êtres humains et de par leur influence concrète sur leurs comportements. La présente recherche s’inscrira dans cette perspective (sans néanmoins en discuter les soubassements épistémologiques) en considérant que dans la société contemporaine, les produits sont investis d’un pouvoir de la part des consommateurs notamment par le biais des actions marketing.


« In positive symmetrical perspective, reification (redefined as fetishism) is best described in non-judgmental and non-partisan

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terms as an act of invested engagement in the world in the hope of ensuring some measure of control. »

Tableau 0.3. Tableau synoptique de la section 3.

Auteurs Champ disciplinaire Courant de recherche prolongé

Courant de recherche confronté

Emile Durkheim (1912) Sociologie de la religion Durkheim, l’un des pères fondateurs de la sociologie

Jean Baudrillard (1970) Philosophie Baudrillard a écrit un bref essai sur le fétichisme,

Sonia Silva (2013) Anthropologie Silva s’inscrit dans une

Tableau 0.4. Tableau récapitulatif des contributions au concept de fétichisme

Auteurs Champ disciplinaire Contribution à la théorie du

fétichisme

David Hume (1751) Philosophie de la religion Caractère instrumental du fétiche Lien entre fétichisme et « crainte » Charles De Brosses (1760) « Proto-ethnologie » Création du néologisme

« fétichisme »

Variété des formes de fétiches Emmanuel Kant (1793) Philosophie de la religion Caractère instrumental et

aspirationnel du fétichisme Le fétichisme comme « religion » amorale

Georg W. Friedrich Hegel (1831) Philosophie de la religion Variété des formes de fétiches Caractère instrumental du fétiche Auguste Comte (1844) Philosophie de la religion Le fétiche comme source d’énergie

Caractère aspirationnel du fétiche Edward Tylor (1871) Anthropologie Légitimation (temporaire) du concept

du fétichisme en ethnologie Survivance moderne des fétiches Karl Marx (1867) Economie politique Caractère fétichique de la

marchandise

La fétichisme de la marchandise comme mystication et aliénation de l’être humain

Alfred Binet (1887) Sexologie Le fétichisme comme perversion sexuelle

Existence d’un fétichisme « normal » et d’un fétichisme pathologique Emile Durkheim (1912) Sociologie de la religion Variété des formes de « totems

individuels »

Variété des pouvoirs des « totems individuels »

Survivance des « totems individuels » dans les sociétés modernes

Sigmund Freud (1927) Psychanalyse Le fétichisme comme déviation de la pulsion sexuelle

Le fétichisme comme réponse à l’angoisse de castration

Jean Baudrillard (1970) Philosophie Le fétichisme comme sacralisation du système et du « code »

Le produit investi d’un pouvoir par les consommateurs et les fabricants Roy Ellen (1988) Anthropologie Perspective du fétichisme comme une

combinaison logique de processus

Sonia Silva (2013) Anthropologie Le fétichisme comme condition de l’action humaine

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Conclusion du chapitre préliminaire

Ce chapitre a introduit une revue de la littérature pluridisciplinaire relative au concept de fétichisme. Les racines pré-ethnologiques du concept ont significativement influencé ses différentes conceptualisations subséquentes en le liant durablement à l’aliénation de l’être humain. Cette revue de littérature a été présentée selon une logique généalogique, en commençant par discuter les origines philosophiques et pré-ethnologiques du concept pour ensuite présenter ses différents développements dans les autres champs académiques, en marketing notamment. La présentation de la genèse du concept et de ses différentes reprises nous ont permis de mettre en valeur les grands enjeux théoriques qu’il a suscité au sein de différentes traditions intellectuelles. Au cours du XVIIIème siècle, explorer les phénomènes relatifs au fétichisme revenait à questionner les origines de la religion et de l’être humain dans le cadre de la philosophie des Lumières (Hume, 1751 ; De Brosses, 1760 ; Kant, 1793). Cet enjeu théorique fondamental s’est transformé au cours du XIXème siècle. S’il est toujours associé à une pensée primitive, le fétichisme fut mobilisé pour comprendre plus généralement le rapport de l’être humain — « primitif » ou moderne — au monde. Le fétichisme, repris par Marx (1867) Binet (1887) et Freud (1905, 1927), a connu une popularité nouvelle au XXème siècle. Sous leur impulsion, dans un troisième mouvement, le fétichisme est conçu comme une caractéristique universelle de l’être humain — observable à des degrés normaux ou pathologiques — et questionne un aspect essentiel de l’existence humaine : la manière dont l’être humain est capable de transformer la réalité grâce à sa capacité à investir des significations dans les choses matérielles ou immatérielles. Les approches marxiste et freudienne ont nourri de nouvelles approches en anthropologie, concevant le fétichisme comme un élan humain universel, permettant l’humanisation du monde et la réalisation des aspirations personnelles.

La présentation généalogique du concept de fétichisme a permis de mettre en valeur l’intrication des

La présentation généalogique du concept de fétichisme a permis de mettre en valeur l’intrication des

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