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CHAPITRE 1 PROBLEMATIQUE ET OBJET DE RECHERCHE

1.2. Objet de recherche

Dans ce contexte, notre objet de recherche porte plus particulièrement sur les pratiques de

conception dans le contexte d’utilisation des TICE.

Pour Charlier (2000), l’évolution des pratiques de conception d’un enseignant dans un

contexte d’utilisation des TICE « peut concerner ses routines, ses décisions de planification

ou ses connaissances, de même que les actions mises en oeuvre, les interactions avec les pairs

et la réflexion exercée sur l'action».

Nous nous intéressons plus particulièrement aux changements induits lors de la phase de

planification et nous constatons que, dans ce processus de préparation de la situation

d’apprentissage, l’enseignant est amené à définir plus précisément les activités, les acteurs, les

ressources produites et utilisées et les interactions qu’ils entretiennent entre eux.

La tâche de conception sort de la sphère individuelle dans la mesure où l’on en partage le

résultat sur Internet, notamment au sein de communautés de pratiques et de sites thématiques

ou disciplinaires.

Cette mutualisation et ce partage de pratiques donnent lieu à la mise en commun sur des

banques de description de déroulement d’activités, ou de ressources ainsi que d’un ensemble

d’informations de type métadonnées. Ces descriptions sont nommées «scénarios» ou

« séquences», ou lesson plans en anglais (Leleu-Merviel et al, 2002). Ces scénarios sont sous

forme écrite, soit narrative, soit structurée via des fiches descriptives et intègrent les TICE

comme supports ou ressources.

Or, des travaux ont montré qu’il existait un problème de réutilisation de ces scénarios au

sein de ces communautés (Roberston, 2006). Si le partage est désormais évident, la

réutilisation ne l’est pas. Un travail exploratoire sur les pratiques de conception avec des

enseignantes participant au projet cartable électronique de l'Isère avait permis de souligner

l'intérêt dans leur pratique de la réutilisation, mais aussi ses difficultés et ses limites : pour ces

enseignantes, les scénarios disponibles sont constitués d'une trop grande masse de ressources

au détriment d'informations sur la mise en œuvre avec les élèves (quels sont les éléments de

réussite ? pour quel type de public ? etc.). La forme descriptive, si détaillée soit-elle, brouille

les composants du scénario susceptibles d'être réinvestis dans un autre contexte ou d'enrichir

des pratiques d'autres enseignants. Cette constatation est renforcée par l'étude menée par

(Sierra et Peraya, 2002) qui montre que les scénarios, accordant une place centrale au

contenu, donnent alors moins d'informations sur l'enchaînement des activités et sur

l'organisation générale des ressources, services et acteurs. Cette centration sur les ressources

elles-mêmes rend ainsi difficile une réutilisation dans un autre contexte.

Une récente recherche de Paquette (2005) sur la réutilisation des objets d’apprentissage,

fait le point sur les critères de réussite d’une réutilisation du contenu : « L’important dans une

réutilisation réussie est le choix des activités à réaliser et leur agencement dans des scénarios

d’apprentissage adaptés aux objectifs de compétence et aux écarts entre ceux-ci et la

compétence actuelle des apprenants. La réutilisation des objets de connaissance déplace

l’emphase des médias et des documents vers l’interaction des acteurs avec les objets, vers la

communication entre les acteurs lors de la réalisation des activités. ». La réutilisation s’inscrit

dans une réflexion pédagogique, non plus seulement sur la production de ressources, mais

également sur la diffusion et l’essaimage de savoirs-faire pédagogiques.

