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La méthodologie de l’étude qualitative exploratoire

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 162-169)

fétichisme dans le contexte de la consommation contemporaine

Section 1. La méthodologie de l’étude qualitative exploratoire

Cette section vise à présenter le dispositif méthodologique que nous avons déployé en vue de la réalisation de l’étude qualitative. Nous présentons notre échantillonnage, les caractéristiques de notre échantillon ainsi que le mode d’administration de l’étude. Ensuite, nous nous attarderons sur la manière dont l’étude a été mise en œuvre pour faire émerger les résultats présentés dans la section 2.

1.1. Le choix d’une étude qualitative par entretiens semi-directifs

L’étude exploratoire vise à cerner un peu mieux les manifestations du fétichisme dans le contexte de la consommation contemporaine. La question centrale de l’étude relevant des motivations et croyances profondes du consommateur, une méthodologie qualitative nous paraissait particulièrement adaptée. Nous avons fait le choix d’entretiens individuels en supposant que le sujet des croyances magiques et religieuses des individus appartient au domaine de l’intime, qu’il peut être jugé embarrassant par les répondants. L’entretien individuel apparaissait donc comme la technique de collecte de données qualitatives la plus pertinente (Jolibert et Jourdan, 2006). Les entretiens individuels sont particulièrement efficaces lorsque le sujet de la recherche nécessite une forte introspection (Jolibert et Jourdan, 2006). Ce choix méthodologique paraissait donc adapté pour garantir un peu mieux la sincérité des réponses des répondants.

Nous avons également fait le choix de la semi-directivité pour les entretiens car nous disposions de thèmes a priori que nous souhaitions aborder avec l’ensemble des répondants. La semi-directivité est recommandée lorsque le chercheur souhaite faire émerger des informations mieux ciblées et plus précises (Jolibert et Jourdan, 2006). Nous avons construit un guide d’entretien, inspiré par la littérature pour structurer les entretiens et collecter les données désirées.

1.2. L’élaboration du guide d’entretien

L’objectif des entretiens semi-directifs était de faire émerger des informations sur un certain nombre de thèmes précis. Nous avons donc construit un guide d’entretien pour recueillir ces informations 161

plus nous avons d’abord souhaité faire discuter les répondants sur les grandes activités importantes dans leur vie. Le fétichisme et la pensée magique étant vraisemblablement liés à des domaines importants de l’existence (e.g. Fernandez et Lastovicka, 2011 ; Malinowski, 1935), le récit des activités centrales dans la vie des répondants et de leurs conditions matérielles permettait d’amener la question de l’existence de fétiches. Les fétiches sont parfois constitués de manière implicite, sans forcément y croire (en tant que semi-croyance ; Campbell, 1996) et ne sont pas nécessairement considérés comme des « objets-fétiches » par les répondants eux-mêmes. Dans ce cas, poser la question de la possession de fétiches n’aboutit donc pas forcément à une réponse satisfaisante. Par conséquent, nous avons opté pour cette approche progressive visant à identifier les activités importantes pour le répondant pour ensuite leur permettre d’expliciter leurs relations aux objets leur permettant de mener à bien ces activités.

La question d’amorce de l’entretien concernait donc les activités importantes du répondant. Cette question, par sa simplicité, permettait en outre de susciter un récit spontané à même d’aider le répondant à se sentir plus à l’aise face au chercheur (Jolibert et Jourdan, 2006).

Nous avons abordé les différentes modalités de pensée magique mobilisées par les répondants dans leur vie quotidienne : la superstition, la religion, la spiritualité, l’animisme, le fétichisme, la croyances dans les phénomènes paranormaux ou la notion de destin. Nous souhaitions évaluer s’il existait une sorte d’interaction entre ces différentes modalités, par exemple si l’adhésion à l’une de ces modalités de la pensée magique entrainait les autres (dans le cadre d’une sensibilité globale vis-à-vis de la pensée magique) ou s’il existait une relation « compensatoire » entre ces modalités (par exemple, « je crois en Dieu, par conséquent, je n’ai pas besoin de créer des fétiches »).

Nous avons également proposé aux répondants de mener une introspection en rapport avec leur spiritualité. Nous leur avons demandé de définir le terme et de déterminer dans quelle mesure ils se sentaient spirituels selon leur propre définition et selon une définition « profane » et simplifiée que nous leur avons proposé (« la préoccupation personnelle pour des questions existentielles », inspiré par les réflexions de Saroglou [2003]).

Le guide d’entretien comprenait un thème en rapport à l’adhésion aux valeurs matérialistes. Une nouvelle fois, nous avons fait en sorte que les répondants définissent eux-mêmes le terme et nous

leur avons proposé un travail introspectif visant à déterminer s’ils se considéraient comme matérialistes. Pour compléter notre compréhension de leur rapport au matérialisme, nous avons inclus un thème en rapport avec leur vision personnelle de ce qu’ils considèrent comme « une vie bien réussie » pour déterminer si cette vision comprend la possession de biens ou l’accès une situation professionnelle permettant l’accumulation des biens. Cette démarche devait nous permettre d’évaluer les liens existant entre le matérialisme, la spiritualité et les croyances magiques des répondants.

Enfin, nous avons également fait en sorte d’éclairer les sources d’angoisse des répondants et leur manière de les affronter. Il s’agissait de faire discuter les répondants sur des activités ou des objectifs personnels qui constituent des zones d’incertitude favorables à la création de fétiches.