L’objet de la recherche se pose en termes de définition des modalités et des conditions

favorables à la réutilisation des scénarios. La réutilisation d’un scénario pédagogique peut

partir d’un besoin (gain de temps, apport d'idées nouvelles, découvertes de nouvelles

approches pédagogiques, enseignant en formation, etc.). Mais pour certains auteurs, il faut

également que les conditions favorables soient réunies. Cromier et Herandez (2006) ont

montré que la réutilisation des objets pédagogiques nécessitait la convergence de quatre

conditions, que nous pouvons par extension appliquer aux scénarios : il faut qu’ils existent, il

faut être ouvert à les réutiliser, il faut qu’ils soient réutilisables et il faut être capable de les

réutiliser. Une autre condition que nous pourrions ajouter : il faut aussi que l’on puisse

« trouver » les scénarios qui nous intéressent, ce qui pose le problème de l’indexation. Nous

laissons dans le présent travail cette question de côté.

Nous interrogeons les trois dernières conditions dégagées par Cromier et Herandez (2006)

et nous essayons d’en proposer une interprétation afin d’en dégager notre problématique de

recherche.

1

re

condition : être ouvert à réutiliser des scénarios pédagogiques

Cette condition peut signifier que l'enseignant ou le concepteur a le sentiment que la

conception pédagogique peut se concevoir comme un échange formalisé de pratique et peut se

partager au sein d’une communauté. Fonctionnant sur des relations de confiance et de

réciprocité, l'appartenance à une communauté donne un sens et un cadre rassurant à la

réutilisation. Mais en même temps réutiliser implique de se confronter à une autre manière de

faire, à une pratique à la fois proche et lointaine, à d'autres approches pédagogiques, à

d’autres contextes culturels comme dans le cas de réutilisation, par des enseignants français,

de banques québécoises de scénarios par exemple.

Nous laissons de côté cette condition pour la suite de notre recherche car elle nécessiterait

de mener une étude sociologique sur les différentes communautés de pratique et d’engager

une étude comparative sur la dimension culturelle de la réutilisation.

2

ème

condition : des scénarios réutilisables

Le concept de réutilisabilité est souvent abordé d’un point de vue technique. Or, nous

proposons de l’aborder du point de vue de sa dimension pédagogique et de son format

d’expression. Quatre critères peuvent être mis en avant pour définir sous ces aspects la

réutilisabilité d'un scénario pédagogique : sa formalisation, son degré d'abstraction, sa

capacité à donner des clés pour son adaptation et sa capacité à expliciter les choix

pédagogiques sous-jacents. Le scénario doit être exprimé de manière formalisée c'est-à-dire

structuré selon des règles et un langage (vocabulaire) qui permettent de dégager l'ossature du

scénario pédagogique, si l'on enlève le contexte et le contenu. Il doit aussi pouvoir offrir des

clés pour qu'il puisse être adapté à un autre contexte et à un autre contenu, notamment des clés

concernant l’approche pédagogique choisie.

L’étude des travaux actuels sur la formalisation réalisée au chapitre 4permettra de faire un

état des lieux des propositions actuelles.

3

ème

condition : être capable de les réutiliser

La dernière condition est la capacité de l'enseignant ou du concepteur à réutiliser les

scénarios. Cette capacité peut être liée au contexte socio-affectif de l’enseignant et à ses

compétences propres. Mais elle peut aussi être aussi extrinsèque en partie à l’enseignant et

inhérente aux scénarios eux-mêmes. Cette remarque rejoint la précédente sur la nécessaire

formalisation des scénarios, mais pose en plus la question du soutien à l’adaptation des

scénarios pour en permettre une meilleure réutilisation.

Les problèmes de réutilisation des scénarios pédagogiques posent donc nécessairement

celui de leur contenu et de leur présentation. En effet qu’est-ce qui rend un scénario

réutilisable, de quelle façon faut-il le formaliser pour qu’il soit compréhensible et générique ?

De plus si l’on doit conseiller pour la réutilisation, quels sont les principes qui sous-tendent

les scénarios et qu’il faut rendre évidents ? Quels scénarios existants pourraient servir de

modèles pour une réutilisation ? Enfin comment peut-on décrire la tâche de planification et de

réutilisation d’un scénario et comment pourrait-on définir un environnement de soutien à cette

tâche ?

La revue de ces conditions et leur analyse nous permettent de formuler plus précisément

notre question, notre hypothèse et notre objectif de recherche.