Nous avons également déterminé si les répondants se considéraient généralement optimistes ou pessimistes et plus précisément vis-à-vis de ce qui les angoisse. La discussion des activités importantes et des sources d’angoisse des répondants nous a permis d’identifier les objets faisant partie intégrante de ces activités et servant à atténuer les angoisses du répondant. Nous avons focalisé notre attention sur les sources d’angoisse des répondants en nous fondant sur les littératures traitant de fétichisme et de pensée magique. Ces littératures soulignent que ces phénomènes apparaissent principalement en rapport avec la crainte, le doute et le besoin de contrôler des évènements incertains (e.g. Bergson, 1932 [2006] ; De Brosses, 1760 ; Frazer, 1890 ; Hegel, 1831 ; Hume, 1757 ; Malinowski, 1935 ; Saint-James, Handelman et Taylor, 2011, Silva, 2013).

1.3. La constitution et les caractéristiques de l’échantillon

La constitution de l’échantillon s’est fondée sur le postulat central de l’universalité de la pensée magique. Nous avons postulé que tous les répondants n’étaient pas nécessairement engagés dans une relation fétichiste à une possession mais étaient probablement tous plus ou moins sensibles à l’une des modalités de la pensée magique (Saint-James, Handelman et Taylor, 2011). Nous n’avons donc pas constitué un échantillon en essayant de sélectionner des individus sur la base d’un fétichisme déclaré (ce type de croyances magiques n’étant pas nécessairement assumé ou socialement accepté au sein de la société contemporaine ; Campbell, 1996 ; Saint-James, Handelman et Taylor, 2011). Nous avons postulé que cette approche non-sélective en termes de 163

fétichisme nous permettrait de comparer une diversité de situations et de relations à la pensée magique et ainsi d’évaluer la manière dont le fétichisme émerge ou non au regard de l’existence d’autres manifestations de la pensée magique. Nous avons également considéré que les variables socio-démographiques n’avaient pas d’impact déterminant sur le recours à la pensée magique. A notre connaissance, aucune recherche ne suppose un lien entre l’âge, le sexe ou le revenu avec le recours à la pensée magique ou au fétichisme. Ainsi, nous avons fait le choix de construire notre échantillon par convenance, en intégrant majoritairement des étudiants de l’université Paris-Dauphine par le biais du laboratoire expérimental de l’institution (12 répondants sur 19, soit 63% de l’échantillon). L’échantillon comprend une petite majorité de femmes (12 femmes pour 7 hommes, soit 63% de l’échantillon). Néanmoins, pour s’assurer que l’âge ou la situation professionnelle n’avait pas d’impact important sur le recours à la pensée magique, nous avons également recruté trois jeunes actifs (26, 27 et 29 ans, deux d’entre eux étant salariés et le dernier exerçant une profession libérale), ainsi que quatre répondants salariés de 48 à 60 ans.

Nous avons enregistré et retranscrit environ 20 heures et 40 minutes d’entretien. Les entretiens ont duré entre 29 et 105 minutes . Les entretiens avec les étudiants se sont tous déroulés en face à face, 22 dans la salle d’entretien du laboratoire expérimental de l’université Paris-Dauphine. Certains entretiens (Thomas, Jérôme, Florence et Anne) ont été menés au domicile des répondants. Enfin d’autres entretiens (Olivier, Aïcha et Nour) ont été menés sur le lieu de travail des répondants. Nous avons rapidement abouti à des informations redondantes, notamment concernant la mobilisation des modalités de la pensée magique et la posture vis-à-vis des valeurs matérialistes. Au bout du quinzième entretien (tous les entretiens ayant été menés avec les étudiants et les jeunes actifs), nous avons considéré avoir atteint un point de saturation des données (Glaser et Strauss, 1967). Nous avons néanmoins prolongé l’étude en incluant quatre personnes plus âgées pour confirmer que les données étaient bien saturées, même en prenant compte d’une tranche d’âge supérieure. Nous avons reporté dans le tableau 3.1. les informations essentielles concernant les répondants de l’étude.

La mobilisation des ressources du laboratoire expérimental, la salle d’entretien notamment, a plus ou moins imposé une durée

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Tableau 3.1. Profil des répondants de l’étude qualitative

Adèle 20 Etudiante Famille

1.4. Méthode d’analyse des données

Afin de dégager des thèmes analytiques, nous avons fait le choix de recourir à l’analyse de contenu.

Selon Weber (1985), cette méthode consiste en une « procédure de réduction des données qui consiste à classifier dans un nombre restreint de catégories un grand nombre de mots ou d’expressions ». Nous avons choisi comme unité d’analyse le thème plutôt que le mot ou la phrase.

Selon les recommandations de Bardin (2001), nous avons procédé en trois étapes. Nous avons d’abord découpé les textes en unités d’analyse, nous les avons ensuite catégorisées pour ensuite les analyser. Nous disposions d’une grille de thèmes a priori inspirée de la littérature. Cette grille a évolué par itérations successives, au fur et à mesure de son enrichissement par les données. Ainsi, quelques nouveaux thèmes se sont ajoutés aux thèmes initiaux. Lors de l’analyse, les thèmes ont été fusionnés selon des catégories cohérentes en termes de sens.

Nous avons suivi les recommandations de Weber (1985) concernant l’analyse des données qualitatives. Concernant la constitution de la grille, nous nous sommes efforcés de suivre les règles d’objectivité, d’exhaustivité et non-ambiguïté.


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